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471. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Cette poésie doit ressembler au manoir même et au paysage qu’elle décrit : une végétation forte et plantureuse, d’odorantes senteurs qui s’en exhalent, des herbes hautes qui envahissent (même dans ce qu’on appelle jardin) les sentiers mal dessinés ; une source qui coule dans un lit peu tracé et en déborde souvent.

472. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Vous connaissez l’Orphée, et je n’ai point à vous en parler ; mais à Ballanche, à Quinet (dans son Voyage en Grèce), il manque un peu trop, pour correctif de leur philosophie concevant et refaisant la Grèce, quelque chose de cette qualité grecque fine, simple et subtile, négligée et élégante, railleuse et réelle, de Paul-Louis Courier, ce vrai Grec, dont la figure, la bouche surtout, fendue jusqu’aux oreilles, ressemblait un peu à celle d’un faune.

473. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Ne se lasseront-ils jamais de ressembler à des foux prêchant la sagesse, à des malades recommandant le soin de la santé, à des Procustes vantant la justice & l’honnêteté ?

474. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Rome n’eut jamais l’imagination ouverte aux merveilles et aux mirages de la mer, et son froid Neptune copie Poséidon sans lui ressembler.

475. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Pour moi, je trouve que les deux jeunes filles, charmantes à la vérité, d’une physionomie douce et fine, se ressemblent trop d’action, de figure et d’âge.

476. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

C’est certes un grand mérite aux portraits de La Tour de ressembler ; mais ce n’est ni leur principal, ni leur seul mérite, toutes les parties de la peinture y sont encore.

477. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

C’était un siècle didactique et corrompu auquel répondaient parfaitement, ce semble, le Tableau de Paris, c’est-à-dire la topographie et la statistique de toutes choses, et ce moraliste sans croyances livré, comme un autre moraliste (Duclos) auquel il ressemble, à ces instincts d’honnêteté grossière qui ne sont rien quand la religion ne les a pas fortifiés.

478. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Leur institution ressemblait beaucoup à celle de nos oraisons funèbres : mais il y a une différence remarquable, c’est qu’ils étaient accordés à la vertu, non à la dignité ; le laboureur et l’artisan y avaient droit comme le souverain.

479. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

En parlant de Goethe, il faut nous défaire de quelques-unes de nos idées françaises par trop simples, et consentir à nous mettre avec lui dans cet état, pour ainsi dire, d’enthousiasme prémédité, qui ressemble un peu dans l’ordre de la poésie à ce que Descartes a fait dans la sphère philosophique. […] Voilà le vrai du livre et son cachet immortel ; le reste, désespoir final, coup de pistolet et suicide, y a été ajouté par lui après coup pour le roman et pour la circonstance : c’est ce qui ressemble le moins à Goethe, et qui se rapporte à l’aventure de ce pauvre Jérusalem, le côté faux, commun, exalté, digne d’un amoureux d’Ossian, non plus d’un lecteur d’Homère3. […] En juin 1774, dans une lettre à Charlotte, il l’annonce positivement sous ce nom : « Adieu, ma chère Lotte, je vous enverrai bientôt un ami qui me ressemble beaucoup, et j’espère que vous le recevrez bien.

480. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Cet étalage de science sur des riens ressemble trop au verbiage des faiseurs de tours de gobelets cherchant à distraire le public pendant qu’ils préparent l’escamotage. […] En pareil cas, toute femme ressemble à Mahomet. […] La blancheur de l’âme des jeunes filles, qui se compose de froideur et de gaieté, ressemble à la neige.

481. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Ne devons-nous pas, pour n’y être point comme des étrangers, connaître en quoi nous lui ressemblons ? […] Vous ne le reconnaîtrez pas dans cette ambition propre à notre temps, qui prétend réunir toutes les qualités et toutes les libertés des littératures étrangères, et qui affecte des privilèges extraordinaires d’imagination et de sensibilité, dans un pays où les hommes de génie sont ceux auxquels le plus de gens ressemblent. […] C’est cette raison par laquelle nous ressemblons le plus aux autres hommes, gouvernant en maîtresse souveraine l’imagination et les sens, par lesquels nous en différons le plus, et d’où nous viennent ces singularités qui sont si antipathiques à l’esprit français.

482. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Rien n’y ressemble plus que cette mesure avec laquelle il sut railler tout ce qui pouvait être raillé impunément, ne point toucher à ce qui n’avait que le tort de lui être indifférent, garder la réserve sur les choses importantes, jusque dans l’entraînement en apparence irrésistible de son humeur ; outre l’habit ecclésiastique dont il couvrait tout, même certains passages qui sentent fort le matérialisme, moins dangereux d’ailleurs, à cette époque, que l’hérésie. […] Rabelais ne ressemble pas à ces grands hommes. […] Rien, en effet, ne ressemble plus à l’abondance intarissable d’un homme aviné, que certains passages, en trop grand nombre, où Rabelais roule une multitude de mots forgés, parmi lesquels il balbutie quelques paroles d’or, d’une langue qui semble épaissie par le vin.

483. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

La traduction classique au XIVe siècle ressemblait à l’antiquité, comme l’Aristote et le Galien des facultés, pour lesquels on renvoyait les élèves et les professeurs aux cahiers traditionnels, ressemblaient au véritable Aristote, au véritable Galien, comme la culture grecque ressemble aux bribes insignifiantes recueillies d’après d’autres compilateurs par Martien Capella ou Isidore de Séville.

484. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Etre assez mal-adroit pour réduire le mérite de Voiture à quatre pages, celui de Lafontaine à trente Fables ; n’accorder à Rousseau que trois ou quatre Odes & quelques Epigrammes ; reprocher à Corneille les défauts de son Siecle, & lui donner le nom de Déclamateur ; qualifier les Tragédies de Racine, d'Idylles en Dialogues bien écrits & bien rimés ; traiter celles de Crébillon, de Rêves d’Energumene & de lieux communs ampoulés ; accuser Boileau de n’avoir jamais su parler au cœur ni à l’imagination ; Fénélon, d’avoir écrit d’une maniere foible ; Bossuet, d’avoir fait des Déclamations capables d’amuser des enfans ; Montesquieu, de n’avoir su qu’aiguiser des Epigrammes & accumuler de fausses citations ; s’efforcer enfin de dépouiller tous nos Grands Hommes de la gloire qui leur appartient, pour en revêtir des Pygmées que cette gloire écrase : n’est-ce pas, d’un côté, ressembler à cet Empereur, qui, pour avilir le Sénat, fit partager à son cheval les honneurs consulaires ? […] Ils conviennent que parmi les Ouvrages de M. de Voltaire, il y en a quelques-uns d’excellens ; mais ils soutiennent [on commence à les croire, & on les croira de plus en plus] qu’il y en a beaucoup de médiocres & un grand nombre de mauvais : que le talent de saisir les rapports éloignés des idées, de les faire contraster, semble lui être particulier ; mais qu'il y met trop d'affectation, & que les productions de l'art sont sujettes à périr : qu'il n'a que l'éloquence qui consiste dans l'arrangement des mots, dans leur propriété, & non celle qui tire sa force des pensées & des sentimens, qui est la véritable : qu'il n'a aucun systême suivi, & n'a écrit que selon les circonstances, & presque jamais d'après lui-même : que le plus grand nombre de ses Ouvrages ne sont faits que pour son Siecle, & que par conséquent la Postérité n'en admettra que très-peu : que si la gloire du génie n'appartient qu'à ceux qui ont porté un genre à sa perfection, il est déjà décidé qu'il ne l'obtiendra jamais, parce qu'il ressemble à ce fameux Athlete, dont parle Xénophon, habile dans tous les exercices, & inférieur à chacun de ceux qui n'excelloient que dans un seul : que son esprit est étendu, mais peu solide ; sa lecture très-variée, mais peu réfléchie ; son imagination brillante, mais plus propre à peindre qu'à créer : qu'il a trop souvent traité sur le même ton le Sacré & le Profane, la Fable & l'Histoire, le Sérieux & le Burlesque, le Morale & le Polémique ; ce qui prouve la stérilité de sa maniere, & plus encore le défaut de ce jugement qui sait proportionner les couleurs au sujet : qu'il néglige trop dans ses Vers, ainsi que dans sa Prose, l'analogie des idées & le fil imperceptible qui doit les unir : que ses grands Vers tomdent un à un, ou deux à deux, & qu'il n'est pas difficile d'en composer de brillans & de sonores, quand on les fait isolés : enfin, que la révolution qu'il a tentée d'opérer dans les Lettres, dans les idées & dans les mœurs, n'aura jamais son entier accomplissement, parce que les Littérateurs qu'il égare, & les Disciples qu'il abuse, en les amusant, peuvent bien ressembler à Charles VII, à qui Lahire disoit, On ne peut perdre plus gaiement un Royaume ; mais qu'il s'en trouvera parmi eux, qui, comme ce Prince, ouvriront les yeux, chasseront l'Usurpateur, & rétabliront l'ordre.

485. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Nous avons de beaux arts, nous produisons des effets sensitifs, nous communiquons des émotions vagues ou particularisées, mais nous ignorons l’art d’éclairer un parti, et de pousser à le prendre… Les discours qui se tiennent au Parlement d’Angleterre ont un but ; ils ne ressemblent point à notre style oratoire ; il n’y a point cette emphase, ce ton de dignité… Ce sont des gens qui ont des affaires ; nous sommes oiseux et nous nous arrêtons à faire les beaux. […] Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale. […] parce que vous êtes des misérables, des hommes vils, vous supposiez bien aisément qu’on vous ressemble !

486. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Dans un coin de l’antichambre, faisant les bâtons avec son domestique, un petit abbé olivâtre, ressemble à un diable bâtonniste. […] C’étaient des élancements qui ressemblaient à des envolées d’oiseau blessé, en même temps que sur sa figure apaisée, aux yeux congestionnés de sang, au front tout blanc, à la bouche entr’ouverte et pâlement violette, était venue une expression qui n’était plus humaine, l’expression voilée et mystérieuse d’un Vinci. […] * * * Toute la nuit, ce bruit déchirant d’une respiration qui ressemble au bruit d’une scie dans du bois mouillé, et que scandent à tout moment des plaintes douloureuses et des han plaintifs.

487. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

La muse d’Aristophane ressemble à une femme perdue ; celle de Ménandre à une honnête femme. […] L’affectation de ne ressembler à personne fait souvent qu’on ne ressemble pas à soi-même, & qu’on outre son propre caractere, de peur de se plier au caractere d’autrui. […] Or le seul moyen de produire & d’entretenir l’illusion, c’est de ressembler à ce qu’on imite. […] On a dit qu’une pensée appartenoit à celui qui la rendoit le mieux : cela ressemble au droit du plus fort. […] Bossuet l’appelle illumination ; elle ressemble en effet à l’illumination dans les grandes choses.

488. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Deux frères ne se ressembleraient pas davantage : jumeaux du génie qui ont sucé le même lait. […] Avec sa taille mince, élancée, sa chevelure blonde, Boris ressemblait à un Anglais. […] Cette maison, vieille et petite, ressemblait plus à la cabane d’un valet qu’à une habitation de maître. […] — Mais regarde-toi donc, s’écria Gabriel, et vois un peu à quoi tu ressembles !  […] Mais tu ressembles à un vrai démon.

489. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Si l’état qui « reste le même » est plus varié qu’on ne le croit, inversement le passage d’un état a un autre ressemble plus qu’on ne se l’imagine à un même état qui se prolonge ; la transition est continue. […] On ne prévoit de l’avenir que ce qui ressemble au passé ou ce qui est recomposable avec des éléments semblables à ceux du passé. […] Elle isole donc instinctivement, dans une situation, ce qui ressemble au déjà connu ; elle cherche le même, afin de pouvoir appliquer son principe que « le même produit le même ». […] Il ressemblera d’autant plus à une ligne droite qu’on le prendra plus petit. […] Il ne sera pas inutile d’insister sur ce point, et de montrer en termes plus précis par où elle ressemble au finalisme, et par où elle en diffère.

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