La porte d’ivoire par laquelle, selon le poète, s’échappent les songes faux, est toujours plus agréable que la porte de corne qui seule donne passage à la vérité.
Mlle de Sévigné figurait, dès 1663, dans les brillants ballets de Versailles, et le poëte officiel, qui tenait alors à la cour la place que Racine et Boileau prirent à partir de 1672, Benserade, fit plus d’un madrigal en l’honneur de cette bergère et de cette nymphe qu’une mère idolâtre appelait la plus jolie fille de France.
C’est dans ces pièces philosophiques et dans la sentimentale féerie d’Arlequin poli par l’amour (1720) que l’on sent combien Marivaux à sa façon est vraiment poète : il y a en lui une poésie d’une espèce rare, une poésie fantaisiste, ingénieuse, alambiquée, brillante, qui rappelle avec moins de puissance et plus de délicatesse la Tempête ou Comme il vous plaira de Shakespeare.
Mais du moins le nouveau livre du poète des Rougon-Macquart m’a donné la joie d’assister au développement prévu de ce génie robuste et triste, de retrouver sa vision particulière, ses habitudes d’esprit et de plume, ses manies et ses procédés, d’autant plus faciles à saisir cette fois que le sujet où ils s’appliquent appelait peut-être une autre manière et se présentait plutôt comme un sujet d’étude psychologique (je risque le mot, quoiqu’il soit de ceux que M.
A l’époque de la captivité, un poëte plein d’harmonie vit la splendeur d’une Jérusalem future, dont les peuples et les îles lointaines seraient tributaires, sous des couleurs si douces, qu’on eût dit qu’un rayon des regards de Jésus l’eût pénétré à une distance de six siècles 151.
À entendre ce dominicain de nos jours, on croirait parfois retrouver le poète qui a dit de la patrie : J’ai des chants pour toutes ses gloires, Des larmes pour tous ses malheurs.
Un poète se peint dans ses écrits ; à la rigueur, un critique s’y peint aussi, mais le plus souvent c’est en traits affaiblis ou trop brisés ; son âme y est trop éparse.
Dans une lettre adressée au poète Gray et qu’il écrivait trois mois après celle que j’ai citée (janvier 1766), il disait, en dessinant à ravir les deux figures rivales de Mme Geoffrin et de Mme Du Deffand : Sa grande ennemie, Mme Du Deffand, a été un moment maîtresse du Régent ; elle est maintenant tout à fait vieille et aveugle ; mais elle a gardé toute sa vivacité, saillies, mémoire, jugement, passions et agrément.
Ce public d’académie, qui se composait alors, comme aujourd’hui, du beau monde, et qui sentait son faubourg Saint-Germain, avait bien mieux aimé applaudir, dans la première partie de la séance, un passage du discours de Raynouard où, parlant de je ne sais quel poète tragique puni de mort à Rome pour avoir mis dans une pièce d’Atrée des allusions politiques, l’orateur avait ajouté brièvement : « Tibère régnait !
Lorsque je m’arrache les entrailles, lorsque je pousse des cris inhumains ; ce ne sont pas mes entrailles, ce ne sont pas mes cris, ce sont les entrailles, ce sont les cris d’un autre que j’ai conçu et qui n’existe pas… or il n’y a, mon ami, aucune espèce de poëte à qui la leçon de Garrick ne convienne.
Parfois les naturalistes lisent la description d’une plante dans un poète scolastique ; impossible de l’entendre.
L’un est un savant ou un philosophe, dont la seule préoccupation est de comprendre et d’expliquer les phénomènes en les groupant dans un ordre intelligible ; l’autre est, — faut-il dire : avant tout — je ne crois pas, mais en tous cas : principalement, un écrivain, un poète au sens large, je veux dire au sens grec de créateur, un fabricant de fictions. […] Et comme premier effet de cette précaution, tâchons de trouver un plan pour exposer les découvertes psychologiques de Proust, qui tienne compte de sa qualité de romancier ou, si vous voulez, de poète, qui ne soit pas trop systématique, qui ne fasse pas artificiellement pendant à celui que nous avons adopté pour l’étude de Freud. […] Cette réalité n’existe pas pour nous tant qu’elle n’a pas été recréée par notre pensée (sans cela les hommes qui ont été mêlés à un combat gigantesque seraient tous de grands poètes épiques) ; et ainsi, dans un désir fou de me précipiter dans ses bras, ce n’était qu’à l’instant, plus d’une année après son enterrement, à cause de cet anachronisme qui empêche si souvent le calendrier des faits de coïncider avec celui des sentiments, — que je venais d’apprendre qu’elle était morte. […] Mais à ce moment, par une de ces inspirations de jaloux, analogue à celle qui apporte au poète ou au savant, qui n’a encore qu’une rime ou qu’une observation, l’idée ou la loi qui leur donnera toute leur puissance, Swann se rappela pour la première fois une phrase qu’Odette lui avait dite il y avait déjà deux ans : « Oh ! […] Ne prend-il pas lui-même le soin, dans un des passages que je viens de vous lire, de marquer la parenté de la jalousie avec le génie poétique ou scientifique : À ce moment par une de ces inspirations de jaloux, analogue à celle qui apporte au poète ou au savant, qui n’a encore qu’une rime ou qu’une observation, l’idée ou la loi qui leur donnera toute leur puissance , etc… Et plus tôt déjà, quand Swann se croit sur le point de surprendre Odette et Forcheville ensemble : Et peut-être, observe Proust, ce qu’il ressentait en ce moment de presque agréable, c’était autre chose aussi que l’apaisement d’un doute et d’une douleur : un plaisir de l’intelligence .
