Il y a aussi dans le gymnase un portrait de Corinne, la tête couronnée de bandelettes, pour la victoire qu’elle avait rem portée au concours de poésie, sur Pindare, à Thèbes. Elle vainquit, ce me semble, à la faveur de son dialecte, ne se servant pas de la forme dorique comme Pindare, mais de celle que les Éoliens devaient mieux saisir, et aussi parce qu’elle était la plus belle femme d’alors, comme on peut le supposer d’après son portrait. » Ne le cédant qu’à une telle rivale, le poëte thébain n’en passa pas moins pour inspiré.
Les personnages du premier rang, après le roi, seront vêtus de blanc, avec une frange d’or au bas de leurs habits ; ils auront, outre une médaille, un anneau d’or au doigt avec le portrait du prince. […] Saint-Simon, qui, je l’avoue, n’a pas flatté le portrait de l’archevêque de Cambrai, en a porté ce jugement, à la fois si vraisemblable et si vrai : « Sa persuasion, dit-il, gâtée par l’habitude, ne voulait point de résistance ; il voulait être cru du premier mot. […] Les aveux du duc de Bourgogne lui-même complètent ce portrait. […] L’ouvrage est plein de jugements courts et complets sur les genres, et de portraits frappants des auteurs célèbres, tels que ceux de Cicéron et de Tacite, vives esquisses d’un pinceau qui peignait à fresque et ne revenait point sur son premier travail. […] Lui en donner des portraits vivants, dans un récit tout plein des usages, des mœurs, du beau ciel de la Grèce, c’était tout ensemble graver plus avant dans son esprit les beautés de ces grands poètes, et lui enseigner la vie par des images qui lui étaient familières.
La plupart des portraits qu’il contient et qui passent sous nos yeux, nous les avons vus déjà dans d’autres panneaux, et il est aisé de les reconnaître. […] que les portraits tracés par lui accuseraient sinon l’éclat d’un talent… bien fatigué maintenant, au moins l’effort d’une œuvre nouvelle. […] Michelet, ému jusqu’aux entrailles dans la personne de cette petite Mme Robert, se risque à protester contre le portrait déshonorant qu’en fait Mme Roland dans ses Mémoires, — « ce qui prouve, ajoute-t-il mélancoliquement, que les plus grands caractères ont leurs misères et leurs faiblesses ! […] Michelet leur a voués, c’est le sentiment qui anime son livre de la première page à la dernière ; ce sont les détails à côté de ces quelques portraits épars, mis là pour attirer peut-être la curiosité sur autre chose que sur ces portraits. […] … Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire, qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres.
Quiconque est ou fut de la Cour a droit à un portrait ou à une silhouette. […] Son portrait n’est nulle part ; sa figure est presque inconnue. […] Ses portraits marquent ce soin. […] Des portraits s’esquissent pittoresques et vivants. […] Il y a des portraits aux murs.
Avec cela, et ici le portrait est bien fidèle, un visage ravagé qui n’avait plus d’âge. […] « C’est une toile en blanc dans la galerie des portraits des rois de Fiance », disait-il. […] « Portrait dépaysé », écrit-il, « je cherche mon cadre. […] En revanche il convient admirablement au portrait, et le roman de Barbey est surtout un roman-portrait. […] Vous apercevez alors la profonde vérité, psychologique de ce portrait d’un jeune Français de 1830.
