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2652. (1739) Vie de Molière

Le Misanthrope en est plein ; c’est une peinture continuelle, mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas.

2653. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Il exagère un peu les défauts, ou du moins il devrait noter qu’on ne les a vus à plein, sans compensation, que chez les hommes de second ordre, et il les attribue à certains du premier, qui en sont exempts, — à Descartes, par exemple. […] Pawlowski, ouvrage paru en 191323, plein d’humour et d’ingéniosité, mais qui n’est qu’un roman, et le mot même de quatrième dimension y est détourné de son sens. […] Tout en s’évertuant à ne rien négliger, il a bien su mettre à part et en relief ceux qui le méritent — ce qui prouve que, malgré son programme, il sait aussi distinguer et classer, c’est-à-dire faire de la critique au plein sens du terme, comme il est indispensable même dans un manuel, qui n’est pas un simple catalogue. […] Après le premier choc de surprise enthousiaste, on y trouve un plaisir perpétuel et incessamment renouvelé, mais doux et placide, comme avec une amie en qui on a pleine confiance, le Repos de Saint-Marc !

2654. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

4 » Voilà, si je sais lire, un démenti qui vaut un aveu, car si, depuis dix ans, il avait cessé de fréquenter Montesquieu, n’est-ce pas la preuve qu’au temps où il en était plein, son esprit en dut recevoir le branle et la forme, et qu’il lui en restait tout au moins, comme au vase d’Horace, « le parfum dont il avait été d’abord imprégné5 » ? […] Elle est libre pourtant, Dieu le sait, Dieu qui l’a faite si libre qu’elle le fut même sous Louis XIV ; car vous ne voulez pas me faire croire qu’au temps du plein épanouissement de son génie, la France était esclave. […] La pleine fortune pour un chef de gouvernement, la gloire peut-être, c’est de mourir entre les deux.

2655. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Daguerre allait croire à quelque sortilège, quand il avisa dans un coin une capsule pleine de mercure, métal qui émet des vapeurs à la température ordinaire. […] Tantôt, à six heures, au moment où j’écrivais le mot attaque de nerfs, j’étais si emporté, je gueulais si fort et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que j’ai eu peur moi-même d’en avoir une, je me suis levé de ma table et j’ai ouvert la fenêtre pour me calmer ; la tête me tournait ; j’ai à présent de grandes douleurs dans les genoux, dans le dos et à la tête, une sorte de lassitude pleine d’énervements, et puisque je suis dans l’amour, il est bien juste que je ne m’endorme pas sans t’envoyer leur caresse, un baiser et toutes les pensées qui me restent… C’est une délicieuse chose que d’écrire, que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. […] Voyez le temps qu’a mis Hugo pour acquérir sa pleine personnalité, c’est-à-dire pour réaliser logiquement les inventions entrevues dès sa jeunesse.

2656. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

L’histoire est pleine de traits frapans, qui invitent d’abord à les mettre sur la scene : mais quand on y regarde de près, la plûpart se ressemblent les uns aux autres, du moins par ce qu’il y a de dominant ; et quand on choisit ainsi un sujet sur une premiere aparence, on court risque de retomber dans des desseins ordinaires, et de n’avoir qu’à repeter sous de nouveaux noms des périls, des passions et des interêts déja maniés. […] Car l’humanité ne comporte pas ce passage rapide d’une amitié véritable à une pleine indifférence ; et l’ame la plus forte ne se commande pas avec tant d’autorité. […] Pouvoit-il soutenir un moment, non pas un simple soupçon, mais une pleine persuasion de son infidélité ?

2657. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

De telle sorte que la quantité de sucre dans les veines sus-hépatiques, qui n’était à jeun que 1 pour 100, pourra devenir 1 1/2 et même 2 pour 100 au moment de la pleine digestion. […]   Or, ce système accessoire, qui est très peu visible chez l’homme, acquiert son summum de développement chez le cheval et chez certains animaux coureurs où les communications à plein canal entre la veine porte et les veines hépatiques deviennent excessivement larges, et permettent au sang venu de l’intestin de passer facilement dans la veine cave inférieure.