URL Gallica: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35501h/f235.image Pour le physiologiste, le cœur est l’organe central de la circulation du sang, et à ce titre c’est un organe essentiel à la vie ; mais par un privilège singulier, qui ne s’est vu pour aucun autre appareil organique, le mot cœur est passé, comme les idées que l’on s’est faites de ses fonctions, dans le langage du physiologiste, dans le langage du poète, du romancier et de l’homme du monde, avec des acceptions fort différentes. […] L’étude du cœur humain ne serait pas uniquement le partage de l’anatomiste et du physiologiste ; cette étude devrait aussi servir de base à toutes les conceptions du philosophe, à toutes les inspirations du poëte et de l’artiste. […] Or la science physiologique nous apprend que, d’une part, le cœur reçoit réellement l’impression de tous nos sentiments, et que, d’autre part, le cœur réagit pour renvoyer au cerveau les conditions nécessaires de la manifestation de ces sentiments, d’où il résulte que le poëte et le romancier qui, pour nous émouvoir, s’adressent à notre cœur, que l’homme du monde qui à tout instant exprime ses sentiments en invoquant son cœur, font des métaphores qui correspondent à des réalités physiologiques. […] C’est ce qui peut arriver aujourd’hui pour la physiologie à l’égard du poëte et du philosophe ; mais ce n’est là qu’un état transitoire, et j’ai la conviction que quand la physiologie sera assez avancée, le poëte, le philosophe et le physiologiste s’entendront tous.
Rodenbach, peint à l’huile par Stevens (1891), sur un exemplaire du : Règne du silence, un portrait donnant l’aspect spirituellement animé de la physionomie du poète. […] Robert de Montesquiou, peint à l’huile par de la Gandara (1893), sur un exemplaire du beau livre des : Chauves-souris, portrait rendant la silhouette et le port de tête du poète. […] C’est aujourd’hui dans sa bouche, et avec la mimique de sa physionomie et de tout son corps, l’histoire d’Adolphe Dumas le poète boiteux, destiné à devenir tailleur, le métier de tous les boiteux de là-bas.
avec les Léonard de Vinci, les Bandinello, les peintres, les sculpteurs, les hommes de lettres, les poètes, les cardinaux, les Médicis, les papes mémorables de l’Italie, et les François Ier au quinzième siècle ? […] C’est tout à fait une aventure d’Arioste, et qui, comme celle de ce poète, n’a pas de suite dans la vie de ce héros.
Le dieu inspirateur des poètes et des artistes, c’est la marée montante des associations, où toutes les ondes nerveuses, sous l’attraction d’une force commune, se soulèvent et s’entraînent l’une l’autre dans la masse frémissante du cerveau. […] Quant aux métaphysiciens, poètes à leur manière, ils ont besoin d’une imagination encore plus puissante pour reconstruire le monde entier par la pensée.
Et Heredia qui est là, parlant des poètes de la dernière heure, établit que leurs poésies ne sont que des modulations, sans un sens bien déterminé, et qu’eux-mêmes baptisent du mot de monstres, leurs vers à l’état d’ébauche et de premier jet, et où les trous sont bouchés avant la reprise et le parfait achèvement du travail, par des mots sans signification. […] Messieurs, Après notre grand Balzac, le père et le maître à nous tous, Flaubert a été l’inventeur d’une réalité, peut-être aussi intense que celle de son précurseur, et incontestablement d’une réalité plus artiste, d’une réalité qu’on dirait obtenue comme par un objectif perfectionné, d’une réalité qu’on pourrait définir du d’après nature rigoureux, rendu par la prose d’un poète.
Entre la langue de Rabelais, de Montaigne, de La Bruyère et celle de Bossuet, il y a tout autant de différence qu’entre un poète populaire et un poète de cour.
Le poète est celui chez qui les sentiments se développent en images, et les images elles-mêmes en paroles, dociles au rythme, pour les traduire. En voyant repasser devant nos yeux ces images, nous éprouverons à notre tour le sentiment qui en était pour ainsi dire l’équivalent émotionnel ; mais ces images ne se réaliseraient pas aussi fortement pour nous sans les mouvements réguliers du rythme, par lequel notre âme, bercée et endormie, s’oublie comme en un rêve pour penser et pour voir avec le poète.