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967. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Son premier ouvrage reste pourtant le plus original dans son incomplet même. […] Dans le voyage qu’il fit contre les Albigeois, elle l’accompagna jusqu’en Languedoc, et faisait porter sa tente pour camper avec lui, tant elle avait peur de s’en éloigner d’autant de chemin qu’il y avait à la prochaine ville, et que cependant quelque autre ne s’emparât de son esprit, qu’elle voulait posséder et gouverner toute seule : ce qu’elle faisait encore par zèle contre les hérétiques… Le reste du portrait se soutient, et l’auteur achève d’y expliquer l’influence à la fois vertueuse et politique de Blanche, son ascendant dès qu’elle fut entrée dans le Conseil de France. […] Il sait y faire entrer les circonstances qui parlent et qui animent un récit : « Quand il allait par les champs, dit-il de Louis XII, les bonnes gens accouraient de plusieurs journées pour le voir, lui jonchant les chemins de fleurs et de feuillages, et, comme si c’eût été un Dieu visible, essayaient de faire toucher leurs mouchoirs à sa monture pour les garder comme de précieuses reliques. » J’essaie, en ramassant tous ces exemples, de donner l’idée et le sentiment du genre de mérite et de charme que je trouve au style ou plutôt à la langue et à la touche éparse de Mézeray ; il me reste à insister sur ses parties sérieuses d’historien, et aussi à traiter des originalités ou bizarreries de l’homme.

968. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Au reste, M.  […] Ces scènes, au reste, avec elle étaient rares ; elle était de ces femmes qui reposent et délassent ceux qui les aiment, bien loin d’engendrer les querelles. […] Il faut avoir l’esprit singulièrement fait pour voir dans cette parole de prudente et prévoyante observation de Sully l’indice qu’il pourrait bien avoir trempé dans l’empoisonnement supposé de Gabrielle, et il y aurait lieu, vraiment, de répéter ici avec Dreux du Radier : « C’est un soupçon punissable. » On sait le reste.

969. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il semble, en plusieurs de ses sermons, y avoir songé et y avoir répondu : qu’on lise dans cette pensée le sermon Sur l’injustice du monde envers les gens de bien et celui surtout Sur la médisance : Les traits de la médisance, dit-il, ne sont jamais plus vifs, plus brillants, plus applaudis dans le monde que lorsqu’ils portent sur les ministres des saints autels : le monde, si indulgent pour lui-même, semble n’avoir conservé de sévérité qu’à leur égard, et il a pour eux des yeux plus censeurs et une langue plus empoisonnée que pour le reste des hommes. […] Et quelle peinture plus frappante et plus reconnaissable que cette image d’une âme finalement vouée à l’ennui capricieux né des plaisirs : Vos passions ayant essayé de tout et tout usé, il ne vous reste plus qu’à vous dévorer vous-même : vos bizarreries deviennent l’unique ressource de votre ennui et de votre satiété. […] Rien ne plaît parce qu’on ne saurait plus soi-même se plaire : on se venge sur tout ce qui nous environne des chagrins secrets qui nous déchirent ; il semble qu’on fait un crime au reste des hommes de l’impuissance où l’on est d’être encore aussi criminels qu’eux : on leur reproche en secret tout ce qu’on ne peut plus se permettre à soi-même, et l’on met l’humeur à la place des plaisirs.

970. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Son caractère n’était pas formé tout d’une chaîne, ou du moins dans cette chaîne il y avait un anneau peut-être d’un meilleur métal et plus pur que le reste : mais précisément c’était cet anneau qui rompait. […] Le duc Charles n’était jamais en reste en fait de promesses de mariage, mais ici l’offre fut des plus sérieuses : On peut aisément imaginer, dit Lassay, l’effet que fît une telle proposition sur une jeune personne dont l’âme était noble et élevée ; elle regarda un honneur si surprenant avec modestie, mais elle n’en fut point éblouie au point de s’en croire indigne. […] Il nous reste à le serrer d’aussi près que nous pourrons dans la dernière moitié de sa vie, et à tirer de lui, observateur et moraliste, quelques fruits d’expérience.

971. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

La Motte est sceptique ; c’est un esprit froid, fin, sagace, qui pratique la maxime de Fontenelle et se défendrait de l’enthousiasme s’il pouvait en être susceptible ; il n’a rien à faire de son loisir et de son esprit qu’à l’appliquer indifféremment à toutes sortes de sujets auxquels il s’amuse : « Hors quelques vérités, pense-t-il, dont l’évidence frappe également tous les hommes, tout le reste a diverses faces qu’un homme d’esprit sait exposer comme il lui plaît ; et il peut toujours montrer les choses d’un côté favorable au jugement qu’il veut qu’on en porte. » Il se flatte que la dispute présente est du nombre de celles qui se prêtent à plus d’une solution ; il affecte de la considérer comme plus frivole qu’elle n’est, qu’elle ne peut le paraître à ceux en qui la raison se rejoint au sentiment et qui mettent de leur âme dans ces choses de goût. […] Son défaut particulier, c’est de garder un reste de Scaliger en français, d’avoir des paroles qui sentent leur xvie  siècle, de dire à ses adversaires qu’ils ne savent ce qu’ils disent, et de citer M.  […] En face de ce colosse d’érudition et de pédantisme, elle fut même relativement légère et spirituelle : Quand je lui ôterai le mérite d’avoir entendu Homère et pénétré l’art de la poésie, disait-elle du docte jésuite, je ne lui ôterai presque rien : il lui reste des richesses infinies : au lieu que moi, si le révérend père m’avait ravi le médiocre avantage d’avoir passablement traduit et expliqué ce poète et démêlé l’art du poème, je n’aurais plus rien ; c’est la seule petite brebis que je possède116 ; je l’ai nourrie avec soin, elle mange de mon pain et boit dans ma coupe : serait-il juste qu’un homme si riche vînt me la ravir ?

972. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ainsi, dans ces derniers mémoires, racontant sa présentation à Versailles et sa présence à l’une des chasses royales, Chateaubriand veut que dans les deux circonstances Louis XVI ne lui ait parlé qu’une seule fois pour lui dire un mot insignifiant : ici, dans une note de l’Essai, il remarque que Louis XVI lui a parlé deux fois, et il écrit même de sa main en marge les mots très courts que le roi lui adressa dans les deux occasions ; mais ces mots, dont il ne reste que quelques lettres, ont été arrachés par un ongle irrité. […] Au reste, c’est une nécessité que je m’attache à vous de plus en plus, à mesure que tous mes autres liens se rompent sur la terre. […] Au reste, personne n’y croit plus. » On a maintenant sondé tout l’abîme et touché le fond de son incrédulité.

973. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Mlle de Joyeuse devint la marquise de Brosses, et Maucroix, soit à Paris où il était allé se distraire, soit de retour à Reims où il retrouva l’objet de son mal, gardait un beau reste d’attache et de sentiment. […] C’était au reste un très bel esprit, capable de tout ce qu’il voulait entreprendre : ses Fables, au sentiment des plus habiles, ne mourront jamais, et lui feront honneur dans toute la postérité… Ce sont ces Fables et tout ce côté de génie auquel Maucroix n’atteignit et n’aspira jamais ; il avait du reste le bel esprit, les grâces, la candeur. […] Si Dieu, qui est le maître, m’eût voulu tirer d’ici, il eût fallu obéir avec toute la soumission dont j’étais capable ; mais je suis assez content de revoir le soleil, même d’entendre les carrosses qui me rompent la tête ; ombre, livres et petits repas consumeront ce qu’il plaira à Dieu qu’il me reste de vie, et un peu de griffonnage45 !

974. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Au soir d’une journée si pénible, il était doux de voir la nature rentrer dans l’ombre qui nous invitait au repos, et d’en jouir un moment sur les restes de ces structures guerrières que la paix livre à la destruction. […] Au reste, Ramond eut un rôle essentiel et marquant dans cette Assemblée législative ; il fut, avec Jaucourt, Mathieu Dumas, Lebrun, Beugnot, Girardin, Lémontey, du nombre de ceux qui essayaient de faire durer la Constitution et de maintenir la monarchie qu’elle avait trop désarmée. […] Du Mont-Blanc même, il faut venir au Mont-Perdu : quand on a vu la première des montagnes granitiques, il reste à voir la première des montagnes calcaires.

975. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature. […] On a beau admettre toutes les formes de maturité et d’expérience ; on a beau se dire que Charron était un de ces esprits à qui il n’est pas donné de faire leur initiation par eux-mêmes, de se donner l’impulsion, qui l’attendent d’autrui, mais qui n’ont besoin que de ce premier mouvement, de cette chiquenaude du voisin, pour prendre leur assiette et arriver à la pleine possession de leur pensée ; on a beau se donner cette explication, il reste un coin d’obscurité et d’incertitude. […] Ce témoignage moins connu que d’autres a cela de particulier qu’il porte précisément sur le charme de la manière de Montaigne, en ce qu’elle a de plus opposé à la méthode de Charron : « Dans mon innocente et fortunée solitude, écrivait Jean de Muller (1784-1785), je travaille dix ou onze heures par jour à mon livre (sa grande histoire helvétique) ; vient ensuite une heure donnée à la correspondance, le reste à la société ; ma société du matin, c’est Moïse ou Paul, celle du soir Cicéron, Métastase et Montaigne ; parfois, quand l’horizon se trouble, vient un certain ami bien cher qui ne me quitte guère, nommé Horace ; il me dit : « Deme supercilio nubem… » Et à son frère, dans une lettre du 4 décembre 1788 : « Je te conseille de composer souvent ; cela est indispensable à un esprit comme le tien ; écris tes pensées sur les choses, les livres, les hommes ; qu’il sorte de là une collection à la Montaigne.

976. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Sénecé, à peine âgé de quarante ans, redevint donc, à sa grande douleur, provincial et Mâconnais ; le reste de sa vie (et il vécut longtemps), il se considéra comme exilé, un exilé de cet Olympe dont il avait été l’un des Mercures secondaires et où il ne pouvait remonter. […] Le Brun, le plus complet des modernes en ce genre, en a résumé, au reste, toute la théorie dans l’épigramme suivante : Le seul bon mot ne fait une épigramme ; Il faut encore savoir la façonner. […] Je ne profite pourtant pas souvent de cette commodité, et je suis souvent des huit jours entiers sans sortir de chez moi que pour aller à l’église, dont j’ai à choisir de trois ou quatre, m’occupant fort agréablement et sans ennui de mes jardins et de mes livres, sans oublier les muses, avec lesquelles j’ai toujours quelque petit entretien ; car quand une fois on est frappé de cette agréable folie, on peut s’assurer d’en tenir pour le reste de ses jours, et de mourir, pour ainsi dire, en rimant.

977. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Plus d’une des objections, au reste, qu’on lui adresse de loin, lui fut faite aussi de près, et, ce qui est remarquable, par des membres de sa propre famille. […] Il se plaint de ne point trouver en lui une ouverture et des sentiments correspondants aux siens, d’y rencontrer plutôt des méfiances ou des timidités : « Mon cher frère, vous me connaissez bien mal, puisque vous croyez que je ne pense pas à vous ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que vous me faites de pareilles injustices, et je remarque de reste que vous n’avez aucune confiance en moi (août 1744). » Il le traite d’ailleurs avec amitié, essaie de l’enhardir en causant librement avec lui par lettres, et se promet de l’initier aux affaires dès qu’il aura quelque intervalle de liberté. […] Pour moi, il ne me reste, dans cette triste situation, qu’à prendre les partis les plus désespérés.

978. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

J’ai tort, au reste, d’appeler peines ce qui est plutôt un charme pour moi qu’une occupation. » En tout ceci, nous saisissons bien chez Béranger l’homme de lettres coexistant dès l’origine avec le chansonnier, et, pour ainsi dire, le côtoyant. […] Au reste, dans ce moment, je suis tout à mon poëme, et je ne suis point tenté de paraître comme chansonnier. » Voilà le partage égal ; il croit avoir deux genres à sa disposition, deux cordes à son arc. […] C’est refaire du printemps, et voilà l’hiver qui vient.. » Tout cela, convenez-en, est bonnet charmant, avec une pointe de malice. — Que de choses encore il me reste à dire !

979. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Sur les restes fanés de nos douces histoires, Sur notre rêve éteint, dans l’ombre enseveli, Sur nos vœux moissonnés par les heures fatales, Un jour on voit grandir les fleurs aux noirs pétales, Les roses sans parfums, les roses de l’oubli. […] ma sincérité, le seul bien qui me reste, Contre moi-même, Enfant, armera ta candeur. […] De tels accents, certes, ne font pas tort à la vieillesse ni à la mémoire de Chateaubriand ; le René patriarche ne reste pas au-dessous du René des Natchez.

980. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Même après tout ce qui a été fait pour porter plus de précision dans cette partie, il reste à faire encore. […] Cela même étouffe et asphyxie, si l’on reste trop près de son père, comme le rejeton venu trop près du grand chêne : Nunc altæ frondes et rami matris opacant. […] Il ne faisait plus rien comme homme de lettres ; il était abruti par le vin et par la dévotion. » Ces médisances clandestines ont cela d’affreux que, sans absolument y croire, on en reste imprégné et affecté.

981. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Le cardinal de Retz passa les derniers jours de sa vie à faire un livre unique, qui reste le bréviaire de tous ceux qui ont vu ou verront des révolutions, même autrement formidables. […] Mais qu’on n’aille pas dire, à cause de cette inévitable imprévoyance mêlée à tant d’espérances légitimes et depuis justifiées, que le xviiie  siècle, dans son ensemble comme dans son élite, ne reste pas incomparablement supérieur à la seconde moitié du xviie  siècle par les lumières et la connaissance de l’homme vrai, de l’homme moderne en société, de l’homme civil, religieux, politique, tel qu’il sort et se prononce dans les cahiers des États-Généraux, et tel qu’il se retrouve, somme toute, après le naufrage même, au temps du Consulat : ce serait substituer un préjugé littéraire à un fait positif, à une vérité historique incontestable. […] Au reste, je le répète, le germe de cette pensée est dans Tertullien que Bossuet lisait beaucoup et dont il a tiré plus d’une pensée saillante ou d’une image.

982. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Celui-ci est mon fils Jésus Qui bien me plaît : ma plaisance est en lui… Ces mots latins, ce sont les restes d’attache du vieux, drame liturgique et sacré, même lorsqu’il est devenu tout profane et populaire. […] Il n’existe rien de cette gradation dans l’esprit de Judas, qui reste dans l’ignorance jusqu’au moment où il apprend tout ; et en ce qui est de Cyborée, la gradation est très-courte et de peu d’intérêt. […] , je dirais ; c’est comme une immense galette qui se débite en plein vent et dans laquelle la curiosité du passant se taille un morceau à son appétit : ce qu’il a est complet en soi, et il en reste toujours pour les arrivants.

983. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Le lendemain, ayant gagné le fossoyeur, elle trouva moyen d’approcher des restes tout sanglants ; elle coupa à chaque tête une mèche de cheveux qu’elle marqua et noua dans son mouchoir pour les remettre aux familles. […] Les haines religieuses, en bien des lieux, s’associaient et s’accouplaient aux haines politiques pour les mieux empoisonner encore, et ce vieux levain de cupidité, d’avarice et d’envie qui fait le fond de la nature humaine autant et plus que la bonté (quoi qu’en ait dit Bossuet dans une phrase oratoire célèbre, empruntée au déclamateur Tertullien), ce mauvais fond sauvage qu’il n’est besoin que d’éveiller pour le remettre en goût et en appétit, faisait le reste. […] Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros ! 

984. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Son affaire principale, dans le moment présent, était de tirer parti des traités précédemment conclus, en les interprétant dans le sens le plus subtil comme le procureur le plus madré l’aurait pu faire, et en leur donnant toutes les petites entorses possibles, le tout à bonne et excellente fin sans doute, pour arrondir le royaume et pour absorber, pour niveler les restes de souverainetés étrangères qui s’y trouvaient enclavées. […] En lisant cette histoire de Louvois, en la voyant ainsi montrée à nu et comme par le revers de la tapisserie, je crois entendre continuellement ce mot de la tragédie grecque, qui résonne et se murmure de lui-même à mon oreille ; « S’il faut violer le droit, c’est pour l’empire et la domination, c’est en haute matière d’État qu’il est beau de le faire : dans tout le reste, observe la bonne foi et la justice. » Je paraphrase un peu là parole d’Euripide, cette parole si détestée de Cicéron. […] Comme on s’entretenait le 2 octobre, à son coucher, des nouvelles du jour, à savoir qu’une partie de nos troupes était entrée à Strasbourg dans l’après-midi du 30 septembre, et que le reste n’avait fait son entrée que le lendemain, le roi dit en riant qu’il fallait que, dès ce premier jour même, la sûreté y fût bien entière, puisque M. de Louvois y avait couché.

985. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Un héros de roman peut et doit partir à cinquante ans et même en deçà : un guerrier historique tient bon tant qu’il peut ; un Turenne reste jusqu’au dernier jour pour achever son œuvre, pour l’avancer, la consolider. […] Avec tout le reste, de la réserve. […] Sa vraie situation, au reste, est excellemment définie par les mots qui suivent : « Le roi, qui est sage et qui a plus de judiciaire qu’eux tous, voit ce qui en est et ne sait quel parti prendre, car nous avons de la gloire.

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