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513. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

J’entends le style fait, achevé, poussé dans la grande voie traditionnelle de la prose française. […] Quelque chose comme un trait d’éloquence en fait monter le style. […] Mais l’exercice quotidien de son Journal lui a servi excellemment d’école de style. […] Ces pages écrites d’abondance et sans rature nous donnent le style même et le mouvement de la pensée. Comparez le style du Journal intime d’Amiel au style du Journal intime de Maine de Biran (les deux ouvrages présentent bien des analogies).

514. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Les principaux traits de cet autre moment si bien rempli furent la suprématie, le culte de l’Art considéré en lui-même et d’une façon plus détachée, un grand déploiement d’imagination, la science des peintures, l’histoire entamée dramatiquement, évoquée avec souffle, comme dans le Cinq-Mars et le Cromwell, la reproduction expressive du Moyen-Age mieux envisagé, de Dante et de Shakspeare compris à fond ; on perfectionna, on exerça le style ; on trempa le rhythme ; la strophe eut des ailes ; on se rapprochait en même temps de la vérité franche et réelle dans les tableaux familiers de la vie. […] Un Mathurin Regnier, qui lui tomba sous la main, lui ouvrit une copieuse veine de style franc et nourrissant qu’il versa sans tarder sur la scène du corps de garde et du cabaret borgne dans Don Paez. […] Ainsi, d’élans en élans, d’émotion en impiété, tout nous mène à la volupté enivrante de la nuit, au meurtre de l’époux, à la volupté encore, sur cette mer de Venise, où reparaissent voguant, pleins d’oubli, le meurtrier aimé et la belle adultère : Peut-être que le seuil du vieux palais Luigi Du pur sang de son maître était encor rougi ; Que tous les serviteurs, sur les draps funéraires, N’avaient pas achevé leurs dernières prières ; Peut-être qu’à l’entour des sinistres apprêts, Les prieurs, s’agitant comme de noirs cyprès, Et mêlant leurs soupirs aux cantiques des vierges, N’avaient pas sur la tombe encore éteint les cierges, Peut-être de la veille avait-on retrouvé Le cadavre perdu, le front sous un pavé ; Son chien pleurait sans doute et le cherchait encore : Mais, quand Dalti parla, Portia prit sa mandore, Mêlant sa douce voix, que la brise écartait, Au murmure moqueur du flot qui l’emportait… Les deux autres drames de ce volume, Don Paez et la Camargo, renfermaient des beautés du même ordre, mais moins soutenues, moins enchaînées, et dans un style trop bigarré d’enjambements, de trivialités et d’archaïsmes. […] Ce que ne donnent ni l’effort, ni l’étude, ni la logique d’un goût attentif et perfectible, il l’atteignait au passage ; il avait dans le style cette vertu d’ascension merveilleuse qui transporte en un clin d’œil là où nul n’arrive en gravissant. […] Le style du Spectacle dans un Fauteuil n’a plus rien du système ni du pastiche, comme certains endroits des Contes d’Espagne et d’Italie ; mais, en revanche, les incorrections et les négligences n’y sont pas ménagées : la plupart meurt, etc., etc.

515. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

54. » On comprend, après cela, que M. de Glouvet n’ait point résisté à la tentation d’écrire en vieux style des contes moyenâgeux. […] » Assez souvent il s’est formé un idéal de l’élégance du style, d’où le poncif n’est pas tout à fait absent. […] C’est tout l’opposé de l’« impressionnisme » dans le style, que j’essayais dernièrement de définir55. […] Tant de styles n’arrivent pas à faire un style.

516. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Toujours est-il qu’aucun des échassiers connus en fait de style, ni Dubartas, ni Gongora, ni Cyrano de Bergerac, ni aucun des exagérateurs qui ont laissé derrière eux le souvenir de vessies enflées et crevées à force d’être enflées, n’ont empilé à la gloire de personne autant de grands mots vides que M.  […] Hello, l’auteur d’un livre sur le Style et d’une traduction du livre des Visions de sainte Angèle de Foligno, ainsi que des œuvres choisies de Rusbrock, n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être. […] III Livre tout en style et tout en idées, qui, par sa nature, répugne au compte rendu de la Critique. […] Il a la critique, et non pas seulement la critique historique, qui perce la brume des textes emmêlés et contradictoires avec une sagacité puissante, mais jusqu’à la critique littéraire, qui suit dans toutes les nuances du style les nuances de l’âme, de l’écrivain. […] Sa préface, qui est d’un très grand style, nous met au courant des raisons qui l’ont entraîné à publier sa Physionomie de Saints.

