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800. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] et ne pas ajouter : sublime, car le mot d’enfant sublime, c’est le mot d’un poète sur un poète, et non pas d’un philosophe sur un philosophe. En l’écrivant, Wallon, qui reproche à Cousin de n’être qu’un poète, n’a été aussi qu’un poète… comme Cousin !

801. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Mme Dacier ne vit là qu’un hommage un peu profane, un hommage toutefois, à son grand et divin poète, et elle complimenta La Motte. […] La Motte, dans le siège qu’il met devant la renommée d’Homère, a beau s’appliquer à restreindre et à circonscrire ses lignes d’attaque, il y a en lui une inintelligence totale du génie de l’antique poète ; et c’est ce qui irrite Mme Dacier et la transporte hors d’elle-même. […] Un des grands points du débat était les répétitions d’Homère qu’elle prétendait excuser, et que lui s’obstinait à blâmer, toujours dans la supposition qu’Homère était une espèce de poète de cabinet. Elle lui opposait une autorité, selon elle, convaincante, celle du délicat et très dédaigneux Alcibiade, qui n’aimait rien que le neuf et qui ne pouvait souffrir d’entendre la même chose deux fois : Cependant cet homme, si ennemi des répétitions, disait-elle, aimait et estimait si fort Homère, qu’un jour, étant entré dans l’école d’un rhéteur, il lui demanda qu’il lui lût quelque partie d’Homère ; et le rhéteur lui ayant répondu qu’il n’avait rien de ce poète, Alcibiade lui donna un grand soufflet. […] Il présentait l’idée d’Homère, en un mot, comme celle d’un poète qui aurait raconté les désastres de la Ligue et les malheurs des derniers Valois pour faire plaisir et honneur à Henri IV régnant et aux Bourbons.

802. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

L’applaudissement donné aux Satires est indéniable : mais s’adressait-il au poète, ou au critique ? […] Le caractère et la personne du poète entrent parfois pour quelque chose dans son autorité : sa gravité d’honnête homme qui n’a pas connu les passions le met en crédit auprès des réformateurs scrupuleux, qui, après le manifeste de J.  […] L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. […] Ses vrais artistes et ses grands poètes, un Marivaux, un Buffon, un Rousseau, se créent une prose, et laissent le vers, dont ils ne savent l’emploi. […] Vraiment on est tenté, quand on lit de tels poètes, de donner raison aux Lamotte, aux Montesquieu, aux Buffon, à tous les détracteurs de la poésie ; ce n’est pas la peine de faire des vers si, au bout du compte, il ne s’agit que de donner l’impression de la prose.

803. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Un poète de cette génération, de facture inexperte mais d’inspiration sincère, M.  […] C’est navré d’une plaie incurable que le poète rejoint ses foyers et s’il est sans fortune, il y trouve une nouvelle déception. […] Mettez en regard l’outrecuidance des arrivistes vulgaires et des poètes de nos jours. […] La modestie chez les vrais poètes s’allie à un légitime orgueil de soi. […] Nés en 1860, les poètes : Jules Laforgue, Max Waller.

804. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Voici quelques lettres nouvelles du poète Chaulieu qu’on vient de publier : elles n’ajouteront pas beaucoup à sa réputation et ne répondent pas tout à fait à l’idée que son renom d’amabilité réveille. […] Il était né à Fontenay-en-Vexin, en 1639, et il ajouté un nom de plus à la liste déjà si brillante des poètes normands. […] Ceux qui, à en juger par une lecture légère, croiraient Chaulieu un petit poète abbé, musqué et mythologique, se tromperaient fort : c’était une nature brillante et riche, un génie aisé et négligé, tel que Voltaire nous l’a si bien montré dans Le Temple du goût. […] C’était là son trait distinctif comme poète de société et successeur de Voiture. […] Comme poète, il compte peu ; il se mit tard à la poésie.

805. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Le poète sombrait dans le comédien. […] Ce poète, c’est Leconte de Lisle. […] L’œil est petit et il embrasse des lieues, a dit le poète. […] Le poète est né de cette épopée. […] Le grand poète a été la Bonté.

806. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

» murmuré par le poète, sinon par le lecteur. […] Poète insuffisamment possédé par la poésie, Chateaubriand se jette dans les affaires avec la fantaisie ardente d’un poète. […] Ces conséquences, les poètes romantiques ne les formulent peut-être pas. […] Que dit son meilleur poète ? […] Mais ce n’est pas, soyons-en sûrs, celui que le poète a pensé prendre.

807. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boutelleau, Georges (1846-1916) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] François Coppée Les Poèmes en miniature sont l’œuvre d’un poète ému et d’un artiste raffiné. […] [Cité dans l’Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

808. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

On est donc réduit à commenter l’œuvre, à l’admirer, à rêver l’auteur et le poète à travers. On peut refaire ainsi des figures de poètes ou de philosophes, des bustes de Platon, de Sophocle ou de Virgile, avec un sentiment d’idéal élevé ; c’est tout ce que permet l’état des connaissances incomplètes, la disette des sources et le manque de moyens d’information et de retour. […] Et n’est-ce pas ainsi, de nos jours, que certaines filles de poètes, morts il y a des années déjà, m’ont aidé à mieux comprendre et à mieux me représenter le poète leur père ? […] Tel autre, poète, historien, orateur, quelque forme brillante ou enchantée qu’il revête, ne sera jamais que ce que la nature l’a fait en le créant, un improvisateur de génie. […] Par exemple la comtesse de Fontanes, chanoinesse, fille du poète.

809. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

C’était à qui, dans les littératures anciennes ou modernes, trouverait un poète non traduit encore et y planterait le premier son drapeau, en disant : Il est à moi 80. […] Le marquis de Belloy est un de ces hommes d’esprit qui, dans l’ancienne société et au xviiie  siècle, aurait été poète et homme de lettres, tout comme il l’est de nos jours ; il a eu de bonne heure le signe et la vocation. […] Aujourd’hui il publie cette traduction complète de Térence, qu’il a gardée neuf ou dix ans sous clé, selon le conseil d’Horace, et il nous donne la joie, en le lisant, de retrouver, de relire aussi par occasion quelque chose du plus pur et du plus attique des poètes romains. […] Ayant fait sa première pièce qu’il vendit aux édiles pour être représentée, on exigea qu’il la lût auparavant au vieux poète Cécilius, alors en grand renom, et qui faisait ainsi l’office de censeur. […] Mais dans tout ce récit où se complaît cette nature paterne si sincère et si naïve, ne sentez-vous pas la veine de bonhomie, d’indulgence et d’humanité, propre au poète qui avait le droit de dire : Homo sum ?

810. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Il est privé de poésie parce que les poètes lettrés lui chantent des choses au-dessus de sa portée et parce que ses poètes populaires lui chantent des platitudes ou des cynismes. […] Le traducteur est poète ici comme le modèle. […] C’est la poésie édifiante, c’est la sainteté de l’amour portées par un grand poète à sa plus simple et à sa plus épique expression. […] De cette rencontre naquit une triple amitié qui ne se refroidit plus jamais entre la princesse, le prince et le poète. […] L’histoire n’offre pas d’exemple d’un ascendant aussi continu et aussi paisible d’un grand poète sur un souverain et sur un peuple.

811. (1903) Propos de théâtre. Première série

Corneille est un poète, Racine est poète ; et voilà précisément la différence. Shakspeare est un poète et en même temps il est poète. […] Mais la principale raison, c’est qu’il est poète. […] C’est le propre même du poète. […] Et je ne m’étendrai pas beaucoup sur Racine poète par sa manière de dire les choses, poète dans son style.

812. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Le poète Baudelaire, très raffiné, très corrompu à dessein et par recherche d’art, avait mis des années à extraire de tout sujet et de toute fleur un suc vénéneux, et même, il faut le dire, assez agréablement vénéneux ; il avait tout fait pour justifier ce vers d’un poète : La rose a des poisons qu’on finit par trouver. […] Vous êtes bien un poète de l’école de l’art, et il y aurait, à l’occasion de ce livre, si l’on parlait entre soi, beaucoup de remarques à faire. […] J’aime plus d’une pièce de votre volume, ces Tristesses de la lune, par exemple, délicieux sonnet qui semble de quelque poète anglais contemporain de la jeunesse de Shakespeare.

813. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Ici l’air est pur ; nous sommes aux grèves des mers, en Bretagne, dans ce que le poète appelle sa Thébaïde, c’est-à-dire dans le manoir de la famille, et au sein des joies intimes ou des douleurs d’une âme restée simple et chrétienne. […] Et pourtant tout cela est bien d’un poète, d’un chantre de famille et de coin du feu, d’un peintre de landes et de bruyères. […] Ces sortes d’impressions, à un certain moment, sont communes à toutes les âmes : le poète les a rendues pour son compte avec simplicité et mélodie. […] Mais le poète s’excuse d’avance ; il n’est pas né dans un pays de caractère, il n’a pas rêvé, enfant, aux grèves de l’Océan ; il n’a eu pour premier horizon que d’immenses plaines on le regard n’avait pas même de collines où se poser : Et je n’eus pour parfums, dans ces plaines sans sites, Que la senteur des blés et que l’odeur des foins, Que le souffle embaumé des blanches marguerites, Ou les exhalaisons d’autres fleurs plus petites     Aux rebords des chemins.

814. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Armand Carrel Si Béranger n’était pas l’écrivain le plus populaire de l’époque, ce serait certainement l’un des plus ingénieux, des plus instruits, des plus attachants causeurs que l’on puisse rencontrer dans cette société qui l’a beaucoup recherché et qu’il a beaucoup fuie, lui préférant tantôt la retraite, tantôt l’amitié de quelques jeunes gens bons et généreux, enfants de ce peuple dont il est le peintre fidèle et le poète aimé. […] Et c’est ce qui élève Béranger au-dessus de tous les poètes contemporains : en fait d’art et de poésie, une pareille universalité d’admiration est décisive et dispense de tout autre argument. […] [Les Poètes français, recueil publié par Eugène Crépet (1861-1863).] […] Il est mort plein de jours, en possession d’une immense sympathie publique, et je ne veux, certes, contester aucune de ses vertus domestiques ; mais je nie radicalement le poète aux divers points de vue de la puissance intellectuelle, du sentiment de la nature, de la langue, du style et de l’entente spéciale du vers, dons précieux, nécessaires, que lui avaient refusés tous les dieux, y compris le dieu des bonnes gens, qui, du reste, n’est qu’une divinité de cabaret philanthropique.

815. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Il étoit impossible de persuader au public qu’il ne fut pas touché aux représentations de Thesée et d’Atys, mais on lui faisoit croire que ces tragédies étoient remplies de fautes grossieres qui ne venoient pas tant de la nature vicieuse de ce poëme, que du peu de talent qu’avoit le poëte. […] Nous avons donc vû Quinault plaire durant un temps sans que ceux ausquels il plaisoit osassent soutenir qu’il fut un poëte excellent dans son genre. […] Il y a cinquante ans qu’on n’osoit dire que Quinault fut un poëte excellent en son genre. […] Parmi les opera sans nombre qui se sont faits depuis lui, il n’y a que Thetis et Pelée, Iphigénie, les fêtes vénitiennes et l’Europe galante, que le monde mette à côté des bons opera de cet aimable poëte.

816. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jeantet, Félix (1855-1932) »

C’est une chose très particulière, en vérité, que cette science du métier qu’ont même de très jeunes poètes, attentifs aux leçons données par les maîtres comme Théodore de Banville. […] Et c’est encore en ces pages, nous semble-t-il, que le poète rend son plus profond hommage à la Beauté. [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

817. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

C’est assez pour que son âme solitaire soit pénétrée d’une infinie gratitude… Comme tous les poètes, il a regardé longtemps la magnificence des floraisons printanières. […] Il a cru entendre distinctement la voix indifférente de la nature… Mais voici que le cœur irrité du poète s’apaise, et qu’une vision soudaine de la vie universelle où s’entrecroise éternellement l’échange des souffles, des formes et des âmes, vient calmer son esprit, prêt désormais à accepter, à bénir presque l’inévitable loi qui enchaîne les effets et les causes… — Ce premier essai paraît annoncer un poète visionnaire et philosophe.

818. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Cette répugnance orgueilleuse pour l’enthousiasme de l’obéissance, qui a été de tout temps le caractère des Anglais, a dû inspirer à leur poète national l’idée d’obtenir l’attendrissement plutôt par la pitié que par l’admiration. […] Le Nord a été plus vite affranchi que la France de ce genre recherché, dont on aperçoit des traces dans les anciens poètes anglais, Waller, Cowley, etc. […] Néanmoins on trouve encore dans Shakespeare quelques tournures recherchées, à côté de la plus énergique peinture des passions, Il y a quelques imitations des défauts de la littérature italienne dans le sujet italien de Roméo et Juliette ; mais comme le poète anglais se relève de ce misérable genre ! […] Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes. […] Otway, Rowe, et quelques autres poètes anglais, Addison excepté, ont fait des tragédies toutes dans le genre de Shakespeare ; et son génie a presque trouvé son égal dans Venise sauvée.

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