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1085. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

De l’autre côté, il y avait des intérêts civils, patriotiques aussi, mais surtout positifs, des idées longtemps étouffées et qui voulaient renaître ; idées en travail, intérêts en souffrance, lassitude profonde et besoin de paix, chez quelques-uns d’anciens sentiments qui se réveillaient, c’était tout un ensemble d’opinion déjà puissante et mal définie ; mais surtout, à ces premiers jours de 1814, et en face d’une religion militaire qui épuisait ses derniers miracles, il y avait une raison. Pour prendre des noms très purs et presque consacrés qui représentent l’un et l’autre de ces deux aspects de la France, je nommerai comme expression de la raison publique alors, des hommes tels que M.  […] Placé entre une religion et une raison, il les comprit, il les balança, il essaya de les concilier. […] Mauguin commençait à discuter sur l’illégalité des Ordonnances, il l’interrompit en lui disant : Monsieur Mauguin, quelles que soient les raisons que vous énumériez, j’en pense encore plus que vous n’en direz là-dessus ; mais j’ai ici des devoirs militaires à remplir ; j’en comprends toute l’étendue, toutes les conséquences, et, dussent la proscription et la mort être pour moi le résultat de ma conduite, je remplirai en homme d’honneur les devoirs militaires qui me sont imposés ; — et j’en appelle à mes camarades, MM. de Lobau et Gérard, puis-je agir autrement ? […] Mais c’est précisément parce que M. de Bourmont faisait montre de cette liste, c’est parce qu’aux questions confidentielles et aux ouvertures du maréchal il répondait : « Je ne veux pas être nommé ; c’est vous que j’appuie et que je propose » ; c’est parce qu’il parlait ainsi, tout en sachant très bien que le maréchal ne serait pas nommé et qu’il devait l’être lui-même, c’est par routes ces raisons que j’ai dû m’exprimer sur son compte comme je l’ai fait.

1086. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Ce grand poste fut l’archevêché d’Aix, dont Cosnac n’aurait pas voulu d’abord pour plusieurs raisons, parmi lesquelles il en était de très positives, telles que le peu de revenus de cet archevêché ; mais le roi avait besoin, dans cette province difficile, en face de ces esprits fâcheux et par trop libres des Provençaux, d’un homme ferme et qui ne reculât point devant l’obstacle. […] À toutes les raisons qu’on a de croire que ce récit très amusant et ce portrait du premier Cosnac est de l’abbé de Choisy, j’en ajouterai une qui me paraît décisive, c’est la manière délicate et toute féminine dont il est parlé de cette nature et de ces inclinations toutes féminines aussi de Monsieur, duc d’Orléans. […] L’affaire alla en Conseil par-devant le roi ; Cosnac fut admis à dire ses raisons et à faire valoir les précédents en sa faveur. […] Mon zèle me fit, dans ces commencements, regarder cette occupation avec dépit, et comme un mauvais présage de ce qui arriverait dans la suite ; et je fis réflexion qu’on avait bien raison de dire qu’il était presque impossible de changer la nature, quand elle avait une fois pris sa pente. […] Je constate ce cri de la raison.

1087. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Un auteur moderne prouve ordinairement que les anciens nous sont inférieurs en deux manières, par raison et par exemple : il tire la raison de son goût particulier, et l’exemple de ses ouvrages. […] Ce n’est donc pas un tissu de jolis sentiments, de déclarations tendres, d’entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisants pour faire rire, suivi à la vérité d’une dernière scène où les3 mutins n’entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûte la vie. […] Ce qu’il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier ; et par l’autre, ce qu’il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion : ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes ; et dans celui-ci, du goût et des sentiments : l’on est plus occupé aux pièces de Corneille ; l’on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine : Corneille est plus moral ; Racine plus naturel : il semble que l’un imite Sophocle, et que l’autre doit plus à Euripide. […] L’on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l’on n’y voit pas toujours la vérité : les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n’y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude ; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d’un point de doctrine, ou d’un fait contesté se font une querelle personnelle.

