Remarquons bien qu’il ne suffisait pas que le corps fût mis en terre. […] Mais il ne suffisait pas d’engendrer un fils. […] Le lien du sang ne suffit pas pour établir cette parenté, il faut le lien du culte. […] Il ne lui faut rien du dehors ; elle est un État organisé, une société qui se suffit. […] L’énoncé de la loi ne suffisait pas.
Cette nouvelle m’a d’abord suffi pour prendre bonne opinion du livre de M. […] Le temps qui m’avait épargné avait suffi à dissoudre le corps charmant auquel je m’étais tant de fois éperdument enlacé ! […] Il suffit d’examiner le compte rendu d’une grande séance de la Chambre rapporté par deux journaux d’opinions opposées, pour voir que la sténographie elle-même n’est pas toujours impartiale. […] Un adverbe suffit pour nous retirer cette illusion, j’allais dire cet espoir, je le trouve dans un alinéa de sa préface. […] Il suffit de lire ce qui a été écrit sur ce grand homme d’esprit, au lendemain de sa mort.
Les simples exhalaisons de cloaques ne suffisent plus. […] Expositions artistiques, concerts, théâtre et livres, fussent-ils si extraordinaires, ne suffisent toutefois pas aux besoins esthétiques de la société élégante. […] Les dégénérés et les aliénés sont le public prédestiné de Schopenhauer et de Édouard de Hartmann, et il leur suffit de connaître le bouddhisme pour y être convertis. […] L’observation psychiatrique se contente de décrire cet état d’esprit et d’établir son existence chez les dégénérés et les hystériques ; mais cela ne suffit pas. […] Si cela ne suffit pas aux néo-catholiques, ils n’ont qu’à s’asseoir et à chercher eux-mêmes de nouveaux faits qui les aideront à éclaircir les ténèbres angoissantes du phénomène cosmique.
Il est vrai que la distinction des déclinaisons doit résulter des différences de la totalité des cas ; mais ces différences suivent exactement celles du génitif, & par conséquent ce cas seul peut suffire pour caractériser les déclinaisons. […] Il ne suffit pas de connoître les mots & leur construction méchanique, pour entendre les livres écrits en une langue ; il faut encore donner une attention particuliere à toutes les correspondances des parties du discours, & en observer avec soin tous les effets. […] Il ne suffit pas, pour exprimer une pensée, d’accumuler des mots indistinctement : il doit y avoir entre tous ces mots une corrélation universelle qui concourre à l’expression du sens total. […] En un mot, il peut se trouver des hétérogenes dans toutes les langues qui admettent la distinction des genres ; la seule stabilité de l’usage suffit pour y en introduire. […] Mais pour ce qui concerne la seconde personne au singulier, & les deux premieres au pluriel, la suppression même des pronoms, qui sont nécessaires partout ailleurs, me paroît être une forme caractéristique du sens impératif, & suffire pour en constituer un mode particulier ; comme la différence de ces mêmes pronoms suffit pour établir celle des personnes.
Demandez aux peintres, même vulgaires, si l’imitation la plus exacte des formes suffit pour réaliser cette expression caractéristique du visage qui est la ressemblance. […] Or il ne suffit pas d’assurer l’indépendance des personnalités, il faut que la philosophie pose les bases de leur association. […] Certains jugements accrédités impliqueraient que la multiplicité des préceptes, l’étroite observance de la règle, suffisent à faire l’homme de génie ou l’homme vertueux. […] Les Alpes et la Méditerranée bornent mon horizon, et peuvent suffire au plus ambitieux paysagiste. […] Le propre de la science et de l’intelligence pure, c’est de se suffire à elles-mêmes, de se passer du sentiment, d’exclure l’émotion.
Le souvenir représentatif du temps où, si soigneuse de lui, sa mère entrait toujours la première dans sa chambre, suffisait pour créer invinciblement l’illusion. […] L’heureux séjour d’Orphée en Samothrace, son chaste hymen avec Eurydice, ses entretiens avec la Sibylle mourante, son intervention au milieu des farouches combats, son refus de l’amour d’Érigone, ses bienfaits partout présents, sa personne toujours lointaine ou passagère, suffiraient à justifier les naïves paroles dans lesquelles le poëte se rend témoignage à lui-même : « Qu’il me soit permis d’affirmer que l’inspiration à laquelle j’obéis est plus près que celle de Virgile des inspirations primitives… Oui, j’ai plus que Virgile, incomparablement plus, le sentiment de ces choses que j’oserai appeler divines. » — « N’y a-t-il pas une voix dans les choses ? […] Jamais il n’eut une parole ni une pensée pour rien demander en retour de son entier dévouement : le plaisir de regarder et d’écouter lui suffisait.
