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30. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

La nature avait fait l’homme bon, et la société l’a fait méchant : la nature avait fait l’homme libre, et la société l’a fait esclave ; la nature a fait l’homme heureux, et la société l’a fait misérable. […] Le vice essentiel de la société, c’est l’inégalité. […] Elle exclut l’adultère, auquel la société est si indulgente. […] Il faut se représenter le contrat constitutif de toute société. […] N’y avait-il pas vingt ans que la société tournait à la sensibilité ?

31. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Elle a eu bien des détracteurs, cette société. […] Le sentiment aristocratique plane sur notre société démocratisée, comme une auréole sur un tombeau. […] Il n’est pas seulement le Dangeau de la société parisienne. […] Le pêle-mêle de la démocratie, la légalité tombant de la loi dans les mœurs, n’ont pas encore fait la société qui doit remplacer la société ancienne pulvérisée et dont il ne reste plus que des atomes dispersés ! […] Ce n’est pas avec cela qu’on peut reconstituer la société disparue !

32. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Conclusion Pourquoi les idées égalitaires, telles que nous les avons définies, apparaissent-elles de préférence, à deux reprises, dans la civilisation occidentale, — se révélant une première fois, encore voilées et comme environnées de nuages, à la société gréco-romaine vieillissante, — une seconde fois, plus proches de la terre et plus prêtes à l’action, à nos jeunes sociétés modernes ? […] Des conditions proprement sociologiques nous ont fourni une explication, au moins partielle, du phénomène qui, après les essais d’explications anthropologiques ou idéologiques, demeurait mystérieux : l’expansion de l’idée de l’égalité des hommes dans certaines sociétés déterminées n’est plus pour nous une sorte de miracle incompréhensible, s’il est vrai qu’entre les formes de ces sociétés et le succès de cette idée il y a un rapport de condition à conséquence. […] L’idée de l’égalité ne saurait être la source des multiples courants qui ont entraîné nos sociétés ; elle en est plutôt le confluent. […] En ce sens, les idées directrices de nos sociétés sont sorties de leurs entrailles mêmes. […] Nous avons prouvé que l’idée de l’égalité résulte logiquement des transformations réelles de nos sociétés ; ce n’est pas prouver du même coup qu’elle doit moralement les commander.

33. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

. — Dissolution de sa société. — Naissance de diverses sociétés formées des débris de la sienne. — Naissance dans le même temps du mot de précieuses. — Éloges de la société de Rambouillet, par le P.  […] La dissolution de la société de Rambouillet fut l’époque ou commencèrent des sociétés d’un autre ordre, et où s’introduisit dans la langue un mot nouveau, dont la naissance atteste celle de la chose ou de l’espèce de personnes qu’il désigne, le mot précieuse. […] Elle avait fait des romans ; mais tant qu’elle avait été de la société de Julie de Rambouillet, elle les avait publiés sous le nom de son frère. […] Voiture, l’homme le plus à la mode du temps, le bel esprit le plus accrédité de la cour à l’Académie, le plus répandu chez les femmes de qualité, et le plus recherché des femmes de bel esprit, Voiture, en se rendant une fois, une seule fois au cercle d’une femme qui l’en avait prié, illustrait sa société : cette société se trouvait fondée.

34. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Telle est la société humaine quand elle sort des mains de la nature. […] Nous avons montré qu’elle peut s’élargir dans la société qui s’ouvre, mais qu’elle avait été faite pour une société close. […] De la société close à la société ouverte, de la cité à l’humanité, on ne passera jamais par voie d’élargissement. […] La religion dynamique qui surgit ainsi s’oppose à la religion statique, issue de la fonction fabulatrice, comme la société ouverte à la société close. […] Nous voulions simplement appuyer sur la distinction que nous avions faite entre la société ouverte et la société close.

35. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Enfin, pour tout réduire à la plus simple expression, les uns placent la raison des lois de la société dans la société même, et les autres dans l’homme. […] Pour eux, la parole sera toujours une chose immuable et sacrée qui contient les lois immortelles de la société en même temps que les manifestations de l’âme humaine. […] Lorsque nous établirons, plus tard, que la société est une des conditions de notre nature, et que, par conséquent, la société a été imposée à l’homme, nous trouverons la liaison des deux questions, si distinctes en apparence, de l’origine du pouvoir et de l’origine du langage. […] Comme l’origine de la parole et l’origine de la société sont absolument la même question, il en résulte que les deux systèmes relativement à la parole s’appliquent aussi à la société, et peuvent se résoudre de la même manière. Ainsi la société, à présent qu’elle est établie, peut se soutenir d’elle-même, et par la seule force du principe primitif en vertu duquel elle existe.

36. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Tous les pouvoirs de la société y sont tellement balancés par leur nature même, qu’aucun d’eux ne cherche à empiéter sur les prérogatives de l’autre. […] Les femmes, qui chez nous sont les gardiennes des mœurs, ne peuvent admettre dans leur société une femme qui est hors de nos mœurs. […] Mais, je ne puis m’abstenir de l’avouer, ma confiance dans une telle hypothèse vient surtout de ce qu’il faut qu’elle soit vraie pour que la société puisse continuer de subsister : or il m’est impossible de ne pas croire, avant tout, que la société ne peut périr. […] Nous chercherons à établir, plus tard, que, la société étant imposée à l’homme, les lois de la société sont nécessaires. […] Nos mœurs sont fondées sur le christianisme ; le christianisme ne peut disparaître de la société sans que la société elle-même ne disparaisse.

37. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

C’est qu’une conception morale, tend souvent à transformer une société. […] Il agit bien par rapport à la société que cette bande exploitait. […] Elle dépasse de beaucoup les ressources de la société et de l’homme que nous connaissons. […] La société est aussi une sorte de chaos, moins irrégulier que l’autre. […] Les conflits de l’individu et de la société sont réels.

38. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Il est vrai que les sociétés humaines sont plus amples, plus mobiles, plus différenciées que les sociétés animales, ce qui, d’après M.  […] Après avoir accordé que l’hérédité agit dans les sociétés simples, ce sociologue affirme que son rôle devient nul dans les sociétés plus complexes. […] Bergson ne peut nous conduire à opposer le moi, égoïste à autrui, l’individu à la société. […] Un pas de plus et les adeptes de cette philosophie inviteraient peut-être l’individu empirique à voir dans la société de ses semblables un symbole imparfait, une approximation lointaine de cette société idéale et ils nous exhorteraient à sacrifier notre égoïsme sinon à la société réelle, du moins à la société humaine idéale. […] Supposons un esprit supérieur vivant dans une société étroite, incurieuse et superstitieuse.

39. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

L’individu et la société bien comprise seront d’accord. Donc il faut réformer ou dissoudre la société existante où les conflits pullulent, et faire surgir, subitement ou peu à peu, une autre société. […] Et il en est exactement de même pour une société. […] Justice, devoir, droit, ces mots n’ont de sens que dans une société organisée, dans une société morale, et je refuse toute société morale avec vous, ou plutôt, par nature, je ne puis en accepter. […] Et la société l’écraserait au moindre conflit.

40. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Ici nous voyons se dessiner l’antinomie entre l’individu et la société. […] D’ailleurs l’homme supérieur, s’il s’isole de son groupe, ne s’isole pas de toute société. […] L’individualisme aristocratique n’est pas une révolte absolue à l’égard de toute société. C’est un individualisme relatif qui s’attaque à la société actuelle au nom d’un idéal supérieur de sociabilité. […] Stuart Mill constate la tendance au despotisme croissant de la société sur les actes de l’individu.

41. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Mais la société, c’est-à-dire, des rapports sans but, des égards sans subordination, un théâtre où l’on appréciait le mérite par les données les plus étrangères à sa véritable valeur ; la société, dis-je, en France, avait créé cette puissance du ridicule que l’homme le plus supérieur n’aurait pu braver. […] Dans un pays où subsistera l’égalité politique, tous les genres de mérite seront admis, et il n’existera point une société exclusive, consacrée uniquement à la perfection de l’esprit de société, et réunissant en elle tout l’ascendant de la fortune et du pouvoir. […] Si la société qui inspirait cette sorte d’instinct, ce tact rapide, est anéantie, le tact et l’instinct doivent finir avec elle. […] La politesse est le lien que la société a établi entre les hommes étrangers les uns aux autres. […] Avec une certaine libéralité d’esprit, l’on peut vivre agréablement au milieu d’une société qui appartient à un parti différent du sien.

42. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Et ils n’en ont que faire non plus ceux qui n’ont pas à s’y adapter parce qu’ils ne vivent pas en société. […] Notre âme ne serait point l’expression de notre organisme, mais de notre société. […] La société me sert et me nuit à la fois. […] Toute société est une combinaison et un mélange. […] Ce que veut la société, ce n’est pas que telle ni telle personne, mais que la société entière se réalise en nous et par nous.

43. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Mariage, sociétés, institutions, haine à vous ! […] La société est fausse, corrompue, sans cœur. […] Attaquer la loi morale, c’est donc attaquer la société. […] La société m’a traité en ennemi, j’ai traité la société en ennemie. […] La société a toujours tort.

44. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

de société politique, et une, une seule constitution de société religieuse, la réunion et l’accord de l’une et de l’autre composant la vraie société civile. Cette unique constitution de société politique est la constitution royale pure ; cette unique constitution de société religieuse est la religion catholique : hors de là, point de salut, même ici-bas, et nulle stabilité. […] Considérant la personne de l’Homme-Dieu dans tous ses états et toutes ses conditions, M. de Bonald dira : « Dans la famille, il est fils, il est parent, il est ami ; dans la société politique, il est sujet et même il est pouvoir ; dans la société religieuse, il est pouvoir et même il est sujet. » Cette antithèse de pouvoir et de sujet tient à la formule fondamentale de l’auteur ; mais comment ne pas l’oublier ici ? […] Rentré en France sous le Directoire, il fut de ceux qui, sous le Consulat, travaillèrent à relever les ruines morales de la société, et il publia en 1802 son traité Du divorce et sa Législation primitive. […] Opposé en tout à la tendance de la société moderne, à tout ce qui centralise et mobilise, il comprenait dans un même anathème les grandes capitales, le télégraphe, le crédit et tous ses moyens ; il aurait voulu en revenir à la monnaie de fer de Sparte.

45. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) I Je veux défendre la société, chose sacrée et nécessaire quoique imparfaite, contre un ami, chose délicate, qui laisse emporter son génie aux fautes de Platon dans le style de Platon, et qui, en accusant la société, résumé de l’homme, fait de l’homme imaginaire l’antagoniste et la victime de la société. […] Car le peuple, c’est le sol même sur lequel toute société est construite ; c’est l’élément dont toute société est faite, et, quand la société s’écroule, c’est lui qu’elle écrase le premier et le dernier ! […] Je me sentis pressé d’écrire ce que je pensais de cette critique éloquente, passionnée, radicale, prolétaire, de la société. […] « Oui, une société qui admet la misère… oui, une humanité qui admet la guerre, me semblent une société, une humanité inférieures, et c’est vers la société d’en haut, vers l’humanité d’en haut que je tends, société sans rois, humanité sans frontières… « Je veux universaliser la propriété, ce qui est le contraire de l’abolir, en supprimant le parasitisme, c’est-à-dire arriver à ce but : tout homme propriétaire et aucun homme maître. […] Voilà l’injustice de la société ; voilà une de ces mille et mille péripéties inhérentes à la vie humaine, où les membres vertueux, laborieux, pieux de la famille, sont en même temps les plus vertueux et les plus torturés de la société innocente.

46. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

L’économie est peut-être le domaine de l’activité ou l’antinomie entre l’individu et la société se fait sentir avec le moins de force. […] 80). — Y a-t-il vraiment là une antinomie de l’individu et de la société ? […] Cette remarque consiste à dire qu’il y a moins ici antinomie de l’individu en tant que tel et de la société, qu’antinomie de la société avec elle-même ou antinomie entre deux fractions de la société. […] Les inventions seront peut-être examinées et tarifées par la société avant d’être mises en circulation. La société, s’assurera si elles correspondent à des besoins « réels » c’est-à-dire suffisamment généraux.

47. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

L’innovation et l’imitation dans la société humaine. […] L’œuvre la plus forte, d’après nous, doit être la plus sociale, celle qui représente le plus complètement la société même où l’artiste a vécu, la société d’où il est descendu, la société qu’il annonce dans l’avenir et que l’avenir réalisera peut-être. […] Taine, de la société de fait, de la société contemporaine d’un auteur. Le génie n’est pas seulement un reflet, il est une production, une invention : c’est donc surtout le degré d’anticipation sur la société à venir, et même sur la société idéale, qui caractérise les grands génies, les chorèges de la pensée et du sentiment. […] L’influence des milieux est incontestable, mais elle est le plus souvent impossible à déterminer, et ce que nous en savons ne permet de conclure le plus souvent, ni de l’œuvre d’art à la société, ni de la société à l’œuvre d’art.

48. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Le principe de la révolution a été épuisé dans la société religieuse avant de passer dans la société civile. […] M. de Constant, en France, n’admet la souveraineté du peuple que comme garantie contre l’usurpation, et non point comme principe de liberté, c’est-à-dire comme dogme fondamental de la société. […] qui précipitait au moment même Jacques II du trône où il n’avait pas su s’asseoir : tant il est vrai que le principe qui commence par agiter la société religieuse s’épuise, et devient sans force en passant dans la société civile ! […] Ne voyez-vous pas, en effet, que le sceptre de l’éducation est confié sans partage aux mœurs, pendant que l’empire de la société est sous le joug de l’opinion ? […] Disons qu’elle est nécessaire à toutes les classes de la société, parce-que toutes les classes de la société ont besoin de frein contre les passions, de consolation dans le malheur, d’avenir au-delà du tombeau.

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