… Je ne le sais pas non plus. […] Tout ce qui est là-dedans, avant de le lire, on le savait ; et la manière de nous l’apprendre, on la savait aussi, mais moins, car elle s’est lamentablement affaiblie. De grisâtre qu’il était autrefois quand il éclatait le plus, le style de Guizot a passé au blanchâtre, et la dure austérité de la forme qui semblait impliquer l’austérité du fond, et qui était la prétention de Guizot, s’est fondue dans je ne sais quel ramollissement sentimental. […] Qui sait ?
Je sais, comme vous, que dans toute poésie, quelle qu’en soit la forme ou l’étendue, il y a une lutte secrète entre l’infini du sentiment qui circule et le fini de la langue dans laquelle cet infini se renferme sans se limiter, mais ici, cette lutte, qui est le caractère glorieux et infirme de toute poésie, a lieu sur un bien plus petit espace, ce qui augmente le danger et constitue un bien plus difficile idéal. […] Soulary est bien capable de nous donner son prochain ouvrage sur le parchemin d’un manuscrit enluminé), à la tête de ce recueil il y a un portrait du poète qui dit bien tout ce qu’il est, lui et sa poésie, à ceux-là qui savent lire l’hiéroglyphe de la physionomie humaine. […] Le poète qui a écrit L’Influenza, La Note éternelle, Un soir d’été, La Colombe, L’Ancolie, A Éva, Sur la Montagne, Dans les Bois, Dans la Grotte, Dans les Ruines, Stella, La Canne du Vieux, Abîme sur Abîme, Hermès, ou, pour mieux parler, car il faudrait tout citer, les Cent soixante-douze Sonnets du recueil, qui sont, à bien peu d’exceptions près, presque tous, à leur façon, des chefs-d’œuvre, est certainement plus qu’un artiste de langue et de rythme, introduisant, à force d’art et de concentration, je ne sais quelle téméraire plastique dans le langage. […] Tu voudrais voir, dis-tu, pour la vie éternelle, Nos deux âmes se perdre en la même étincelle ; Si bien qu’on ne saurait en séparer les feux. […] à la perfection des choses petites, qui n’est qu’une réussite, un tour de force… ou bien d’adresse, cause d’une sensation très-vive et très-particulière, je le sais, mais qui ne donne pas la suffisante sensation qui nous dit : « Voici le génie !
qui lui souffle, sans qu’il le sache, jusque de l’argent dans sa poche. […] Richepin, à l’humilité devant elles d’un homme qui sait se tenir debout, d’un homme qui a le sexe d’Hercule, et qui fait de sa massue la quenouille de ce roman filé ? […] C’est le sentimental, ce ne peut être que le sentimental, l’Amadis tombé, on ne sait d’où, dans M. […] Qui sait si tout l’art de son livre n’est pas le froid machiavélisme d’un esprit capable de tout dans l’avenir, et qui se tâte et qui s’essaye ? […] Jean Richepin sait se plier aux sinuosités de la réflexion, et même, dans le monde, mettre de la profondeur dans la convenance.
« Je ne sais si je pourrai vous écrire jamais sur ce papier qu’on me donne à l’auberge. […] Je voudrais bien savoir comment vous supportez l’absence. […] « Savez-vous pourquoi tout cela pèse tant sur moi ? […] Elle avait seize ans ; elle était Romaine, nièce d’un cardinal d’origine française ; elle voyageait je ne sais pourquoi en France avec je ne sais quelle princesse de sa famille. […] « Mon vieil ami, je vous envie ; vous pouvez très bien vous passer de ce monde, dont je ne sais que faire.
Mais est-ce que de tous les journalistes qui réclament, un seul sait seulement la place d’un seul tableau du Louvre ? […] Nous ne nous savions pas si voisins de lui dans la séparation éternelle ! […] Du reste je ne sais quel mauvais vent de contradiction soufflait, ce soir, dans la causerie et les paroles du salon. […] comme ce père, en parlant de ses deux filles, a dit, sans se savoir sublime : « Oui, déshonorées… je les aimerais mieux mortes ! […] de singulières choses, allez… Au fait, vous savez, l’Empereur a été si content d’Agar dans les vers de Gautier, qu’il l’a fait engager aux Français.