Ampère, les contrastes sont sans doute d’un autre ordre ; mais ce qu’il suffit d’abord de dire, c’est qu’ici la vanité du moins n’a aucune part, et que si des faiblesses également y paraissent, elles restent plus naïves et comme touchantes, laissant subsister l’entière vénération dans le sourire. […] J’ai lieu de croire que la vengeance nationale, dont je suis une des plus innocentes victimes, ne s’étendra pas sur le peu de biens qui nous suffisait, grâce à la sage économie et à notre frugalité, qui fut ta vertu favorite…. […] Admirable jeunesse, âge audacieux, saison féconde, où tout s’exalte et cœxiste à la fois, qui aime et qui médite, qui scrute et découvre, et qui chante, qui suffit à tout ; qui ne laisse rien d’inexploré de ce qui la tente, et qui est tentée de tout ce qui est vrai ou beau !
Quelquefois, un seul coup de vent suffit pour tout changer. […] Il suffira de nous rabattre à quelques points précis et moins illustrés. […] Les années qui suivent, et où se rassemble avec redoublement son reste de jeunesse, suffisent à peine, ce semble, à tant d’emplois divers d’une verve continuelle et en tous sens exhalée : journaliste, romancier, bibliophile toujours, dramaturge quelque peu et très-assidu au théâtre, témoin aux cartels, tout aux amis dans tous les camps, improvisateur dès le matin comme le neveu de Rameau.
Ces modiques domaines, augmentés sans doute de quelques milliers de sesterces accumulés par son père et soustraits à la déprédation des triumvirs, étaient loin de suffire à un jeune homme de vingt-quatre ans qui ne voulait pas alors flatter les vainqueurs ; il restait fidèle à la république autant qu’on pouvait l’être en vivant sous la loi des héritiers de César ; il composait des satires mordantes dans lesquelles les vices et les ridicules des vainqueurs ou de leurs amis étaient livrés à la malignité du peuple romain. […] Huit esclaves, hommes, femmes ou enfants, suffisaient sous ses lois à la culture et à l’exploitation rurale de sa petite ferme. […] Il lui suffisait du plaisir de les écrire et d’en amuser un souper de Mécène ou d’Auguste quand il retrouvait ses puissants amis à Rome.
Je n’aspirais pas au génie, l’âme me suffisait ; tous mes pauvres vers n’étaient que des soupirs. […] L’ombre de ce détachement suffit pour arrêter les révolutionnaires carbonari de Rome et des États du Pape. […] Mais si l’usage de tous les temps et le bon sens de tous les peuples ne suffisaient pas pour établir ici cette distinction entre le poète et le héros, M. de Lamartine avait pris soin de l’établir d’avance dans la préface même de son ouvrage. « Il est inutile, dit-il, de faire remarquer que la plupart des morceaux de ce dernier chant de Childe Harold se trouvent uniquement dans la bouche du héros que, d’après ces opinions connues, l’auteur français ne pouvait faire parler contre la vraisemblance de son caractère.
Il suffit de nommer Scarron, le burlesque incarné, qui eut en ce temps-là tant d’admirateurs, de rivaux et d’imitateurs. […] § 2. — Mais il ne suffit pas de constater cette marche simultanée dans le même sens. […] Aussi quand Mme de Staël écrivit son livre De l’Allemagne, où elle soutenait des théories peu classiques, où elle rendait justice à un peuple en guerre avec la France, les ciseaux des censeurs commencèrent par pratiquer d’abondantes coupures, et, comme cela ne suffisait pas encore, le livre fut mis au pilon et l’auteur prié de s’exiler.
Et le jeune artiste à peine issu des chansons et des marcias de Lohengrin, comment verrait-il qu’à dire un tel ordre d’émotions suffiraient les quatre archets enseignés depuis Beethoven à traduire toutes musiques ? […] Les vers du Rheingold et ceux de la Walküre sont les plus littérairement beaux qu’ait écrits Wagner ; ils sont beaux jusqu’à se suffire, à être beaux en tant qu’œuvre littéraire et absolument ; combien différents verrons-nous les textes des dernières œuvres ! […] Il suffit de relire les premières pages du Wagner de Suarès pour s’en persuader.
