Qui sait s’ils sont, autant qu’ils en ont l’air, en dehors de la littérature, et si j’ai le droit de les ignorer Puis par un scrupule d’amour-propre, je veux faire comme Paul Bourget, qui se croirait perdu d’honneur si une seule manifestation d’art lui était restée incomprise Enfin, par un scrupule de curiosité. […] Seulement, prenez garde : si vous les rayez, celles qui resteront seront toujours charmantes ; mais vous verrez qu’elles n’exprimeront plus rien de bien précis, qu’elles ne vous suggéreront plus que l’idée vague d’une brisure, d’une blessure secrète. […] Il s’enivrait, avec les autres, de la musique des mots, mais de leur musique seulement ; et il est resté un étranger parmi ces Latins sensés et lucides… Un jour, il disparaît. […] Verlaine ; mais d’assez grandes parties restent compréhensibles, et, puisque les ahuris du symbolisme le considèrent comme un maître et un initiateur, peut-être qu’en écoutant celles de ses chansons qui offrent encore un sens à l’esprit, nous aurons quelque soupçon de ce que prétendent faire ces adolescents ténébreux et doux. […] C’est ma pensée De toute éternité, pauvre âme délaissée, Que tu dusses m’aimer, moi seul qui suis resté.
.), et pourtant l’esprit est resté humble, méconnu, persécuté. […] Elle suça tout jusqu’à la dernière goutte dans la pauvre humanité : suc et force, sang et vie, nature et art, famille, peuple, patrie ; tout y passa, et sur les ruines du monde épuisé il ne resta plus que le fantôme du Moi, chancelant et mal sûr de lui-même. […] Mais nous qui ne sommes plus enivrés de cette joie du premier emportement, nous qui, revenus à l’âme, y avons trouvé l’éternel besoin de religion, qui est au fond de la nature humaine, nous avons cherché autour de nous et, plutôt que de rester dans cette pénurie devenue intolérable, nous sommes revenus au passé et nous avons accepté telle quelle la doctrine qu’il nous léguait. […] Tout s’est renouvelé alentour ; plus un vestige des demeures et des habitudes d’autrefois ; la cathédrale est restée, un peu dégradée peut-être à hauteur de main d’homme, mais profondément enracinée dans le sol ; elle a résisté au déluge qui a tout balayé autour d’elle, et la famille de corbeaux, qui a placé son nid dans sa flèche, n’a pas encore été dérangée. […] S’il fût resté, au contraire, tel qu’il était pour les premiers judéo-chrétiens, pour saint Jacques par exemple, il eût conquis l’Orient, et il n’y aurait pas eu d’Islam ; mais, en revanche, il n’aurait eu aucune influence sur l’Europe.
Sainte-Beuve, dans son Tableau de la poésie française au seizième siècle, ouvrage d’une grande utilité et d’un grand charme, qui restera comme un monument de l’art, comme un modèle de critique, et qui ne pouvait sortir que de la tête d’un érudit, d’un philosophe et d’un poète. […] Mais Voltaire, si inventif dans ses conceptions, si intéressant dans ses fables, si neuf par les pensées, est resté, comme poète et comme écrivain, bien au-dessous de Corneille et de Racine. […] De toutes les tragédies représentées de nos jours au théâtre de la rue Richelieu, quelles sont celles qui y resteront le plus longtemps ? […] Victor Hugo dans son admirable préface de Cromwell, de ce Cromwell, œuvre poétique, toute virile, toute réfléchie, jusques dans ses parties les plus attaquées, et qui restera comme un objet d’envie et de colère pour les uns, d’étude et d’admiration pour les autres, et de discussions animées pour tous, quand l’oubli pèsera sur la plupart des succès d’aujourd’hui. […] Chênedollé, mais que les beaux et grands vers du Génie de l’homme sont restés dans la mémoire des gens de goût ; enfin, nous dirons avec tout Paris, qu’on ne fait pas des vers plus colorés, ni plus fortement trempés que ceux de MM.