Mais savez-vous ce qu’il y a ? […] ou plutôt, « Pourquoi, en 1848, n’as-tu pas su être cet homme ? […] L’Italie elle-même saura si elle doit me condamner ou m’absoudre. […] Qui ne sait pas tout ne sait rien. […] Mais que sait-on avant d’avoir réfléchi ?
On aime à savoir où ce grand écrivain et ce grand esprit s’est trompé et a décidé trop à la légère avant de bien savoir ; où il a été épigrammatique et injuste envers des prédécesseurs illustres et considérables ; où il a donné dans l’hypothèse pure et hasardée ; où il a deviné juste par étendue d’esprit et par aperçu de génie ; on aime à saisir avec précision sa marche progressive, à mesurer sa prise de possession graduelle de son sujet, à noter l’endroit certain où il devient complètement naturaliste, de physicien qu’il était en commençant. […] « Buffon, disait Linné vers la fin de sa vie, n’a point recalé les bornes de la science, mais il sut la faire aimer ; et c’est aussi la servir utilement. » Cet éloge ne dit point assez sans doute : voyons-y du moins une sorte de réparation accordée par le prince des botanistes, par le naturaliste qui l’était de naissance et de pur génie, à celui qui l’était devenu par volonté et qui régna, lui aussi, du droit du génie et de la puissance. […] Foisset, d’après la tradition locale et d’après les nombreuses lettres qui lui ont passé sous les yeux, croit avoir le droit d’être moins favorable à la sensibilité et au cœur de Buffon : Je sens bien que je ne saurais vous persuader, me faisait l’honneur de m’écrire M. […] La gloire de Buffon ne saurait être dans ce qu’il a fait faire, mais dans ce qu’il a fait lui-même, dans ce qu’il a créé ; j’ajouterai qu’elle est moins encore dans ce qu’il a fait pour ses contemporains, que dans ce qu’il a préparé pour nous. […] » Je ne sais ce que penserait aujourd’hui Buffon des diverses théories en lutte dans l’histoire naturelle ; je crois qu’il est téméraire de le vouloir supposer, et de l’honorer non par rapport à lui-même, mais par rapport à soi.
Je sais qu’il a soin de définir le peuple ou vulgaire comme étant formé, à ses yeux, d’esprits de toutes classes, de même qu’il appelle du nom de pédants beaucoup de ceux qui ont des robes et beaucoup aussi qui n’en ont pas ; malgré ces distinctions judicieuses, on peut dire toutefois qu’il est contre le vulgaire avec excès42, et qu’il se met par là en contradiction avec son propre but, qui est avant tout de vulgariser la sagesse. […] Il y en a eu en l’Antiquité, mais il ne s’en trouve presque plus. » Il dira de Scipion accusé et dédaignant de se défendre : « Il avait le cœur trop gros de nature pour se savoir être criminel, etc. » Que ces expressions soient à lui ou primitivement à Montaigne, il a le talent de les poursuivre et de les continuer ; il est homme à en trouver à son tour de pareilles, et qui ne déparent pas celles qu’il tient de l’original. […] Il ne s’agit pas enfin de s’informer du savoir et des opinions d’autrui pour en faire montre, il faut les rendre nôtres : « Il ne faut pas les loger en notre âme, mais les incorporer et transsubstancier. […] Et Garasse continue de jouer sur ce nom de Charron et sur le chariot qu’il n’a pas su mener. […] [NdA] Le peu qu’on sait sur l’auteur de ce livre est dû à Gui Patin, dans une de ses lettres à Spon (17 août 1643) : « Des Considérations sur la sagesse de Charron, dit-il, le vrai auteur, qui n’aime pas d’être connu, est M.