2658. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Il s’ébahit « vu que c’est le meilleur poëte parisien qui se trouve, comment les imprimeurs de Paris et les enfants de la ville n’en ont eu plus grand soin. » II veut que les jeunes gens « cueillent ses sentences comme belles fleurs ; qu’ils contemplent l’esprit qu’il avait ; que de lui ils apprennent proprement à décrire. » Il l’estime « de tel artifice, tant plein de bonne doctrine, et tellement peinct de mille couleurs », que très-souvent il lui en fait des emprunts, et qu’il se paye, en le copiant, du soin de l’avoir édité.

2659. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Edgar Poe est, pour ses rares poèmes de l’espèce de ses maîtres, et nous avons vu combien, dans son œuvre poétique, il s’est abstenu de faire intervenir les douleurs qui l’ont agité, combien elle est vague, vide presque de spectacles sensibles et pleine d’une glaciale terreur.

2660. (1894) Textes critiques

Ranson étale — coutumièrement — aussi des scènes fantastiques, plus découpées en ailes de chauves-souris au bois bénit aux murailles, et pleines de paires d’yeux ronds qui luisent.

2661. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Justement parce que ce morcellement du réel s’est opéré en vue des exigences de la vie pratique, il n’a pas suivi les lignes intérieures de la structure des choses : c’est pourquoi l’empirisme ne peut satisfaire l’esprit sur aucun des grands problèmes, et même, quand il arrive à la pleine conscience de son principe, s’abstient de les poser. — Le dogmatisme découvre et dégage les difficultés sur lesquelles l’empirisme ferme les yeux ; mais, à vrai dire, il en cherche la solution dans la voie que l’empirisme a tracée.

2662. (1903) La renaissance classique pp. -

La pensée encore pleine de tant de grandeurs hautaines et graves, vous êtes presque tenté de détourner vos pas de cette retraite de plaisir.

2663. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Le tri fit alors commettre à des hommes pleins de bonnes intentions, mais incompétents et surmenés, des ravages irréparables dans nos archives anciennes : il y a aujourd’hui des travailleurs qui s’exercent, ce qui demande infiniment de temps, de patience et de soin, à reconstituer les fonds démembrés et à rajuster en leur place les fragments isolés par le zèle irréfléchi de ceux qui manipulèrent jadis de la sorte, avec brutalité, les documents historiques. […] Des naïfs, qui l’ignorent, s’aventurent encore, de temps en temps, sans préparation suffisante, sur le terrain de la critique externe, pleins de bonnes intentions, désireux de « rendre des services », et convaincus apparemment que l’on peut procéder là, comme ailleurs (sur le terrain politique, par exemple), à vue de nez, par approximation, « sans connaissances spéciales » ; ils ont à s’en repentir. […] Il doit n’oublier jamais la distance entre l’affirmation d’un auteur, quel qu’il soit, et une vérité scientifiquement établie, de façon à garder toujours pleine conscience de la responsabilité qu’il prend lorsqu’il reproduit une affirmation. […] Paris231. « Quand on a savouré ces pages si substantielles, si pleines de faits et qui, en apparence si impersonnelles, contiennent cependant et suggèrent surtout tant de pensées, on a de la peine à lire des livres, même distingués, où la matière taillée symétriquement suivant les besoins d’un système et colorée par la fantaisie, ne nous est présentée, pour ainsi dire, que sous un déguisement, et où l’auteur intercepte sans cesse… le spectacle qu’il prétend nous faire comprendre et qu’il ne nous fait pas voir. » — Les grands « Manuels » historiques, symétriques aux Traités et aux Manuels des autres sciences (mais avec la complication des preuves), doivent être et sont sans cesse améliorés, rectifiés, corrigés, tenus à jour : car ce sont, par définition, des œuvres scientifiques, et non pas des œuvres d’art. […] Le mépris de la rhétorique, des faux brillants et des fleurs en papier n’exclut pas le goût d’un style pur et ferme, savoureux et plein.

