Et Villon, du reste, n’est-il pas le mois d’avril de la Poésie française ? […] Opposition qui produit des arcs-en-ciel dans la nature, mais qui, dans l’ordre du sentiment et de la poésie, produit des choses encore plus charmantes que des arcs-en-ciel ! […] il a trouvé dans la fange de ce bohème, qui dévala jusqu’au truand, quatre sources de poésie d’une pureté de ciel. […] Campaux a détordu les cordes du vieil instrument dont la sonorité nous fait tressaillir encore, et il a trouvé que ce qui les rendait si vibrantes, c’était, en fin de compte, les plus beaux sentiments que la poésie pût exprimer ! […] Villon a une poésie qui ressemble, selon moi, à la manière de peindre de Callot, qui n’a pas peint que des mendiants comiques, originaux et prodigieusement pittoresques : Callot a la grâce après la bouffonnerie joyeuse, extravagante ou terrible, et presque l’idéalité !
Aristote, préparant le génie d’Alexandre, ne dut pas sans doute moins recommander à son élève la poésie morale de Pindare que les chants belliqueux d’Homère. […] Cette défiance et cette aversion des jeux patriotiques de la Grèce n’empêchèrent pas Alexandre de porter grand honneur à la poésie sublime et au nom consacré de Pindare. […] Alexandre, passionné pour la poésie, comme pour toutes les grandes choses, avait recueilli les tragédies d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, toutes les œuvres des grands poëtes du même âge ; mais il ne leur faisait pas naître de rivaux. […] La morale, l’histoire, la poésie didactique et comique, furent encore cultivées avec un art habile, une finesse savante, ou un heureux éclat. […] C’était une nouvelle forme de la poésie lyrique, l’élan réfléchi de l’âme, la force morale sans enthousiasme apparent, mais contenue et invincible devant l’erreur et les menaces du monde.
Cet oncle, M. de Lamartine de Monceau, était, par son esprit, par son érudition attique et par ses opinions libérales, quoique royaliste, très digne de correspondre avec ces correspondants de Voltaire ; c’est à lui que je dois, non ma poésie, mais ma prose. […] Il était né poète ; sa vie fut sa poésie ; il laissa tomber seulement, comme ses noyers de Saint-Lupicin livrent l’huile de leurs noix sous le vent d’automne, quelques pages succulentes de poésies intimes, recueillies par des amis et qui lui firent une de ces réputations de demi-jour plus douce, plus inviolable et plus durable que les gloires d’engouement parce que ce sont les gloires du cœur. […] Non, cela n’est pas possible, parce que cela n’est pas naturel ; le beau n’est pas seulement dans les choses mortes, il est aussi dans les choses vivantes, dans les femmes surtout, ce résumé palpitant de toutes les idéalités froides qui se révèlent et qui sourit comme la poésie sourit au poète. […] C’est évidemment cette chaleur d’âme, d’autant plus ardente qu’elle est plus contenue, qui a inspiré à ce contemplateur recueilli dans sa chambre haute, sur sa montagne, ces poésies étranges, nocturnes, à demi-voix, mais à plein vol, qu’il s’est chantées à lui-même, il y a quelques années. […] L’aspect de ces lignes harmonieuses dans le ciel d’Athènes, dont les profils et les contours forment ce qu’on appelle le beau dans l’architecture, — l’architecture, m’écriai-je, n’est qu’une géométrie animée : cette géométrie chante comme un poème ; ces lignes sont leur poésie ; la symétrie est l’équilibre des lignes.
Elle exprima admirablement ce sentiment dans une poésie sur le bonheur d’être belle. […] On ne peut faire à cette poésie qu’un reproche, c’est d’avoir respiré un peu trop l’air des salons : l’air des salons est trop artificiel et trop tempéré pour donner à la poésie cette trempe énergique, nécessaire à l’imagination comme au caractère du talent. […] Cet air des salons donne à la poésie des finesses au lieu de grandeur. […] Beaucoup de ces pages pourraient être signées par les premiers noms de la poésie française. […] La république à ses yeux, c’était la poésie des événements.
I Me voici donc à l’aise, libre de rechercher toutes les causes qui ont pu former mon personnage et sa poésie ; libre de voyager et de conter mon voyage. […] Plus de grandeur ni de puissance ; l’air sauvage ou triste s’efface ; la monotonie et la poésie s’en vont ; la variété et la gaieté commencent. […] C’est ainsi que l’esprit reproduit la nature ; les objets et la poésie du dehors deviennent les images et la poésie du dedans. […] Il faut dire de leur poésie ce que l’on dit de certains tableaux : Cela est fait avec rien. […] Les deux qualités de son esprit, qui sont la sobriété et la finesse, le détournent bien vite de l’exaltation et de la poésie, pour le conduire à la prose, à la raillerie et au récit.
C’est pourquoi la poésie est une avidité de l’âme. […] La poésie dégage de l’héroïsme. […] La poésie n’est pas une coterie. […] Quant à nous, nous ne nous figurons la poésie que les portes toutes grandes ouvertes. […] la poésie.
