Avec ce quelque chose d’appuyé et de ressenti, que les bien malades mettent dans leurs paroles, elle revenait amoureusement sur ces jours où elle servait de modèle à son mari, du matin au soir, sur ces jours tout pleins de ses peurs de l’eau, et où cependant sans rien dire, elle posait dans un remuant bateau, en robe blanche, frissonnante du froid du coucher du soleil et de la terreur de chavirer. […] l’imagination de la peur… celle-là, je l’ai, oui, je l’ai… C’est malheureux, ajoute-t-il sur un ton léger, que cela ne puisse servir dans les romans. […] … C’est ma bataille des Thermopyles… Je ferai un voyage en Grèce… Je veux écrire cela sans me servir de vocables techniques, sans employer par exemple le mot cnémides… Je vois dans ces guerriers, une troupe de dévoués à la mort, y allant d’une manière gaie et ironique… Ce livre, il faut que ce soit, pour les peuples, une Marseillaise d’un ordre plus élevé. […] Un cabaret dans un terrain vague de Vaugirard, à l’entrée des carrières, devenues des champignonnières, et tout étincelant de beaux cuivres, de reflets de bouteilles aux formes trapues, d’un tas de vieilleries bien luisantes, qui semblaient le mobilier retrouvé d’une auberge de l’ancienne France… Là-dedans, un cuisinier, qui faisait un poulet sauté, une matelote, un certain plat de champignons, comme nul cuisinier au monde, et qui, vous apportait à voir des aquarelles de gazons émaillés de fleurettes, naïves et précieuses, comme ces tapis de fleurs que les Primitifs étalent sous les pieds de leurs martyres, et puis qui, tirant un orgue d’un vieux bahut, servait aux gens appréciant sa cuisine, des airs séraphiques.
Mais n’importe, servons-nous des termes usités, après y avoir attaché l’idée précise qui leur convient. […] Il y introduit Horace, qui veut parler français, et, qui pis est, faire des vers en cette langue, et qui se fait siffler par le ridicule des expressions dont il se sert sans pouvoir le sentir. […] On dira peut-être qu’il doit avoir soin de n’employer aucune expression, aucune phrase de cet auteur, qui ne soit autorisée par d’autres bons écrivains ; en ce cas, et par cette raison même, il est évident que Térence ne saurait lui servir de modèle. […] Cette latinité ne sert souvent, si je puis m’exprimer ainsi, qu’à couvrir la nudité d’un ouvrage vide de choses, sans idées, sans âme et sans vie.
À aucun degré, en aucun sens, sous aucun aspect il ne sert à préparer, encore moins à expliquer une représentation. […] Je ne comprends pas du tout pourquoi certains phénomènes cérébraux s’accompagnent de conscience, c’est-à-dire à quoi sert ou comment se produit la répétition consciente de l’univers matériel qu’on a posé d’abord. — Passerai-je à l’idéalisme ? […] Et nous voyons réalisme et idéalisme tout près de coïncider ensemble, à mesure que nous écartons le postulat, accepté sans discussion par l’un et par l’autre, qui leur servait de limite commune. […] On veut que sensation et perception existent pour elles-mêmes ; on leur attribue un rôle tout spéculatif ; et comme on a négligé ces actions réelles et virtuelles avec lesquelles elles font corps et qui serviraient à les distinguer, on ne peut plus trouver entre elles qu’une différence de degré.
Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique ! […] Malgré cette simple douceur d’expression, à laquelle il se plaît, et ces personnages plus humains, dont il nous occupe, l’accent lyrique lui revient souvent ; mais il semble que, tempéré par la flûte, cet accent serve pour lui, non pas à l’effet redoublé du drame, mais à la diversion, au repos de l’âme du spectateur. […] « Ô Reine de la ville de Pallas132, toi qui protèges cette terre sacrée supérieure à toutes, et par la guerre, et par les poëtes, et par la force, viens à nous ; et, ayant pris avec toi dans les camps et les batailles notre alliée, la victoire, qui se plaît à nos chansons et nous sert à mettre en fuite l’ennemi, apparais-nous ici ; car il faut que tu donnes la victoire à ces hommes aujourd’hui, si jamais. » Nulle part, on le sait, cette fantaisie lyrique du poëte comique d’Athènes n’a plus libre carrière que dans ses pièces fabuleuses, les Nuées, les Oiseaux. […] Nous a qui portons par derrière cette trompe aiguë, nous et sommes les seuls Attiques, les vrais nobles et les indigènes du pays, race belliqueuse et qui servit puissamment Athènes dans la guerre, quand vint le barbare, étouffant de fumée la ville et brûlant les campagnes, dans sa rage de nous enlever de force les rayons de la ruche.
