Il avait la vie qui n’est pas la passion d’une minute, le pétillement, bientôt éteint, de telle ou telle idée contemporaine. […] Ainsi il admire l’Hôpital et Coligny, ses héros d’opinion, et il admire avec autant de passion sincère le grand François de Guise, par exemple, qui est le héros de l’opinion opposée à la sienne, mais il ne jugera plus avec cette haute et radieuse libéralité les travaux du Concile de Trente, et quand il aura dit des Jésuites « qu’ils eurent le génie de la politique et la passion religieuse », cet écrivain généreux, quand il s’agit de tel homme historique, se croira quitte envers la justice et la vérité.
C’est toujours cet étrange esprit qui ressemble au serpent, qui en a le repli, le détour, la tortuosité, le coup de langue, le venin, la prudence, la passion dans la froideur, et dont, malgré soi, toute imagination sera l’Ève. […] Lorsque, d’un autre côté, cet observateur, digne d’être impersonnel, déclassé par les hasards de la naissance et de la vie, mais naturellement aristocrate comme on doit l’être quand, intellectuellement, on est né duc, revêt par vanité — ce sentiment qu’il raille sans cesse — les plates passions du bourgeois révolutionnaire, c’est-à-dire de l’espèce d’animal qu’il devait détester le plus, et s’ingénie à nous rapetisser Lord Byron parce que Lord Byron était un aristocrate, il nous offre, il faut en convenir, à ses dépens, un triste spectacle. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cet amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société à âme de soixante-dix ans dont il avait écrit encore cette autre phrase : « À Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’immoralité, comme l’athéisme, comme les révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent à mourir.
C’est toujours cet étrange esprit qui ressemble au serpent, qui en a le repli, le détour, la tortuosité, le coup de langue, le venin, la prudence, la passion dans la froideur, et dont, malgré soi, toute imagination sera l’Ève. […] Lorsque, d’un autre côté, cet observateur, digne d’être impersonnel, déclassé par les hasards de la naissance et de la vie, mais naturellement aristocrate, comme on doit l’être quand, intellectuellement, on est né duc, revêt par vanité, — ce sentiment qu’il raille sans cesse, — les plates passions du bourgeois révolutionnaire, c’est-à-dire de l’espèce d’animal qu’il devait détester le plus, et s’ingénie à nous rapetisser lord Byron, parce que lord Byron était un aristocrate, il nous offre, il faut en convenir, à ses dépens, un triste spectacle. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cette amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante, pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société, à âme de soixante-dix ans, dont il avait écrit encore cette autre phrase : « A Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’Immoralité, comme l’Athéisme, comme les Révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent de mourir.
Qu’on nous signale une étude de passion mieux approfondie et plus attachante que celle qu’il a si véridiquement incarnée dans Raymond de Nanjac. […] Il se peut que la passion entraîne quelquefois notre plume ; — ce n’est jamais la préméditation qui la dirige. […] la passion n’implique-t-elle pas la sincérité ? […] La vie, le mouvement, la passion, ont émigré des coulisses dans le foyer. […] Nulle part d’intrigue sérieuse, acceptable ; pas le moindre tressaillement humain ; ni préoccupation de la passion, ni souci de la vie réelle.
Le maestro ne trouve ces phrases que lorsqu’elles lui sont dictées par la présence de sa passion dans son cœur, ou par son souvenir. […] La poétesse trouvera pour la décrire toutes les images qui évoquent l’amour, la tendresse et la passion humaines. […] Pas de déceptions, puisque son amant est le propre reflet de sa propre passion. […] Ses poèmes sont asiatiques par la violence de la passion, et grecs par la ciselure rare et le charme sobre de la strophe. » Cette double qualité, la violence de la passion et la sobriété du style, se retrouve dans l’œuvre de Renée Vivien. […] Ne commande-t-il pas de respecter les hiérarchies établies, de vaincre ses instincts et ses passions pour s’adapter aux mœurs et aux usages de son époque, sans se révolter ?