Au contraire, Josèphe met les Hébreux à l’abri de ce reproche en faisant l’aveu magnanime qu’ ils sont restés cachés à tous les peuples païens . […] Les choses, hors de leur état naturel, ne peuvent y rester, ni s’y maintenir. […] Une langue ancienne qui est restée en usage, doit, considérée avant sa maturité, être un grand monument des usages des premiers temps du monde. […] S’ils eussent conservé des mœurs humaines, comme le peuple de Dieu, ils seraient, comme lui, restés en Asie ; cette partie du monde est si vaste, et les hommes étaient alors si peu nombreux, qu’ils n’avaient aucune nécessité de l’abandonner ; il n’est point dans la nature que l’on quitte par caprice le pays de sa naissance. […] Je demande qu’on m’accorde, et on sera forcé de le faire, qu’il y ait eu sur le rivage du Latium une colonie grecque, qui, vaincue et détruite par les Romains, sera restée ensevelie dans les ténèbres de l’antiquité.
Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens. Mais on n’aime pas à donner un avis là-dessus. » Voulant faire entendre qu’on aime mieux rester exposé à un péril, même inutile. — Je ne cite ces passages que pour donner idée du ton du prince de Ligne parlant de ces choses de guerre avec rapidité et avec goût. […] Il prend la campagne au retour des camps, dans l’intervalle de deux campagnes, comme il dirait lui-même en plaisantant : « Vous que la Cour et l’armée dispensent pour quelque temps de vos soins, amusez-vous dans vos jardins ; puis élevez vos âmes dans vos forêts. » Il est resté tellement sociable, même dans ses heures de solitude et de retraite, qu’il ne serait pas fâché que de son habitation champêtre on découvrît une grande capitale : « Voilà, dirais-je assis au pied d’un vieux chêne, le rassemblement des ridicules et des vices… » Et il entre dans l’énumération, il pousse jusqu’au bout le développement de ce joli motif qui parodie le sage de Lucrèce jouissant en paix du spectacle de l’orage. […] On avait Jean-Jacques Rousseau qui avait découvert et révélé la solitude, les douceurs ou les sublimités qu’elle enferme ; on allait avoir Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand découvrant et décrivant à leur tour la forêt vierge, les sauvages et splendides beautés d’un autre monde ; on allait avoir Oberman s’abîmant dans la contemplation solitaire et dans l’expression intime des aspects reculés ou désolés ; mais les amateurs restés gens du monde, les gens de goût, et d’un noble goût, touchés en effet de la nature, et ne la voulant point cependant séparer jamais de la société, disaient entre autres choses avec le prince de Ligne, et ne pouvaient en cela mieux dire que lui : J’aime dans les bois les quinconces et les percés, de belles routes mieux tenues que celles des jardins, de belles palissades, des allées de hêtres surtout : elles ont l’air de colonnes de marbre quand elles ressortent sur un taillis bien haut et bien vert.
Daru était resté au fond l’homme de ses débuts, de ses études premières et de ses goûts littéraires variés. […] Son originalité, c’est précisément de n’avoir point été absorbé par ces soins de nature si accablante, et d’avoir conservé toute une part considérable de lui-même, de son temps, de ses veilles, pour l’amitié, pour les consultations détaillées de ses amis les poètes d’alors, pour leurs confidences et leurs anxiétés d’auteur auxquelles il restait le plus ouvert et le plus attentif des hommes. […] Campenon fait de même : cet homme de lettres, qui resta jusqu’à la fin parfaitement doux et gracieux, écrivait à M. […] … De tout cet effort pourtant et de ces regrets où nous voilà initiés, il devra rester dans l’esprit de chacun une idée de Picard, non moins agréable qu’auparavant, mais plus sérieuse et plus haute.