Rempli de la poésie des anciens et particulièrement des Grecs, la goûtant dans ses hardiesses les plus harmonieuses et les plus naturelles Fénelon savait tout le faible de la poésie moderne et de la nôtre en particulier ; il l’a indiqué encore en d’autres endroits de cette lettre, et on n’a jamais dit à une Académie accoutumée à se célébrer elle-même, ainsi que sa propre langue, des vérités plus fortes d’une manière plus douce. […] Je sais tout ce qu’avaient d’incomplet, et jusqu’à un certain point de hâtif cet extrait et ce jugement de 1828, et je le livre aux corrections de détail de ceux qui y reviennent armés de toutes pièces et avec une application d’érudit ; mais en ce qui est d’avoir fait un acte de goût, je ne saurais m’en repentir, et l’idée que je me forme de Ronsard est encore la même, c’est-à-dire celle-ci. […] Si l’on voulait s’en prendre aux événements de ce que l’homme n’a pas su accomplir, il serait naturel de faire comme Ronsard et d’accuser les guerres civiles et domestiques ; elles lui furent plus contraires quJà personne, et dès 1562 il éprouva, pour s’être loyalement déclaré en faveur de l’ordre existant et de l’Église établie, la fureur et la malignité des factions. […] Cet esprit gaillard et ce cœur généreux (c’est ainsi qu’il se qualifie avec raison) n’a pas su assez dégager la poésie de la fougue même du tempérament ; sa santé s’est fatiguée avant qu’il ait régulièrement mûri ; il n’a pas eu deux jeunesses. […] Cela est si vrai, que lorsqu’il veut se corriger lui-même, Ronsard n’a pas la main sûre ni le tact heureux ; il lui arrive de retrancher, on ne sait pourquoi, de ses dernières éditions des vers qui sont charmants, et du petit nombre de ceux qui paraîtront tels à tous les yeux.
Toutefois il ne lui eût pas nui de savoir du latin, et il en eût fait son profit, puisqu’il aime à étudier les auteurs anciens et à commenter César, dont il se fera en ses loisirs une sorte de bréviaire. […] Timoléon, on le sait, appelé de Corinthe en Sicile, délivra l’île des tyrans, et l’ayant trouvée tout effarouchée et sauvage, comme dit Amyot, et haïe par les naturels habitants même », il la rendit si douce et si désirée des étrangers, qu’ils y venaient de loin pour habiter et pour y vivre. […] » Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse. Et cependant ce grand homme rapportait à la fortune tous les succès qu’il avait ; car, soit qu’il écrivît à ses amis de Corinthe, soit qu’il haranguât les Syracusains, il disait souvent qu’il savait gré à Dieu de ce que, voulant sauver la Sicile, il s’était inscrit sous son nom ; et dans sa maison, ayant érigé une chapelle à la Spontanéité (à ce qui vient de soi-même), il y sacrifia ; et la maison même, il la dédia au Génie sacré. […] : Je vous ai écrit d’un voyage que doit faire M. de Rohan ; certes c’est une belle occasion, et eusse fort désiré en avoir votre avis, estimant qu’il serait fort à propos que notre aîné l’eût fait, mais je n’ai garde de le lui faire entreprendre que je ne sache votre volonté.
Frédéric voulait la grandeur de la Prusse, et il savait à quel prix seulement et par quelles luttes il la pouvait conquérir et fonder, cette grandeur nouvelle, au cœur de l’Empire et à la face de l’Europe. […] Sachant de quelle importance est le militaire dans le gouvernement, et surtout en Prusse52, il a là-dessus des principes immuables et fixes sur lesquels aucune considération personnelle ne le saurait entamer. Un jour que le prince Guillaume a essayé de le faire fléchir à je ne sais quelle occasion et de le faire transiger, il lui écrit (août 1750) : Si vous voulez accepter un conseil que mon amitié vous donne, c’est de ne pas trop remuer une affaire qui à la fin pourrait devenir fâcheuse. […] La guerre de Sept Ans exposa le prince Guillaume à de pénibles épreuves : mis à la tête d’une armée en juin 1757, dans les circonstances les plus difficiles, il ne sut point s’élever à la hauteur voulue ; il hésita, il manqua de résolution, et n’eut de manœuvres que pour faire retraite sur retraite ; il mérita que Frédéric lui écrivît : « Si vous vous retirez toujours, vous serez acculé à Berlin entre ci et quatre semaines. […] Vous savez que j’ai fait pour votre établissement tout ce que mes facultés me permettaient de faire.