2664. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, Le poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère, épouvantée et pleine de blasphèmes, Crispe ses poings vers Dieu qui la prend en pitié. […] De là provient, à la suite du renouvellement du spinosisme et du panthéisme en nos jours, ce profond abaissement de la morale ; de là ce plat réalisme qui a conduit à en faire un manuel de la vie régulière dans l’État et dans la famille, et à placer dans un philistinisme parfait, méthodique, tout occupé de ses jouissances et de son bien-être, la fin dernière de l’existence humaine. » Le quatrième livre du Monde comme volonté et comme représentation est plein de semblables passages, dont la signification n’est pas douteuse, et que nous recommandons aux lecteurs, comme aussi les Appendices qui le complètent ou qui l’éclaircissent… Mais il semble malheureusement que, pour parler chez nous de Schopenhauer, on ait en général commencé par négliger de le lire ; à moins encore que l’on n’en ait lu précisément que ce que l’on pouvait se passer d’en lire, pour n’en point lire ce qui contient l’expression de sa véritable pensée : la Théorie de la négation du vouloir vivre, par exemple ; ou l’Ordre de la Grâce ; ou son Épiphilosophie. […] Mais, pour exprimer ce qu’ils sentent sourdre confusément en eux de sensations nouvelles, les symbolistes n’ont affaire ni d’enrichir le dictionnaire, ni de bouleverser la syntaxe, et le moyen en est tout indiqué, beaucoup plus simple, plus conforme au génie intérieur des langues, plus analogue surtout à la définition du symbolisme et du symbole : c’est de réintégrer les mots dans la pleine et entière propriété de leur sens étymologique ; c’est de les allier entre eux d’une manière si subtile que l’on retrouve toujours, dans l’acception qu’on leur donne, avec leur sens originel, un souvenir affaibli de tous les états qu’ils ont traversés dans l’histoire ; c’est de confier enfin, si je puis ainsi dire, à la comparaison et à la métaphore le soin de mettre en lumière ce que les choses les plus différentes ont souvent entre elles d’analogies cachées. […] Ne savons-nous pas bien, d’ailleurs, que, si les grands peuples prennent quelque part une pleine conscience de ce qu’ils sont, c’est dans leur littérature ? […] Aussi toute leur idée y est ; la forme est pleine, bourrée et garnie de choses jusqu’à la faire craquer. » Est-ce ou non la rhétorique ?

2665. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

« Cet homme, qui faisoit de si belles lettres, dit quelque part le chevalier en parlant de Voiture, voulut être de mes amis en apparence ; je voyois qu’il disoit souvent d’excellentes choses, mais je sentois qu’il étoit plus comédien qu’honnête homme ; cela me le rendoit insupportable, et j’aimois Balzac de tout mon cœur, parce qu’il étoit tendre et plein de sentiments naturels30. » On devine, sous ces beaux mots, ce que l’amour-propre ne sait pas voir ou ne veut pas dire.

2666. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Edwards que, chez les Chevaux de race anglaise, la raie dorsale se montre beaucoup plus communément chez les poulains que chez les Chevaux de pleine taille.

2667. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Bien que plein de confiance dans les observations de Huber et de M. 

2668. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

C’était là un résultat plein de lumière, mais il ne suffisait pas au courageux écrivain.

2669. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Si l’individu en a pleine conscience, si la frange d’intuition qui entoure son intelligence s’élargit assez pour s’appliquer tout le long de son objet, c’est la vie mystique.

2670. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Le mensonge est au contraire le signe même de la conscience, et il ne peut y avoir mensonge que là où il y a conscience pleine et active. […] La raison par laquelle Antoine Escobar, tant moqué, défend le probabilisme, est admirable : « C’est, dit-il, que l’homme ne peut acquérir des choses une certitude pleine et entière. » Comment même essayer de réfuter cela ? […] Qu’on me donne un tome d’Escobar, qu’on me permette de relire la page où cet homme véridique avoue « qu’il n’est pas donné à l’homme d’acquérir des choses une certitude pleine et entière ».

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