Mirabeau, d’un ton pressé et saccadé, répond des choses qui nous semblent assez sensées sur bien des points ; — sur Versailles : « Vous rougiriez, si vous connaissiez Versailles, du portrait que vous en faites ; tout ce qui est obligé d’y rester en pleure… Quelle idée d’aller chercher le séjour du vice et de la dégradation totale de tous sentiments, pour y paraître vertueux avec plus d’éclat ! […] Restons-en sur l’impression produite. […] Gilbert, c’est d’éclairer d’un jour intérieur et certain un assez grand nombre de pages qui, jusqu’à présent, étaient restées inaperçues ou assez insignifiantes dans les œuvres de Vauvenargues, et de leur restituer le caractère biographique et personnel qu’elles ont, et qui désormais les rendra vivantes. […] Gilbert pense que je suis resté beaucoup trop en deçà et que Vauvenargues eût été homme à aller presque jusqu’à Saint-Just.
. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours. […] Pour qui vit dans notre monde, il est bon d’être homme du monde, de ne s’attacher nulle part et à aucun ; sinon, l’on court risque de rester seul, quelle que soit la réputation acquise, petite lumière attachée au chapeau, mais qui ne suffit pas pour rallier les amis. […] Je ne me ferai pas homme du monde pour cela ; il y aurait duperie de ma part avec un cœur resté jeune. […] Pelouze (le père du chimiste), vous la connaissez : je ne suis resté indifférent à rien de ce qui a intéressé mon pays et l’humanité.
et put-il rester fidèle au régime moral qu’il s’était d’abord proposé ? […] En premier lieu, les écrivains du couvent, les moines hiéronymites, voyant le grand empereur honorer à jamais leur maison par une adoption sans exemple, assister à leurs exercices, s’agenouiller à leurs offices, vénérer les mêmes reliques, dîner une fois à leur réfectoire avec toute la communauté, obliger son confesseur, simple moine, de rester assis devant lui, faire dire messes sur messes pour le repos de l’âme des siens et pour le salut de la sienne, en ont fait un saint, un homme détaché du siècle, ne pensant qu’à Dieu, à l’autre vie, à la fin dernière. […] On n’est jamais sûr de rien avec ces diables de conquérants, même devenus ermites, avec ces lions, même vieillis, s’ils restent libres et si on leur montre leur proie. […] Ce fut Quivada, le majordome, qui fut chargé au départ de mettre les scellés sur les papiers de Van Male ; on entrevoit par plus d’un détail que ces derniers serviteurs de Charles-Quint, restés en petit nombre autour de lui, ne vivaient pas dans un parfait accord, qu’ils se jalousaient les uns les autres ; les Espagnols en voulaient aux Flamands, et Van Male, le favori de l’empereur, leur paraissait trop récompensé, ainsi que le médecin Mathys.
On aura remarqué dans ces lettres de Ducis de beaux mots et une large touche ; il n’en est aucune des siennes qui n’offre ce caractère : et j’ai souvent pensé que si, par bonheur pour lui, et dans quelque naufrage pareil à celui de l’Antiquité, toutes ses tragédies étaient perdues et que s’il ne restait que ses lettres, on aurait d’éternels regrets ; on croirait avoir affaire en lui à un génie complet dont il faudrait déplorer les chefs-d’œuvre. […] Né à Versailles, dont il est resté le poète chéri, où il a vécu tant d’années et où il est mort69, fils d’un père savoisien et patriarcal, de qui il a prétendu tenir toute sa poétique, bien différente, dit-il, de celle des Marmontel et des La Harpe, et d’une mère, bonne femme humble et antique ; d’abord secrétaire de maréchaux et de généraux, il fit la guerre et la vit de près, sans en tirer grand profit pour son observation de poète : « Ducis a fait la guerre de Sept-Ans avec nous, dit le prince de Ligne. […] Deleyre était une de ces âmes-là, une âme sensible, inquiète, dépaysée, déclassée, tirée du cloître où elle n’avait pu rester, et souffrant dans la société d’où il lui tardait toujours de s’enfuir, une de ces organisations ébranlées comme il ne s’en trouve pas sous cette forme au xviie siècle, et comme il devait s’en rencontrer beaucoup au commencement du nôtre ; il allait avoir son expression, mais imparfaite et insuffisante encore, dans les Rêveries d’un Promeneur solitaire ou dans les Confessions. […] Mais cet honneur qui vient le saisir ne l’enivre pas ; il le sait et il le dira à merveille dans la première phrase, restée célèbre, de son discours de réception : « Il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace !
