La mise en scène, comme on voit, devait offrir de grandes difficultés ; elle exigeait des masques bien étranges, même à côté des masques fantastiques de la comédie italienne. […] Andreini s’écriait en terminant son Théâtre céleste : « Scène trompeuse, je pars !
L’auteur piqué déclara qu’il n’écrirait plus pour la scène et tint parole. […] Musset a travaillé une fois pour la scène depuis la chute de « La Nuit vénitienne ». […] La scène où il explique à Philippe Strozzi qu’il faut, pour son honneur, qu’il commette un crime inutile, est d’une rare grandeur. […] Elle le met en scène à l’heure charmante et périlleuse où le collégien devenait homme et se réveillait poète. […] L’esprit de détail et la drôlerie imprévue font les frais de la scène et raccommodent à chaque instant la déchirure du fond.
et quelle scène de la vie privée a jamais servi de « modèle » à une symphonie ? […] Mais comment mettrait-on un tel être à la scène ? […] Halévy, d’avoir « accaparé » la scène. […] Aussi la vraie pièce était-elle dans la salle, où, de scène en scène, avec une curiosité bien naturelle, on s’attendait à voir le sujet avancer d’un pas. […] C’est une scène du troisième acte, au café du Cirque, où M.
Quoique les héros de notre tragédie ne s’épargnent pas les belles tirades, les héros de la scène espagnole, de la scène allemande et même de la scène anglaise débitent encore les discours plus longs et plus soigneusement composés. […] Nulle part nous ne saisirons mieux au vif cette transformation que sur la scène comique. […] Jugent-ils qu’il en faut trois ou quatre pour assaisonner une scène ? […] Entre les scènes grossières que nous avons relevées dans les Faux Bonshommes et les scènes licencieuses semées à profusion dans le livre de M. […] Barrière des scènes qui répugnent.
Le coup de tonnerre du 5 mars, la nouvelle de la rentrée en scène de Napoléon, qui brusqua la séparation du congrès, donna fort à réfléchir à M. de Talleyrand, et il mit dans toutes ses démarches des mois suivants une singulière lenteur. […] On a raconté la scène de Mons, et comment lui qui s’était cru nécessaire, il se vit tout d’un coup évincé. […] Chateaubriand nous a fait assister à cette scène d’ironie étrange et à la Tacite, qui se passa à Saint-Denis, à l’ombre de l’abbaye royale : Talleyrand introduisant Fouché dans le cabinet du roi, frère de Louis XVI, « le vice appuyé sur le bras du crime », et venant patronner son compère, le cautionner effrontément et l’imposer. […] Il voulut, comme on dit, mettre ordre à ses affaires ; avec l’art et le calme qui le distinguaient, il disposa le dernier acte de sa vie en deux scènes qu’on ne trouvera pas mauvais que je présente comme il convient et que je développe.
Elle est la première actrice en France qui ait eu à la fois de l’éclat sur la scène et de la considération dans la société. […] Elle avait plus de vingt-cinq ans alors, et elle occupa la scène treize années. […] On n’avait jamais si bien entendu l’art des scènes muettes, l’art de bien écouter et de jouer encore de toute sa personne et de son attitude expressive, tandis qu’un autre parlait. Il ne paraît pas que, hors de la scène, elle eût des beautés bien frappantes et bien extraordinaires ; mais elle en avait l’ajustement naturel, l’ensemble et l’harmonie.
Cette originalité éclate encore dans les scènes des deux dîners chez Mlle Quinault, dans les inimaginables orgies de conversation qui s’y passent entre beaux esprits, et auxquelles Mme d’Épinay assiste en témoin qui dit son mot et qui surtout sait écouter. […] Toutes les scènes où elle figure sont excellentes et prises sur nature : mais la première, dans laquelle elle arrache le secret à la jeune femme et l’excite à aller plus avant, passe toutes les autres. […] Et la scène continue sur ce ton, Mme d’Épinay se promettant de n’avoir jamais d’amant, flattée cependant qu’on lui en parle, et au fond en ayant un déjà, et Mlle d’Ette, pour la faire parler et se rendre maîtresse, s’attachant adroitement à piquer, à effaroucher, à rassurer et à enhardir cette jeune âme, à l’incliner vers les fins qu’elle se propose. […] La plus jolie scène, et l’une des plus honnêtes où il figure, est celle où on le voit un jour aller au collège de compagnie avec Mme d’Épinay, et où il fait subir un interrogatoire au précepteur du jeune d’Épinay, à ce pauvre et grotesque M.