On ne lui permet pas de contempler les passions comme des puissances poétiques ; on lui ordonne de les apprécier comme des qualités morales. […] Devant des Anglais, il faut être Anglais ; avec leur passion et leur bon sens, prenez leurs lisières. […] Hélène Pendennis, le modèle des mères, est une prude provinciale un peu niaise, d’éducation étroite, jalouse aussi, et portant dans sa jalousie toute la dureté du puritanisme et de la passion. […] Devant cette passion et cette logique, qu’est-ce que Rebecca Sharp ? […] Il faut lire la scène pour sentir ce que ce calme et cette amertume témoignent de supériorité et de passion.
Las de Paris, dont je ne connaissais guère que les rues, et déjà, en somme, passablement refroidi dans ma passion pour les choses nouvelles, je finissais toujours par les trouver de beaucoup au-dessous non-seulement de l’idée que je m’en étais faite dans mon imagination, mais des simples réalités que j’avais pu voir en divers endroits de l’Italie. […] Une sorte de ressemblance entre nos caractères, une même façon de penser et de sentir (bien plus rare, bien plus remarquable chez lui, dont la vie était si différente de la mienne), un besoin mutuel de soulager nos cœurs du poids des mêmes passions, que fallait-il de plus pour nous unir bientôt d’une vive amitié ? […] J’ai pu me tromper dans ma façon de sentir, ou écrire avec trop de passion. Mais peut-il y avoir excès dans la passion que l’on éprouve pour le juste et pour le vrai, surtout quand il s’agit de la faire partager aux autres ? […] Dans celles-ci, je n’étais pas ému, comme dans la dernière, par une passion de l’intelligence, qui, se mêlant à celle du cœur et lui faisant contrepoids, formait, pour parler comme le poète, un mélange ineffable et confus qui, avec moins d’ardeur et d’impétuosité, avait cependant quelque chose de plus profond, de mieux senti, de plus durable.
Ce canard, Werlé en a fait cadeau à la petite Edwige, et l’enfant l’aime et le soigne avec passion. […] C’est que la passion silencieuse de Viola-Silvio a créé autour de lui comme une atmosphère de tendresse dont il est pénétré à son insu. […] Il écrivit, en ce temps de galanterie et de libertinage, le premier roman de passion, et toutes les femmes s’évertuèrent à aimer. […] Ce père entremetteur est absous par ce qu’il y a d’infini dans sa passion paternelle. […] On pourrait dire que l’amour, c’est la passion de la propriété portée à son plus haut degré d’exaltation.
Tout d’un coup une secousse violente avait changé cet instinct en passion et cette opinion en fanatisme. […] Tous les deux cents ans, chez les hommes, la proportion des images et des idées, le ressort des passions, le degré de la réflexion, l’espèce des inclinations, changent. […] Puis la naïade de la vallée, le muguet : — la jeunesse le fait si beau, et la passion si pâle, — que l’éclat de ses clochettes tremblantes se laisse entrevoir — à travers leurs pavillons de verdure tendre. […] My great constituent elements are pride and passion. […] My passions, when once lighted up, raged like so many devils, till they got vent in rhyme.
Leur carrière était assez uniforme dans son heureuse gaieté, et sans autre événement que la passion qui les inspirait. […] Toutes les passions ambitieuses, les haines, les cupidités, les jalousies se déploieront avec une rude et libre franchise. […] Tout ce qu’il y avait de mauvaises et même de bonnes passions, l’ardeur du pillage et le zèle religieux, sont enflammés à la fois. […] Leur langue était celle de la passion délicate, la langue des fêtes et des chants. […] Vous savez aussi que la tradition le suppose épris d’une passion violente pour cette pieuse princesse.