» Mais ces anciens papiers sont relégués, entassés dans des greniers, dans des arrière-chambres où l’on n’a pas pénétré depuis des années ; il faut ouvrir et desceller des placards remplis et regorgeant de dossiers, morts dès longtemps à la lumière ; pour trouver un seul acte, il faut étaler, dépouiller tout cela, il faut tout parcourir ; car la pièce qu’on cherche, si elle s’y trouve, sera enfouie, comme il arrive souvent, dans la dernière liasse, et cette liasse sera peut-être elle-même tombée au plus profond recoin de l’armoire où elle gît et où elle resterait à jamais, si l’on n’y plongeait de toute la longueur du bras. […] Soulié, que, le dimanche, dans la belle saison, on devait conduire les enfants chez leur grand-père pour leur faire prendre l’air des champs : « L’inventaire des objets restés dans la chambre de cette maison, occupée par les époux Poquelin, prouve qu’on trouvait là tout ce qui était nécessaire pour passer une nuit ; on n’y a oublié ni les boules de buis qui servaient sans doute de jouets aux enfants, ni la paire de verges destinée à les corriger. » Ce confort, cette opulence domestique de la maison Poquelin, tenaient en partie à la présence de la femme dans la maison : il est permis de le penser ; du moins, dans le dernier inventaire fait chez Jean Poquelin bien des années après, tout dénote négligence, désordre et abandon ; ce père, en vieillissant, n’était plus le même. […] Soulié va plus loin, et supposant cet axiome admis et accepté : « Montrez-moi la chambre à coucher d’une femme, et je vous dirai qui elle est », il conclut, non sans quelque couleur de raison et selon qu’on aime à le croire avec lui : « C’est donc de Marie Cressé que Molière tenait son esprit élevé, ses habitudes somptueuses et simples à la fois, sa santé délicate, son attrait pour la campagne hors de Paris, et désormais la mère de Molière, restée inconnue jusqu’à ce jour, aura sa place bien marquée dans les commencements de la vie de son premier-né. » Voilà où peuvent conduire, à toute force, des inventaires bien lus et finement commentés. […] Un usurier prêteur, appelé Pommier, survient aussi pour sa part dans cet emprisonnement, et un linger nommé Dubourg obtient à son tour son arrêt de prise de corps contre le pauvre et illustre garçon, qui ne resta pourtant que peu de jours sous les verrous (août 1645).
Mais que d’espace il restait encore à parcourir avant d’arriver à cette fin désirée dont on commençait à avoir l’idée et le sentiment ! […] Que ne restait-il pas à faire aux écrivains pour le détail de la diction, pour la souplesse, pour la grâce, la douceur, et l’application heureuse et facile à tous les sujets ! […] Le bonhomme Chrysale, entre autres passages, poussé à bout par le purisme de sa sœur, de sa femme et de sa fille, s’écrie : Une pauvre servante au moins m’était restée, Qui de ce mauvais-air n’était point infectée ; Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas A cause qu’elle manque à parler Vaugelas ! […] Le français est devenu et est resté la langue des salons, la langue diplomatique par excellence.