On s’enferme pendant une quinzaine de jours avec les écrits d’un mort célèbre, poëte ou philosophe ; on l’étudie, on le retourne, on l’interroge à loisir ; on le fait poser devant soi ; c’est presque comme si l’on passait quinze jours à la campagne à faire le portrait ou le buste de Byron, de Scott, de Gœthe ; seulement on est plus à l’aise avec son modèle, et le tête-à-tête, en même temps qu’il exige un peu plus d’attention, comporte beaucoup plus de familiarité. […] Au type vague, abstrait, général, qu’une première vue avait embrassé, se mêle et s’incorpore par degrés une réalité individuelle, précise, de plus en plus accentuée et vivement scintillante ; on sent naître, on voit venir la ressemblance ; et le jour, le moment où l’on a saisi le tic familier, le sourire révélateur, la gerçure indéfinissable, la ride intime et douloureuse qui se cache en vain sous les cheveux déjà clair-semés, — à ce moment l’analyse disparaît dans la création, le portrait parle et vit, on a trouvé l’homme. […] Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore. […] De telles scènes, de tels portraits ne s’analysent pas. […] Le Roy ; le baron d’Holbach, au ton moqueur et discordant, près de sa moitié au fin sourire ; l’abbé Galiani, trésor dans les jours pluvieux, meuble si indispensable que tout le monde voudrait en avoir un à la campagne, si on en faisait chez les tabletiers ; l’incomparable portrait d’Uranie, de cette belle et auguste madame Legendre, la plus vertueuse des coquettes, la plus désespérante des femmes qui disent : Je vous aime ; — un franc parler sur les personnages célèbres ; Voltaire, ce méchant et extraordinaire enfant des Délices, qui a beau critiquer, railler, se démener, et qui verra toujours au-dessus de lui une douzaine d’hommes de la nation, qui, sans s’élever sur la pointe du pied, le passeront de la tête, car il n’est que le second dans tous les genres ; Rousseau, cet être incohérent, excessif, tournant perpétuellement autour d’une capucinière où il se fourrera un beau matin, et sans cesse ballotté de l’athéisme au baptême des cloches ; — c’en est assez, je crois, pour indiquer que Diderot, homme, moraliste, peintre et critique, se montre à nu dans cette Correspondance, si heureusement conservée, si à propos offerte à l’admiration empressée de nos contemporains.
S’il ne ressemble pas à ce portrait, je lui demande pardon, mais j’ai vu tous ces traits dans son Marchand de Smyrne. […] On n’est pas embarrassé de savoir dans quelle classe il rangeait Rulhière quand on a lu le portrait presque odieux qu’il nous en a laissé. […] Ce portrait de Chamfort par Chateaubriand est admirable de touche et de vie, et je ne sais vraiment pourquoi l’illustre auteur l’a rétracté et désavoué depuis : Chamfort, disait-il, était d’une taille au-dessus de la médiocre, un peu courbé, d’une figure pâle, d’un teint maladif. […] Comment ne pas rapprocher ce portrait physique de Chamfort de celui que trace Mirabeau ? […] Le mot est de Mme Roland dans son portrait de Chamfort.
Joinville, sans y viser, a fait ainsi plusieurs portraits de saint Louis : c’est ici le portrait de guerre dans toute sa bonne grâce et son éclat éblouissant. Le portrait de paix et de justice est connu ; c’est celui du chêne de Vincennes et du jardin de Paris ; je le citerai tout à l’heure en son lieu. […] Le portrait que Joinville a tracé de saint Louis, monarque justicier et paternel, restera à jamais celui sous lequel la postérité se plaira à le révérer.
Celui qui me paraît l’avoir jugé à la fois avec indulgence et une mesure équitable, est le marquis d’Argenson, dans le portrait qu’il a tracé de lui : « Le président Hénault, dit-il, ne tiendra peut-être point au temple de Mémoire une place aussi distinguée que les deux autre, (c’est-à-dire que Fontenelle et que Montesquieu, qui n’était point encore, à cette date, l’auteur de L’Esprit des Lois). […] Il ne se pique ni de naissance ni de titres illustres ; mais il est assez riche pour n’avoir besoin de personne… On trouve dans ce portrait sorti d’une plume amie tout ce qui peut expliquer les succès et la réputation du président dans le monde et en son bon temps. […] J’ai beaucoup désiré de plaire, et l’on m’en a encore fait le reproche : c’était tout au plus un ridicule par le peu de succès ; mais le principe n’en est peut-être pas criminel… Le ton est en général indulgent ; il y revient avec complaisance sur les diverses sociétés où il a vécu, et il fait quelques portraits de femmes qui ne sont, en général, que des esquisses ; mais il en est d’une touche agréable. […] Or, dans les Mémoires du président tels qu’on nous les donne il est dit (p. 203) : « Le contrôle général fut donné à M. de Suselly, si connu par ses grands talents et par etc., etc. » Suit tout un portrait de ce nouveau personnage historique, M. de Suselly, auquel s’entremêle bizarrement et d’une manière inintelligible le nom de M. de Séchelles (p. 204) comme d’un personnage distinct, lorsque ce dernier nom est plus lisible sur le manuscrit.