Il a rempli son rôle à merveille, son premier rôle, et il se dérobe et se dérobera toujours devant le second qui lui est offert et qu’il estime trop lourd pour lui ; car il sait aussi bien qu’Horace ce qu’il peut porter et ce qu’il doit laisser à d’autres ( quid ferre recusent, quid valeant humeri ). […] La chanson était la distraction légère et le hors-d’œuvre sur lequel il ne comptait pas, et il fondait tout son espoir de renommée sur un poëme (je ne sais quel poëme épique pastoral) qu’il corrigeait et retravaillait sans cesse : « Si l’amour-propre ne m’égare pas, je crois commencer un peu à comprendre ce que c’est que la poésie ; mais qu’il y a encore à apprendre ! […] Le chansonnier, alors dans toute sa vogue de popularité, lui rend hommage et, avant de l’appeler son ami, l’appelle son maître ; il le secourt de sa bourse, il lui cherche des souscripteurs pour je ne sais quel recueil qui ne se publiera jamais25 ; il le remonte surtout moralement. […] Il est vrai que j’avais un talent qui vous manque, j’en suis bien sûr : je savais faire des reprises, rattacher des boutons. […] j’espère que vous en aurez avant peu. » Je ne sais si je me trompe, je trouve beaucoup de délicatesse à ce qui semble peut-être à d’autres en manquer.
La scène touchante de l’Andrienne, qui est en récit dans l’exposition, cette espèce de déclaration publique involontaire de l’amour de la jeune fille éplorée, de Glycère pour Pamphile, aux funérailles de Chrysis, ne saurait se séparer de cette autre scène racontée par Pamphile lui-même à la fin du premier acte. […] Se sentant près de mourir, elle m’appelle ; je m’approche : on vous avait éloignées ; nous étions seuls (tous trois) ; elle commence : « Mon cher Pamphile, tu vois sa beauté et son âge, et il ne saurait t’échapper que ce sont là de pauvres secours pour garantir sa vertu et tout ce qu’elle possède. […] « Ne pleurez pas, lui dit Chrémès, et quelle que soit la chose, dites-moi tout : pas de réticence, ne craignez rien ; confiez-vous à moi, vous dis-je, et consolation ou conseil, ou de tout autre manière, je vous aiderai. » Et Ménédème, que son secret oppresse, et qui a besoin de l’épancher, ne résiste plus : « Vous voulez le savoir ? […] Pour bien saisir le comique de la situation, il est bon de savoir que tous les désordres contre lesquels il va éclater, et dont Eschine s’est rendu coupable, ne sont que pour le compte du vertueux frère, ce frère si surveillé et que le père morigène si bien ; c’est le plus sévèrement élevé qui est le plus mauvais sujet des deux : l’autre n’a rien fait que par complaisance pour son cadet. […] Je ne sais plus lequel des critiques de ce temps-ci dont je disais : « Il aime le délicat, mais il adore le faible. » Celui-là aura beau être instruit et versé dans les choses de l’Antiquité, il n’est digne qu’à demi de sentir Térence.
Marie-Thérèse n’était pas sans le savoir autant et mieux que personne ; elle n’avait consenti qu’avec répugnance à ces démarches violentes et précipitées de son fils ; elle sentait bien que cette affaire n’avait pas été assez liée ni concertée avec les alliés ; qu’une nouvelle guerre de Sept Ans eu pouvait sortir, et que l’Autriche n’y était point préparée. […] Jugez de ma peine en particulier : l’empereur et votre frère (Maximilien) et le prince Albert (beau-frère) y seraient les premiers acteurs : l’idée seule me fait presque succomber, mais je ne saurais l’empêcher, et si je n’y succombe, mes jours seraient pires que la mort. […] J’en ai témoigné mon mécontentement aussitôt que je l’ai su. […] On sait que Marie-Thérèse, plus émue que personne (et elle en avait le droit), prit sur elle alors d’ouvrir une négociation particulière avec le roi de Prusse (juillet 1778) ; la négociation manqua : Joseph II fut très irrité quand il sut la tentative de sa mère. […] Ce sont des objets bien grands et chers, pour ne rien négliger à les consolider et éterniser. » On sait la suite.
On les apprend avec une secrète joie, on a plaisir à les savoir ; mais il n’en passe rien de la tête au cœur, et elles n’ont aucun effet appréciable sur la vie morale. […] Jusque dans le détail des fonctions les plus secrètes de la nature, il sait ne rien taire en ne disant rien qui puisse faire rougir le lecteur, et il reste peintre en éteignant la description au moment où la science coûterait à la pudeur. […] On ne les attendait pas ; ils viennent tout à coup rappeler l’intelligence au but moral de toute science, qui est de savoir pour mieux valoir. […] Est-ce bien un naturaliste qui a écrit ceci : « Ces tristes oiseaux d’eau dont on ne sait que dire, et dont la multitude est accablante ? […] Quand il remarque que, faute d’avoir assez réfléchi sur son sujet, un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer à écrire, le conseil n’est-il pas aussi bon pour les actions que pour les écrits ?