Fénelon n’était pas un flatteur ou il ne l’était qu’avec goût, lorsque dans son Mémoire sur les occupations de l’Académie française, et conseillant à la docte Compagnie de donner une Rhétorique et une Poétique, il disait : « S’il ne s’agissait que de mettre en français les règles d’éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne vous resterait plus rien à faire : ils ont été traduits… Mais il s’agit d’appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en français, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes grâces qu’Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, avaient trouvés dans la langue d’Alexandre et dans celle d’Auguste. » Il y aurait à dire aux analogies, mais ce qui est certain, c’est que, s’il est naturel et juste de dire la langue de Louis XIV, il serait ironique et ridicule de dire la langue de Louis XV. […] Pas le moindre soin ; des mots oubliés ou restés en blanc, peu lui importe ! […] Je sais qu’on m’a mené vite à Paris ; mais, Dieu merci, je n’ai eu qu’un effort dans le col, lequel a dégénéré en rhumatisme, dont je me sens encore un peu, mais qui ne m’empêche de rien, et mon sang est resté tout entier dans mes veines, sans qu’il en soit sorti plus d’une goutte, occasionnée par une coupure que je me suis faite au petit doigt, en soupant, dimanche dernier, au grand couvert. » Je ne sais si c’est la Correspondance de Napoléon dont je suis plein, qui me gâte et me rend plus difficile, mais il me semble qu’il est impossible d’écrire une phrase telle que celle qu’on vient de lire, à la Louis XV, et de partir vaillamment en guerre le lendemain pour être un héros. […] Malgré tant de remarques critiques auxquelles j’ai peut-être trop paru me complaire, cette publication qui éclairera désormais plus d’un point d’histoire resté jusqu’ici obscur ou caché, et pour laquelle on doit des remerciements à M.
Cet abbé, qui avait été précepteur de la jeune archiduchesse à Vienne avant son mariage et qui resta ensuite presque constamment auprès de la dauphine et de la reine à Versailles, est un des hommes dont on a dit le plus de mal. […] J’avouerai encore à Votre Excellence que, si j’étais resté auprès de Mme la dauphine, j’aurais eu peine à soutenir le peu d’égards qu’elle a eu constamment pour les affaires dont j’ai cru pouvoir lui parler. » Tout cela créait une situation peu enviable. […] On a vécu jusqu’ici, en ce qui le concerne, sur le portrait, vraiment odieux, que Mme Campan avait tracé de lui : « Cet abbé de Vermond, dit-elle, dont les historiens parleront peu parce que son pouvoir était resté dans l’ombre, déterminait presque toutes les actions de la reine. […] Il le faut tel qu’il l’a pour rester sans ambition à une grande et tumultueuse Cour ; vos bontés seules l’attachent. » — Et le 31 août suivant, en post-scriptum : « Ce que vous avez fait pour l’abbé de Vermond me fait un plaisir infini et vous fait honneur. » A quoi Marie-Antoinette répond le 19 septembre : « L’abbé est bien sensible à la bonté de ma chère maman.
En commençant l’histoire de sa chère sainte, comme il dit, M. de Montalembert s’est fait écrivain légendaire, et, durant tout le cours du récit, il est resté fidèle à ce rôle qu’il n’interrompt que rarement par des retours sur nos temps mauvais, retours inspirés toujours de l’onction et des larmes du passé, ou ranimés d’une espérance immortelle. […] L’auteur d’ordinaire termine ses chapitres par quelque vocation élevée, quelque réflexion affectuese, ni sur le don des larmes qu’on avait en ces temps, et qui semble de jour en jour tarir ; sur les mariages chrétiens à la fois si passionnés et si chastes, et dont celui d’Élisabeth et du landgrave est comme un type accompli ; sur ce que le souvenir de Luther, au château même de la Wartbourg a détrôné celui de l’humble Élisabeth, dont le nom toutefois est resté à une fleur des champs. […] Clément Brentano, venu là comme curieux, y est resté comme croyant, et a passé des années à recueillir, presque sous la dictée de l’humble fille, les paroles et descriptions en bas allemand, qui ne tarissaient pas sur ses lèvres. […] j’ai touché le point faible, le défaut de la cuirasse de cet esprit tout féodal, aristocrate dès le berceau, et qui est resté tel malgré tout, sous son vernis et son glacis de libéralisme130.