Selon lui, la nature n’est pas en affaiblissement ni en décadence, quoi qu’en disent les partisans exagérés de l’Antiquité : Non, monsieur, la nature n’est pas sur son déclin : du moins ne ressemblons-nous guère à des vieillards ; la force de nos passions, de nos folies, et la médiocrité de nos connaissances, malgré les progrès qu’elles ont faits, devraient nous faire soupçonner que cette nature est encore bien jeune en nous. […] « Qu’on me trouve un auteur célèbre qui ait approfondi l’âme, et qui, dans les peintures qu’il fait de nous et de nos passions, n’ait pas le style un peu singulier ? […] Ils avaient mêmes vices, mêmes passions, mêmes ridicules, (même fonds d’orgueil ou d’élévation ; mais tout cela était moins déployé ou l’était différemment ». […] Le soin infini que met Marianne à ne pas donner son adresse au jeune homme, à Valville, non point par scrupule, mais par vanité, de peur qu’on ne sache qu’elle n’est que chez une marchande ; puis la manière toute simple en apparence dont elle se décide enfin à la donner, c’est encore un de ces sujets où l’auteur s’exerce à plaisir et plus volontiers même que sur la passion.
Ce Saint-Alban père a la passion de l’indépendance ; à peine maître de lui-même, dès sa jeunesse, il s’est affranchi de la gêne des devoirs de la société et s’est livré à un goût raisonné pour le plaisir, avec un petit nombre d’amis ou de complaisants qui formaient une petite secte de philosophes épicuriens dont il était le chef : Le goût des plaisirs, le mépris des hommes, et l’amour de l’humanité et de tous les êtres sensibles, formaient la base de leur système ; mon père (c’est son fils qui parle) méprisait les hommes en théorie par-delà ce qu’on peut imaginer, et cédait à chaque instant à un sentiment de bienveillance et d’indulgence qui embrassait les plus petits insectes. […] On m’a cru misanthrope dans le monde, tandis que la philanthropie était en quelque sorte chez moi une passion. […] L’ambition est une passion dangereuse et vaine, mais ce serait un malheur pour la plupart des hommes que d’en être totalement dénués ; elle sert à occuper l’esprit, à préserver de l’ennui qui naît de la satiété ; elle s’oppose dans la jeunesse à l’abus des plaisirs, qui entraînerait trop vivement ; elle les remplace en partie dans la vieillesse, et sert à entretenir dans l’esprit une activité qui fait sentir l’existence et ranime nos facultés. […] » Je crois qu’en demeurant dans ces termes, et bien en deçà d’une passion qui ferait sourire, on a saisi le point délicat et vif de la liaison de M. de Meilhan avec Mme de Créqui.
ceux-là, ils ont des privilèges, on leur passe tout ; là où ils manquent, on y supplée, on y ajoute ; tout leur est interprété à bien et à honneur, les obscurités, les excentricités, les boutades hors de propos, les écarts de verve ou les éclipses ; on y suppose après coup des clartés, des profondeurs de sens ou de passion, des miracles de fantaisie qui, le plus souvent, n’y ont jamais été, même pour leurs plus proches contemporains. Ainsi pour Rabelais, ainsi pour d’Aubigné poète et pour bien d’autres. — Ainsi pour Vous déjà (car nous voyons sous nos yeux s’accomplir le mystérieux phénomène), ô le plus charmant et le plus ardent des poètes de cet âge, Vous que je n’ai pas hésité à saluer du nom de génie quand vous n’aviez que dix-huit ans, mais qui, dans vos brillants écrits, n’avez pas tenu en entier toutes vos promesses ; qui, au milieu d’admirables éclats de passion, de jets ravissants d’élégance et de grâce, avez semé tant de disparates, de taches et d’incohérences, avez laissé tomber tant de lambeaux décousus ! […] Il n’est pas homme à s’écrier avec un poète moderne7, maudissant les passions que l’on continue à subir sans qu’elles nous plaisent : Je bois avec horreur le vin dont je m’enivre. […] cet écolier que je me figure, qui a respiré la bonne âme de Villon et non la mauvaise, et pour qui le poète, même complètement connu plus tard, était demeuré une passion, il revit de nos jours, il est devenu maître et de la meilleure école, et c’est lui qui a été, cette fois, le commentateur, l’apologiste (là où c’était possible), l’interprète indulgent et intelligent de Villon par-devant la Faculté, et aussi devant le public.