« J’ai entendu en 1788, dit quelque part Mallet, Marat lire et commenter le Contrat social, dans les promenades publiques, aux applaudissements d’un auditoire enthousiaste65. » Un Journal intime de Mallet, dont on nous donne des extraits et qui contient ses observations sur Paris, de 1785 à 1789, nous transporte au milieu des mœurs du temps et dans les scènes les plus vives de la guerre de la Cour contre les parlements. […] Et lorsqu’au mois de septembre suivant, le jour de sa rentrée, le Parlement, pour modérer les scènes tumultueuses qui accompagnaient son ovation, rendit arrêt contre les attroupements, pétards, fusées, etc. […] Cet indiscret Garat, dans un épanchement qu’il adressait à Condorcet en 1792, écrivait, en se reportant aux scènes de la Constituante (de tels aveux sont bons à recueillir dans tous les temps) : Vous savez, monsieur, qu’à ces mêmes époques les séances de l’Assemblée nationale ; d’où tous les mouvements partaient et où tous venaient retentir et se répéter, étaient beaucoup moins des délibérations que des actions et des événements. […] Dès le début, on sent l’homme désabusé qu’un devoir ramène sur la scène bien plus que l’illusion ou l’espérance : Lorsqu’on a atteint quarante ans, et qu’on n’est pas absolument dépourvu de jugement, on ne croit pas plus à l’empire de l’expérience qu’à celui de la raison : leurs instructions sont perdues pour les gouvernements comme pour les peuples ; et l’on est heureux de compter cent hommes sur une génération à qui les vicissitudes humaines apprennent quelque chose.
On y distingue dans la première scène du premier acte un morceau assez beau et sensé dans la bouche de Brutus, qui montre les Romains déchus de la liberté par leurs mœurs et méritant désormais la servitude. […] Il n’y a de poétique que l’idée d’avoir mis en scène ce sujet abstrait et d’en avoir attribué le développement à un personnage historique. […] » etc., etc.) ; quand on s’est bien convaincu que cet auteur n’a pas relu Villehardouin avant de faire parler ses chevaliers, il faut saluer et applaudir avec le parterre quelques beaux vers qui redoublent d’effet en situation, cinq ou six hémistiches qui rendent quelque écho du sublime de Corneille, un cri d’innocence qui s’élève des dernières scènes, et le très beau récit final du supplice. […] Aussi, plus tard, ne cessa-t-il d’ajouter une grande importance en toutes choses à ce qu’il appelait la mise en scène.
Elle se tient d’ordinaire dans le cabinet, c’est-à-dire dans la chambre royale ; elle en fait son centre et s’étend le plus volontiers sur les scènes qui s’y sont présentées à son observation. […] Lorsqu’elle revient à la Cour en 1643, Mme de Motteville nous décrit les divers personnages en scène, les divers intérêts des cabales ; elle se montre à nous au milieu de ces grandes intrigues comme un simple spectateur placé dans un coin de la meilleure loge et parfaitement désintéressé : Ainsi je ne songeais pour lors qu’à me divertir de tout ce que je voyais, comme d’une belle comédie qui se jouait devant mes yeux, où je n’avais nul intérêt. — Les cabinets des rois, dit-elle encore, sont des théâtres où se jouent continuellement des pièces qui occupent tout le monde ; il y en a qui sont simplement comiques ; il y en a aussi de tragiques dont les plus grands événements sont toujours causés par des bagatelles. […] Les premières scènes de la Fronde sont racontées par elle de manière à ne point pâlir, même à côté des récits du cardinal de Retz. […] On voit que c’eût été une royaliste assez libérale que Mme de Motteville ; mais cette femme d’esprit et de sens, qui assiste à ces scènes terribles, et qui les raconte, n’est pas dupe des grands mots, ni des apparences ; elle y mêle de ces remarques qui honorent l’historien, et que les politiques ne désavoueraient pas : « Quand les sujets se révoltent, dit-elle, ils y sont poussés par des causes qu’ils ignorent, et, pour l’ordinaire, ce qu’ils demandent n’est pas ce qu’il faut pour les apaiser. » Elle nous montre ces magistrats mêmes, qui avaient été les premiers à émouvoir le peuple, s’étonnant bientôt de le voir se retourner contre eux et ne les pas respecter : « Ils se reconnaissaient la cause de ces désordres, et n’y auraient pu remédier s’ils avaient voulu l’entreprendre ; car, quand le peuple se mêle d’ordonner, il n’y a plus de maître, et chacun en son particulier le veut être. » Rentrons un peu en nous-mêmes, et demandons-nous si ce n’est pas là encore notre histoire.
