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926. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Nous avons dit textuellement ceci : « L’imitation consiste à transporter et à exploiter dans son propre style les idées ou les expressions d’un autre style11, à les mettre en œuvre suivant ses qualités personnelles et sa tournure d’esprit12. […] Jamais, en somme, l’originalité du style ne fut plus nette qu’à cette époque. » Rien de plus vrai, et c’est en propres termes ce que nous disons, et c’est précisément ce qui prouve que l’originalité se forme par l’imitation ou, tout au moins, que l’imitation ne nuit pas à l’originalité.

927. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Il annonce qu’il ne vient que pour renverser les idoles, puis sceller son témoignage de son propre sang. […] Ainsi le vénérable prisonnier fut sur le point d’y céder à son tour ; mais l’heure de la délivrance avait sonné de toutes parts ; et Dieu s’était fait juge de sa propre cause, car la cause de la civilisation est celle de Dieu même.

928. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Nous n’avons jamais eu d’entrailles pour le génie faussaire de Chatterton… Mais Gramont est un poète pour son propre compte et en son propre nom, sans fougue, mais non sans élévation et sans profondeur.

929. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

La plupart des situations et des coups de théâtre sont plus propres à éblouir la multitude qu’à satisfaire les connaisseurs. […] Et qu’y a-t-il de plus propre à encourager tous les crimes, que cette idée du néant ? […] Rousseau a raison de dire que la pièce est plus propre à former des Mahomets que des Zopires. […] pour une fille enragée de vanité, irritée qu’on la soupçonne, quand elle est entre les mains du bourreau, condamnée à mort sur sa propre écriture, et coupable, de l’aveu même de son père ! […] L’objet du théâtre est de tracer une image fidèle du cœur humain et de la société ; le roman n’en donne que des idées fausses ; il n’est propre qu’à égarer l’esprit, qu’à corrompre le cœur.

930. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Les plus grosses difficultés philosophiques naissent, disions-nous, de ce que les formes de l’action humaine s’aventurent hors de leur domaine propre. […] La connaissance qu’elle se donne de l’opération de la nature doit donc être exactement symétrique de l’intérêt qu’elle prend à sa propre opération. […] Elles tendent à se confondre avec leur propre définition, c’est-à-dire avec la reconstruction artificielle et l’expression symbolique qui est leur équivalent intellectuel. […] Le changement n’étant que l’effort d’une Forme vers sa propre réalisation, la réalisation est tout ce qu’il nous importe de connaître. […] Telle nous paraît être la fonction propre de la philosophie.

931. (1900) La culture des idées

On aurait pu aussi bien citer Platon, République, V, que Campanella suit d’assez près, mais avec son originalité propre. […] D’ailleurs, il est toujours bon de feindre : ainsi on ménage sa propre nature et on se réserve, en cas d’accident, la suprême ressource de la sincérité. […] Lui seul est le grand horticulteur, mais sa propre affirmation défaille si les autres ne la confirment. […] Elles cultivent le seul genre littéraire auquel de tout temps elles aient été propres, le roman. […] Prisonnier, séparé de la source de l’activité mentale, il dévore ses enfants, — c’est-à-dire qu’il se dévore lui-même, qu’il dévore ses propres pensées.

932. (1902) La poésie nouvelle

Tout cela indépendamment du poète et de ses goûts propres. […] Ses idées, qui forment un tout si cohérent et harmonieux, lui appartiennent en propre. […] A mordre son propre cœur, il s’affole ; à force d’exaspérer son martyre, il le croit volontaire et il s’enivre alors d’orgueil révolté. […] Mais il se révélait dans les paysages même, il les teintait de sa propre nuance, les imprégnait de sa tendresse ou de sa mélancolie.‌ […] Elle fut abolie, le vers déclaré libre, et chaque poète put donc l’adapter à son tempérament propre, à sa philosophie.‌

933. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Les privilèges se nivellent d’eux-mêmes, la tolérance des cultes fait justice à toutes les consciences, les grands se sacrifient, le peuple s’exalte, les vérités encore en théorie pleuvent de chaque bouche au milieu d’une ivresse qui semble unanime ; on dirait l’explosion d’une révélation civile, éclatant de son propre éclat dans toutes les âmes et pulvérisant d’évidence tous les obstacles à la réformation des institutions du moyen âge. […] Cette tête auguste et innocente livrée entraîne leurs propres têtes. […] Elle marche au hasard à sa propre destruction et passe des bourreaux aux victimes, des intrigants aux idéologues, des idéologues aux soldats, des soldats aux dictateurs, des dictateurs aux despotes. […] Je le rectifiai même dans mon propre département par une lettre énergique contre les banquets parlementaires de la coalition, auxquels je refusai de m’unir. […] Mais je veux porter dans l’histoire publique l’honnêteté de la conscience privée, peindre les acteurs non avec les traits du préjugé et de la vengeance, mais avec leurs propres traits.

934. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Le prince de Talleyrand, qui y représentait la France, avait intérêt à y faire prévaloir le Pape pour mériter sa propre réconciliation à force de services. […] Le 19 mai 1814, le Pape rappelait Consalvi au ministère par le décret suivant daté de Foligno, écrit de sa propre main et qui respire l’amitié autant que l’estime : « Ayant dû céder aux impérieuses circonstances dans lesquelles nous nous trouvions, et mû par le seul espoir d’amoindrir les maux qui nous menaçaient, nous avions été obligé de subir la volonté du gouvernement français déchu, qui ne voulait pas souffrir, dans la charge de notre secrétaire d’État, le cardinal Hercule Consalvi. […] Léon XII l’appela à Rome pour prendre la tradition du règne en présence de Jurla, son propre ministre. […] « Ayant dans mon testament, écrit tout entier et de ma propre main et daté de ce même jour, nommé et institué mon héritier fiduciaire Mgr Alexandre Buttaoni, promoteur de la foi, avec charge de remettre en temps et lieu l’héritage à mon héritier propriétaire, je déclare par ce feuillet, qui fait partie de mon testament, ne rien posséder qui, en vigueur du motu proprio du 6 juillet de l’année 1816, ne soit parfaitement libre de toute charge et de tout fidéicommis ; et je nomme, institue, déclare mon héritier universel de tous et chacun de mes biens, crédits, droits, la Sacrée Congrégation de la Propagande de la foi, à laquelle néanmoins j’interdis formellement et de la manière la plus expresse, la détraction de la quatrième Falcidia, de quelque manière et à quelque titre que ce soit. […] Il se consacra non à sa propre sanctification, mais à bien comprendre et à bien faire les affaires du Pape et de son gouvernement.

935. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

De croyance propre, il n’en a guère. […] Seuls, les prêtres et les bardes, soit orgueil sacerdotal, soit qu’ils subissent la fascination de leurs propres théogonies ou que leurs dieux désertés leur deviennent plus chers, résistent au dieu nouveau. […] Quant aux Grecs, ils s’occupaient médiocrement de l’avenir de l’homme par-delà la tombe et pensaient que cette vie peut être à elle-même son propre but. […] S’ils aiment et secourent les hommes, ce n’est point parce qu’ils sont des hommes, tout simplement, c’est qu’ils voient en eux des âmes appelées au salut éternel et qu’en s’occupant de ces âmes ils assureront leur propre salut. […] je crois, seigneur, en y réfléchissant, Que l’homme a toujours eu soif de son propre sang, Comme moi le désir de sa chair vive ou morte.

936. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Si la critique littéraire n’est plus une boussole assez sûre pour diriger nos jugements dans l’appréciation des œuvres de l’esprit, qu’avons-nous de mieux à faire que de nous mettre en état de les juger nous-mêmes, d’après nos propres lumières, d’après nos propres impressions ? […] Il en est ainsi de l’âme du poète, soit qu’il cherche ses inspirations dans la nature extérieure, soit qu’il les trouve dans sa propre nature. […] Que sera-ce donc, si au lieu d’avoir à lire nos propres sentiments, nous servons d’interprètes aux pensées des autres ! […] Comme en Grèce les poésies et les discours étaient ou improvisés ou récités de mémoire, on négligea de donner à l’écriture des caractères propres à diriger le lecteur à haute voix dans les intonations et dans les mouvements de son débit.

937. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Ainsi entendues, les idées-forces, c’est-à-dire les états de conscience corrélatifs aux vibrations du cerveau, luttent pour l’existence et les plus fortes l’emportent : il y a conflit dynamique et sélection dans les plaisirs et les peines, dans les émotions, dans les pensées, dans les états de conscience de toute sorte, dont chacun, étant lié aux vibrations de cellules particulières dans le cerveau, enveloppe une tendance à se maintenir et à survivre, corrélative de la tendance des cellules à leur propre conservation et à leur propre développement. […] Nous savons qu’une étoile éteinte depuis longtemps pourrait nous envoyer encore ses rayons avec leur forme propre et leur spectre spécial : le foyer n’est plus, la vibration éthérée existe encore ; des profondeurs de l’infini elle vient nous révéler sa cause aujourd’hui disparue. […] Les idées mêmes de telle émotion et de tel acte moteur rentrent dans cette condition générale ; les idées les plus fortes sont donc les idées des émotions et des volitions ; ce sont aussi celles qui peuvent le mieux produire dans l’organisme des traces et des trajets propres au renouvellement des représentations. […] Parmi les mots, le malade oublie d’abord les noms propres, puis les noms communs, qui ne sont que des adjectifs érigés en substantifs, puis les adjectifs, puis les verbes.

938. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Le secret y allait jusqu’à l’abstrait… Dans son impassibilité peut-être seulement apparente, étaient empreintes les deux pétrifications, la pétrification du cœur propre au bourreau, et la pétrification du cerveau propre au mandarin. […] Nous avons déjà noté qu’au cours d’une pareille ascension de périodes à sens identique, les mots propres rapidement épuisés auront pour suite des synonymes de plus en plus indirects, puis des allusions et des images. […] Ceux-ci comprennent d’abord les termes propres et synonymes, puis les termes analogues, enfin, et, nécessairement, les termes métaphoriques. […] C’est là le procédé d’un homme peu habitué à penser pour son propre compte, prompt à s’emparer de thèmes tout faits pour donner libre cours à sa faculté de parolier.

939. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Joseph Hudault avait fixé sur ses carnets intimes et pour son propre usage, de la même manière que Pierre de Rozières, ce qu’il appelait ses « principes et bases de vie ».‌ […] Joseph Hudault, toutefois, ne considère pas seulement sa vocation propre ; il y a aussi la vocation de la France. […] Je les hais cordialement, mais seulement parce que leur destinée est opposée à la nôtre…‌ Ainsi, voilà son double devoir (qu’il justifie et perfectionne par sa croyance catholique), c’est d’accomplir sa mission propre et de collaborer à celle de la France.‌ […] Combien cet adolescent, à son propre insu, devait être romanesque ! […] Ses amis m’ont donné à lire les brouillons d’un roman où dans les premiers mois de l’année 1914 il avait commencé à peindre les désirs, les passions, les croyances de ses amis et les siennes propres.

940. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Or cela est dit en propres termes au second acte. […] C’est-à-dire qu’elle a mal agi au jugement de la loi, afin de bien agir à ses propres yeux. […] Avez-vous donc été si délicatement élevé, que vous ne puissiez manger votre propre chair ?  […] Marcelle les met d’accord en les tuant tous deux de sa propre main. […] » C’est ici que se place la scène qui appartient en propre à MM. 

941. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Or, c’est surtout de cette existence propre qu’il doute. […] Cela tenait pourtant encore, mais tout autour de sa propre demeure des teintes crues s’étaient peintes sur toute la face des maisons voisines. […] Deviens ta propre fleur. […] Sans doute Rimbaud était au courant des phénomènes d’audition colorée ; peut-être connaissait-il par sa propre expérience ces phénomènes. […] Mallarmé en lègue aussi, en même temps qu’un grand exemple, car il s’était mis, seul, à oser avoir sa pensée propre devant toute une littéraire presque disciplinée.

942. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Du reste, le sujet de Modeste Mignon était très propre à seconder ses intentions en ce genre. […] Nous avons vu les vainqueurs de 1826, disparaître comme ces conquérants d’Asie, dont la dynastie à peine fondée succombe à sa propre faiblesse, et nous qui avons vécu sous le règne de leurs prédécesseurs, nous sommes probablement destinés à assister à l’avènement de leurs héritiers. […] Oui, sa maîtresse n’est pas un instant aimée ; elle joue le rôle d’un meuble où il pose son propre amour, mais en sortant de leur rêverie toute personnelle, de leur bonheur isolé, Hassan, Rolla ou Franck, n’auront jamais pour la pauvre enfant que du persiflage. […] Que peut valoir en effet à une époque laborieuse comme la nôtre, un idéal dont le dernier mot est l’impuissance, un personnage qui tire toute sa valeur de sa nullité, et dont le suprême mérite est de n’être propre à rien ! […] Janin l’instabilité de son opinion et combien il a peu de ménagement pour ses propres avis.

943. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Apollon, convaincu d’un crime dans son propre temple, châtierait celui qui s’aviserait de rendre un oracle en son nom. […] Il en ramènerait une belle jeune fille aux cheveux dénoués, mais très propre, et sans une goutte d’eau sur ses vêtements. […] Mais aussi il me semble que, d’accepter délibérément ma damnation, c’est cela même qui m’absout, du moins à mes propres yeux. […] le droit de « se créer sa morale, sa règle », de « remplir toute sa destinée divine », d’être à soi-même son propre dieu ! […] C’est du propre !

944. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il ne voit pas dans cette conversion une matière à réfléchir sur ses propres doctrines, une énigme mentale à résoudre. […] J’arrive, mon cher ami, à l’objet propre de notre discussion. […] C’est un travail de critique que j’ai essayé, voici quelques années déjà, de faire pour mon propre compte. […] Cette théorie va directement à l’encontre de son propre dessein. […] Il lui suffisait de regarder sa propre destinée pour comprendre l’inutilité de cette sanglante aventure.

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