Il en est d’elles comme de ces pastels de Latour dont le temps a enlevé la poussière d’un coup de son aile, et de qui Diderot disait dans sa prophétie ; Memento quia pulvis es… On les voyait, ces vivants et parlants portraits, on ne voyait qu’eux, et puis, un matin, on regarde et l’on ne voit plus rien. […] On sait ce que Saint-Simon a dit de ses père et aïeul, et quels portraits séduisants ou vigoureux : il en a tracés : il a manqué à celui-ci un peintre. […] Je vais mettre à la suite, faute de portraits de la main d’un grand peintre, quelques esquisses faites pour donner une juste idée du personnage éminent qui passa, en quelque sorte, à côté de l’histoire sans y entrer. […] Il serait difficile pourtant de définir son genre de beauté d’après ce portrait trop petit, trop vague et d’une peinture trop légère, à peine exprimée.
J’essaye toujours, quand j’ai à tracer un portrait de femme, de me la définir par ses traits principaux et par ce qui la caractérise entre toutes. […] Un jeune peintre, élève de David, avait été présenté à elle et à Alfieri dans les dernières années : Fabre de Montpellier (c’était son nom), grand prix de Rome, s’était arrêté à Florence et avait fait le portrait des deux amis. […] Je suis fâché que ce cœur, fortifié et soutenu par Alfieri, ait eu besoin d’un autre appui. » M. de Chateaubriand ne tient aucun compte, dans ce portrait dénigrant, d’un certain « air majestueux » que d’autres ont reconnu jusqu’à la fin à Mme d’Albany. « Elle recevait avec dignité et politesse. » Heureusement un autre poète, qui fut présenté à la comtesse en 1810 ou environ, et qui l’a revue plus tard, nous a donné d’elle un portrait plus vrai, et qui répare l’injustice du précédent : « Rien, nous dit M. de Lamartine en son VIIe Entretien, rien ne rappelait en elle, a cette époque déjà un peu avancée de sa vie, ni la reine d’un empire, ni la reine d’un cœur.
On est donc heureux quand on retrouve ce premier portrait chez les personnages voués depuis à la célébrité, et quand un hasard imprévu nous vient révéler ce qu’ils furent précisément au moment unique et choisi, en cette fleur, en cette heure ornée, comme disait la Grèce : dans tout le reste de notre vue sur eux, il y a plus ou moins anachronisme. […] Je pris la plume et je fis ton portrait pour m’amuser ; je le garde précieusement. J’ai mis pour inscription : Portrait de Sophie. […] Elle en écrit assez séchement aux deux sœurs : décidément, c’est un homme occupé et qui se prodigue peu ; elle qui fait si volontiers les portraits de ses amis, elle ne se croit pas en droit d’entreprendre le sien ; il est, par rapport à elle, au bout d’une trop longue lunette, et rien n’empêche qu’elle ne le suppose encore en Italie.
Tourguénef arrive à cette hallucination par le fini de ses portraits. […] C’était un vieux. » L’on pourrait citer de ces portraits par dizaines. […] Dans son Pères et Enfants, la jeunesse russe et la vieille aristocratie se sont reconnues et se sont irritées du portrait. […] Ce sont des études esquissées-d’une singulière délicatesse de traits menus, diffus cependant et noyés d’ombre, qui tentent cette curiosité de connaître, que suscite tout mystère, qui la récompensent de son effort, par l’intéressante complexité de la physionomie qui surgit peu à peu de l’ombre, par la sympathie émue qu’elle inspire, comme elle se révèle véridique, portrait et non académie, être tout semblable à son spectateur et mirant dans ses yeux le charme et la tristesse qu’il a connus et subis.
y retrouve-t-on une Diane de convention, la Diane des ombrages de Fontainebleau et d’Anet, celle des poètes et de la légende, la chasseresse, l’enchanteresse, répondant aux portraits que l’imagination de loin a pu se créer ? […] Mais on s’explique maintenant très bien qu’il y ait de si jolies choses, et propres à être citées, dans cette première partie de la Correspondance ; les gentillesses sur la Du Barry ; le mot attribué à Marie-Antoinette, « Française jusqu’au bout des ongles », qui répond si bien à l’accusation d’être Autrichienne : les croquis du comte de Provence, du comte d’Artois, qui ne sont que les portraits connus, un peu rajeunis, de ces personnages ; tout cela a été assez artistement contrefait pour séduire à première vue.