Car l’effet émotionnel d’un livre dépend évidemment dans une certaine mesure, de la manière dont ses parties se suivent, de l’imprévu de certaines scènes, de la succession naturelle de certaines autres, de l’emploi habile de la réticence et de l’explication, du cours uni, rapide, lent, tortueux, du récit. […] Rappelons que Jean Moréas a publié son Manifeste du symbolisme en 1886 dans le Figaro, et que l’idée de suggestion, dans ces années 1880-1890, occupe le devant de la « scène esthétique » (Mallarmé), de la « scène sociologique » (Tarde), comme de la « scène hystérique » (Bernheim).
On a beaucoup ri de cette mise en scène de clair de lune, devenue fameuse par le Songe d’une nuit d’été, sans se douter que c’est là une sinistre indication de Dante. […] Le vestiaire de ces théâtres, où les comédiens s’habillaient pêle-mêle, était un recoin séparé de la scène par une loque quelconque tendue sur une corde. […] De temps en temps, par rentre-bâillement de la tapisserie, on voyait passer une face grimée en morisque, épiant si le moment d’entrer en scène était venu, ou le menton glabre d’un comédien jouant les rôles de femme. […] Shakespeare avait pu, par exemple, sans soulever de réclamation, mettre sur la scène son ancienne aventure de braconnier et faire de sir Thomas Lucy un grotesque, le juge Shallow, montrer au public Falstaff tuant le daim et rossant les gens de Shallow, et pousser le portrait jusqu’à donner à Shallow le blason de sir Thomas Lucy, audace aristophanesque d’un homme qui ne connaissait pas Aristophane.
Mlle Aimée me raconte qu’on est dans la misère la plus affreuse, que ce sont tous les jours des scènes effroyables de fournisseurs. […] Nous nous sommes bien promis, dans la journée, que si nous voyions, vers la fin de la pièce, l’enthousiasme aller trop bien, nous filerions bien vite pour n’être pas traînés en triomphe sur la scène. […] Je vois passer Mme Plessy qui sort de scène avec le courroux d’une lionne, rugissant des injures contre ce public qui l’a insultée. […] La soirée est presque bonne et les acteurs peuvent un rien jouer, et c’est un vrai rayon que l’embellie qui passe sur la figure de Mme Lafontaine, toute joyeuse, d’entrer en scène sans être sifflée. […] Du reste, maintenant, le plan des siffleurs est bien visible : c’est de tuer toutes les scènes et les mots à effet.
Shéridan a composé en anglais quelques comédies où l’esprit le plus brillant et le plus original se montre presque à chaque scène ; mais outre qu’une exception ne changerait rien aux considérations générales, il faut encore distinguer la gaieté de l’esprit, du talent dont Molière est le modèle. […] Les Anglais ont très rarement admis sur la scène le genre d’esprit qu’ils nomment humour ; son effet ne serait point théâtral.
Legouvé, dans sa tragédie de Henri IV, ne pouvant pas reproduire le plus beau mot de ce roi patriote : « Je voudrais que le plus pauvre paysan de mon royaume pût du moins avoir la poule au pot le dimanche. » Ce mot, vraiment français, eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. […] La seule situation énergique que nous ayons vue depuis vingt ans, la scène du paravent, dans le Tartufe de mœurs, nous la devons au théâtre anglais.