Puisqu’on a tant relevé de nos jours la poésie populaire en général, c’est bien le moins qu’on ne dédaigne pas l’individu poëte, resté du peuple, là où il se rencontre avec le feu, la naïveté première et l’incontestable don. […] Fonfrède ; mais Jasmin a eu le bon esprit de comprendre sa vraie situation et d’y rester fidèle. […] L’homme sage n’est pas ainsi… » Nous n’avons rien à ajouter à ces agréables et bonnes pensées, et nous espérons que le poëte y restera fidèle. […] Ainsi, en lisant celte énergique et gracieuse peinture de sa Marguerite, je ne puis m’empêcher de me reporter à la Simétha de Théocrite, lorsque, racontant le jour où le beau Delphis vint la visiter pour la première fois, elle s’écrie : « Dès que je le vis franchissant le seuil de la porte d’un pied léger, je devins tout entière plus froide que la neige, et la sueur me découlait du front à l’égal des humides rosées ; je ne pouvais rien articuler, pas même de ces petits cris que les enfants poussent en songe vers leur mère ; mais tout mon beau corps resta figé, pareil à une image de cire.
Toutes les âmes jeunes, vives, nationales, naturellement françaises, y trouvèrent l’expression éloquente et harmonieuse de leurs douleurs, de leurs regrets, de leurs vœux ; tout y est honnête, avouable, et respire la fleur des bons sentiments : Casimir Delavigne s’y montra tout d’abord l’organe de ces opinions mixtes, sensées, aisément communicables, et si bien baptisées par un grand écrivain, le mieux fait pour les comprendre et les décorer, par M. de Chateaubriand, de ce nom de libérales qui leur est resté. […] Casimir Delavigne resta toujours, à bien des égards, et sauf une certaine fougue qu’il lui prête, le Victor de ses Comédiens, adouci et non amolli par le succès. […] Casimir Delavigne resta et voulut rester homme de lettres : c’est une singularité piquante en ce temps-ci, un trait de caractère bien digne d’être étudié.
La placidité et la simplicité merveilleuse de la belle bergère en restent le plus souvent à la simplesse. […] Je dis cela, sachant toutefois qu’il est resté comme un froissement dans quelques âmes scrupuleuses, tant cette idée de mère, même de mère adoptive, est une idée sacrée ! […] La marquise de Rambouillet avait coutume de dire : « Les esprits doux et amateurs des belles-lettres ne trouvent jamais leur compte à la campagne. » Cette impression a duré longtemps ; tout le xviie siècle et une partie du xviiie en sont restés plus ou moins sur cette idée de Mme de Rambouillet, qui est celle de toute société polie et, avant tout, spirituelle. […] Voilà bien des découvertes, les déserts, les montagnes, les grands horizons italiens ; que restait-il à découvrir ?
Mme Du Deffand eut cela de particulier du moins, entre les esprits forts de son siècle, de n’y point mettre de bravade, de sentir que la philosophie qu’on affiche cesse d’être de la philosophie, et elle se contenta de rester en parfaite sincérité avec elle-même. […] Avec une machine des plus frêles, son énergie de vitalité l’emporte dans un train de vie qui me tuerait, s’il me fallait rester ici. […] J’eus grand peine, la nuit dernière, de lui persuader, quoiqu’elle ne fût pas bien, de ne pas rester debout jusqu’à deux ou trois heures pour la comète ; car elle avait, à cette intention, fait dire à un astronome d’apporter son télescope chez le président Hénault, dans l’idée que cela m’amuserait. […] Mme Du Deffand, jusqu’à la fin de sa vie, resta la même, vive, infatigable, d’une faiblesse herculéenne, comme disait Walpole.