1088. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Inversement à l’opinion générale la vente d’un livre est en raison directe de son succès moral. […] Mais le plus souvent le critique s’adresse à celui qui a lu le livre et écouté la pièce, et c’est à ce spectateur, à ce lecteur qu’il doit donner de nouvelles raisons d’aimer ou de dédaigner l’ouvrage que tous les deux, connaissent de façon inégale. […] Il faut choisir entre la Raison ou la Révolution, entre le classique et le romantique, entre la Tradition ou l’Esclavage… Historien des Amants de Venise, le styliste d’Anthinea, le critique de la Gazette de France et de la Revue Encyclopédique, a réussi à créer un mouvement et à faire partager sa haine du romantisme. […] Conclusion Impressionniste et analytique, la critique nouvelle n’a pas de credo définitif ; cependant il semble qu’on pourrait obtenir d’elle une majorité sur le programme suivant : Retour à la raison, à la méthode, à la clarté, à la simplicité, Respect des traditions morphologiques de la langue, Guerre à l’esprit romantique. […] et quand on lui signale une faute, il répond : “Vous n’y entendez rien, puisque vous n’êtes pas du métier” Et après tout, il a peut-être raison. » Émile Faguet, Menus propos sur la critique, 1903.

1089. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

René d’Argenson qui avait donné l’édition des Mémoires en 1825, et qui a cherché à prouver par quantité de raisons que ces curieux documents nouveaux sur son arrière-grand-oncle étaient d’autant moins dignes de confiance qu’ils étaient plus intimes et plus personnels, plus complètement sincères et écrits en vue du bonnet de nuit. […] Je pourrais pousser à satiété ce genre de démonstration et de parallèle ; mais il ne faut pas abuser de l’avantage d’avoir raison sur un terrain tout littéraire et envers un homme qu’on respecte et qui n’est pas de notre métier.

1090. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Il y avait foule aujourd’hui à la séance académique, parce que c’était une séance académique : cette raison toute parisienne suffirait. Il y avait encore une autre raison excellente et plus particulière : on avait à entendre l’éloge de M. de Salvandy prononcé par M. 

1091. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Et d’abord, pour les esprits sévères qui aiment avec raison qu’en recueillant même les songes et les fantaisies de l’imagination dans le passé, on soit fidèle à la lettre et qu’on transmette scrupuleusement les vestiges, l’ouvrage de M.  […] Le sage, qui voit tout des yeux de la raison, Loin de lui les repousse, et, secouant la tête,   Il se dit : à quoi bon ?

1092. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Même où manquent la raison et la conscience, les vagues appréhensions et les confuses agitations des sentiments trouvent des termes pour s’exprimer. […] C’est une des raisons qui obligent de condamner l’ancienne théorie du style noble : elle attribuait aux mots un degré invariable d’énergie, et méconnaissait cette pénétration réciproque, cette sensible communication, qui reflète sur les uns la couleur des autres, et les imprègne de leur vertu.

1093. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Il porte la démence jusqu’à soutenir que le Fanatisme du Parlement avoit soulevé contre lui tous les honnêtes gens qui avoient applaudi à sa destruction…… Voilà pourtant, Monsieur, les Libellistes auxquels vous prétendez que je dois répondre : voilà pourtant les hommes qui recommandent la tolérance, qui s’indignent contre la Critique, & qu’une certaine portion du Public ne rougit pas d’honorer comme les vengeurs de la raison & les bienfaiteurs de l’humanité. […] Un homme sage qui lira les Libelles enfantés par ses défenseurs, verra toujours la personnalité substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la honte & au ridicule dont on les couvre, &c. »  

1094. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Les ornemens se présentent d’eux-mêmes sous la plume de cet Orateur sagement philosophe, sans qu’il ait besoin de les chercher ; jamais la raison ne s’exprima avec plus de noblesse & de candeur. […] Ses Instructions pour les Magistrats, son Essai sur le Droit public, ses Ecrits sur les Belles-Lettres, ses Instructions pour l’éducation de son fils, sont autant de monumens qui renferment, chacun en particulier, une raison supérieure, des traits brillans dont se forment un grand corps de lumiere qui éclaire l’esprit autant qu’il échauffe le cœur.