De la porte de notre cabane, nous avions une des plus belles vues du monde : à notre gauche, mais fort au-dessous de nous, le cap Oropeza élevait dans les airs ses aiguilles qui servent de signaux aux navigateurs ; derrière nous, en se prolongeant dans l’ouest, s’étendaient les chaînes de montagnes noirâtres qui, comme un rideau, abritent le royaume de Valence du côté nord et conservent à cet heureux climat la douce température dont il jouit. […] Il n’était pas de ces savants qui s’isolent et se contentent de cultiver durant la sérénité des nuits la muse austère et silencieuse de Newton ou de Pythagore : nature méridionale fortement accusée, il avait besoin d’agir immédiatement sur le public, de le servir et d’en être entouré, d’en recevoir un contrecoup d’applaudissement et de louange en retour des utiles et faciles enseignements qu’il était toujours prêt à lui prodiguer. […] Arago, caractérisa heureusement l’intelligence à la fois forte et subtile de son ami, quand il la compara à la trompe, si merveilleusement organisée, dont l’éléphant se sert avec une égale facilité pour saisir une paille et pour déraciner un chêne. » Cela n’est pas tout à fait exact : Jeffrey n’a pas dit une telle chose ; c’est en parlant de la machine à vapeur et de ses merveilleux effets, et non de l’intelligence de Watt, qu’il a dit : « La trompe d’un éléphant qui peut ramasser une épingle ou déraciner un chêne n’est rien en comparaison. » Parlant de l’esprit de Watt, Jeffrey le peint plus délicatement : Il avait, dit-il, une promptitude infinie à tout saisir, une mémoire prodigieuse et une faculté méthodique et rectifiante pour tirer, comme par une chimie naturelle, quelque chose de précieux de tout ce qui s’offrait à lui, soit dans la conversation, soit dans la lecture.
Bien qu’en tout ceci Bossuet ne fasse qu’user des termes de l’Apôtre, et peut-être de ceux de Chrysostome, il s’en sert avec une délectation, un luxe, un goût de redoublement qui déclare la vive jeunesse : Il a, dit l’apôtre, appréhendé la nature humaine ; elle s’enfuyait, elle ne voulait point du Sauveur ; qu’a-t-il fait ? […] La langue de ce sermon, comme de tous les discours de ces années, est un peu plus ancienne que celle de Bossuet devenu l’orateur de Louis XIV ; on y remarque des locutions d’un âge antérieur : « Or encore que nous fassions semblant d’être chrétiens, si est-ce néanmoins que nous n’épargnons rien, etc. » Il est dit que l’exemple de la ruine de Jérusalem et de cette vengeance divine, si publique, si indubitable, « doit servir de mémorial ès siècles des siècles ». […] Dans un sermon pour une prise d’habit qu’il prononça dans sa jeunesse, Bossuet parlant de la pudeur des vierges et l’opposant à ce que bien des filles chrétiennes se permettent dans le monde, disait : Qui pourrait raconter tous les artifices dont elles se servent pour attirer les regards ?
Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps Par M. […] Mais ma confiance dans ces conquêtes est pleine et tranquille, et je ne me crois point obligé, pour servir leur cause, de considérer la maison de Bourbon, la noblesse française et le clergé catholique comme des ennemis. » Ses ennemis, il les verra plutôt en bas, comme il dit, du côté de la démocratie. […] Il y eut même un jour où il lui dit (assure-t-on), — c’était vers 1845, — à un moment critique où on voulait le lui ôter comme ministre et où le vote de la Chambre avait hésité : « Monsieur Guizot, collez-vous à moi. » Mais, tout en appréciant avec estime le talent de l’homme qui le servait avec tant d’éclat, il ne partageait pas sa confiance ni cette intrépidité monarchique si absolue sur une base que lui-même sentait si étroite et si vacillante : « Vous avez mille fois raison, lui répétait-il souvent dans les dernières années ; c’est au fond des esprits qu’il faut combattre l’esprit révolutionnaire, car c’est là qu’il règne ; mais, pour chasser les démons, il faudrait un prophète. » Ce prince était donc, somme toute, un homme d’esprit, et bonne tête, tant qu’il ne faiblit pas. — « Cette bonne tête, ou plutôt cette bonne caboche , » disait de lui un de ses anciens ministres qui se reprenait, comme si le premier mot était un peu trop noble pour le sujet.
Né à Paris en 1774, il fit ses études au collège Louis-le-Grand, et les fit bien ; puis la Révolution le prit : il fut de la levée en masse de 1793, et servit comme canonnier dans l’armée du Nord. […] Ce n’est point d’ordinaire la chaleur ni aucune inspiration émue ou éloquente qui distingue les écrits littéraires sortis de cette plume de savant ; soignés, élégants, d’une justesse ornée, parfois d’une simplicité un peu coquette, ils sont en général destitués de mouvement et de vie : un seul de ses écrits fait exception, c’est le précis intitulé : Essai sur l’Histoire générale des Sciences pendant la Révolution française, qui avait été composé pour servir de préface à une nouvelle édition du Journal des Écoles normales, et qui fut publié séparément (1803). […] Ainsi, point de corporations enseignantes, elles ressemblent à ces statues antiques qui servaient autrefois à guider les voyageurs, et dont le doigt immobile indique encore, après des milliers d’années, des routes qui n’existent plus. » Voilà du talent. — Je me suis étendu à dessein sur le plus ancien et le plus chaleureux des écrits de M.
On sait l’éclat de son expédition d’Écosse en 1745, ses premiers succès, ses aventures, ses malheurs : l’histoire s’en est émue comme le roman. » Le Prétendant, a dit encore de lui Chateaubriand, aborda en Écosse au mois d’août 1745 ; un lambeau de taffetas apporté de France lui servit de drapeau ; il rassembla sous ce drapeau dix mille montagnards, s’empara d’Édimbourg, passa sur le ventre de quatre mille Anglais à Preston et s’avança jusqu’à quatorze lieues de Londres. […] Le mépris que cette entrevue fit naître pour ce prince mit fin au dessein qu’on avait de se servir de lui95. » Ne pouvant l’utiliser directement, on songea du moins à maintenir la race pour alimenter les espérances du parti. […] Mais, de l’autre côté, je vous prie de faire réflexion que, dans ce qui regarde votre indissoluble union avec mon frère, je n’ai eu aucune part que celle d’y donner mon consentement de formalité, après que le tout était conclu, sans que j’en aie eu la moindre information par avance… Rien ne peut être plus sage ni plus édifiant que la pétition que vous faites de venir à Rome dans un couvent, avec les circonstances que vous m’indiquez : aussi je n’ai pas perdu un moment de temps pour aller à Rome, expressément pour vous servir et régler le tout avec notre Très-Saint Père… J’ai pensé à tout ce qui pouvait vous être de plus décent et agréable, et j’ai eu la consolation que le Saint-Père a eu la bonté d’approuver toutes mes idées.
Revenu parmi les siens, et dans les rangs de l’armée où il servait, il était cité comme le plus accompli des colonels. […] Le comte de Gisors y servit de secrétaire au maréchal et y fit aussi ses premières armes. […] Trois généraux s’y succédèrent, sous lesquels le comte de Gisors eut à servir, le maréchal d’Estrées, le maréchal de Richelieu et le comte de Clermont : le premier seul (sauf un peu d’humeur et de rudesse en paroles) était selon son cœur et emportait son estime.