Comptez mon ami ; le portrait du roi par Vanlo ; la Magdelaine dans le désert ; la Lecture ; le grand paysage de Boucher ; le St Germain qui donne une médaille à Ste Genevieve ; le St Andre de Deshays, son St Victor ; son St Benoit près de mourir ; le Socrate condamné ; le Bénédicité de Chardin ; le Soleil couchant de Lebel ; les deux Vues de Bayonne ; le Jeune élève de Drouais ; le Diomede de Doyen ; la Blanchisseuse ; le Paralytique, le Fermier brûlé, le portrait de Babuti par Greuse ; le crucifix de bronze de Roland de la Porte ; et d’autres qui ont pu m’échapper.
. — Portrait peu flatté. — Animaux divers jouant un rôle fréquent dans les fables. — Le roi des animaux dans la littérature indigène : lion, éléphant et hyène ; le riz. […] Dans les contes et fables de cette nature, les griefs des animaux contre lui sont énumérés soit de façon acrimonieuse, soit d’une manière plaisante, mais toujours en grande abondance et on est obligé de reconnaître que le portrait est exact et justifie la pointe du fabuliste français que le plus pervers des animaux : Ce n’est point le serpent, c’est l’homme109.
Plusieurs passages, et des plus curieux, manquaient, entre autres les portraits de tous les grands personnages du conseil d’Espagne. […] Avec cela, beaucoup de lecture, de savoir, de justesse et de discernement dans l’esprit, sans opiniâtreté, mais avec fermeté ; fort désintéressé, toujours occupé, avec une belle bibliothèque, et commerce avec force savants dans tous les pays de l’Europe, attaché aux étiquettes et aux manières d’Espagne sans en être esclave ; en un mot, un homme de premier mérite, et qui par là a toujours été compté, aimé, révéré beaucoup plus que par ses grands emplois, et qui a été assez heureux pour n’avoir contracté aucune tache de ses malheurs militaires en Catalogne. » Ce portrait épanouit le cœur. […] Il nous semblait voir les grands portraits de Versailles descendre de leurs cadres, avec l’air de génie qu’ils ont reçu du génie des peintres. […] Chose inouïe dans ce siècle, il imagine le physique, comme Victor Hugo ; sans métaphore, ses portraits sont des portraits : « Harlay était un petit homme, vigoureux et maigre, un visage en losange, un nez grand et aquilin, des yeux beaux, parlants, perçants, qui ne regardaient qu’à la dérobée, mais qui, fixés sur un client ou sur un magistrat, étaient pour le faire rentrer en terre ; un habit peu ample, un rabat presque d’ecclésiastique, et des manchettes plates comme eux, une perruque fort brune et fort mêlée de blanc, touffue mais courte, avec une grande calotte par-dessus. […] Voilà pourquoi ce portrait de l’abbé Dubois est un chef-d’œuvre.
Jeune, et quand il n’était encore qu’Éliacin, on n’a pas de portrait de lui, j’entends aussi de portrait au moral ; on ne songeait pas à en faire ; mais on a dans l’abbé Vaillant, dans M. […] L’auteur de Jocelyn, dans ce Cours familier de littérature qui contient tant de parties supérieures et toujours aimables, a tenté autrefois ce portrait ; idée heureuse !
« Le portrait qu’il trace du Français, de corps chétif, sans vigueur musculaire, incapable d’avoir des enfants, ignorant l’orthographe (t la géographie, hors d’état d’apprendre une langue étrangère, libre penseur sans avoir jamais pensé, ne songeant qu’à être décoré d’un ordre quelconque et à émarger au budget, dépaysé quand il a dépassé le boulevard des Italiens, hostile au gouvernement et acceptant servilement tous les régimes, incapable de comprendre ni les mathématiques, ni le jeu d’échecs, ni la comptabilité ; ce portrait, dis-je, est une vraie caricature. […] Mais certains faits semblent contredire à cette assertion : les preuves que donnent le moulage, la photographie et la sténographie, la comparaison de certaines œuvres d’art, comme les portraits de Denner et ceux de Van Dyck, le parti pris d’inexactitude qu’on remarque dans l’art souvent le plus élevé, la comparaison de la prose et de la poésie, des deux Iphigénies de Gœthe où la beauté est en proportion inverse de l’exactitude, tout cela témoigne que le but de l’art n’est pas l’imitation rigoureuse et absolue.