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307. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Il est aisé d’appercevoir les absurdités que renferme cette décision : nous ferons voir au mot Impersonnel, que ces verbes sont réellement personnels, & que leur sujet doit être au nominatif quand on l’exprime. […] La méthode de Port-Royal remarque que l’on confond quelquefois ces différences ; & cela peut être vrai : mais nous devons observer en premier lieu, que cette confusion est un abus si l’usage constant de la langue ne l’autorise : en second lieu, que les Poëtes sacrifient quelquefois la justesse à la commodité d’une licence, ce qui amene insensiblement l’oubli des premieres vûes qu’on s’étoit proposées dans l’origine : en troisieme lieu, que les meilleurs2 écrivains ont égard autant qu’ils peuvent à ces distinctions délicates si propres à enrichir une langue & à en caractériser le génie : enfin que malgré leur attention, il peut quelquefois leur échapper des fautes, qui avec le tems font autorité, à cause du mérite personnel de ceux à qui elles sont échappées. […] Les verbes latins n’ont que trois modes personnels, l’indicatif, l’impératif & le subjonctif : ces trois modes se trouvent aussi en grec & en françois ; mais les Grecs ont de plus un optatif qui leur est propre, & nous avons un mode suppositif qui n’est pas dans les deux autres langues.

308. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Docquois, Georges (1863-1927) »

C’est donc une œuvre d’initiative personnelle, que les habitués de chez Antoine applaudirent énergiquement.

309. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Goudeau, Émile (1849-1906) »

Mais il y a mieux : il y a l’effort personnel d’Émile Goudeau, son labeur d’écrivain, sa pensée de poète.

310. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chants du crépuscule » (1835) »

Il ne laisse même subsister dans ses ouvrages ce qui est personnel que parce que c’est peut-être quelquefois un reflet de ce qui est général.

311. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Indépendamment de ces difficultés du fond et de la méthode, il y avait aussi celles du personnel. […] En 1804, à la veille de l’Empire, causant avec lui aux Tuileries, pensant tout haut, exprimant son impatience des injustices de l’opinion parisienne à ce moment, son ennui des résistances qu’il éprouvait dans ses vues de la part même de quelques-uns de ses proches, le premier consul disait ces paroles qui renferment une trop haute et trop soudaine définition personnelle pour ne pas être recueillies : Au reste, moi je n’ai point d’ambition… (Et se reprenant :) ou, si j’en ai, elle m’est si naturelle, elle m’est tellement innée, elle est si bien attachée à mon existence, qu’elle est comme le sang qui coule dans mes veines, comme l’air que je respire. […] Amené à parler de la guerre, « de cet art immense qui comprend tous les autres », des qualités nombreuses qu’elle requiert, qui sont tout autres que le courage personnel, et qu’on ne se donne pas à volonté : Militaire, je le suis, moi, s’écriait Napoléon, parce que c’est le don particulier que j’ai reçu en naissant ; c’est mon existence, c’est mon habitude.

312. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Pour arriver à saisir cette vérité, on avait, en 1820, à se dégager de ses impressions partiales, à se mettre au-dessus des passions intéressées et personnelles ; on a aujourd’hui à percer tout un voile de préjugés et de partis pris théoriques : c’est une autre forme d’illusions. […] Il en est que Jomini raconte d’original et qu’il doit à son expérience personnelle, comme par exemple, au chapitre des Guerres nationales, les deux faits qui se rapportent au temps où il était chef d’état-major de Ney en Espagne, et qui prouvent que les conditions habituelles de la guerre sont tout à fait changées et les précautions ordinaires en défaut, quand on a tout un pays contre soi69. […] J’ai voulu tout cela sans doute, et aussi payer un tribut personnel à la mémoire d’un homme bienveillant, dont les entretiens m’avaient beaucoup appris.

313. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Sans philosophie originale, sans expérience personnelle du cœur humain, incapable d’aller au-delà du décor et du masque, il ne pouvait faire, il ne fît dans ses Satires et ses Épîtres morales, que répéter des lieux communs. […] Il exprimait là le fond intime de son être, les idées dont il vivait ; et c’étaient des idées originales, personnelles, s’il en fut. […] Il n’a de passion sincère que pour les lettres ; il n’a d’idées personnelles que sur les lettres ; hormis dans les sentiments et les idées que les lettres lui inspireront, incapable d’invention et ne pouvant rien ajouter à son expérience, il ne pourra donc évoquer ou traduire que les sensations de son oreille et de son œil.

314. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Il y a ici un accent, une note que ne donnent ni l’intérêt politique, ni la conviction personnelle, ni le simple esprit guerrier : il y a ici du sentiment qui mène Yvain à la fontaine merveilleuse. […] En moins de quarante ans, Geoffroy de Beaulieu, confesseur du roi, Guillaume de Xangis, Guillaume de Chartres, et le confesseur de la reine Marguerite écrivirent la vie, les enseignements et les miracles du saint roi : Joinville, qui les efface tous, mit à profit les travaux des deux premiers peur compléter ses souvenirs personnels. […] Paris, Joinville utilisa, en 1303, des mémoires personnels qu’il avait rédigés peu après 1070 ; voilà pourquoi il parle tant de lui dans une vie du saint roi.

315. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Les ennemis de Voltaire Voltaire mit souvent ce génie et cette puissance au service de ses passions personnelles. […] La satire du Pauvre Diable (1738) distribua impartialement de larges volées de bois vert sur les épaules de tous les ennemis du « vieux Suisse », ennemis philosophiques, poétiques, personnels ; jansénistes, jésuites, parlementaires, comique larmoyant, Gresset, Trublet, Pompignan, Desfontaines, Fréron, Chaumeix : que sais-je ? […] En même temps il se chamaillait avec les ennemis qui poursuivaient Rousseau, le professeur Claparède, le pasteur Jacob Vernet, l’archevêque d’Auch Montillet : tant leurs causes étaient liées, indépendamment de leurs différends personnels.

316. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et vu leur nature même, essentiellement empirique, il est impossible que l’on soit nouveau, dans l’acception pleine du moi, et autrement qu’en imprimant à ce que l’on s’est assimilé sa marque personnelle qui, pour l’écrivain, est son mode de sentir. […] France aime redire qu’elle est toute personnelle et référente à chacun, et laquelle est des cabotins et des reîtres, de cette morale qui est l’intelligence facultative du mal et la science du présentable ; il ne s’agit pas d’elle, qui pourrait être également la somme des préjugés communs aux neuf dixièmes des hommes, et dont, d’ailleurs, un bon nombre se prélassent, comme déifiés dans les augustes écrins juridiques. […] France, qui, à vrai dire, ne connaît ou ne veut connaître du scepticisme que sa forme apparente, ce brillant de la nuance négative qui met tout de suite à l’aise, parce qu’il plaide la cause de l’idée générale, contre les prétentions de l’idée personnelle, ou, du moins, parce qu’il a cet air-là, et que d’ailleurs, très certainement, il est altier, impossible à compromettre, à ternir, à humilier, et aristocratique, et encore et surtout spirituel.

317. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Coterie est vulgaire ; il s’appliquerait sans doute merveilleusement à certaines ruelles ; mais, en dépit ou à cause de cela, les précieuses le traitent en ennemi personnel. […] Il est jaloux de préserver de toute atteinte sa dignité personnelle ; il tient à l’estime des autres presque autant qu’à la sienne propre, et il est toujours prêt à tirer l’épée qu’il a au côté pour défendre sa considération menacée. […] Dirai-je la critique et l’histoire impuissantes à comprendre les âges barbares, parce qu’elles se les figuraient à l’image des époques civilisées ; la poésie lyrique à peu près tuée en son germe, parce que toute effusion personnelle est d’un homme « mal élevé », ainsi que disait Buffon en parlant de Jean-Jacques ; enfin la vie du peuple et celle de la famille proscrites de la littérature comme choses basses et indignes de son attention ?

318. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

— À travers toutes ses déclamations et le mépris qu’il répandait sur les ministres, il se montrait monarchique, et répétait que ce n’était pas sa faute si on le repoussait et si on le forçait, pour sa sûreté personnelle, à se faire le chef du parti populaire : « Le temps est venu, dit-il, où il faut estimer les hommes d’après ce qu’ils portent dans ce petit espace, là, sous le front, entre les deux sourcils. » Ceci se passait à la fin du mois de juin 1789. […] Six mois auparavant et lorsqu’il partait pour se faire élire en Provence, son père, le marquis, écrivait de lui au bailli (22 janvier 1789) : « Il dit hautement qu’il ne souffrira pas qu’on démonarchise la France, et en même temps il est l’ami des coryphées du Tiers. » La double pensée politique de Mirabeau, dès avant l’ouverture des États généraux, était tout entière dans ces deux conditions, tiers état et monarchie, et l’on peut dire qu’il ne cessa d’en poursuivre l’accord et le maintien depuis le premier jour de sa vie législative jusqu’à sa mort, avec toutes les secousses pourtant, les intermittences et les fréquents écarts qu’apportaient dans sa marche et dans sa conduite ses impétuosités d’humeur et de caractère, ses instincts d’orateur et de tribun, ses nécessités de tactique, et ses irritations personnelles. […] Ici, en dégageant les relations de Mirabeau avec La Fayette de tout ce qui est secondaire et trop personnel et de quelques mauvaises paroles, en ne les prenant que dans leur ensemble et leur but, et dans leur véritable esprit, il nous est impossible, et nous croyons qu’il sera impossible à tout lecteur impartial, de ne pas arriver à un résultat des plus fâcheux pour l’illustre général et pour sa renommée historique définitive.

319. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Au lieu de nous raconter ses marches, l’emploi de ses journées, et de nous permettre de le suivre, il n’a donné que les résultats de ses observations durant trois ans : « J’ai rejeté comme trop longs, dit-il, l’ordre et les détails itinéraires ainsi que les aventures personnelles : je n’ai traité que par tableaux généraux, parce qu’ils rassemblent plus de faits et d’idées, et que, dans la foule des livres qui se succèdent, il me paraît important d’économiser le temps des lecteurs. » Il a donc composé un livre, un tableau, et n’a pas senti qu’il y avait plus de charme pour tout lecteur dans la simple manière d’un voyageur qui nous parle chemin faisant, et qu’on accompagne. […] Nous avons vu, depuis, les inconvénients de la manière opposée, le débordement des couleurs à tout propos, et le déluge des impressions personnelles. […] Cependant les soins publics ne détournaient point absolument Volney de ses intérêts personnels, et de bonne heure il essaya de les concilier.

320. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Tel est ce poème d’amour libre et charmant, personnel, réaliste, plein de délicats détails visibles et perçus, libre de la rhétorique déclamation de Musset, de la trop pâle mélancolie de Lamartine, mais vif, tendre, amer, violent, sardonique et emporté, le plus bel effort de la lyre allemande. […] À sa nature de poète plus sensible qu’intellectuelle, il fallait l’illusion d’un être qui écoulât ses plaintes secrètes, avec qui il put entrer en contestation dans ses veilles, qui lui promit au bout de sa lente dissolution, avec une consolante immortalité, la permanence de sa vie personnelle. […] Quand on a besoin d’un dieu qui vous secoure, et certainement c’est là le principal, il faut en admettre un qui soit personnel, immatériel, bon, sage, juste.

321. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Car au lieu de me heurter à des apparences verbales et de m’étonner du Poète qui, affreusement atteint par la guerre, la peignait « fraîche et joyeuse » j’aurais dû me concentrer sur une réalité plus profonde, sur ce trou béant par où, sous les bandages, s’écoulait goutte à goutte une vie encore jeune, si précieuse à tous les amoureux des Lettres… Vers un sujet très personnel, je détournai les fureurs publiques que déchaînaient l’actualité et son admirable interprète. […] Les Anglais se distinguent en exécutant ces acrobaties à une moindre hauteur, Mais les aviateurs italiens sont les acrobates par excellence, les jongleurs de l’espace, les clowns infatigables, bizarres et très personnels du grand cirque aérien. […] Par les rythmes berceurs et les cabrements de nos aéroplanes, leurs bizarres zig-zags et leurs hiéroglyphes les plus imprévus, par les cabrioles les plus divertissantes exécutées suivant un dessin voulu, nous manifestons aux foules, du haut du ciel, nos sensations les plus intimes et notre lyrisme personnel d’hommes volants.

322. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans ce Joseph Delorme que j’admire, parce qu’il y a assez de sincérité pour qu’on s’y moque du mensonge, il y a deux inspirations, l’une collective, imitative, compagnonne de toutes les poésies de 1830, poésie partagée, renvoi d’échos et de reflets, large réverbération, étincelante expression d’un temps ou les Partis (les Partis littéraires) prenaient les hommes et fondaient leur individualité dans la leur ; l’autre solitaire, isolée, personnelle, et celle-là, c’est la vraie, c’est celle-là qui a créé la poésie de Joseph Delorme. […] Pour ma part, je ne puis accepter toute celle poésie qu’on fait pour les autres et au nom des autres, et qui ne sort pas saignante ou fleurie de sentiments personnels ! […] remontez donc à l’origine du mot, c’est toujours de la vérité personnelle !

323. (1887) George Sand

Ce seront d’abord les préoccupations personnelles, religieuses et morales qui domineront son esprit et ses œuvres. […] Nous verrons qu’elles procèdent toutes d’un fonds commun d’émotions et de douleurs personnelles, sans être pourtant la confidence et le récit de sa vie. […] On croira peut-être que cette froideur de premier aspect était un fait accidentel, personnel au visiteur inattendu de 1861. […] George Sand ne ménageait pas ce crédit ; sans rien céder de ses opinions personnelles, elle obtenait presque toujours ce qu’elle demandait, et cela fait le plus grand honneur à la solliciteuse et au sollicité. […] Au moins dans l’ordre de ses travaux personnels, elle ne voulait en ignorer aucun.

324. (1925) Comment on devient écrivain

L’originalité consiste surtout dans la façon personnelle de sentir. […] Ce serait une autre erreur de s’imaginer que, pour rester personnel et éviter les réminiscences, il faut s’abstenir de lire. […] C’est le résultat d’une application constante. » Les souvenirs personnels sont à la portée de tout le monde ; ce n’est pas une raison pour que tout le monde y excelle. […] Or, l’intervention personnelle d’un conteur dans ses récits donne à ces récits éternellement l’air de préfaces. […] L’écrivain nous donne dans une œuvre sa conception personnelle de la vie, sa façon de la voir et de la sentir.

325. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Molé nous paraît offrir en lui véritablement cet heureux ensemble de considération personnelle, de politesse, de bon goût et de bon langage, qui désigne et qui, pour ainsi dire, définit avec une bienséance parfaite un membre de l’Académie française.

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