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582. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Génies faciles, forts et féconds, leurs principaux traits sont dans ce mélange de fertilité, de fermeté et de franchise ; c’est la science et la richesse du fonds, une vraie indifférence sur l’emploi des moyens et des genres convenus, tout cadre, tout point de départ leur étant bon pour entrer en matière ; c’est une production active, multipliée à travers les obstacles, et la plénitude de l’art fréquemment obtenue sans les appareils trop lents et les artifices. […] Parmi ces illustres contemporains que je citais tout à l’heure, il en est un, un seul, celui qu’on serait le moins tenté de rapprocher de notre poëte, et qui pourtant, comme lui, plus que lui, mit en question les principaux fondements de la société d’alors, et qui envisagea sans préjugé aucun la naissance, la qualité, la propriété ; mais Pascal (car ce fut l’audacieux) ne se servit de ce peu de fondement, ou plutôt de cette ruine qu’il faisait de toutes les choses d’alentour, que pour s’attacher avec plus d’effroi à la colonne du temple, pour embrasser convulsivement la Croix. […] Shakspeare a de plus que Molière les touches pathétiques et les éclats du terrible : Macbeth, le roi Lear, Ophélie ; mais Molière rachète à certains égards cette perte par le nombre, la perfection, la contexture profonde et continue de ses principaux caractères. […] Son principal talent naturel était pourtant, je le crois, vers l’épanchement de l’élégie ; mais on ne peut trop le décider, tant il a su convenablement s’identifier avec ses nobles personnages, dans la région mixte, idéale et modérément dramatique, où il se déploie à ravir. […] Mais comment tous ceux qui ont écrit sur Molière, comment Grimarest, son principal biographe, qui écrivait d’après Baron, comment les autres contemporains, Marcel auteur présumé d’une première Vie abrégée, l’auteur inconnu de la Fameuse Comédienne, Bayle, De Visé qui contredit Grimarest sur plusieurs points, ont-ils ignoré cette façon dont Molière dut répondre ?

583. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

À Sierk, près de Thionville, « la Chartreuse, disent les notables, est à tous égards pour nous l’arche du Seigneur ; c’est la principale ressource de plus de douze à quinze cents personnes qui viennent tous les jours de la semaine. […] La campagne est déserte, et si quelque gentilhomme l’habite, c’est dans quelque triste bouge, pour épargner cet argent qu’il vient ensuite jeter dans la capitale. » — « Un coche79, dit M. de Montlosier, partait toutes les semaines des principales villes de province pour Paris, et n’était pas toujours plein : voilà pour le mouvement des affaires. […] Dans l’élection de Mayenne89, et certainement aussi dans beaucoup d’autres, les principaux domaines sont affermés de la sorte. […] L’exemple est donné par le roi, qui vend aux fermiers généraux, moyennant une somme annuelle, l’exploitation des principaux impôts indirects.

584. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Après avoir constaté son existence, sa permanence, et sa principale relation, il nous faut trouver les qualités qui le déterminent. […] Partant, nous attachons une grande importance à ces pouvoirs ; ils sont pour nous le principal et l’essentiel des choses ; nous sommes tentés d’en faire des entités distinctes, de les considérer comme un fonds primitif, un dessous stable, une source indépendante et productrice d’où s’épanchent les événements. — La vérité est pourtant qu’en soi un pouvoir n’est rien, sauf un point de vue, un extrait, une particularité de certains événements, la particularité qu’ils ont d’être possibles parce que leurs conditions sont données. […] Mais cette association principale, étant acquise, peut être défaite ; il en est de même des associations secondaires qui soudent ensemble dans mon esprit les divers fragments de la série totale. Si alors un fragment étranger ou une série étrangère vient s’intercaler dans la place vide, le patient se méprendra sur lui-même. — Nous venons de voir les conditions principales de cette transposition.

585. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Grâce à cette aptitude, l’enfant de quinze mois apprend, en deux ou trois ans, les principaux mots de la langue usuelle et familière. — Notez la différence profonde qui sépare cette acquisition de l’acquisition parallèle que pourrait faire un perroquet. […] Débarrassée de ses éléments accessoires et réduite à ses éléments principaux, la première copierait exactement la seconde ; et, de fait, elle s’en rapproche d’autant plus que ses éléments ultérieurs ou accessoires, plus faibles, laissent plus d’ascendant à ses éléments primitifs ou principaux. — Ainsi, en géométrie, comme tout à l’heure en arithmétique, nos cadres préalables ont un office et un prix. […] L’écart que l’on remarque entre eux et les faits peut disparaître et disparaît en effet de deux façons. — Il vient de disparaître par une abstraction, c’est-à-dire par l’omission mentale de certains éléments des faits ; de cette façon, les faits réduits se sont ajustés aux cadres. — Il pourra disparaître aussi par un travail inverse, c’est-à-dire par l’introduction dans les cadres des éléments que la construction préalable y avait omis ; à la considération des directions primitives ou principales, on ajoutera alors celle des directions perturbatrices, soit ultérieures, soit accessoires, et, de cette façon, les cadres complétés s’ajusteront aux faits.

586. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le principal personnage, le Menteur, n’est un caractère que par comparaison avec les types convenus de la comédie d’intrigue. […] Malgré les inconséquences du personnage principal et la légèreté de la pièce, comparé à tant de vains ouvrages sans invention et mal écrits qui défrayaient alors le théâtre, le Menteur est de la comédie. […] On en compte jusqu’à huit dans l’École des femmes ; et quoique chacun soit un pas vers le dénoûment, on est près de trouver languissante une action qui laisse si souvent le principal personnage tout seul sur la scène. […] Il est deux sources principales où Molière puisa pour toutes ses pièces : sa vie d’abord, par laquelle il toucha à presque toutes les situations et il eut un peu de tous les caractères, et son savoir, qui le mit en possession de tout ce qui s’était fait avant lui dans son art.

587. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Outre ces deux ouvrages de David, principal ornement de cet atelier, on voyait une charmante ébauche d’un enfant nu, mourant en pressant la cocarde tricolore sur son cœur ; c’était le jeune Viala. […] Les principaux sont Poussin et Vermay, c’étaient des enfants de quatorze à quinze ans ; puis Augustin Delavergne, âgé de trente ans, gentilhomme d’une province de France ; J. […] Quant au Romulus, que l’on trouva roide et froid, il ne fut remarqué que par les artistes, ainsi que les deux écuyers des principaux personnages. […] Repassez dans votre esprit, mon cher Étienne, les types des principales statues de l’antiquité, et vous verrez que le nombre en est assez restreint. […] David était alors à l’apogée de son talent, jouissant de toute la célébrité qu’il s’était acquise, non-seulement par ses propres ouvrages, mais encore par l’éclat toujours croissant qu’avaient jeté ses principaux élèves, depuis 1780 jusqu’en 1808.

588. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Cette partie tout aventureuse de la narration se couronne par un trait imprévu et délicat, tel que sa plume n’en aura pas toujours : il s’agit simplement de la mort d’une gazelle, compagne de la traversée et délassement de la quarantaine ; elle appartenait au principal passager, M.  […] Son objet principal et même unique était de faire connaître le caractère, la physionomie et les mœurs des savants qu’il présentait au monde dans ses gracieuses et discrètes notices.

589. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Les principaux traits accusés par Saint-Simon sont bien en Villars ; mais il les a présentés sous un jour si contraire, si particulier, à la clarté de sa lampe de nuit et avec de telles rougeurs dans l’ombre, qu’on n’a devant soi qu’un monstre de vanité, de forfanterie et de fortune, une caricature. […] Cet Orondate ou Oroondate est le principal héros du roman de Cassandre, de La Calprenède.

590. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Adert, un des anciens élèves de notre École normale et depuis plus de dix ans établi en Suisse, en publiant aujourd’hui, d’après le vœu de la famille, les principaux essais et mémoires qu’avait préparés plutôt qu’achevés Guillaume Favre, mais qu’il avait préparés toute sa vie, a très bien marqué et défini en sa personne ce caractère original du savant pur, du savant qui étudie toujours, qui prend note sur note et amasse les éruditions autour des pages, qui ne vise qu’au complet et à l’exactitude du fond, qui est le contraire de celui qui dit : Mon siège est fait ; qui, vécût-il quatre-vingts ans, n’a de plaisir qu’à aller toujours ailleurs en avant, et, de chasse en chasse, d’enquête en enquête, scrupuleux et amusé qu’il est, n’en finit pas. […] Les compatriotes de Favre l’ont célébré et pleuré pour les services généreux qu’il n’a cessé de rendre jusqu’à sa dernière heure et pour ses vertus : sa famille, en recueillant ses principaux écrits et en lui élevant, par les soins d’un digne éditeur, ce monument littéraire, a pourvu à la durée de son nom.

591. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Steinlen vient de lui consacrer, et parcourons les principales phases de cette longue carrière, toute semée d’épisodes, et à laquelle il n’a manqué qu’un monument. […] Les barons de Bonstetten que l’histoire rencontre assez souvent à la fin du xiiie et au commencement du xive  siècle, étaient d’abord établis dans leur branche principale à Zurich ; c’est au xve  siècle seulement que l’un d’eux vint se fixer à Berne et fut agrégé à la bourgeoisie de cette ville.

592. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

pourquoi, en présence des collègues ou des rivaux politiques tout occupés de l’intérêt ou du péril du moment, ne s’être pas dit : Je pense, moi, à l’avenir, au lendemain ; je le conjure, je le prépare ; je viens de temps en temps à la tribune donner mon coup de main à la politique générale, mais mon principal souci est ailleurs, et je serai content de ma part d’action si je puis être le grand maître perpétuel, non seulement de l’Université, mais des jeunes générations survenantes ? […] J’en ai les principaux moments très présents et, en le voulant bien, je crois que je retrouverais, notées par moi avec curiosité et sur le temps même, ces diverses phases de sa parole publique.

593. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il écrivait à l’abbé Fleury dès 1695 : « Son naturel le porte ardemment à tout le détail le plus vétilleux sur les arts et l’agriculture même. » Quinze et dix-sept ans plus tard (1712), il pensait et disait encore la même chose, et cette fois au sujet de la religion : « Il a besoin d’acquérir, si je ne me trompe, une certaine application suivie et constante, pour embrasser, toute une matière, pour en accorder toutes les parties, pour approfondir chaque point principal ; autrement cette lumière, qui est grande, ne ferait que flotter au gré du vent. […] Mémoire des principaux actes de vertu qu’une personne de probité a remarqués en feu Monseigneur le Dauphin (1712).

594. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Je conçois pour un poème des champs et de la nature, comme source d’inspiration principale et propre à animer le tout, deux ou même trois façons générales de voir et de sentir, trois esprits différents, et je les définirai par des noms antiques et immortels : l’esprit d’Hésiode, celui de Lucrèce, celui de Virgile. […] Tel est le mérite principal du poème de M. 

595. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Tous les accidents, tels que surprises, vols, guerres, qui viennent troubler le cours heureux du récit principal sont racontés lu plus vite possible, et, aussitôt passés, ne laissent derrière eux aucun souvenir. Le vice apparaît comme un accompagnement des citadins et à leur suite, et encore n’apparaît-il pas dans un personnage principal, mais bien dans une figure accessoire.

596. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

L’avantage d’une telle éducation, pour ceux qui ne se destinent pas à desservir en lévites fidèles les autels de l’Antiquité, c’est qu’elle laisse de la liberté aux aptitudes, qu’elle ne prolonge pas sans raison les années scolaires, qu’elle donne pourtant le moyen de suivre plus tard, si le besoin s’en fait sentir, telle ou telle branche d’érudition confinant à l’Antiquité, et que, vers seize ou dix-sept ans, le jeune homme peut s’appliquer sans retard à ce qui va être l’emploi principal de toute sa vie. […] Viollet-Le-Duc se sépare des architectes classiques proprement dits, à le suivre dans les fines et savantes explications qu’il a données de l’architecture française des XIIe et XIIIe siècles, sa grande et principale étude, son vrai domaine royal, si je puis ainsi parler, et à y reconnaître avec lui, sous des formes si différentes à l’œil, et si grandioses à leur tour ou si charmantes, quelque chose de ces mêmes principes et de ce libre génie dont l’art s’est inspiré et s’inspira toujours aux époques d’invention heureuse et de florissante originalité ; tellement qu’à ne voir que l’esprit, il y a plus de rapport véritable entre les grands artistes de la Grèce et nos vieux maîtres laïques bâtisseurs de cathédrales, qu’entre ces mêmes Phidias ou Ictinus d’immortelle mémoire et les disciples savants, réguliers, formalistes, qui croient les continuer aujourd’hui.

597. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Nulle part ce premier et principal dessein qu’a l’auteur de railler les livres de chevalerie, de les décrier et d’en ruiner l’autorité dans le monde et parmi le vulgaire, ne se perd de vue ni ne se laisse oublier ; il est ramené sans cesse. […] On ne saurait donc contester que le point, de départ et l’objet principal du Don Quichotte ne soit une satire littéraire.

598. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Le maréchal Keith, Écossais de naissance et l’un des principaux lieutenants de Frédéric, en écrivait de grands compliments à son père, et en rabattant tout ce qu’on peut attribuer à la politesse, il est bien certain que le jeune homme se fit estimer par son tact, sa mesure et son intelligence. […] Après des fatigues et des retardements sans nombre, il gagne cette bataille d’Hastenbeck, où Gisors et le régiment de Champagne se distinguent à la prise d’une principale redoute ; victoire qui, incomplète au point de vue militaire, ne laisse pas d’être décisive par ses résultats (26 juillet 1757).

599. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Deux des principales physionomies, extraites du court passage de M.  […] Sainte-Beuve n’a pas à se prononcer, article par article, sur les doctrines professées par le Temps, et il n’a eu à les considérer que dans leur ensemble ; mais il sait que ce journal, dont il a pour amis les principaux rédacteurs, est un journal généralement estimé et très-estimé.

600. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie. […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.

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