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422. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

La société d’alors ne badinait pas. […] Il est vrai que Stendhal parlait dans une société égalitaire. Villon, qui ne connaissait pas ce genre de société, en a, pour sa part, empoché deux. […] … Supposez qu’il cesse d’être un bohème comme on l’était au xve  siècle, donnez-lui une place dans le classement d’un monde où chacun était classé, faites un moine, un soldat, un être quelconque de cette société féodale, qui lut un chef-d’œuvre de hiérarchie, de cet escholier indomptable qui a rompu son ban et qui est devenu un véritable outlaw en plein Paris, — autant, ma foi !

423. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Ce gouvernement temporel, qu’on rêve de supprimer, se reformerait comme à l’origine de la société chrétienne, tant il est nécessaire à cette société pour qu’elle soit, et tant, sans ce pouvoir temporel, il est impossible à la raison même de concevoir cette société ! […] Il ne peint que par leurs actions seules les hommes, qu’un esprit moins grave et moins sévère peindrait avec plus de couleur et plus de véhémence de pinceau… Avec des qualités si robustement tranquilles et si peu en rapport avec les exigences de nos sociétés frivoles et tapageuses, on reste un lion dans le désert, — et, vous le voyez !

424. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Elle fut dévorée par l’ennui, avec tout ce qui, en elle et hors d’elle, dans son être et dans sa société, aurait dû rendre cet ennui impossible, et malgré tous les efforts que cet esprit ravissant, si fin et si souple, ne cessa de faire, toute sa vie, pour y échapper ! […] Elle appartenait à la première société du monde, sur laquelle elle régna sans être jamais détrônée, dans sa jeunesse par l’esprit et par la beauté, dans la vieillesse par l’esprit redoublé et multiplié de toutes les expériences de la vie et même du malheur de sa cécité. […] » — « Tous ces gens sont morts, — dit-elle hagardement, en regardant sa société, — et moi-même je le suis… » Et ailleurs : « L’ennui me fait trouver du plaisir à voir mes jours s’écouler… » — « La société présente — dit-elle encore — est un commerce d’ennui.

425. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

On fait sur le goujat des livres… de goujat… et la société, qui porte à présent la tête en bas, comme le porc, boit cette boue comme du lait ! […] Qu’importe que ces chastes lettres, dans lesquelles expirent les premiers et les derniers soupirs d’une âme céleste, ne puissent plus être comprises d’une société figée et conglutinée dans le matérialisme le plus épais ! […] II Quand Ballanche les publia, ces lettres, pour la première fois, non seulement il donnait à ce qui restait de cœurs purs en France, après les impuretés du xviiie  siècle, une sensation divine bien au-dessus de toutes les sensations que le Génie lui-même peut donner, mais en plus il préservait Mademoiselle de Condé des derniers outrages de ce xviiie  siècle expirant… L’amour de Mademoiselle Louise de Condé pour La Gervaisais, d’une princesse du sang de France pour un petit officier des carabiniers de Monsieur, cet admirable et chaste amour, discret, englouti dans deux âmes d’élite qui eurent également leur renoncement dans l’amour, cette chose rare qui achève l’amour dans ce qu’il a de plus sublime, avait transpiré comme un parfum qu’on percevrait mieux dans une atmosphère empestée, et cette transpiration d’un sentiment ineffablement pur au milieu d’une société corrompue, cette société avait dû en faire ce qu’elle faisait de tout.

426. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il est beaucoup trop rudimentaire pour être possible dans notre société compliquée. […] Byzantinisme définitif d’une société soi-disant chrétienne qui fait honte et horreur au catholicisme ! […] … Adolphe Willette appartient à la société la moins superficielle qui fut jamais, à une société de damnés, qui trempe ses fils dans le mépris comme dans un Styx de ténèbres, pour les rendre invulnérables à l’espérance. […] Mais vous allez voir comme cela fait d’heureux citoyens dans une société qui adore les saltimbanques. […] Léon XIII avertit une fois de plus la prétendue société chrétienne tant de fois et si vainement avertie.

427. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du ier   volume d’un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu’amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de la galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis François Ier. […] Cette société ne le rebuta pourtant point : sa femme devint enceinte, une fois, deux fois, même trois fois, mais n’accoucha jamais que de productions informes. […] « Ces ouvrages, dit Huet, furent reçus du public avec un applaudissement infini, et principalement de ceux qui se distinguaient par la politesse et par la beauté de l’esprit. » Rien ne nous apprend comment le Ier volume du roman du marquis d’Urfé fut accueilli à l’hôtel de Rambouillet, ni si l’auteur s’introduisit dans cette société.

428. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin § I Nous avons montré dans ce Livre jusqu’à l’évidence que dans toute leur vie politique les nations passent par trois sortes d’états civils (aristocratie, démocratie, monarchie), dont l’origine commune est le gouvernement divin. […] Autrement, il est impossible de comprendre comment la société civile sortit de la société de la famille.

429. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Quelques rares privilégiés de la société, de l’aristocratie, de la politique et de la littérature, y étaient admis. […] Cette société ne convenait qu’à des grands seigneurs mécontents. […] Benjamin Constant, tous les tribuns, tous les publicistes, tous les pamphlétaires du temps, je m’y sentais presque en pays ennemi ; j’avais du goût pour les maîtres, aucun goût pour leur société. […] Les amis politiques du jeune favori de Louis XVIII prédominaient dans cette société. […] Presque toute cette société était jeune, car le supplice en ce temps avait raccourci la vie des pères ; il manquait un degré ou deux à l’échelle ordinaire des générations : la guillotine avait rajeuni les salons de Paris.

430. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Cette vie morale, comme il arrive dans les sociétés très civilisées, se compose de beaucoup d’éléments divers. […] Une société doit être assimilée à un organisme. […] Pour celui-ci, se subordonner, ce n’est pas seulement servir la société, c’est se servir lui-même. […] Pareillement le dilettantisme est un produit logique de notre société contemporaine. […] Et d’une extrémité à l’autre de la société, cette même exploitation s’installe.

431. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

L’homme vrai, c’est l’homme parfait dans son genre ; la vraie nature humaine, c’est la nature humaine arrivée à son développement, comme la vraie société c’est aussi la société perfectionnée. […] La preuve en est que partout la société subsiste, et même qu’elle se développe. […] Quel est le mot qui retentit le plus dans les sociétés humaines ? […] De toutes parts la société est hérissée de droits. […] Jamais une seule famille, jamais la moindre société ne pourra se former ni se maintenir.

432. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

On lui a reproché de s’attacher à la peinture exclusive d’une portion de la société. […] Weill a dit son mot, et quelle liqueur rafraîchissante il a répandue sur la société desséchée. […] — Quel admirable cours d’anatomie et de philosophie morales offert, sous couleur de nouvelle ou de roman, à la société moderne ! […] L’occasion lui était si bonne — nous dirions presque si naturelle — d’injurier la société et son temps ! […] De cette hauteur, il ne saurait saisir qu’un murmure de voix confuses ; aussi, la société a-t-elle en lui un écho puissant, mais incomplet.

433. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il en faut conclure que la société est mal faite. […] L’homme est un animal sociable qui ne veut pas vivre en société. […] Puisque c’est précisément en sens contraire de ce que la morale conseille que la société est organisée, ne faudrait-il pas organiser la société d’après la morale ? […] L’homme, en tant qu’être moral, dépendit d’une société spirituelle, non de l’État. […] Quand la société a-t-elle commencé ?

434. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Préface » pp. -

Ce n’est point une histoire de la société polie, c’est un mémoire ou la compilation d’une suite de mémoires rédigés pour faciliter la composition d’une histoire suivie, ou plus simplement pour éliminer désormais de l’histoire des mensonges accrédités. […] L’histoire de la société polie veut, pour être traitée convenablement, une plume légère qui sème à chaque pas de sa course des traits brillants et gracieux, comme Le Petit Chien de La Fontaine qui, en secouant sa patte, en faisait tomber des diamants, des perles et des rubis.

435. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 64

COULANGES, [Philippe-Emmanuel de] Maître des Requêtes, né à Paris en 1631, mort dans la même ville en 1716 ; l’Anacréon du siecle dernier, & l’agrément des Sociétés de son temps, par la vivacité de son esprit & la gaieté de son caractere. […] L’Auteur ne parut pas satisfait de cette édition ; son dessein n’ayant pas été qu’on imprimât des Vers qu’il avoit faits seulement pour s’amuser & les personnes avec lesquelles il étoit en société. » Les Chansons de M. de Coulanges ont un mérite particulier ; elles contiennent des anecdotes curieuses sur les événemens de son temps : c’est par-là que ce genre frivole peut encore être utile.

436. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

S’il y a décadence dans une société, la classe actuellement victorieuse en est, par conséquent, responsable. […] La société actuelle est dans une décadence lamentable, et qui ne mérite plus le nom de civilisation. […] Ce n’est pas seulement à propos de la société qu’il le prononce. […] C’est que la société française d’alors produisait une humanité si caractérisée qu’elle ne semblait pas conditionnée. […] Un des traits essentiels de cette société est une absence quasi totale d’activité politique.

437. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

L’ancienne société, en finissant, a eu ses vierges et ses captives, qui se sont couronnées d’un vif éclat dans les geôles et sur les échafauds. […] Mais la manière dont le Christianisme se remettra à avoir prise sur la société de l’avenir demeure voilée encore ; et pour les esprits méditatifs les plus religieux, l’inquiétude du grand problème n’a pas diminué. […] La société avait toujours été beaucoup pour elle ; l’Europe devint désormais quelque chose, et c’est en présence de ce grand théâtre qu’elle aspira aux longues entreprises. […] Il convient, tout blasé qu’il est, qu’elle a fait de Coppet le lieu le plus agréable de la terre par la société qu’elle y reçoit et que ses talents y animent. […] Meneval (tome I, page 29) nous la montrent se faisant la patronne et la lectrice empressée d’Atala et de René dans la société de Joseph Bonaparte à Morfontaine (1801-1802).

438. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Enfin il y avait là une société tout à fait charmante dont La Fontaine raffola. […] Mais la vie de La Fontaine à Paris est maintenant celle-ci : c’est la vie de la société des quatre amis, comme on l’a appelée. La société des quatre amis, La Fontaine, Molière, Racine, Boileau, d’après tout ce que nous pouvons savoir de plus précis, n’a pas été très longue, elle va de 1661 à 1665 ou 1666. […] On ne donne pas de date, puisque les sociétés de ce genre se dénouent plutôt qu’elles ne se brisent, peu à peu, et par trait de temps. […] S’il y a une philosophie de La Fontaine  et qui est fort curieuse  je crois que c’est au monde, à la société de Mme de La Sablière qu’il la doit.

439. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Plus tard, les familles se réunissent, et alors se forment la cité, la société. […] La société est une réunion de familles ; l’humanité une réunion de sociétés. C’est de l’amour de la famille qu’on s’élève à celui de la société, de celui de la société à celui de l’humanité. […] Espinas, Sociétés animales, p. 413. […] Elle a pour objet de rechercher quelle est la meilleure forme que puissent prendre les sociétés humaines.

440. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Le temps ne peut qu’ajouter au prix de certains détails qui tiennent aux mœurs d’une société évanouie : Je n’écrirais pas tout cela si l’on devait me lire à présent, dit le prince de Ligne à la fin d’un de ses récits ; mais, cent ans après, ces petites choses, qui ont l’air d’être des riens, font plaisir. […] alors on porte le bonheur dans la société où l’on vit, et l’on est sûr d’un succès général. […] Il apporte, dans sa composition des jardins, un grand souvenir de la société et un goût de l’y réunir et de la retrouver. […] C’est bien là l’esprit de société tel qu’il se mêlait, au xviiie  siècle, au goût des jardins. On a fait un pas depuis dans le culte de la nature ; je ne dis pas qu’on aime beaucoup plus à être seul qu’autrefois, mais on a moins peur de l’être, et on trouverait moins d’amateurs des jardins qui diraient avec le prince de Ligne : « J’ai toujours tant aimé la société quelconque, que je me suis défait, il y a quelque temps, presque pour rien, d’un Salvator Rosa, parce qu’il n’a que des déserts, et que les déserts ont l’air de l’anéantissement.

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