Les hommes de lettres d’Italie, pour retrouver les manuscrits antiques qui devaient leur servir de guides, ayant besoin de la fortune et de l’approbation des princes, étaient plus éloignés que dans tout autre pays du genre d’indépendance nécessaire à cette philosophie. […] À quoi pouvait leur servir, en effet, une faculté qui aurait renversé ce qu’ils respectaient, le despotisme et la superstition ? […] Dans quelque genre que ce soit, tous les mots qui ont servi à des idées fausses, à de froides exagérations, sont pendant longtemps frappés d’aridité ; et telle langue même peut perdre entièrement la puissance d’émouvoir sur tel sujet, si elle a été trop souvent prodiguée à ce sujet même.
Le digne et sincère amant de la gloire propose un beau traité au genre humain ; il lui dit : « Je consacrerai mes talents à vous servir ; ma passion dominante m’excitera sans cesse à faire jouir un plus grand nombre d’hommes des résultats heureux de mes efforts ; le pays, le peuple qui m’est inconnu aura des droits aux fruits de mes veilles ; tout ce qui pense est en relation avec moi ; et dégagé de la puissance environnante des sentiments individuels, c’est à l’étendue seule de mes bienfaits que je mesurerai mon bonheur ; pour prix de ce dévouement, je ne vous demande que de le célébrer, chargez la renommée d’acquitter votre reconnaissance. […] Si la gloire est un moment stationnaire, elle recule dans l’esprit des hommes, et aux yeux mêmes de celui qui s’en voyait l’objet : sa possession émeut l’âme si fortement, exalte à un tel degré toutes les facultés, qu’un moment de calme, dans les objets extérieurs, ne sert qu’à diriger sur soi toute l’agitation de sa pensée : le repos est si loin, le vide est si près, que la cessation de l’action est toujours le plus grand malheur à craindre. Comme il n’y a jamais rien de suffisant dans les plaisirs de la gloire, l’âme ne peut être remplie que par leur attente, ceux qu’elle obtient ne servent qu’à la rapprocher de ceux qu’elle désire ; et si l’on était parvenu au faîte de la grandeur, une circonstance inaperçue, un obscur hommage refusé, deviendraient l’objet de la douleur et de l’envie.
Les troubles civils tireront de lui une manifestation originale et considérable, les Discours, dont nous parlerons en leur lieu ; auprès des contemporains, ils ont plus nui que servi à sa gloire, en lui aliénant les protestants. […] Ronsard est excellent, exquis, délicieux ou grand, chaque fois que par hasard son intention d’érudit tombe d’accord avec son tempérament (et alors l’imitation ne lui sert qu’à manifester dans une forme plus belle son sentiment personnel), ou bien chaque fois que son tempérament prend le dessus et refoule les réminiscences de l’érudit. […] Il a vu à quoi le métier devait servir, et il a bien compris, disons mieux, il a senti dans l’étude des anciens ce que la forme était en poésie.
Il a enseigné à faire dominer une idée, une couleur : il a montré comment les transitions servent à lier et à fondre. […] Remarquant donc que seuls les mathématiciens ont su découvrir quelques démonstrations, c’est-à-dire « quelques raisons certaines et évidentes », il extrait de leur méthode quelques règles absolues et générales, qui lui servent à vérifier tous ses jugements. […] Biographie : René Descartes (1596-1650) fait ses études chez les jésuites, à la Flèche ; puis il s’en va servir comme volontaire sous Maurice de Nassau et sous le duc de Bavière : il parcourt la Hollande, l’Autriche, la Hongrie, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie.
Elle n’a pas de « sensations d’art » : ce qui l’attache, ce sont les souvenirs historiques, les idées auxquelles les choses servent d’appui ou d’occasion. […] Elle affirme que « la littérature romantique est la seule qui soit susceptible encore d’être perfectionnée, parce qu’ayant ses racines dans notre propre sol, elle est la seule qui puisse croître et se vivifier de nouveau : elle exprime notre religion ; elle rappelle notre histoire… ; elle se sert de nos impressions personnelles pour nous émouvoir641 ». […] Le passage est curieux, d’autant qu’il relie l’Allemagne à l’idée maîtresse de la Littérature : « Les nations doivent se servir de guides les unes aux autres, et toutes auraient tort de se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter.
