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433. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Stendhal, malgré l’énergie d’un esprit dont la principale qualité est la vigueur, a subi comme les plus faibles cette tyrannie des habitudes de la pensée. […] Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine, car pour être élevé il faut croire à Dieu et au Ciel, ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] Mais un homme comme Stendhal matérialiste n’avait plus guères dans le talent que les qualités de la matière, ferme, pénétrant, aiguisé et brillant comme elle, et son esprit finissait par n’être plus qu’un admirable outil d’acier.

434. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Stendhal, malgré l’énergie d’un esprit dont la principale qualité est la vigueur, a subi, comme les plus faibles, cette tyrannie des habitudes de la pensée. […] Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine (car, pour être élevé, il faut croire à Dieu et au ciel), ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] Mais un homme comme Stendhal, matérialiste, n’avait plus guère dans le talent que les qualités de la matière, ferme, pénétrant, aiguisé et brillant comme elle, et son esprit finissait par n’être plus qu’un admirable outil d’acier.

435. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Ce qui est immédiatement donné à notre perception, expliquions-nous, c’est une continuité étendue sur laquelle sont déployées des qualités : c’est plus spécialement une continuité d’étendue visuelle, et par conséquent de couleur. […] D’autre part, comment mettre sur le même rang l’acte par lequel ces oscillations réelles, éléments d’une qualité et participant à ce qu’il y a d’absolu dans la qualité, se propagent à travers l’espace, et le déplacement tout relatif, nécessairement réciproque, de deux systèmes S et S′ découpés plus ou moins artificiellement dans la matière ?

436. (1903) Le problème de l’avenir latin

Sous l’apparence nouvelle, ses qualités originelles ont pu s’atténuer, se dissimuler, sommeiller, sans pour cela disparaître. […] Toutes les autres qualités sociales peuvent être précieuses ou délicieuses ; si celles-là manquent, c’est le fond même qui fait défaut. […] Elle est, dans le monde occidental, la race entre toutes audacieuse, entreprenante, libre, aux solides qualités de fond. […] Quelque largeur d’humanisme qu’on témoigne à juger les peuples, il faut bien distinguer entre ceux qui présentent des qualités de fond et ceux qui n’ont que des qualités de surface — en tant que peuples — et constater la supériorité des premiers. […] L’Italien qui émigré n’apporte-t-il pas les qualités spéciales de sa race aux contrées nouvelles ?

437. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Or, qu’on y prenne garde : le concours de toutes ces circonstances, en contribuant au succès passager, constitue un gros danger pour l’artiste, pour les qualités de l’œuvre. — Puis il y a les conventions ; le théâtre ne saurait vivre sans elles ; mais elles sont fort diverses selon les temps. […] Cette réserve expresse étant faite, il faudrait rendre justice, plus qu’on ne le fait d’ordinaire, aux qualités dramatiques des mistères, miracles et moralités ; la lecture n’est pas le bon moyen d’en juger ; avec quelques modifications, plusieurs de ces pièces tiendraient fort bien sur les planches. […] Cette qualité d’amuseur fut sa plus sûre garantie, une condition d’existence ; quand il cessa de rire, on lui refusa la sépulture des chrétiens. […] Depuis longtemps tout le monde est d’accord pour faire de la logique une qualité essentielle de l’esprit français ; la frivolité, l’inconstance de cet esprit ne frappent et ne déroutent que l’observateur superficiel ; le fond est fait de logique. […] Il en est de même des nations comparées les unes aux autres ; l’analyse établit leurs qualités communes ; la synthèse affirme leur individualité.

438. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Quand on crut que tout était dans l’état de décence qu’il fallait, on en donna avis au roi, et ce prince, s’y étant transporté, y fit en personne toutes les cérémonies qu’on a imitées depuis, c’est-à-dire qu’on le reconnut solennellement pour maître, et qu’il lui rendit, en cette qualité, les mêmes hommages que s’il eût été vivant et qu’il l’instruisît encore dans la morale, les sciences et le gouvernement. […] Cette qualité de chef de la littérature les met dans le cas de connaître par eux-mêmes les plus savants hommes de l’empire, de suivre tout ce qui a rapport aux sciences, de faire accueil aux grands ouvrages et aux grands écrivains, et de les affectionner. […] L’aîné des fils que j’avais eus de l’impératrice me parut avoir toutes les qualités naturelles et acquises qui sont nécessaires pour bien régner. […] Je choisis, à part moi, le plus âgé de mes autres fils : il mourut encore ; et, après lui, le cinquième me paraissant posséder toutes les qualités qu’on peut désirer dans un bon empereur, je lui destinai l’empire. […] En offrant le sacrifice, je priai le Ciel que, si celui dont j’avais écrit le nom avait toutes les qualités requises pour bien régner, il daignât le conserver et le protéger ; que si, au contraire, il n’était pas digne du trône, faute d’avoir ces qualités, d’abréger le cours de sa vie, afin qu’il ne préjudiciât pas à l’empire et que je pusse moi-même me nommer un successeur qui fût véritablement digne de régner.

439. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Ces gens-là pensent tous, comme Turcaret, que l’argent donne toutes les qualités dont il tient lieu. […] Damis a un autre défaut, le pire de tous : ses qualités n’attachent pas. […] C’est la qualité du Méchant, et cette qualité manque à Nanine. […] Ses qualités séduisent, étourdissent ; elles n’attachent pas. […] Tant que Fabre d’Églantine s’épuise à disputer le succès à Collin en l’imitant, il y perd ses qualités sans acquérir celles de son rival.

440. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

La qualité maîtresse de l’éloquence, l’action, qui paraît avoir été éminente en Bourdaloue, ajoutait à cet effet. […] Ajoutez-y les qualités personnelles de Massillon, surtout la facilité qui répand tant de grâce sur les parties solides de ses discours. […] Les peintures de caractères ne se font pas de fougue : s’il y a un genre où la jeunesse ne soit pas une qualité, c’est celui-là. […] Et quelle justesse dans cette remarque générale sur l’imagination du style et de l’expression, considérée comme une qualité de génie chez les poètes ! […] Voltaire avait trouvé en Vauvenargues un de ces rares admirateurs qui savent parler à un homme de génie de ses qualités et de ses défauts sans intérêt.

441. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Pour les nourrices, s’il est besoin d’y recourir, il examinera la qualité de leur lait. […] Il raisonne comme certaines gens qui, en lisant un auteur, s’imaginent avoir toutes les qualités qu’ils y louent, et n’avoir aucun des défauts qu’ils y critiquent. […] Seulement, comme ses erreurs sont celles d’un esprit supérieur, et ses fautes celles d’un homme qui n’était pas sans qualités, l’éclat de ces contrastes rend son portrait plus séduisant. […] Certes, les qualités supérieures de l’esprit ne lui manquèrent pas ; ce qui lui manqua, ce fut le talent de se faire une part dans les fruits de son travail. […] Rousseau, ce sont les qualités de ses défauts.

442. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Ses propres qualités devinrent des défauts lorsqu’il assuma la tâche de traducteur. […] La principale qualité de la conférence de M.  […] Si l’on avait à indiquer les principales qualités de l’œuvre de Mistress Browning, on nommerait, comme M.  […] Son livre actuel a beaucoup de bonnes qualités, mais il est presque illisible. […] C’est un fait fâcheux, mais un fait certain que les pauvres gens sont complètement inconscient de leur qualité de pittoresque.

443. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Eugène Manuel, Edouard Grenier, Alphonse Daudet, Lucien Pâté, Louis Ménard n’ont rien de ce défaut ou de cette qualité. […] Ce ne sont pas leurs vices qui les rendent aimables, ce sont leurs bonnes qualités naturelles. […] Le détestable est une qualité positive : c’est le revers de la médaille, le creux du bouclier ; il confine à l’excellent. […] Cette qualité, c’est la santé parfaite de l’esprit. […] Cette qualité brille d’un éclat particulièrement aimable dans le volume que j’ai sous les yeux.

444. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Il a bien assorti leurs mœurs à leurs attributs, et les agents de sa fable entière n’ont que des qualités en accord avec la religion propre au sujet. […] C’est ce beau sentiment qui le passionne pour son auteur : c’est cette qualité rare qui le distingue éminemment à ses yeux parmi les autres poètes. […] Il en est, ce me semble, des qualités physiques ainsi que des facultés intellectuelles ; elles ont également leurs bornes, au-delà desquelles une puissance inconnue les arrête. […] Un simple fait, qui se rattachait au siège de Troie, sujet des entretiens de la Grèce et de l’Asie, réunissait toutes les qualités requises pour toucher les esprits d’un intérêt à la fois universel, particulier, et national. […] D’où résultent ces deux qualités si rares dans les autres poèmes et si constantes dans celui-ci ?

445. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Ce qui me paraît surtout à remarquer en lui comme en plusieurs personnages du haut clergé français au xviiie  siècle, c’est ce mélange de monde, de philosophie, de grâce, qui peu à peu sut s’allier avec bon sens et bon goût à la considération et à l’estime ; ces prélats de qualité, engagés un peu légèrement dans leur état, en prennent cependant l’esprit avec l’âge ; ils deviennent, à un moment, des hommes d’Église dans la meilleure acception du mot, sans cesser pour cela d’être des hommes du monde et des gens aimables ; puis, quand viendra la persécution, quand sonnera l’heure de l’épreuve et du danger, ils trouveront eu eux du courage et de la constance ; ils auront l’honneur de leur état ; vrais gentilshommes de l’Église, ils en voudront partager les disgrâces et les infortunes comme ils en avaient recueilli par avance les bénéfices et possédé les privilèges. […] L’idée d’aller à Rome en qualité de ministre du roi lui souriait beaucoup ; il désirait n’y aller qu’étant déjà prêtre et de plus évêque. […] Je n’ai point vu de magnificence surpasser la sienne… Et après maints détails où elle se complaît, et qui prouvent à quel point l’hôte splendide savait mêler à ses pompes et à ses largesses romaines cette qualité française, la précision, Mme de Genlis ajoute : « Le cardinal de Bernis donna à Mme la duchesse de Chartres de magnifiques conversations, c’est-à-dire des assemblées de deux ou trois mille personnes. […] Tout le cercle de sa vie est accompli, et il a montré en finissant que ses qualités aimables, prudentes et fines, jointes à la délicatesse du cœur, pouvaient devenir des vertus.

446. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Il avait toutes les qualités d’un particulier estimable ; peut-être était-il trop faible pour un roi. […] S’il eut de grands défauts, il eut aussi de très grandes vertus, et la France a eu peu de rois qui eussent eu plus de talents et de qualités nécessaires pour bien gouverner. » Et après une comparaison suivie de Louis XI avec Louis XIII, puis avec Louis XII, il termine de la sorte : Si présentement quelqu’un, dépouillé de toute prévention et pesant tout au poids du sanctuaire, voulait faire le parallèle de ces deux rois, il trouverait qu’après avoir épargné Louis XII sur tout ce qu’il a fait jusqu’à ce qu’il soit monté sur le trône, on n’en pourrait faire que ce qui s’appelle un bonhomme, et que Louis XI, malgré tous les défauts qu’on peut lui reprocher, a été un grand roi. […]  » Mais dans ses Mémoires secrets, dans cette histoire de son temps, qu’il a retracée en qualité d’historiographe, et qui n’a été publiée que longtemps après sa mort (1790), c’est là que Duclos, dit-on, s’est montré lui-même : « On y trouve, dit Grimm, ce qu’il sut pour ainsi dire toute sa vie, ce qu’il sut mieux que personne ; très répandu dans la société, M.  […] Duclos historien n’a qu’un procédé, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait, je l’ai dit, quand il a affaire à l’abbé Le Grand ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons : il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui paraît suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans un sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent.

447. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] La bonne fée arrivée trop tard à la naissance d’Aladin, pour amortir du moins le fâcheux effet qu’elle prévoit de si grandes qualités, ne trouve d’autre moyen que d’y joindre comme antidote un peu de paresse. […] Cet homme à l’âne le devance : c’est l’image de son cousin Salem qui arrive à tout avant lui avec ses qualités compassées et son activité incessante. […] Je supplée, pour les objets qui m’intéressent, certaines incapacités par un discernement rare des diverses qualités des hommes, joint à la conscience bien exacte de ce qui me manque.

448. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

. — Ses qualités ; ses idées ; son brillant. — Le point gâté. — Meilhan. — Longueil et Meilhan-Saint-Alban. […] L’impossible aussi pour ceux qui de nos jours posent en principe qu’on ne sait pas écrire en français, et surtout de ces choses de morale et de société, depuis Louis XIV, ce serait de leur faire reconnaître que Senac de Meilhan est un moraliste et un écrivain des plus distingués, qui a de très grandes qualités, de belles parties, et plus que de la finesse, je veux dire de la largeur, de l’élévation, de l’essor. […] Mais ces matériaux, peut-on lui répondre, étaient tellement sous la main et de telle qualité, et si appropriés au dessein une fois conçu, ils étaient d’une nature si vive, si combustible, qu’ils donnaient terriblement envie sinon de bâtir une nouvelle maison, du moins de commencer par brûler l’ancienne. […] Le souvenir de la liaison de Mme du Deffand et d’Horace Walpole se présente aussitôt à l’esprit, et l’on se demande involontairement : « N’y eut-il rien, chez Mme de Créqui, de ce sentiment possible à tout âge chez une femme, et qui la porte avec un intérêt tendre vers un homme dont quelques qualités la séduisent ?

449. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Le Henri IV roi, grand guerrier, grand politique, non plus celui des petits défauts et des peccadilles, mais l’homme des hautes et mémorables qualités, monarque réparateur et chéri, actif bienfaiteur de son peuple et instaurateur d’une diplomatie généreuse, toute d’avenir, c’est celui-là seulement dont on rencontrera l’image. […] Du Fay en vient à toucher et définir la qualité qui est peut-être la plus singulière chez Henri IV, la plus royale qualité et la plus éloignée de tyrannie, mais qu’il pousse jusqu’à l’excès et au défaut : C’est qu’il est le plus doux, le plus pardonnant et le plus oublieux d’injure qui fut oncques… Je l’appelle douceur, mais je te jure que si je pouvais et osais, je lui donnerais un autre nom, car elle passe par-dessus la raison. […] Ces caresses se faisaient souvent à de petits mestres de camp de guerres civiles, qui n’eussent jamais en leur vie osé parler au roi s’ils n’eussent été ses ennemis, et en cette qualité-là ils en recevaient un bon visage.

450. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Et qu’on ne croie point que je veuille, en ce moment, avoir l’air de rien blâmer de ce qu’amène le cours ou le progrès du temps, comme on l’appelle ; je ne fais le procès à rien de ce qui est nécessaire et légitime : j’ai tenu seulement à bien rendre l’idée du classique français dans cette période paisible, où, la première effervescence du xvie  siècle étant apaisée et calmée, une élite de gens de goût, vrais lettrés, jouissait comme d’une conquête acquise des dépouilles de l’Antiquité, en y mêlant le sentiment des beautés et qualités françaises, et sans ignorer ce qui s’y assortissait de meilleur et de plus agréable en Angleterre ou en Italie. […] Du Bellay le sait bien ; il nous exprime la haute idée qu’il se fait du poète, et, à dénombrer toutes les qualités qu’il lui attribue, on sent qu’il doit l’être lui-même : il exige avant tout un je ne sais quoi de divin, et il reprend à sa source et dans son vrai sens naturel, pour le lui appliquer, le mot de génie, genius. […] Dans sa Réponse à quelques objections, il indique assez, d’ailleurs, qu’il ne pense point que les esprits des Modernes soient de moindre essence et qualité que ceux des Anciens ; son intelligence courageuse répugne à l’idée d’abâtardissement et de décadence. […] Quand il en vient aux modernes, aux vivants, il les désigne, sans les nommer, par leurs qualités ou leurs défauts ; les lecteurs du moment mettaient aisément des noms sous ces désignations littéraires : de si loin nous pourrions nous y tromper.

451. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

D’abord, il y a des chances pour que l’on soit heureusement doué et, par les qualités physiques et intellectuelles, au-dessus de l’ordinaire. […] Un de mes amis qui a fait la campagne de 1870 en qualité de lieutenant, qui depuis est entré dans l’Université, et que je n’hésitais point à juger beaucoup plus intelligent que les trois quarts de nos commandants de corps, me disait l’autre jour : « Je n’ai jamais commandé plus de deux cents hommes. […] Il y faut un génie particulier qu’il serait puéril de juger inférieur, par la qualité, à celui du grand peintre ou du grand écrivain. […] Si donc M. le duc d’Aumale conclut un jour, comme Bossuet, que la qualité essentielle de son héros fut la bonté, nous ne demandons pas mieux ; mais que ce soit à bonnes enseignes !

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