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600. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 445

je lui ai de grandes obligations ; il m’a fait jouer ici un joli personnage !

601. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Doyen » p. 102

Virginie est manquée ; ce n’est ni Appius ni Claudius ni le père ni la fille qui attachent ; mais des gens du peuple, des soldats et d’autres personnages qui sont aussi du plus beau choix ; et des draperies d’un moelleux, d’une richesse et d’un ton de couleur surprenant.

602. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Vous diriez des personnages gothiques bernant un pauvre homme dans la tapisserie dont ils sont descendus. […] Et, ce jour même, il doit se battre, en l’honneur de la dame, avec un certain vicomte de Pont-grimaud, cuistre décrassé qui est le personnage de son nom. […] Ainsi, derrière le bourgeois Poirier, elle a placé le bourgeois Verdelet, un honnête et cordial personnage, plein d’indulgence et de sympathie : à côté du gentilhomme étourdi et futile, elle fait ressortir la mâle et sereine figure du duc de Montmeiran, un grand personnage, celui-là, presque un héros, presque un saint. […] Mais, chose étrange, ce personnage, si flambant au premier acte, va pâlissant et se décolorant de scène en scène : il a trompé le public ; ce n’était que le masque d’un caractère.

603. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Faiseur par pièces et par morceaux, il coupe le fil à son récit et à ses personnages avec des dissertations abominables, dans lesquelles se débattent, comme dans un chaos, les prétentions d’un Trissotin colossal. […] C’est aussi lui le pédant de l’Abîme, comme il le dit d’un des personnages de son Homme qui rit, et plus il va, plus l’abîme se creuse et plus se gonfle le pédant. […] De personnages réels, historiques ou humains, exceptionnels, mais vivants, car l’exception elle-même doit vivre, vous n’en trouverez pas plus ici que de composition. […] Mais que sont les plus longs monologues de ses drames en comparaison des dix et vingt pages que vomissent, les uns après les autres, tous les personnages de l’Homme qui rit, dans leurs plus simples conversations ? […] Comme les autres personnages des œuvres d’Hugo, qui abusent toujours du monologue et qui parlent comme d’intarissables cataractes, la Fléchard n’est pas même dans sa vérité animale quand elle monologue, et pour ce qu’elle dit, on aimerait mieux qu’elle se tût… Courir après ses enfants, qu’elle retrouve au flair comme la chienne, ne serait pas non plus d’un intérêt bien varié s’il ne s’y mêlait les hasards du chemin, et tout cela serait assez vulgaire si l’homme qui fait ombre sur tout dans le roman, le royaliste, l’émigré, le marquis, Lantenac, ne rapportait pas à la mère ses enfants qu’il a sauvés de l’incendie.

604. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Restout » p. 91

Un seul fléchit le genou ; le reste est debout, et l’on cherche en vain le personnage intéressant.

605. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ses personnages parlent peu de leurs affaires, n’y songeant point ; ils vivent, cependant, une intense et délicieuse vie. […] Ces personnages sont des âmes ; leurs passions ne relèvent point de causes sensibles. […] Le personnage souffrant les angoisses traduites dans le quatuor, c’est, à notre gré, Beethoven ou nous-même ; le personnage souffrant les angoisses traduites dans l’opéra, c’est Orphée, Alceste, le héros imposé par le livret de l’œuvre. […] Et quels sont-ils, les personnages ainsi recréés ? […] Les personnages nouveaux, dans les Dialogues philosophiques, reprennent exactement, pour la poursuivre sous d’autres aspects, la théorie des personnages précédents.

606. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

C’est ainsi qu’ayant eu communication des Mémoires, alors manuscrits, de Mme de La Rochejacquelein, revus et en partie rédigés par M. de Barante, il déclarait y avoir trouvé « la jouissance la plus vive que livre puisse jamais procurer. » Il y voyait tout ce qui constitue un morceau accompli d’histoire, « l’harmonie et la justesse d’un style partout adapté à la chose, l’art pittoresque qui met toujours et la scène et les personnages devant les yeux, l’intérêt le plus vif, le plus enthousiaste, le plus vertueux, qu’aucune période de l’histoire moderne ait jamais présenté, un intérêt qui s’attache aux personnes et qui ne se perd jamais dans les masses et les nombres abstraits, comme il arrive trop souvent. » Les Lettres de Mlle de Lespinasse, nouvellement publiées (1809), lui faisaient un effet bien différent ; c’était, pour lui, une lecture singulière qui lui laissait des impressions contradictoires, et où il se sentait quelquefois rebuté par la monotonie de la passion, souvent blessé d’un manque de délicatesse et de dignité dans la victime, mais attaché en définitive par la vérité et la profondeur de l’étude morale : « Un rapprochement, dit-il, que je faisais à chaque page augmentait pour moi l’intérêt de cette Correspondance. […] cet observateur candide est arrivé assez vite à l’analyse parfaite du personnage et à l’explication la plus vraie comme la plus bienveillante. […] Dès qu’on ne l’a plus sous les yeux avec les maux qu’elle engendre et les abus qu’elle éternise, on revient volontiers à une appréciation plus favorable d’une institution qui a eu sa grandeur historique et qui a produit tant de personnages éminents. […] Toutes les circonstances extérieures et sociales empruntées au personnage de Mme Lindsay, et qui étaient faites dans le temps pour donner le change à la curiosité, ne détruisent pas cette vue intime.

607. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

qui en avoit lu la plus grand’part m’avoit commandé de sa propre bouche d’en faire un recueil et les faire bien et correctement imprimer113, je les baillai à un imprimeur sans autrement les revoir, ne pensant qu’il y eût chose qui dût offenser personne, et aussi que les affaires où de ce temps-là j’étois ordinairement empêché pour votre service ne me donnoient beaucoup de loisir de songer en telles rêveries, lesquelles toutefois je n’ai encore entendu avoir été ici prises en mauvaise part, ains y avoir été bien reçues des plus notables et signalés personnages de ce royaume, dont me suffira pour cette heure alléguer le témoignage de M. le chancelier Olivier, personnage tel que vous-même connoissez : car ayant reçu par les mains de M. de Morel un semblable livre que celui qu’on vous a envoyé, ne se contenta de le louer de bouche, mais encore me fit cette faveur de l’honorer par écrit en une Épître latine qu’il en écrivit audit de Morel. […] Par là, Monseigneur, vous pourrez juger si mon livre a été si mal reçu et interprété des personnages d’honneur comme de ceux qui vous l’ont envoyé avec persuasion si peu à moi avantageuse… » Du Bellay continue, en se défendant d’avoir voulu en rien toucher à l’honneur de Son Éminence, ce qui serait à lui « non une méchanceté, mais un vrai parricide et sacrilège ». […] Il voulait, aux approches du jour de l’an de 1560, envoyer à ses amis d’ingénieuses étrennes, et, selon le goût du temps, selon le goût aussi des Anciens qui ont souvent joué sur les noms (nomen omen), il composa en distiques latins une suite d’Allusions 115, dans lesquelles, prenant successivement chaque nom propre des contemporains célèbres, il en tirait, bon gré mal gré, un sens plus ou moins analogue au talent et au caractère du personnage : par exemple, Michel de l’Hôpital semblait avoir reçu son nom tout exprès, puisqu’il était l’hospice des Muses, auxquelles sa maison était toujours ouverte.

608. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

L’idée était fort heureuse d’imaginer une réunion des principaux personnages des états, et de leur faire tenir des discours où ils se trahissent eux-mêmes, et dévoilent leurs motifs intéressés et ceux de leurs amis. C’est de la comédie, quoique d’un ordre inférieur à celle qui démasque les personnages par le soin même qu’ils mettent à se cacher. Mais les caractères en ont de la vérité, soit comme personnages historiques, soit comme hommes de tous les temps ; et l’on se prête volontiers à une fiction qui fait dire aux orateurs ce qu’ils ont le plus d’intérêt à taire. […] Ce personnage, c’est l’archevêque de Lyon.

609. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

En revanche, ils nous font vivre plus près des personnages, et presque respirer le même air. […] Cependant ces portraits ne nous donnent pas tout le personnage ; ils ont été faits, non en face du modèle, mais par induction. La conduite générale du personnage a fourni les traits principaux : le mélange du bien et du mal, dans la même vie, a fourni les contrastes : on dirait un portrait qu’un peintre habile aurait fait d’un inconnu d’après une tradition. […] Que d’esprit, de ressources, de stratégie, dans ces guerres d’intrigue où sont jetés tous les personnages de marque !

610. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Il surgit au temps d’un théâtre, le seul mais qu’on peut appeler caduc, tant la Fiction en est fabriquée d’un élément grossier : puisqu’elle s’impose à même et tout d’un coup, commandant de croire à l’existence du personnage et de l’aventure, de croire, simplement, rien de plus. […] Maintenant, en effet, une musique qui n’a de cet art que l’observance des lois très complexes qu’il se dicte, mais exprime d’abord le flottant et l’infus, confond les couleurs et les lignes du personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus riche de Rêverie que tout air d’ici-bas, déité costumée aux invisibles plis d’un tissu d’accords ; ou va l’enlever de sa vague de Passion, au déchaînement trop vaste pour un seul, le précipiter, le tordre : et le soustraire à sa notion, perdue devant cet afflux surhumain, pour la lui faire ressaisir quand il domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la pensée inspiratrice. […] Dans la première partie sont de curieuses citations, notamment celle-ci de Herder : « Si le musicien ordinaire qui met orgueilleusement la Poésie au service de son art, descendait de ses hauteurs, il s’appliquerait, autant du moins que le permet le goût de la nation pour laquelle il compose, à traduire dans sa musique les sentiments des personnages, l’action du drame et le sens des mots. […] De même encore, Hegel et Wagner sont tous deux extrêmement préoccupés de l’action de l’art dramatique sur le public : le premier, dans le parallèle qu’il établit entre la poésie dramatique chez les anciens et chez les modernes, a marqué, dans le drame ancien « le caractère général éleve du but que poursuivent les personnages » en opposition avec la passion personnelle qui « fait l’objet principal » du drame moderne ; ailleurs, il assigne à l’art, une mission nationale.

611. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Elle est même elle aussi une tragédie à quatre, si l’on compte, comme on le doit, la raison d’État, personnage assurément plus important, personnage moins pâle, personnage plus personnage que ce pauvre Antiochus. […] Les personnages de Corneille n’offensent pas. […] Les personnages de Racine n’ont pas besoin d’une cérémonie rituelle, d’un rite et d’une grossièreté pour offenser. […] Les personnages de Racine offensent constamment, et au fond même ils ne font que cela. […] Les personnages tragiques doivent être regardés d’un autre œil que nous ne regardons d’ordinaire les personnages que nous avons vus de si près.

612. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Et Hokousaï peint, en tête de l’album, une promenade de personnages de la cour dans la campagne. […] Vers ce temps c’est une série de personnages, de paysages, d’oiseaux, de poissons tirés en bleu, contenant une dizaine de planches. […] Mais il s’est trouvé, comme toujours, des personnages bien trop indulgents qui m’ont fait patienter jusqu’au jour d’une dernière et plus grosse faute. […] Dans ce petit livre, chaque personnage, dont on rapporte un acte de la vie, a son nom imprimé près de la représentation de cette action. […] Mais ici Hokousaï supprime les personnages.

613. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

., où l’auteur a pris insensiblement la place de son personnage, c’était l’âme du tyran qu’il s’agissait surtout de nous révéler dans toutes ses profondeurs, avec ses joies dépravées et ses cuisantes tortures, telle en un mot que l’éclairait l’incendie criminel où elle trouvait à la fois un supplice et une fête. […] Il se décrit lui-même fort complaisamment, comme a fait autrefois le sylphe, et comme font assez volontiers tous les personnages du poète.

614. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le sujet, si mince, prend tout de suite de l’agrément, et en quelque sorte un intérêt de curiosité, par l’idée de donner aux discours des personnages la forme et le ton des charlatans de la foire. […] L’arrivée de Perrin Dandin lui donne un air plus vrai que celui de la justice, qui est un personnage allégorique.

615. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

curieux et même très curieux personnage ! […] Eh bien, c’est ce phénomène qui saute aux yeux dans la vie de Gustave III, c’est cet hermaphrodisme de son personnage historique, qu’il eût été intéressant d’étudier et de mettre en valeur dans le récit qu’on eût fait du règne de cet homme qui avait, à la fois, trop et trop peu pour être cette simplicité équilibrée et toute-puissante que l’on appelle un grand homme !

616. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

… Abélard, qui est le héros de cette énorme pièce, ne justifie ni par une scène, ni par un mot, ni par un geste, la grandeur de caractère ou de génie que l’auteur lui accorde dans l’opinion des personnages qu’il mêle à sa vie. […] Quant au Moyen Âge sur lequel se détachent ses personnages, c’est le Moyen Âge ordinaire de tous les théâtres de Paris que Charles de Rémusat fréquentait ; car son fils nous apprend, dans son Introduction, qu’il eut l’idée de son Abélard en sortant d’un autre Abélard, joué à la Gaîté ou à l’Ambigu-Comique.

617. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Jour par jour, on écoute les discours des personnages. […] Cette faculté de pénétrer dans l’âme des personnages fait de l’auteur un psychologue. […] Il l’honore par ses personnages comme par ses théories, et prouve sa croyance par la science et par l’art. […] Il n’est point de personnage qu’il ne fasse vivre, ni de lecteur qu’il ne fasse penser. […] Ici cinq ou six personnages sont tracés à la volée, chacun par un trait unique.

618. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Mais ce petit *** fait son chemin, disait-on à un personnage important dans les jambes duquel *** est toujours fourré. […] « Personnages… . […] Il a des formules de louange appropriées spécialement au caractère du personnage auquel il s’adresse. […] Quand il a bien examiné l’assemblée, et qu’il est convaincu qu’il ne court aucun risque d’être démenti, le personnage amène alors dans la causerie une habile transition pour mettre la littérature sur le tapis. […] Augier que son personnage de Philippe Huguet, qui a vingt-huit ans, soit la personnification bien absolue de la jeunesse ; à vingt-huit ans la jeunesse est déjà un astre voisin de son déclin.

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