Sa poésie est douce, intime, aisée. […] Gregh a voulu opposer la poésie humaine. […] Fernand Gregh l’a appelée la poésie humaniste. […] Il y a dans la poésie de M. […] La poésie descend à être un sport mondain.
[Histoire de la poésie à l’époque impériale (1844).] […] Théophile Gautier Un poète qui, dès sa jeunesse avait pris un rôle élevé, un rôle de précurseur, et qui a su introduire du naturel et de la fraîcheur dans une poésie qui jusque-là semblait trop craindre ces mêmes qualités, l’auteur du Cid d’Andalousie et du Poème de la Grèce, M. Lebrun, en publiant en 1858 une édition complète de ses œuvres, nous a montré, par quelques pièces de vers charmantes, que, dès l’époque du premier Empire, il y avait bien des élans et des essors vers ces heureuses oasis de poésie qu’on a découvertes depuis et qu’il a été des premiers à pressentir, comme les navigateurs devinent les terres prochaines au souffle odorant des brises.. […] Pour mesurer le vide de cette poésie officielle, le faux goût de ces oripeaux mythologiques du Style Empire, qu’on aille méditer cette chute d’une strophe du temps, en face du bas-relief de l’Arc-de-Triomphe où Napoléon est si lourdement couronné : Et qui pourra prêter, pour tracer ton histoire, Une plume à Clio ?
L’espérance est aussi une poésie comme le désespoir. […] Auguste avait goûté, comme Rome tout entière, les poésies incomparables du poète alors pastoral de Mantoue. […] Sa santé, devenue de bonne heure très délicate, ne lui permettait d’excès qu’en poésie. […] On fit des pèlerinages d’amitié et de poésie aux lieux que son séjour avait pour ainsi dire consacrés. […] L’amabilité, voilà le génie qui préside à la vie comme à la poésie de l’ami de Mécène.
Dans Britannicus, qu’il donna en 1669, il rivalisa de génie historique avec Tacite : il ne rivalisa plus de poésie qu’avec lui-même. […] C’est de la poésie en abrégé pressée par l’heure et par l’impatience d’une foule. […] Or, les sentiments doux, habituels, modérés, heureux, de l’âme humaine, sont cependant des notes délicieuses de la poésie, cette musique de l’âme. […] L’histoire et la poésie sont deux talents bien rarement réunis. […] Ils s’entretenaient un jour avec elle de la poésie ; et Boileau, déclamant contre le goût de la poésie burlesque, qui avait régné autrefois, dit dans sa colère : “Heureusement ce misérable goût est passé, et on ne lit plus Scarron, même dans les provinces.”
Cette différence se remarque à la fois et dans la poésie et dans la religion et dans les institutions politiques. […] M. de Sismondi, dans son bel ouvrage sur les littératures du midi, a tracé le caractère de la poésie de l’Italie et de l’Espagne dans son rapport avec la religion et l’état politique de ces deux pays. […] La poésie, consacrée à chanter les croyances, les sentimens, les évènemens nés d’une forme religieuse et politique qui n’était plus, cessa d’être populaire ; et comme une révolution n’est pas une situation, et que la poésie vit de formes déterminées, cette absence de formes ne fit pas éclore de poètes, et c’en fut fait de la poésie allemande. […] Il passa bientôt en Allemagne avec tout ce qu’il traîne à sa suite, le goût du petit et du médiocre en toutes choses, et entre autres le goût de la petite poésie qui tue la grande. […] Or, quel fut le caractère de cette poésie nouvelle ?
La poésie est l’héroïsme de l’esprit et de l’âme. […] Homère, Dante, Pétrarque, Milton, Racine, Byron ont tous donné à leurs poésies des noms de femmes. […] poésie pédestre, qui ne bronche pas, mais qui ne dévore pas l’espace. […] On ne ravale pas impunément le plus beau don de Dieu, la poésie, à des trivialités ridicules. […] Par cela seul il fit avorter l’avenir d’une grande poésie nationale en France.
Esprit du même ordre, mais avec le don de plus qui élève la pensée jusqu’au ciel, la poésie. […] Peu de pages de poésie égalent en mélancolique beauté et en perfection ces quelques vers. […] Il y a dans ce culte une révélation de l’esprit de ce siècle ; c’est le symptôme d’une renaissance de la poésie grave et philosophique chez une nation qui a trop longtemps confondu la poésie et la futilité. […] La poésie est, en effet, comme un corps glorieux sous lequel la pensée demeure incorruptible et éternelle. […] C’est la poésie qu’il faut chercher dans ce livre ; ce ne sont pas des opinions posthumes ou des allusions mortes.