517. (1883) Le roman naturaliste

Mais puisqu’il a de telles idées, comment peut-il louer le style de MM. de Goncourt ? […] Rien de plus facile, on l’a vu, que de le chicaner sur son style. […] des œuvres cependant bien diverses, et d’une qualité de style singulièrement inégale ! […] Zola n’est pas d’un « réaliste », j’ajoute que son style est d’un romantique. […] Et puis, ce qui tranche la question, c’est qu’on ne trouverait pas dans notre histoire littéraire un grand style qui soit dépourvu de cette qualité, depuis le style de Bossuet, en passant par celui de Buffon, jusqu’au style de Chateaubriand.

518. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

La forme extérieure d’un roman commence au style, et aimer un certain style, c’est pour un lecteur éprouver que les conditions de sonorité, de couleur, de précision, de grandeur et d’éloquence, suivant lesquelles les mots ont été choisis et assemblés, sont celles qui réalisent ou du moins qui ne choquent pas son idée vague de la propriété et de la beauté du langage, idée qui lui est personnelle, qui le caractérise puisque son voisin peut ne pas la partager, qui fait donc partie du cours de ses pensées et aide à le définir. Un lecteur qui jouira d’un style coloriste sera un homme chez lequel existe à un faible degré la sorte de perception des nuances des choses que ce style exprime ; sans quoi les mots colorés ne lui diraient rien, et il serait surpris qu’on lui décrivît en termes exacts ce qu’il n’aurait pas su observer. […] Qu’on goûte une métaphore romantique, qu’on se plaise aux ellipses de Victor Hugo, qu’on préfère l’absence de composition de Guerre et Paix à l’assemblage habile d’un roman feuilleton, qu’on soit touché par le mystère de la Maison Usher, ou par l’ironie de Mérimée, ce sont là autant d’indices des penchants, de toute l’âme du lecteur, auquel il faut donc attribuer les aptitudes d’esprit, les idéaux, les facultés secondes, dont telle ou telle de ces formes de style est le signe. […] — Nous avons dit que le succès d’un livre et en général d’une œuvre d’art est le résultat d’une concordance entre les facultés de l’auteur, les facultés exprimées dans l’œuvre, et celles d’une partie du public qui doit être considérable pour que le succès le soit ; cette concordance est variable par suite des variations du public, et ainsi se trouvent expliquées les fluctuations et la fortune des genres, des styles, des arts, des auteurs, à travers le temps et l’espacedu. […] Puvis de Chavannes, une partie du public s’est complue dans ce style, s’est groupée autour du peintre, et a fait sa gloire.

519. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ce n’est pas à dire que le style de ces Mémoires soit très bon ni d’une très bonne langue : si l’ironie est fine, la forme est un peu lourde ou du moins un peu roide, presque administrative. […] Il a gardé un peu d’avocat dans son style ; il a, même dans ses ironies, le soin de la phrase, une certaine élégance fleurie et diserte. […] Dans les premiers morceaux, qui furent écrits au xviiie  siècle, avant 1800, je note bien d’anciens oripeaux de style qui sont une date. […]  » Plus tard, dans la prison, l’airain lui mesure les heures ; il nous parle de deux condamnés qui, avant de monter sur la fatale charrette, « épuisent encore une fois la coupe de la volupté. » C’est ce que j’appelle un style à la Vicq d’Azyr.

520. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Pétrarque à la main (roi des élégances), J’arrondis mon style et me crois Toscan : Le ton primitif se fond en nuances ; Mais soudain ma voix part en dissonances… Oh ! […] Je ne puis que citer la pièce tout entière, parfaite de style, de ton et de pensée : LETTRE A UN CHANTEUR DE TRÉGUIER. […] Dans le style, dans celui de M. […] Voltaire écrivant à l’abbé d’Olivet disait :« Je vous demande en grâce, à vous et aux vôtres, de ne vous jamais servir de cette phrase :nul style, nul goût dans la plupart, sans y daigner mettre un verbe.

521. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Il brisera les formes trop arrêtées, trop fixes, qui ne se laissent plus manier par la pensée de l’artiste, ces habitudes tyranniques de composition et de style qui filtrent pour ainsi dire l’inspiration et éliminent l’originalité : en brisant les genres, les règles, le goût, la langue, le vers, il remettait la littérature dans une heureuse indétermination, dans laquelle le génie des artistes et l’esprit du siècle chercheraient librement les lois d’une reconstitution des genres, des règles, du goût, de la langue, du vers. […] Nous avons saisi, sous la superstition des règles et la routine du goût, des curiosités, des tentatives qui ne se rapportaient plus aux modèles classiques ; et Mme de Staël, avec un style tout classique, nous a fait la théorie d’une littérature romantique. […] N’oublions pas la Bible, que Vigny et Lamartine feuillettent, et dans laquelle Hugo cherchera non pas seulement une matière de poésie, mais d’abord et surtout des procédés de style, des coupes, des figures, des épithètes. […] J’ai signalé déjà comment la Révolution avait enlevé aux salons, momentanément fermés, la souveraine autorité qu’ils exerçaient depuis près de deux siècles sur le goût et le style.

522. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Le style est la pudeur de la pensée. […] Albalat, sont nécessaires à la perfection du style. » M.  […] Albalat : « Bossuet transitionne avec infiniment d’adresse. » Et voilà le style avec lequel on nous enseigne le style ! […] Malgré Voltaire, malgré La Harpe et tous les encyclopédistes qui, sauf Diderot, écrivent en vieux style, il se forme un nouveau style. […] La hardiesse de son style faisait scandale.

523. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Du second, il a fait une magnifique, spirituelle, mais fatigante caricature : ancien négociant italien de soixante-treize ans, qui écrit le plus souvent des pensées de Balzac en style de Montaigne ; il me fait l’effet de ces richards des Indes parés de diamants à tous leurs doigts. […] Et d’abord le style, quoique peu simple, se distingue par une singulière vigueur d’allure et d’expression.

524. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Linguet se montre dans tout ce qu’il a écrit, par une richesse d’imagination, une chaleur & une vivacité d’images, une flexibilité & un coloris de style, qui le séparent avantageusement de la foule de nos Littérateurs, même célebres. […] Cet Auteur seroit-il moins estimable, en se montrant plus attentif à rejeter l’esprit de systême, qui lui fait envisager les choses du côté le plus singulier ; à éviter de certaines discussions, propres à faire briller l’éloquence, à la vérité, mais rarement d’accord avec l’exactitude & la solidité du jugement ; à interdire à son imagination quelques essors un peu trop libres ; & à retrancher de sa maniere d’écrire, des expressions, qui, pour être pittoresques & supposer la facilité la plus heureuse, n’en sont pas toujours, pour cela, conformes à la dignité du style & à la sévérité du goût ?

525. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. […] Pour cette fois, nous prendrons un passage où l’orateur abandonne son style favori, c’est-à-dire le sentiment et les usages, pour n’être qu’un simple argumentateur.

526. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Mais du moins il faut l’être avec une telle désinvolture, avec une telle verve, avec un tel style, que, l’œuvre d’art dominant tout, le livre ne soit plus qu’une forme, une arabesque de la pensée, une volupté littéraire, et non une prétention à la science et à l’aperçu. […] Mais toujours est-il que, s’il est sceptique comme le siècle dont il est le fils, il n’a pas le style qui doit embaumer cette misérable larve d’un esprit qui n’ose pas vivre, puisqu’il n’ose affirmer, et qu’il faut pourtant avoir si on est sceptique, sous peine… de n’être même pas.

527. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Mercier n’est ni de cette portée, ni de ce style, ni de cette époque ; mais, tel qu’il est, c’est un La Bruyère de bas-étage, comme le xviiie  siècle lui-même est un siècle descendu. Il ne manque ni de perçant dans l’observation, ni de nerf dans le style.

528. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Le poète a atteint la plénitude de son style. […] Je m’arrête, n’ayant voulu que louer Régnier de ses fiertés de style, de ses aimables nonchalances, de tous ses dons heureux, sans faire de son éloge une injure à Malherbe. […] A Mellin de Saint-Gelais, il semble qu’il n’y avait pas encore de style poétique d’un tissu ferme et suivi ; et, à Boufflers, il semble qu’il n’y en a plus […] Les distinctions délicates, mais essentielles, qui séparent les genres, qui limitent et déterminent les styles, ont été méconnues et mêlées. […] Ce style poétique si éclatant, si savant naguère, si ferme aux bons endroits sous la main des jeunes maîtres, s’est trouvé compromis de nouveau et remis en question, au moment même où il venait d’être reformé et recréé.

529. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Mais il était moins lyrique que le reste de la bande, véritablement enragée de poésie, et qui, satisfaite sous le rapport du style, se souciait assez peu du sujet. […] C’était un pastiche du style de Molière, fait avec une science profonde de la langue, du style et des allures de style du dix-septième siècle si profondément ignoré des classiques modernes qui ne jurent que par lui. […] Le style se réchauffe et prend des nuances plus ardentes sans rien perdre de sa clarté. […] Ce qui lui manqua toujours, c’est le style, cet émail qui rend éternelles les œuvres qu’il revêt. […] comme elle semblait à son aise dans cette grande passion et dans ce grand style !

530. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le cardinal de Retz sut de même conserver dans ses Mémoires le style du héros de la Fronde. […] On retrouve dans son style, plein de gravité et de douceur, tout le caractère de sa vie. […] Rien, dans ses compositions ni dans son style, ne semble tendre à l’effet. […] Le style, dans ce temps-là, n’était que la correction grammaticale. […] Il est loin d’être ému lorsqu’il concerte les artifices de son style ; ainsi il ne pourra pas nous émouvoir.

531. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il est artiste, et son style est pourtant le moins plastique qui se puisse voir. Ce style paraît précis et en réalité fuit comme l’eau entre les doigts. […] Son style est très particulier. […] Enfin, le style de M.  […] Je compare ici, non précisément les deux styles (M. 

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