Il inclinait à la sympathie non seulement par l’obligeance de son accueil, mais encore par je ne sais quel air souffrant répandu sur toute sa personne. […] Ses études commencées dans un pensionnat d’Auteuil et terminées au lycée de Sens, il se sentit la vocation des lettres, mais il savait que la carrière nourrit peu son homme et qu’un poète soucieux de se réaliser noblement doit, avant tout, assurer l’indépendance de la pensée par des ressources auxiliaires. […] Il savait rendre, par sa parole animée, les maillots d’actrice un sujet digne de Platon. […] Savez-vous qu’on a peur de nommer trop haut celui qu’on estime de peur que la gloire ne l’enlève et le gâte et l’annule. […] S’il manifeste un doute, ce n’est plus avec l’angoisse agressive d’un Musset, mais avec la résignation stoïque d’un Vigny ou, mieux encore, avec le détachement fataliste d’un Gautier : L’espace a pour jouet le cri : Je ne sais pas..
Savez-vous ce qu’avaient fait les yeux d’Antoinette ? […] Peu d’écrivains, même parmi les immortels du jour, savent aussi bien que Bourget reprendre une grande inspiration pour la banaliser et la faire lucrativement grotesque. […] Mais il est de ceux, déjà bien extraordinaires, qui laisseront des pages et je ne sais guère de contemporains capables de nous donner l’équivalent de La Femme Pauvre. […] Je l’admirais comme un orage dont l’angoisse s’illumine à la brusque splendeur des éclairs ou parfois à je ne sais quels vastes frémissements lumineux. […] Ils ne savent jamais être eux-mêmes sincèrement, tranquillement, ignorer en toute innocence que des gens se sont permis de formuler des règles morales universelles. » Je n’aurai pas la cruauté de juger après sa chute un esprit dont j’aimai le départ hésitant.
C’est ce groupe qui triompha en 1814 lorsque Louis XVIII donna la Charte, et qui ne perdit point espérance tant que le monarque put et sut s’y maintenir. […] Pour savoir lire les journaux du temps, pour distinguer la vraie note sous le masque gonflé et retentissant que gardent encore après le 9 Thermidor les orateurs de la Convention, il faut une clef. […] Mais si, dans la froideur et le bon sens de sa nature genevoise et de sa race protestante, il n’est nullement en sympathie avec ces dispositions tant populaires que militaires du génie français, et d’où plus d’une fois a jailli l’héroïsme, on ne saurait l’accuser de les avoir méconnues. […] Il faut lire en entier sa lettre en réponse à cet envoyé, qui ne lui en sut aucun mauvais gré ; elle est toute à l’adresse de cette incurable et intolérante émigration : Rien au reste, disait en terminant Mallet, ne m’est plus indifférent que ces commérages. […] L’avenir, il le sait peu, et il n’en dit jamais plus qu’il ne sait.
Napoléon, l’appréciant plus tard pour ses beaux développements au Conseil d’État et au Corps législatif, disait de lui : « Portalis serait l’orateur le plus fleuri et le plus éloquent, s’il savait s’arrêter. » Son discours, nourri de maximes, avait quelque chose d’un Nestor précoce, et qui ne craint pas de se répéter. […] On sait, dans Virgile, ce touchant épisode du Grec naufragé, Achéménide, que les Troyens recueillent en abordant sur les côtes de Sicile où ils le trouvent errant, défiguré par la misère et ne présentant plus forme humaine. […] Je suis un de ceux de la flotte grecque, je le sais, et je conviens que j’ai porté les armes contre Troie ; pour ma peine, si ce crime à vos yeux est indigne de pardon, jetez-moi dans la mer et replongez-moi dans l’immensité des flots. […] Je ne sais si Portalis s’était fait relire cet épisode avant de prendre la parole pour ses naufragés, mais ce même sentiment de piété, qui est propre à Virgile, respire dans son discours. […] On ne saurait dire de lui qu’il mourut prématurément et avant son heure.