Il faut voir le froid de tous ces personnages ; le peu d’esprit et d’idées qu’on y a mis, la monotonie de cette scène, et puis cela est peint gris et symmétrisé. […] Ce n’est pas ainsi que notre Greuze se retire de ces scènes-là, soit pour la composition, le dessin, les incidens, les caractères, la couleur.
Voltaire, bien qu’il fût violemment choqué par l’étrangeté quelquefois barbare de cette scène shakespearienne, en sentit néanmoins la moelle humaine, les proportions gigantesques, l’audace politique, la profondeur, l’élévation, l’étendue. […] Il sentit à cet aspect qu’on pouvait donner à la scène française moins de convention, de déclamation, et plus de vérité en se rapprochant du modèle anglais ; il ébaucha sur ce type moitié anglais, moitié romain, ses deux tragédies politiques de Brutus et de la Mort de César. […] Cette tragédie toute romanesque fut une innovation sur la scène française, consacrée surtout jusque-là à des scènes historiques. […] Il eut seulement la faiblesse de poursuivre trop tard les vains succès de la scène, et de s’acharner après les applaudissements de Paris qu’il n’entendait plus de si loin. […] Le peuple, sans le comprendre tout à fait, voyait dans ce vieillard le précurseur d’on ne sait quel inconnu, dans les idées et dans les choses, qui devait être la Révolution française ; les hommes de lettres saluaient en lui leur roi, l’Académie le maître de la langue, les comédiens français le maître de la scène pendant soixante ans de triomphe ; la cour venait adorer en lui la mode, cette seconde royauté de la France.
Paul Bourget qu’il faut attribuer l’honneur, pour le roman français à la fin du xixe siècle, d’avoir prêté à la vie de l’âme et à la mentalité des personnages mis en scène, une observation plus exacte, plus intuitive, et une attention plus sympathique ? […] Paul Bourget a opéré, soit dans la conception des personnages mis en scène au cours de ces romans, soit dans la description de certains organismes étudiés, soit enfin dans la composition de ses tableaux, une synthèse, saisissante d’exactitude, des théories nouvelles qui cherchent à s’emparer de notre société. […] Mais si les détails du décor et de l’action sont réduits au strict nécessaire, si les scènes sont étrangement sobres de mouvement, les caractères des personnages y apparaissent fouillés par le scalpel d’un maître. […] — des scènes tragiques, où aucun détail d’observation n’est oublié. […] Les « vivants » qu’il met en scène sont [presque tous préoccupés du devoir.
Cette femme-là, ils l’avaient très nettement et même très brillamment posée dès le début de leur roman, dans cette scène, originale et nouvelle, qui ouvre le livre, entré Renée Mauperin et son fiancé Reverchon, nageant en pleine rivière, aux rayons obliques d’un soleil à son déclin… comme deux garçons qui veulent gagner de l’appétit avant de dîner. Scène étonnante et hardie, parfaitement filée, et à laquelle je ne connais pas d’analogue dans les romans contemporains ; si ce n’est une scène de baignoire, dans Fragoletta, entre la reine Caroline de Naples et lady Hamilton. […] Cette scène, effrayante comme un tour de force merveilleusement accompli, et qui fait se demander par quoi va continuer et finir un roman qui commence ainsi, n’est suivie d’aucune autre qui montre, en le développant, le caractère de cette fille singulière et gâtée, qui philosophe en caleçon, au bain, avec un homme, et qui a dix-sept ans !!! […] Il a découvert une maladie des plus rares, qui se termine par ce qu’il appelle une agonie sardonique, et c’est pendant cette agonie de son amant — lord Annandale — que la Faustin, qui a renoncé à la scène et reprise par la rage de l’art, par l’ogre qui dévore la nature et qui mange toujours la femme au profit de la comédienne, étudie, mime et répète devant une glace, avec la passion de l’artiste qui ne voit plus rien, ce rire affreux de son amant qui meurt, quand, dans un de ces retours de connaissance comme il en revient parfois aux mourants, le lord s’aperçoit du rire de sa maîtresse et la fait jeter à la porte par ses valets. […] Sa Faustin n’est guères qu’une cabotine, et lui, qui la met en scène, un Byzantin de ce temps de nerfs, de mièvreries et de corruption.