Elle est dangereuse à moins qu’elle ne s’asservisse à la religion laïque qui n’est pas encore promulguée, mais pour la Bible de laquelle tant de fidèles demandent à souscrire ; la science est dangereuse parce qu’elle est autonome, et que nul ne saurait prévoir les conclusions qu’elle commandera et qui contrediront peut-être les dogmes moraux improvisés ; l’art est à proscrire aussi, s’il ne veut pas servir, s’il prétend vivre pour lui-même, non pour l’adorable je ne sais quoi dont de tendres consciences ont cure. […] Mais Maine de Biran ne se sert de l’effort que pour expliquer la Perception extérieure. […] Le devoir de l’Élite sera d’exceller le devoir de la masse, de servir l’Élite.
Mais Dante ayant à construire son monde idéal, et voulant peindre pour son siècle et sa nation5, prit ses matériaux où il les trouva : il fit parler une langue qui avait bégayé jusqu’alors, et les mots extraordinaires qu’il créait au besoin n’ont servi qu’à lui seul. […] J’ai donc pensé qu’elles devraient servir également à la gloire du poëte qu’on traduit, et au progrès de la langue dans laquelle on traduit ; et ce n’est pourtant point là qu’il faut lire un poëte, car les traductions éclairent les défauts et éteignent les beautés ; mais on peut assurer qu’elles perfectionnent le langage. […] Dante se sert partout, comme les anciens, des mots de spectres, de mânes, d’ombres, de fantômes, d’âmes et de simulacres, pour désigner les morts.
Ou encore ce style prompt, piquant, pétillant, servi à la minute, fait l’effet d’un sorbet mousseux et frais qu’on prendrait en été sous la treille. […] Janin affectionne soit surtout celle de fantaisie et de broderie, elle lui a servi plus d’une fois à recouvrir l’autre, la vraie critique digne de ce nom. […] Arnauld bénisse à Utrecht le mariage de Mlle de Prohenques, cette fille de l’Enfance qui s’était enfuie par escalade, quand je lis dans un écrit d’Arnauld lui-même qu’il ne parle d’elle que comme d’une fille apostate, et de l’homme qu’elle épouse que comme d’un grand débauché : On voit assez, dit le sévère docteur, que Dieu, qui tire le bien du mal, n’a permis qu’elle soit tombée dans des désordres si scandaleux et dans des contradictions si manifestes, que pour découvrir de plus en plus l’innocence des Filles de l’Enfance, et la malice de leurs adversaires, qui se sont servis du témoignage de cette apostate pour surprendre la religion du roi.
C’est ce dernier Ducis qui nous intéresse avant tout, qui reste pour nous présent et vivant, et qui peut servir aujourd’hui à nous faire apprécier quelque chose de l’autre. […] Il semble alors qu’un signe de sa tête vénérable me réponde et me serve de prix. […] Dans son Œdipe chez Admète, où il confond deux actions distinctes, deux tragédies, celle d’Alceste voulant mourir pour son époux, et celle d’Œdipe expirant entre les bras d’Antigone, Ducis a plus que des mots ; il a, au troisième acte et au cinquième, des tirades pathétiques, une touche large, comme lorsque Œdipe, s’adressant aux dieux, les remercie, jusque dans son abîme de calamités, de lui avoir laissé un cœur pur : C’est un de vos bienfaits que, né pour la douleur, Je n’aie au moins jamais profané mon malheur… On s’explique aussi très bien le succès de son Othello, représenté pour la première fois en 1792, et parlant comme un soldat parvenu qui sert avec désintéressement la République et n’a rien à envier aux grands : Ils n’ont pas, tous ces grands, manqué d’intelligence, En consacrant entre eux les droits de la naissance : Comme ils sont tout par elle, elle est tout à leurs yeux.