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234. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il semblait se plaire, on l’a dit, aux compagnies « joyeuses » ; il aimait la naïveté des « Boule-de-Suif » ou des « grosses Rachel » ; parfois, avec une grande affectation de sérieux et une grande dépense d’activité, et comme si ces choses eussent été infiniment plus importantes que les livres qu’il écrivait (rarement il consentait à parler littérature), il organisait des « fêtes » compliquées, volontiers un peu brutales ; mais, sauf les minutes où il s’appliquait, jamais on ne vit pareille impassibilité en pleine fête, ni visage plus absent. […] De plus en plus il paraît compatir aux objets de ses peintures, et de plus en plus il semble se plaire à nous décrire des passions et des sentiments de telle espèce, que, de les comprendre et de les aimer comme il le fait, cela seul prouverait qu’il a dépassé  sans trop savoir d’ailleurs où il va, — ce naturalisme rudimentaire par où il avait débuté si tranquillement.

235. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Si, personnellement, nous nous plaisons à fortifier comme première vertu d’artiste, cette sévérité jamais satisfaite, préservatrice des inutiles accouchements et des relevailles mélancoliques, ne veuillons pas généraliser cette exigence particulière jusque en faire la loi intransgressible de la mise au monde artistique. […] le mot commode, Naturalisme, et qu’à l’aise on y inclut ceux qu’il plaît.

236. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

L’envie de plaire à sa maîtresse l’inspira comme Ovide, & le fit chanter d’après lui. […] Clopinel, voyant que ses excuses & raisons n’avoient lieu contre leur rage, supplia humblement, qu’avant mettre leur ire à exécution, il plût à la reine lui octroyer une requête ; ce qu’il obtint avec grande difficulté.

237. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent. […] Il a un air de bonhomie qui plaît.

238. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Cette mesquinerie d’habitudes où se plaisait dans ses rêves le jeune Renan et qu’acceptait Stendhal ne paraît pas acceptable à certains esprits qui, bien qu’exempts de cupidité vulgaire, veulent un décor de grandeur à leur biographie. […] ∾ Certaines personnes qui ont l’esprit confus se plaisent à mêler les termes, et décorent du titre de catholique, de chrétien, de religieux tout idéaliste, tout homme détaché des avantages matériels.

239. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Remarquez-le, s’il vous plaît. […] Elle lui plaît, cela va sans dire. […] Mais où sont-elles donc, s’il vous plaît ? […] À Dieu ne plaise ! […] plaire à l’Académie et aux camarades, ce serait trop !

240. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Que Molière nous plaise encore cela prouve surtout qu’il n’a corrigé personne. […] Mais toute pièce à la fois très belle et très nouvelle ne peut pas plaire à la foule en sa nouveauté. […] La pièce ne plut pas dans sa nouveauté parce que c’était une grande comédie en prose. […] Pour Molière le grand but est de plaire. […] » — « Car enfin, si les pièces qui sont selon les règles ne plaisent pas et que celles qui plaisent ne soient pas selon les règles, il faudrait de nécessité que les règles eussent été mal faites ?

241. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Quand elles ne veulent plaire que pour être aimées ; quand ce doux espoir est le seul motif de leurs actions, elles s’occupent plus de se perfectionner que de se montrer, de former leur esprit pour le bonheur d’un autre que pour l’admiration de tous : mais quand elles aspirent à la célébrité, leurs efforts, comme leurs succès, éloignent le sentiment qui, sous des noms différents, doit toujours faire le destin de leur vie. […] Absorbées par cet intérêt, elles abjurent, plus que les guerrières du temps de la chevalerie, le caractère distinctif de leur sexe ; car il vaut mieux partager dans les combats les dangers de ce qu’on aime, que se traîner dans les luttes de l’amour propre, exiger du sentiment, des hommages pour la vanité, et puiser ainsi dans la source éternelle pour satisfaire le mouvement le plus éphémère, et le désir dont le but est le plus restreint : l’agitation que fait éprouver aux femmes une prétention plus naturelle, puisqu’elle tient de plus près à l’espoir d’être aimée ; l’agitation que fait éprouver aux femmes le besoin de plaire par les agréments de leur figure, offre aussi le tableau le plus frappant des tourments de la vanité. […] D’abord on n’accordait aux applaudissements que des phrases ; bientôt, pour obtenir ces applaudissements, on a cédé des principes, proposé des décrets, approuvé jusqu’à des crimes ; et par une double et funeste réaction, ce qu’on faisait pour plaire à la foule, égarait son jugement, et ce jugement égaré exigeait de nouveaux sacrifices.

242. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Une idée lui plaît par un air de vérité : il l’accueille. […] Pascal, dans ses Provinciales, voulant adoucir pour les gens du monde l’amertume de la théologie et en rendre agréable l’austérité, s’y est pris de telle sorte que, faisant une démonstration de l’injustice, des erreurs et des scandales de ses adversaires, il n’a rien dit qui ne serve à cette démonstration : il n’a point mis l’agrément dans son sujet, il l’en a tiré ; ce qui est ornement est aussi argument, et ce qui plaît, prouve. […] Enfin il faut prendre garde que l’esprit, dans l’activité de l’invention, ne se rend pas toujours un compte exact de ce qu’il crée : il produit plus de formes que d’idées, et ne s’aperçoit pas que des images, des tours qui lui plaisent ne sont en somme que les enveloppes différentes de la même chose.

243. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

L’amour d’une femme qui plaît et se respecte a des charmes incomparables avec ceux de toute autre, et une puissance sans égale. […] Donnez à une femme le don de plaire, un peu d’amour, un grand respect d’elle-même affermi par l’ambition d’être considérée, et voilà une impératrice de Russie et une femme légitime du plus puissant roi de l’Europe. […] On peut, je crois, regarder la première entrevue du roi et de madame Scarron comme l’époque de la naissance d’un vif désir de se plaire réciproquement, désir qui n’a cessé de faire des progrès jusqu’à la certitude du succès, tout en traversant les nombreuses intrigues de galanterie, même d’amours, dont le roi fut occupé dix années.

244. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

L’orpheline, nommée Madelaine, dans le roman, est madame Raison et Caractère, mais Hélène, qui est madame sans raison et sans caractère, est, de cette gerbe de trois femmes, la plus vraie, la plus humaine, la plus femme, et celle qui plaît davantage : je dirai tout à l’heure pourquoi… C’est ainsi que pour un premier roman (un coup d’essai), nécessairement d’une certaine étendue, madame de Molènes nous en donne trois, mais trois dans cette manière raccourcie qui, jusque-là, avait été la sienne. […] C’est la grâce attendrie et mélancolique qu’elle avait aussi à la Vie Parisienne, quand cela lui plaisait de l’avoir et qu’elle voulait toucher au plus profond et au plus délicat du cœur ; mais malheureusement ce n’est plus ici la grâce gaie, qui effleurait, sans se cabrer, les choses scabreuses, et donnait aux prudes de ces jolies terreurs dont elle les délivrait toujours ! […] être Ange et Bénigne quand cela lui plaisait.

245. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Il était dans la philosophie comme un homme du monde dans sa maison ; il en faisait les honneurs avec un bon goût et une politesse exquise ; il allait au devant de ses hôtes, leur prenait la main, les conduisait sur tous les points de vue qui pouvaient les intéresser ou leur plaire. […] Mais si les beaux-arts ne plaisent que par les fictions, la philosophie ne plaît que par la vérité : elle doit s’interdire tout ce qui peut la voiler, je ne dis pas ce qui peut l’orner.

246. (1929) Dialogues critiques

Paul Il me plaît que ce soit vous qui le disiez. […] Pierre N’est-ce rien qu’une réunion de jolies élégantes, souriantes et désireuses de plaire ? […] Pierre Plut au ciel que vous en eussiez le pouvoir ! […] Pierre Il devrait pourtant vous plaire, à vous l’antibaudelairien. […] Il y a des moralistes, très immoraux, qui se plaisent à imaginer le mal pour l’agrément de le flétrir.

247. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Mais je n’avais garde de leur rompre en visière, de peur de me mettre dans la nécessité d’opposer un dogmatisme d’un genre nouveau au dogmatisme des anciens, et la thèse que je soutenais avec Molière se bornait en définitive à ceci : la grande règle de toutes les règles est de plaire ; une pièce de théâtre qui plaît, doit être selon les règles par cela même qu’elle plaît ; car autrement, il faudrait de toute nécessité que les règles eussent été mal faites279. […] Elle se souvient du temps où elle n’avait pas de goût pour Molière, où les farces vulgaires qui plaisent toujours si fort au Marquis, la charmaient mille fois plus que L’École des femmes. […] Car elle sait que ces choses-là ne sont point belles, si elles ne plaisent qu’à ses sens ou ne touchent que son cœur, sans pouvoir être en même temps admirées, ni d’elle, ni de personne. […] si je ne craignais de faire de la peine à Gorgias, je te dirais une chose ; mais j’ai peur que ce ne soit un peu impoli. — Quelle chose donc, Socrate, s’il te plaît ? […] Au lieu de lire Uranie, lisez donc, si cela vous plaît davantage, la critique qui a pour principe le goût.

248. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Il se plaît à entendre l’hymne du matin chanté par le barde d’Erin. […] J’entends le zéphyr de Cona, qui se plaisait à soulever ton épaisse chevelure. […] Le frémissement de tes forêts, ô Germallat, plaît à mon oreille. […] Plût au ciel que la mort renouvelât sur moi le coup qui l’a frappé, que le sanglier fatal eût aussi déchiré le sein de Crimoïna ! […] Ton murmure me plaît, ô torrent !

249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

C’est par ces pauvretés qu’on plaisait à Marie de Médicis et à ses amis d’Italie, fort pardonnables, d’ailleurs, d’aimer des choses accommodées au goût de leur pays. […] Et ce qui m’en plaît plus, tout est fait sans rudesse : Car tout ouvrage fort a de la dureté, Si par un art soigneux il n’est pas ajusté. […] Le radieux qui lui plaît si fort, et dont il veut faire un terme pour la cour, c’est le néologisme à froid des Précieuses. […] Mme de Sévigné s’obstinait à ne pas admirer Racine et à admirer Mlle de Scudéry, dont les livres lui plaisaient, disait-elle, par-dessus tout. […] Et, toujours mécontent de ce qu’il vient de faire, Il plaît à tout le monde, et ne saurait se plaire.

250. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

C’est dans ce réduit qu’il se plaisait souvent à lire et à méditer, mais il ne s’y confinait pas. […] Ce qui plaît dans ces remarques manuscrites et ce qui permettrait d’en tirer avec choix et discrétion un volume tout à fait agréable et qui prendrait le lecteur, c’est le naturel franc, et aussi la manière de dire. […] Il pensait que les abus et les maux de l’ancien régime étaient venus au point d’exiger qu’on tirât la France, « non de dessous ses rois, à Dieu ne plaise ! […] À la ville, je chercherais à plaire.

251. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

. — Et tout en regard aussitôt, Apollon nous dépeint, au contraire, l’homme aimable et qui veut plaire, — qui sait ? quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue. […] Il fait inventer les modes, la nouveauté et l’élégance dans les costumes ; il apprend aux femmes l’art de se bien mettre : « Et que dirons-nous des femmes, l’habit desquelles et l’ornement de corps dont elles usent est fait pour plaire, si jamais rien fut fait ? […] Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd : Tu peux, lorsqu’il le plaît,, loin des sphères mortelles Les élever à toi dans la Grâce et l’Amour ; Tu peux parmi les chœurs qui chantent tes louanges A tes pieds, sous tes yeux nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes Anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant ; Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle, Nous rendre le désir que nous avions perdu ; Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?

252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Planche, en louant Horace Vernet, eût adhéré à la foule, ce qu’il évitait le plus soigneusement ; en louant Charlet au-delà de la mesure ordinaire, il commandait à la foule, il se mettait au-dessus d’elle ; et c’est ce qui lui plaisait avant tout. […] Alfred de Musset part de ce principe qu’une œuvre d’art doit autant que possible réunir deux conditions : plaire à la foule et satisfaire les connaisseurs. […] L’Inauguration de la cocarde nationale (tableau bizarre qui ne me plaît pas du tout), les portraits commencés de Thorwaldsen, Eynard, Latour-Mauhourg, quelques chevaux, l’esquisse de la Judith avec des études qui s’y rapportent, le portrait du Saint-Père, quelques têtes de nègres, des Pifferari, des soldats du pape, votre très-humble serviteur, Cain et Abel, enfin l’Atelier lui-même, sont suspendus dans l’atelier. […] Son costume bizarre lui plaît, et, dès le lendemain, il commence un tableau représentant un de ces soldats improvisés, arrêté par le mauvais temps dans la campagne, et saisissant son fusil pour le décharger sur quelqu’un ; on aperçoit dans le lointain un petit corps de troupes et la plaine déserte.

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