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774. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Il en est de la poésie amoureuse comme de Vénus quand elle se montre aux yeux d’Énée, naufragé près de Carthage et à la veille de voir Didon : elle prend les traits d’une mortelle, d’une simple chasseresse ; elle ressemble à une jeune fille de Sparte, et s’exprime sans art d’abord, avec un naturel parfait. […] cela ressemble avec moins de grâce à cette couronne mélangée d’Ophélie.

775. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

« La représentation dure deux heures, et ressemblerait parfaitement, si l’action qu’elle représente n’en demandait pas davantage pour sa réalité. Ainsi ne nous arrêtons point ni aux douze ni aux vingt-quatre heures, mais resserrons l’action du poème dans la moindre durée qu’il nous sera possible, afin que sa représentation ressemble mieux et soit plus parfaite316. » Et pareillement pour le lieu.

776. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

L’art vient à notre secours, & nous découvre la nature qui se cache elle-même ; nous aimons l’art & nous l’aimons mieux que la nature, c’est-à-dire la nature dérobée à nos yeux : mais quand nous trouvons de belles situations, quand notre vûe en liberté peut voir au loin des prés, des ruisseaux, des collines, & ces dispositions qui sont, pour ainsi dire créées exprès, elle est bien autrement enchantée que lorsqu’elle voit les jardins de le Nôtre, parce que la nature ne se copie pas, au lieu que l’art se ressemble toûjours. […] Un pié rangé comme un autre, un membre qui va comme un autre, sont insupportables ; la raison en est que cette symmétrie fait que les attitudes sont presque toûjours les mêmes, comme on le voit dans les figures gothiques qui se ressemblent toutes par là.

777. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Lorsque Théophile Gautier traitait Racine de « polisson », lorsque Victor Hugo traitait Boileau de « cuistre » et disait : Un âne qui ressemble à M.  […] Rien ne ressemblait moins à sa manière, sauf peut-être les deux quatrains du dernier sonnet, mais les falsificateurs avaient beau jeu, puisque, un petit lot de lettrés mis à part, Rimbaud n’était encore connu que de nom.

778. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Une chapelle bâtie et ornée à leur gré ressemble à une salle de théâtre, tant le bariolage des couleurs, l’éclat des marbres et des dorures, la profusion des statues sont calculés pour frapper et éblouir les yeux ! […] Alphonse Daudet a pu dire de Renan qu’il ressemblait à une cathédrale désaffectée.

779. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Il a découvert sous ces traits obscurs quelque chose qui ressemble à de la beauté ; il a frappé sur cet esprit engourdi et il en a fait sortir de vives étincelles ; bref, le chevalier est amoureux, autant qu’il peut l’être, et le voilà qui se jette aux pieds de la délaissée en lui proposant d’être… sa maîtresse. […] Qu’il y a loin de la grande fille déniaisée du château de Grandchamp aux deux sensitives frissonnantes du jardin de Laerte, et comme ces pudeurs positives et raisonneuses qui sentent le parloir et le pensionnat ressemblent peu aux rougeurs d’albâtre éclairée par dedans qui colorent ces strophes diaphanes, à travers lesquelles circule le sang ému et ivre de la seizième année !

780. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Toute cette suite où elle nous montre l’escadron des filles d’honneur de la Dauphine, et en général la file des dames de la Cour, ressemble à une galerie d’Hamilton : même date, même finesse de pinceau, même causticité délicate et par instants cruelle. […] Venue après les La Fayette, les Sévigné et les Maintenon, remarquée ou cultivée par elles et les admirant, elle sut ne leur ressembler que pour se détacher à son tour, et elle brille de loin à leur suite, la plus jeune et la plus riante, avec son éclat distinct et sa délicatesse sans pâleur.

781. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Vue de près et dans la réalité, sa vie répond bien à l’idée qu’on s’en fait de loin et à travers l’auréole ; la personne ressemble de tout point à la réputation charmante qu’elle a laissée. […] je suis si faible et si changeante, que mes meilleurs désirs ressemblent à cette fleur des champs dont parle votre prophète-roi, qui fleurit le matin et qui sèche le soir. » Pour se préserver de ses rechutes, de ses faiblesses, « du doux poison de plaire à ce monde et de l’aimer », elle invoque un de ces coups de miséricorde qui affligent, humilient, et à la fois retournent vers Dieu une âme.

782. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Les âmes élevées ont pour Dieu des sentiments et un culte à part, qui ne ressemble point à celui du peuple : tout part du cœur et va à Dieu. […] Elle ressemble en ceci au vieux moraliste Charron qui se contente de bien exprimer les pensées et de les joindre ensemble, de quelque part qu’elles lui viennent, pourvu qu’il les trouve justes et à son gré.

783. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Voulant définir, par exemple, les gens sans unité dans leur caractère et dans leur sensibilité, et qui se dispersent çà et là comme s’ils avaient plusieurs âmes différentes, elle dira « qu’ils ressemblent aux écrevisses à qui l’on peut couper une patte sans qu’il y paraisse quelques jours après, parce qu’elles ont plusieurs centres de sensibilité ». […] La nature, qui devient ainsi le garant et l’interprète de l’amour conjugal, se plaît à consacrer de son inimitable pinceau les chastes sentiments d’une femme fidèle ; et tous les regards que jette un père attendri sur des fils qui lui ressemblent, retombent sur leur mère avec une nouvelle douceur.

784. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

La postérité, de plus en plus, me paraît ressembler à un voyageur pressé qui fait sa malle, et qui ne peut y faire entrer qu’un petit nombre de volumes choisis. […] Ces agréables Mémoires, qui ressemblaient à « une promenade qu’il faisait faire à ses enfants », changent brusquement de caractère : avec le livre douzième, on quitte la biographie, les portraits et les conversations de société, les querelles légères : on entre dans les préoccupations et les graves soucis de l’histoire.

785. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Samedi 26 mars Chez Mme ***, deux femmes, une brune et une blonde, se surplombant, appuyées et mêlées l’une à l’autre au-dessus d’un piano, et mariant leurs musiques et la jouissance de leurs physionomies amoureuses : cela ressemble à de la tribaderie céleste. […] Elles sont ces loges, de curieuses démonstrations du goût rococo et pictural du mobilier des années présentes, et ressemblent peu, j’en suis sûr, à la loge de Mlle Mars.

786. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Son humour ressemble singulièrement parfois à celui de l’auteur du Chat Murr ; c’est la même plaisanterie tragi-comique, le même rire nerveux de maniaque, une fantaisie ailée, poétique, à écarts subits, voltigeante et comme immatérielle, puis sénile et grotesque. […] À cet idiome désarticulé et dispos, Heine a infusé un esprit qui ressemble quelquefois au nôtre.

787. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Les figures plates ressemblent à de belles et riches images collées sur toile. […] Plus vers la gauche à côté d’elle, nonchalamment étendu sur un bout de sopha, son mari ou son amant, les maris de ce pays-là ressemblent peut-être mieux qu’ici à des amans.

788. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Ainsi donc, moins on imiterait servilement les anciens, plus on leur ressemblerait. […] M. de Maistre remarque admirablement bien que « toute religion, par la nature même des choses, pousse une mythologie qui lui ressemble ; et que la mythologie de la religion chrétienne est, par cette raison, toujours chaste, toujours utile, et souvent sublime, sans que, par un privilège particulier, il soit possible de la confondre avec la religion même ».

789. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Attila ressemble à Spartacus ; mais c’est un Spartacus grandi dans une hauteur surnaturelle ; c’est un Spartacus qui n’est pas l’esclavage romain, mais toute l’envie et la convoitise humaines. […] Ils ressemblent à ces corps foudroyés, restés debout, mais qui, poignée de cendres, croulent et se dispersent sous le premier doigt qui les touche.

790. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Telle était la mode, tel était l’être humain : les hommes ressemblaient aux peintures ; le monde s’était moulé dans l’art. […] Paul de Kock a créé la Grisette, et Gavarni la Lorette ; et quelques-unes de ces filles se sont perfectionnées en se l’assimilant, comme la jeunesse du quartier latin avait subi l’influence de ses étudiants, comme beaucoup de gens s’efforcent de ressembler aux gravures de mode.

791. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Comme aussi nos sensations nocturnes ressemblent à ces corps à peine ébauchés. […] Il faut que tu prennes ta mémoire entière, toute ton expérience accumulée, et que tu l’amènes, par un resserrement soudain, à ne plus présenter au son entendu qu’un seul de ses points, le souvenir qui ressemble le plus à cette sensation et qui peut le mieux l’interpréter : la sensation est alors recouverte par le souvenir.

792. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

L’énergie qui n’est pas doublée de sensibilité me paraît ressembler à la brutalité, de même que la force qui n’est pas doublée de justice me paraît ressembler à l’inhumanité. […] Ces personnages ne ressemblent à rien qu’à eux-mêmes, ils ne représentent rien qu’eux-mêmes. […] Son procédé pour créer des hommes ressemble à celui de la nature. […] cela ressemble presque à un paradoxe. […] Cela ressemble plutôt à la résidence d’un gentilhomme aisé ou au siège d’une municipalité aristocratique dont le maire serait un personnage titré.

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