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670. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Ils rendaient des services réels à l’armée. […] Le plan et l’idée de cette campagne sont retracés avec une précision qui ne laisse aucun doute sur les projets, alors très réels, de Napoléon du côté de l’Inde.

671. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Devenu étudiant en droit, toujours à Dijon, il commença à se distinguer par un talent réel de parole dans des conférences qu’avaient établies entre eux les étudiants et de jeunes avocats. […] Je n’ai réussi que bien imparfaitement à rendre cette physionomie singulière, originale, attrayante, si peu gallicane et si française, qui plaît jusque dans ses hasards, où le naturel se dégage en jets heureux de quelques bizarreries de goût, où l’audace ne compromet pas de réelles beautés ; cet orateur au vêtement blanc, à l’air jeune, à la parole vibrante, aux prunelles de feu, et dont les lèvres, faites pour s’ouvrir et laisser courir la parole, expriment à la fois l’ardeur et la bonté.

672. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Mais encore, si charmante et si réelle à certains égards que soit la Lucile des Mémoires d’outre-tombe, il en est peut-être moins dit sur elle et sur sa plaie cachée, que dans les quelques pages où nous a été peinte l’Amélie de René. […] De quelque nature qu’il semble, et si mélangé qu’on le suppose, il dut être bien puissant et bien réel pour être ainsi senti et rendu en avril 1847, exactement le même qu’il avait paru cinquante années auparavant à Amélie ou à Céluta.

673. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Rousseau n’a rien de comparable au premier abord, mais il est plus vrai au fond, plus réel, plus vivant. […] Aussi n’oubliera-t-il jamais, même dans le tableau idéal qu’il donnera plus tard de son bonheur, de faire entrer ces choses de la vie réelle et de la commune humanité, ces choses des entrailles.

674. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Tel est le rôle du grand Frédéric dans l’histoire ; mais, au fond, ses goûts secrets ou même très peu secrets, ses réelles délices étaient de raisonner en toute matière, de suivre ses pensées de philosophe, et aussi de les jeter sur le papier, soit au sérieux, soit en badinant, comme rimeur et comme écrivain. […] Egger) me fait remarquer qu’il y a entre Frédéric historien et Polybe des rapports réels et assez frappants.

675. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Perte réelle, immense ! […] Lacretelle l’a très bien fait observer en nous peignant ce Florian réel, qui avait le privilège d’inspirer partout la joie par ses bons mots, ses contes et ses chansons : « Il osait peu se livrer à sa gaieté naturelle en écrivant.

676. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Saint François de Sales veut qu’entre les vertus on préfère les meilleures, c’est-à-dire les plus réelles, les plus sincères, les plus voisines de la charité, et non pas toujours les plus estimées et les plus apparentes. […] Chez saint François de Sales, il y a plus que le juste, il y a plus que l’utile, il y a plus que l’humain, il y a le saint : chose réelle, et qui, dès qu’elle apparaîtra sincèrement, sera toujours adorée parmi les hommes.

677. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Ces services rendus par Marguerite furent réels ; mais ce qui est un sujet d’éloges de la part des uns lui devient une source de reproches de la part des autres. […] Montaigne relève ce propos et se demande à quoi pouvait servir, en un tel moment, cette idée de protection et de faveur divine : « Ce n’est pas par cette preuve seulement, ajoute-t-il, qu’on pourrait vérifier que les femmes ne sont guère propres à traiter les matières de la théologie. » Aussi n’était-ce pas une théologienne que Marguerite : c’était une personne de piété réelle et de cœur, de science et d’humanité, et qui mêlait à une vie grave un heureux enjouement d’humeur, faisant de tout cela un ensemble très sincère et qui nous étonne un peu aujourd’hui.

678. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

L’esprit est un peu masqué dans ces lettres de Jordan ; en lisant bien, on le retrouve néanmoins, et l’on comprend quelques-unes de ces qualités réelles qui lui attachaient Frédéric : M. de Brackel, écrit Jordan au roi (11 mars 1741), offre de parier contre qui voudra la somme de cent louis que la paix sera faite en trois mois de temps. […] Dans cette disette réelle, ayant essayé vainement d’amener d’Alembert, il y eut un seul homme qui lui fut d’une cordiale ressource pendant de longues années encore, et qui continua de lui procurer le sentiment et l’exercice de cette amitié à laquelle il était destiné par la nature : je veux parler de Milord Maréchal, le noble Écossais, le frère du brave maréchal Keith, tué au service du roi, et le protecteur de Jean-Jacques dans la principauté de Neuchâtel.

679. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Nous avons donc là plus qu’un contraste intellectuel : c’est un rythme organique et une alternative, comme celle de la respiration ; c’est un contraste réel, essentiel au mouvement de la vie. […] Ainsi, dans les deux premières fonctions de la mémoire, le processus réel et complet est indivisiblement physique et mental ; mais le physique n’est qu’un extrait du tout, et un extrait plus fragmentaire que le mental, puisque le mental ajoute des éléments de plus aux éléments simplement mécaniques.

680. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Je parle de son esprit même, de cet esprit que des lettrés superficiels, convertis à sa tendresse de cœur par les délicieuses choses qu’il a écrites, mais rétifs et résistants à la douceur de son génie, non moins réelle que la tendresse de son âme, continuent d’appeler un esprit absolu et dur parce qu’il ne croit pas que la vérité se plie et se chiffonne comme une de nos loques matérielles ; parce que, ne pouvant y rien changer et historien de la Providence, il proclame le dogme de l’Expiation, — dont il n’est pas l’auteur plus que de cette mort par laquelle l’homme expie ses fautes ! […] Or, pas plus que l’autre, il n’est réel.

681. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Et quoique la pièce soit charmante et fasse bas-relief… grec, cependant, les gueux des champs au xixe  siècle, les gueux réels qui nous ont touché de leur coude percé, n’ont rien à faire avec Pan et cette voix classique qui ne résonne plus que dans les mémoires cultivées, et non dans les entrailles humaines. […] Cet effrayant négateur de l’absolu est dévoré par l’absolu du désespoir… et pour lui comme pour tous les poètes, c’est la douleur, qu’elle soit réelle et sentie ou simplement imaginaire, qui donne aux cris de ses vers leur toute-puissance.

682. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

— Madame Dorval disait l’autre jour à l’auteur assez tranquille et qui a la voix plus douce que son succès : « Remuez-vous donc, vous avez l’air d’une poule qui aurait couvé un œuf d’aigle. » — Mais assez de ces bribes, je passe à l’autre intérêt réel de la quinzaine, car chaque quinzaine ici a son changement de direction et son unité.

683. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Note Tels sont ces articles sur Chateaubriand qui m’ont valu, par la suite, tant d’injures, et au nom desquels on m’a contesté le droit d’étudier plus à froid et de juger Chateaubriand mort à un point de vue toujours admiratif, mais moralement plus vrai et plus réel.

684. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Quant aux différences politiques, elles ne sont pas moins réelles, quoique plus difficiles et plus fines à saisir.

685. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Mais ici, le philosophe, par une psychologie moins abstraite et moins exclusivement rationnelle, aborde l’homme du côté des penchants actifs, des passions et instincts qui sont les mobiles réels des facultés de l’intelligence ; il marche davantage sur les traces d’Adam Smith, et nous donne sa théorie des sentiments moraux.

686. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Des mœurs telles qu’elles ressortent de ces prétendues peintures du jour, sont-elles réelles ?

687. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Cette facilité-là est pire que la stérilité : car il faut désapprendre ce style et retourner à l’ignorance primitive avant de faire aucun réel progrès.

688. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Quant au vocabulaire, il faut distinguer entre les sens et les mots nouveaux que la mode met en vogue, qui tiennent à ce qu’il y a de plus fugitif, de plus léger dans les mœurs et les idées d’une époque, et les acquisitions définitives du langage, qui répondent aux mouvements décisifs de l’esprit, et aux transformations réelles de la société.

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