1095. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Son pinceau, tantôt noble, tantôt délicat, tantôt vigoureux, & toujours facile, sait retracer à propos le beau désordre de Pindare, les graces d'Anacréon, la saine raison d'Horace, & la pompe majestueuse de Malherbe. […] Il est certain qu'on n'y retrouve pas cette noblesse, cette élégance soutenue, cette même force de génie qui caractérise ses Poésies lyriques ; mais on seroit injuste de ne pas y admirer une raison supérieure, une poésie nerveuse, une facilité de style, une sûreté de goût, qui décelent le grand Maître, sur-tout dans les matieres où il parle de son Art.

1096. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Elle avait raison ; mais les femmes ont mieux fait depuis : c’est de prendre leur revanche, de faire des livres, et de peindre les hommes à leur tour. […] On a critiqué, et bons pour des goujats, et l’on a eu raison ; les goujats n’ont que faire là.

1097. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Ce n’est pas que vous dédaigniez la lecture des chefs-d’œuvres d’Athènes & de Rome, la meilleure école du goût & du génie ; mais né avec un tempérament aussi délicat que votre esprit, & ne voulant pas vous faire de l’étude un travail pénible, vous avez pensé, avec raison, qu’on éprouvoit toujours quelque fatigue en lisant des Livres écrits dans une langue morte, dont les tours variés, les expressions singulieres, les inversions fréquentes mettent l’esprit à la torture. […] Plusieurs raisons me dispensoient de m’imposer cette gêne.

1098. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Rousseau de Genève occupe aussi une place dans ces réfutations, & ce n’est pas sans raison, quoiqu’il se montre moins acharné à détruire la Religion, & qu’il n’ait pas insulté, comme a fait M. de V. […] Le Philosophe jugé au tribunal de la raison, par l’Abbé le Masson des Granges, est un livre plein de choses neuves & bien pensées.

1099. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

On ne se conçoit même pas comme y étant, car se transporter par la pensée dans un des Temps dilatés serait adopter le système auquel il appartient, en faire son système de référence : aussitôt ce Temps se contracterait, et redeviendrait le Temps qu’on vit à l’intérieur d’un système, le Temps que nous n’avons aucune raison de ne pas croire le même dans tous les systèmes. […] Et il a raison.

1100. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

On vit fort bien sans se connaître soi-même, à plus forte raison sans être connu des autres. […] Il a raison. […] » Il a raison, tout à fait raison. […] La lutte contre les païens est le but même de la vie et sa raison d’être. […] Les acteurs cachés psalmodient leur rôle plutôt qu’ils ne le jouent, et ils ont raison.

1101. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

On doit maintenant saisir toute la différence native qu’il y a de Molière à cette famille sobre, économe, méticuleuse, et avec raison, des Despréaux et des La Bruyère. […] La raison la lui faisoit regarder comme une personne que sa conduite rendoit indigne des caresses d’un honnête homme. […] Je la considérai comme une personne de qui tout le mérite étoit dans l’innocence, et qui par cette raison n’en conservoit plus depuis son infidélité. […] Je crois à ce que dit Molière des prétendus portraits dans son Impromptu de Versailles, mais par des raisons plus radicales que celles qu’il donne. […] Taschereau donne de bonnes raisons pour que ce soit Montpellier.

1102. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

La raison, mon bon droit, l’équité. […] J’ai tort, ou j’ai raison. […] J’ai tort, ou j’ai raison. […] et n’admirez-vous pas que tout ce que j’ai de raison ne serve qu’à me faire connaître ma faiblesse sans pouvoir en triompher ?  […] Elles donnent raison aux mauvaises humeurs du Misanthrope contre le monde.

1103. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Et, sans doute, c’est à cette raison qu’il faut attribuer la pauvreté de la veine lyrique au Moyen Âge. […] Et on a eu raison de le dire ! […] Elles aspirent à se réunir ; et chez nous, comme en Grèce autrefois, on dirait avec vérité qu’elles n’ont de raison d’être que par et dans l’épopée qu’elles devaient être un jour. […] Rien de plus prosaïque ni qu’il y ait moins de raisons de mettre en vers ! […] Ce qui équivaut à dire que toutes les qualités qui sont celles de l’enfance, elle les a eues ; et, pour cette raison, nous pouvons encore aujourd’hui nous complaire à y rafraîchir, comme on ferait à une source plus pure, nos imaginations échauffées.

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