Mais la terre suffit à soutenir la base D’un triangle où l’algèbre a dépassé l’extase… Voici maintenant la vraie inspiration poétique et philosophique tout ensemble : Car de sa vie à tous léguer l’œuvre et l’exemple, C’est la revivre en eux plus profonde et plus ample, C’est durer dans l’espèce en tout temps, en tout lieu C’est finir d’exister dans l’air où l’heure sonne, Sous le fantôme étroit qui borne la personne, Mais pour commencer d’être à la façon d’un dieu ! […] … J’avais bien remarqué que son humble regard Tremblait d’être heurté par un regard qui brille, Qu’elle n’allait jamais près d’une jeune fille, Et ne levait les yeux que devant un vieillard242… Seulement Coppée a trop souvent pensé que, pour trouver le vrai, — à notre époque on le cherche beaucoup, — il suffisait de découvrir et de reproduire le fond effacé et journalier de la vie, en un mot sa banalité ; c’est un peu comme un musicien qui ne donnerait guère d’un air que l’accompagnement, ou un peintre qui s’appliquerait à n’éclairer son tableau que d’une lumière partout unie. […] Le blasphème, qui va de mes lèvres fragiles Jaillir pour me survivre impérissablement, Suffit à m’assurer de ton crucifiement . . . . . . . . . .
Un livre entier ne suffirait pas à les énumérer et à les définir toutes. […] Parce qu’il est celui de tous ces genres de poésie qui se suffit le moins à lui-même, qui vit le moins de sa propre substance, et qui emprunte le plus de secours matériels aux autres arts pour produire son effet sur les hommes. […] Quelle que soit la fécondité de la pensée, l’imagination d’un homme ne suffirait pas à la création de ces multitudes de fables sacrées ou récits populaires.
s’il suffit, pour mériter ce nom de poète, d’avoir écrit spirituellement la satire ou la comédie de son siècle en vers ? […] Il nous suffit aujourd’hui de constater que dans ce siècle de Louis XIV, où le génie français flottait encore indécis entre la servile imitation et l’indépendante originalité, la tragédie imitait et la comédie inventait. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.
Toute l’eau de rose du Bosphore ou de Fontenay-aux-Roses ne suffirait pas à parfumer ce léviathan de la crapule. […] Mais aussitôt qu’il fut mort, l’Angleterre et la France recueillirent avec un engouement passionné ses moindres reliques en vers et en prose. « Donnez-nous du Saint-Évremond, disaient les éditeurs aux auteurs, nous vous payerons ces grâces sans poids au poids de l’or. » Cinq volumes multipliés par d’innombrables éditions suffirent à peine à l’empressement de son siècle. […] Cette femme aurait suffi pour les transfigurer tous les trois.
« Il y a bien des Tourangeaux qui n’ont l’esprit qu’à fleur de tête », a dit un jour Gui Patin dans une de ses gaietés de style : il n’a pas assez compris qu’il suffisait d’un Tourangeau comme Descartes pour ruiner son observation de fond en comble. — En vieillissant, il s’enfonce dans ses idées sans les modifier. […] Qu’il suffise à l’honneur de Gui Patin d’avoir attaché son nom comme signe et comme étiquette caractéristique à une longue époque intermédiaire.
Il ne suffit pas d’avoir ouvert les prisons à un grand nombre de patriotes, il faut maintenant délivrer ceux qui sont prisonniers en eux-mêmes sous les verrous de la peur. […] Examinant chaque question en elle-même sous ces deux rapports, après l’avoir divisée par la plus exacte analyse et la plus déliée ; Interrogeant ensuite les grandes autorités, les temps, l’expérience ; se faisant rendre compte de la jurisprudence ancienne, des lois de Louis XIV, du grand Frédéric… Ce ne sont pas proprement des pages suivies que j’extrais, mais de simples notes que je rejoins, et que j’assemble ; il suffit, toutefois, de les rapprocher, tant elles concordent, pour voir se dessiner cette beauté consulaire dans toute sa vigueur et sa simplicité : Le premier consul n’a eu besoin que de ministres qui l’entendissent, jamais de ministres qui le suppléassent.
Il n’y a aucune raison de récuser le témoignage de cet homme sincère sur lui-même ; il suffit d’en adoucir un peu l’expression et d’y ajouter un sourire. […] Les auteurs chez qui le style et la langue sont admirables, je les aime, je les lis, je les relis avec enthousiasme, je tâche d’entrer dans le sanctuaire de leur pensée et d’en concevoir toutes les beautés ; mais je ne les éditerai jamais, parce que je ne me crois pas assez de pénétration ni assez de science pour suffire à une telle entreprise.