Combien il y a peu, dans notre ancienne poésie lyrique, de ces pièces de vers qu’on puisse relire ainsi à chaque printemps ! […] C’était un heureux et facile génie que Racan, peut-être mieux doué, à quelques égards, que Malherbe, et en poésie comme en distraction un vrai précurseur de La Fontaine. […] Il nous aurait fallu un Cowper pour fixer dans notre poésie toute cette partie réelle et jolie, vraiment rurale. […] Sa poésie est toute caillouteuse. […] Sa poésie pastorale me paraît surtout manquer de naïveté franche, et de cet amour des champs qu’avait Racan.
On passait subitement d’une poésie sèche, maigre, pauvre, ayant de temps en temps un petit souffle à peine, à une poésie large, vraiment intérieure, abondante, élevée et toute divine. Les comparaisons avec le passage d’une journée aigre, variable et désagréable de mars à une tiède et chaude matinée de vrai printemps, ou encore d’un ciel gris, froid, où le bleu paraît à peine, à un vrai ciel pur, serein et tout éthéré du Midi, ne rendraient que faiblement l’effet poétique et moral de cette poésie si neuve sur les âmes qu’elle venait charmer et baigner de ses rayons. […] Comme ces pièces premières de Lamartine n’ont aucun dessin, aucune composition dramatique, comme le style n’en est pas frappé et gravé selon le mode qu’on aime aujourd’hui, elles ont pu perdre de leur effet à une première vue ; mais il faut bien peu d’effort, surtout si l’on se reporte un moment aux poésies d’alentour, pour sentir ce que ces élégies et ces plaintes de l’âme avaient de puissance voilée sous leur harmonie éolienne et pour reconnaître qu’elles apportaient avec elles le souffle nouveau.
Autran, Joseph (1813-1877) [Bibliographie] La Mer, poésies (1835). — Ludibria ventis (1838). — Italie et Semaine sainte à Rome, souvenirs (1841). — Milianah, poème (1842). — La Fille d’Eschyle, tragédie (1848). — Les Poèmes de la mer (1852). — Laboureurs et soldats (1854). — La Vie rurale (1856) […] Autran est, en poésie, ce qu’on pourrait appeler un rude travailleur, et, s’il ne l’est pas, si, en fait, nous nous trompons, il en a l’air, et c’est la même chose. […] Eh bien, la poésie de M. […] Poésie gênée, mortifiée, qui fait souffrir plus encore qu’elle ne souffre.
Bourget, Paul (1852-1935) [Bibliographie] Au bord de la mer, poésies (1872). — La Vie inquiète, poésies (1875). — Édel, poème (1878). — Les Aveux, poésies (1882). — Essais de psychologie contemporaine (1883). […] — Cruelle énigme (1885). — Nouveaux essais de psychologie contemporaine (1885). — Poésies : Au bord de la mer ; La Vie inquiète, petits poèmes (1885). — André Cornélis (1886). — Un crime d’amour (1886). — Mensonges (1887). — Études et portraits (1888)
C’est contre Desmarets que Boileau, par une malheureuse application de sa doctrine, prohiba au troisième chant de son Art Poétique l’emploi de la religion chrétienne en poésie, et, juste au moment où Milton venait d’écrire son Paradis perdu (ce que, du reste, il ignorait), nia assurément la valeur poétique de Satan. […] À travers les détours du dialogue, et les défaillances ou les lacunes de l’exécution, voici l’argumentation qui se reconnaît : la loi de l’esprit humain, c’est le progrès ; dans les arts, dans les sciences, nous faisons mieux, nous savons plus que les anciens ; donc dans l’éloquence aussi, et dans la poésie, nous devons leur être supérieurs. […] Les adversaires des anciens, Perrault, Fontenelle, sont des cartésiens : ils appliquent à la littérature l’idée cartésienne du progrès, et, au nom de cette idée, ne voyant dans toute la poésie et dans toute l’éloquence que des œuvres de la raison essentiellement et nécessairement perfectible, ils déclarent les écrivains modernes supérieurs aux anciens. […] Mais avec l’art s’en iront la poésie et l’éloquence. […] Discours imprimé dans l’édit. in-8 du Clovis de 1673 ; Comparaison de la langue et de la poésie française, in-12, 1670 ; la Défense du poème héroïque, in-4, 1674 ; la Défense de la poésie et de la langue française, in-8, 1675.
Suite des Réflexions sur la poésie, et sur l’ode en particulier La pièce qui a mérité le prix, et les fragments que le public vient d’entendre de plusieurs autres, ont échappé avec honneur au naufrage d’environ soixante autres odes que l’académie a vu périr avec regret, sans pouvoir en sauver les débris. Jamais la poésie n’a été si rare à force d’être si commune, à prendre ce dernier mot dans tous les sens qu’il peut avoir. […] Toute poésie, on en convient, perd à être traduite ; mais la plus belle peut-être est celle qui y perd le moins. […] Ce n’est pourtant pas que la poésie, et en particulier la poésie lyrique, ne puisse tirer un grand prix de la richesse et de l’harmonie des expressions. […] Je me souviens d’en avoir lu il y a quelques années de françaises, faites par un Italien de beaucoup d’esprit ; les idées en étaient nobles, la poésie facile, correcte, et pourtant mauvaise.