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769. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

À dater du livre de la Femme, la Critique a dû constater en lui un affaiblissement qui commence, une lassitude, le pas en arrière qu’on ne fait pas pour revenir en avant, sans un phénomène !

770. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Parmi les phénomènes de la nature, parmi les « documents humains », le naturalisme a opéré, comme l’on dit aujourd’hui volontiers, sa « sélection » à lui, et c’est cette sélection que nous demandons la permission de ne pas admirer sans réserve.

771. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Associé à sa vie divine, transformé moi-même en lumière éclatante, je verrai, à la fois distinct et confondu, ce qui est, ce qui a été, et l’essence intime et cachée de toute chose… » Dans cette rêverie même, le pieux Espagnol rencontrait les enthousiasmes d’une autre poésie, ces élans de Lucrèce et de Virgile pour admirer les phénomènes de la nature et pour en pénétrer le mystère.

772. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Maurice Barrès déclare avec raison : « Je puis dire que je suis arrivé auprès de ces phénomènes religieux et sur le bord de cet étang aux rives indéterminées quand personne n’en troublait encore le silence. […] Il est vrai seulement qu’il faut user de prudence dans l’application, à cause de la complexité et de l’incertitude des phénomènes humains. […] Dans l’intérieur de cet infini se meuvent d’innombrables êtres ou phénomènes finis, et M.  […] Maeterlinck dans un précédent ouvrage, ou comme disait Taine, une série de phénomènes qui peut parfaitement prendre fin, sans laisser seulement un sillage après elle.

773. (1902) Propos littéraires. Première série

Il pourra même se produire un phénomène psychologique très intéressant. […] D’autre part, de la grande métaphysique, c’est-à-dire de ce qui dépasse les phénomènes naturels et leurs lois, elle déclare qu’elle ne s’occupe point. […] Il ne faudrait pas le presser beaucoup pour le faire convenir que l’invention de l’organisme social est, non pas un simple jeu d’esprit, — cela, il n’en conviendrait pas, — mais un procédé commode et utile pour étudier les phénomènes sociaux. […] « Les sociétés humaines présentent : 1o des phénomènes semblables à ceux des organismes ; 2o des phénomènes nouveaux, inconnus à tous les organismes ; 3o des phénomènes tout contraires… » — D’où il suit que tout ce qu’on peut faire c’est : « non pas comparer la société à un organisme déterminé », mais « rapprocher le type social en général et le type organique en général ». […] À une époque très reculée de l’histoire de l’Inde, l’âme doit s’être approchée de la surface de la vie jusqu’à un point qu’elle n’atteignit jamais plus, et les restes et souvenirs de sa présence presque immédiate y produisent encore aujourd’hui d’étranges phénomènes… » C’est bien cela ; M. 

774. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

« Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer des préférences, ou l’analyse de ce poème, en quête de renseignements esthétiques, psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des causes sous des faits, des lois sous des phénomènes, étudiés sans partialité et sans choix. » J’ai tenu à reproduire ce passage, inscrit en l’avant-propos de son ouvrage, parce qu’il résume la théorie d’Émile Hennequin en matière de critique, et qu’il définit clairement cette méthode hardie et vaste qu’il applique avec une facilité surprenante à l’étude d’hommes comme Victor Hugo, Wagner, Flaubert, Tolstoï, Dickens. […] Phénomène surprenant et qui restera inexpliqué, ces prophéties ne se réalisèrent point. […] Aujourd’hui, par un phénomène de retournement que la mort seule peut expliquer, c’est à qui trouvera les plus oratoires enthousiasmes pour l’enterrer. […] Les multiples découvertes de la science, le résultat des enquêtes biologiques, anthropologiques, astronomiques, qui restituent à la matière les phénomènes que nous avons l’habitude d’attribuer à une force supranaturelle, leur application au bien-être de l’humanité rendent l’heure que nous vivons particulièrement troublante. […] Par un phénomène très particulier dans le mécanisme fonctionnariste qui nous mène, il était à sa place, dans cette place.

775. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il a le sens des idées générales : cette tendance de l’esprit qui rattache un fait à la série de tous ceux qui l’ont produit et voit chaque phénomène dans ses causes, ce besoin de ne s’arrêter dans la chaîne des causes qu’à la plus lointaine et la plus générale. […] C’est un phénomène que nous avons observé chaque fois qu’il nous est arrivé de lire des traités de médecin : il nous semblait découvrir en nous tous les symptômes des maladies qui y étaient décrites ; mais, pour les maladies de l’âme, s’imaginer qu’on les a, c’est les avoir. […] Quand on trouvait, dans tous les recueils de Maupassant, de ces troublantes histoires : récits de nuits passées sous l’étreinte d’angoisses innommées, hallucinations, visions d’êtres étranges et de spectacles de l’autre monde, phénomènes de dédoublement, comme si dans notre fauteuil et devant notre table, au moment de nous y asseoir, nous nous apercevions assis déjà, sensations douloureuses de l’Invisible devenu soudain palpable et hostile, et toutes ces pages haletantes et frémissantes du frisson de la folie, — on croyait que l’écrivain ne fit qu’exploiter, après d’autres, cette mine de récits, et ce « genre » : le fantastique. […] Mais voici qu’à l’instant de partir, après avoir pendant des mois souffert et fait souffrir, et que ce soit lassitude ou pitié, il sent se produire en lui ce curieux phénomène de l’apaisement. […] En ce sens, il a raison de noter en lui je ne sais quel phénomène d’atavisme lointain qui lui fait l’âme à moitié arabe, et concitoyenne des pays d’Islam.

776. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

De là naissent les phénomènes singuliers nommés images consécutives. […] Dans ce second cas, les couleurs de l’image consécutive sont les complémentaires des couleurs de l’objet ; en d’autres termes, là où l’objet est rouge, elle est d’un bleu vert ; là où l’objet est jaune, elle est bleue ; là où l’objet est vert, elle est d’un rose rouge, et réciproquement. — Quantité de phénomènes analogues ont été constatés et expliqués par l’excitation persistante et l’excitabilité diminuée que présente la rétine après avoir subi l’action de la lumière. — Mais il y en a d’autres du même genre, qui se produisent sans que la lumière ait besoin d’intervenir.

777. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Le phénomène sonore est un phénomène sensible au premier chef.

778. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Je dis seulement que ni la religion, ni la politique, ni la morale ne lui paraissant dépendre du nombre des couleurs du spectre, ou des phénomènes de la segmentation de l’œuf des mammifères, ce sont choses — pour lui comme pour l’auteur des Pensées — dont il ne faut pas négliger de s’informer en passant, quand on le peut, mais qui ne valent pas une heure de peine. […] » Mais, de tous les raisonnements de Spinosa, celui qu’il ne cesse de combattre, dont on pourrait presque dire que son Discours entier n’est qu’une perpétuelle contrepartie, c’est celui qui fait le fond de l’Éthique aussi bien que du Traité théologico-politique : « Si un phénomène se produisait dans l’univers qui est contraire aux lois générales de la nature, il serait également contraire au décret de Dieu et si Dieu lui-même agissait contre les lois de la nature, il agirait contre sa propre essence, ce qui est le comble de l’absurdité… Je conclus donc qu’il n’arrive rien dans la nature qui soit contraire à ses lois universelles, rien qui ne soit d’accord avec ces lois et qui n’en résulte… Et ces lois, bien que nous ne les connaissions pas toujours, la nature les suit toujours et par conséquent elle ne s’écarte jamais de son cours immuable. » C’est ce que Bossuet, comme on le pense bien, refuse énergiquement d’accorder : « Moïse, et les anciens Pères dont Moïse a recueilli les traditions, nous donnent d’autres pensées. […] Diderot vient d’expliquer, dans l’article l’Encyclopédie, ce qu’il aurait voulu faire, si les temps le lui eussent permis ; ce qu’il n’a pas pu faire ; et, en dépit des obstacles, ce qu’il croit cependant avoir fait ; — et il continue en ces termes : « Dans les traités scientifiques, c’est l’enchaînement des idées ou la marche des phénomènes qui dirige la marche à mesure qu’on avance : la matière se développe, soit en se généralisant, soif en se particularisant, selon la méthode qu’on a préférée. […] Il cherche et il trouve sous nos yeux, à nos pieds, des faits d’une ressemblance parfaite avec ces phénomènes célestes que des millions de demi-diamètres de la terre séparent d’elle. […] S’il n’y a de lois que du général, à plus forte raison, pourrait-on presque dire, il n’y en a que du permanent, de ce qui demeure, de ce qui subsiste identique à soi-même sous l’écoulement des phénomènes ; et la notion de nécessité est inséparable de l’idée même de loi.

779. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Or il se trouva que, par un curieux phénomène de transmission, cette expérience qu’ils n’avaient pas eue leurs enfants l’apportèrent en naissant. […] L’écrivain chez qui ce phénomène s’est opéré, relève désormais d’une psychologie spéciale. […] Ce qu’ils ont étudié surtout, c’est la maladie de nerfs dont ils avaient pu observer sur eux-mêmes quelques-uns des phénomènes et qui sollicitait naturellement leur attention. […] Un ministre autoritaire dans le corps d’un petit homme, c’est d’après lui un phénomène qu’on n’a jamais vu, une monstruosité que, pour sa part, il se refuse à admettre. — Même accord entre le milieu et la personne. […] J’indiquerai quelques-unes des raisons qui expliquent ce phénomène littéraire.

780. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques.

781. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Son illusion est de croire pouvoir aller au-delà de ce sentiment d’observation contemplative ; car, s’il veut tirer le poisson hors de l’eau, s’il agite sa ligne, comme, en cette sorte de pêche, le poisson, c’est sa propre image, c’est soi-même, au moindre effort et au moindre ébranlement, tout se trouble, la proie s’évanouit, le phénomène à saisir n’est déjà plus.

782. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Elle est ce qu’elle est ; nous ne la connaissons que par ses phénomènes.

783. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Mais la Toscane, ce merveilleux phénomène de la richesse, cette royauté de l’intelligence, cette monarchie du travail à l’époque où l’industrie européenne n’était pas née, devait décroître et tomber d’elle-même aussitôt que l’industrie de la laine, de la soie, de la banque, cesserait d’être le monopole, le brevet d’invention de Florence, et que les mêmes industries, mères du même commerce et sources des mêmes richesses, s’établiraient à Lyon, à Venise, à Londres, à Birmingham, à Calcutta, et que le travail européen et asiatique ne laisserait au peuple des Médicis, de Dante, de Michel-Ange, que cette primauté du génie des arts qui fait la gloire, mais qui ne fait pas la puissance militaire et politique des nations.

784. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Un seul homme en Italie, Mezzofanti, un seul homme en France, le comte de Circourt, ont offert au monde ce phénomène de l’universalité des langues et des connaissances humaines ; mais ces deux hommes étaient deux miracles d’organisation intellectuelle achevés par les années et par les études.

785. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je me souviens comme d’hier du jour ou le beau duc de Rohan, alors mousquetaire, depuis cardinal, me dit, en venant me prendre dans ma caserne du quai d’Orsay : « Venez avec moi voir un phénomène qui promet un grand homme à la France.

786. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Etre convaincu que toute émotion est vaine ou malfaisante, sinon celle qui procède de l’idée de la beauté extérieure ; regarder et traduire de préférence les formes de la Nature inconsciente ou l’aspect matériel des mœurs et des civilisations ; faire parler les passions des hommes d’autrefois en leur prêtant le langage qu’elles ont dû avoir et sans jamais y mettre, comme fait le poète tragique, une part de son cœur, si bien que leurs discours gardent quelque chose de lointain et que le fond nous en reste étranger ; considérer le monde comme un déroulement de tableaux vivants ; se désintéresser de ce qui peut être dessous et en même temps, ironie singulière, s’attacher (toujours par le dehors) aux drames provoqués par les diverses explications de ce « dessous » mystérieux ; n’extraire de la « nuance » des phénomènes que la beauté qui résulte du jeu des forces et de la combinaison des lignes et des couleurs ; planer au-dessus de tout cela comme un dieu à qui cela est égal et qui connaît le néant du monde : savez-vous bien que cela n’est point dépourvu d’intérêt, que l’effort en est sublime, que cet orgueil est bien d’un homme, qu’on le comprend et qu’on s’y associe ?

787. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Taine critique d’art, les deux parties de la phrase, qui ont l’air d’exprimer deux critiques analogues, se contredisent en réalité : car, si le dénombrement des cheveux d’un portrait indique bien un esprit myope et borné, tout au contraire l’explication d’un phénomène moral et religieux par une habitude d’alimentation serait plutôt d’un esprit philosophique et discursif à l’excès, capable d’embrasser de vastes ensembles de faits et de les ramener les uns dans les autres  Enfin, le prince ne peut contenir son indignation contre cet « analyste perpétuel » qui « prend plaisir à déchiqueter sa victime jusqu’aux dernières fibres, sans un cri de l’âme, sans une aspiration vers l’idéal ».

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