Les erreurs des mortels, leurs fausses passions, Les récits du passé, quelques prédictions Que vous ne recevez que de votre mémoire. […] Après les Cent-Jours, Lamartine ne reprit point de service : une passion partagée, dont il a éternisé le céleste objet sous le nom d’Elvire, semble l’avoir occupé tout entier à cette époque. […] Il existait avant sa passion, il s’est retrouvé après, avec ses grandes facultés inoccupées, irrassasiables, qui s’élançaient vers la suprême poésie, c’est-à-dire vers l’Amour non déterminé, vers la Beauté qui n’a ni séjour, ni symbole, ni nom : Mon âme a l’œil de l’aigle, et mes fortes pensées, Au but de leurs désirs volant comme des traits, Chaque fois que mon sein respire, plus pressées Que les colombes des forêts, Montent, montent toujours, par d’autres remplacées, Et ne redescendent jamais ! […] — Un jour donc, un matin, plus las que de coutume, De tes félicités repoussant l’amertume, Un geste vers le seuil qu’ensemble nous passions : « Hélas !
Pourtant il devint amoureux ; et, sans admettre ici l’anecdote invraisemblable racontée par Fontenelle, et surtout sa conclusion spirituellement ridicule, que c’est à cet amour qu’on doit le grand Corneille, il est certain, de l’aveu même de notre auteur, que cette première passion lui donna l’éveil et lui apprit à rimer. […] L’objet de sa passion était, à ce qu’on rapporte, une demoiselle de Rouen, qui devint madame Du Pont en épousant un maître des comptes de cette ville. […] Le fait principal de ces premières années de la vie de Corneille est sans contredit sa passion, et le caractère original de l’homme s’y révèle déjà. […] Les hommes de Corneille ont l’esprit formaliste et pointilleux : ils se querellent sur l’étiquette ; ils raisonnent longuement et ergotent à haute voix avec eux-mêmes jusque dans leur passion.
On la suit dès le berceau, on assiste à ses jeux, à ses rêveries d’enfance, à son mariage, à sa première vie diplomatique, à ce premier débordement d’imagination qui cherchait un objet idéal, même dans son sage mari ; on la voit, à Venise (1784-1786), laissant s’exalter près d’elle la passion d’Alexandre de Stakieff, le jeune secrétaire d’ambassade, dont elle fera plus tard le Gustave de Valérie, ne favorisant pas ouvertement cette passion, ne la partageant pas au fond, mais en jouissant déjà et certainement reconnaissante. […] Il raconte d’une manière intéressante, mais intéressante à regret, en s’attachant à marquer son dégoût et à exciter le nôtre, la grande aventure de cœur de Mme de Krüdner, durant son séjour à Montpellier (1790), sa première faute éclatante, sa passion pour M. de Frégeville, alors officier brillant de hussards, et que plus tard il rencontra lieutenant-général cassé de vieillesse. […] Voici, j’imagine, à peu près comme il raisonnerait, et j’emprunterai le plus que je pourrai les paroles mêmes des maîtres : « Les dames galantes qui se donnent à Dieu lui donnent ordinairement une âme inutile qui cherche de l’occupation, et leur dévotion se peut nommer une passion nouvelle, où un cœur tendre, qui croit être repentant, ne fait que changer d’objet à son amour194.
Elle parlait avec l’abondance et l’éclat de Vergniaud, mais avec cette amertume de colère et cette âpreté de mépris que la passion d’une femme ajoute toujours à l’éloquence du raisonnement. […] Danton eut le sentiment, souvent la passion de la liberté, il n’en eut pas la foi, car il ne professait intérieurement d’autre culte que celui de la renommée. […] Il avait les vices bas, mais les passions généreuses ; en un mot, il avait un cœur. […] Robespierre, qui a personnifié en lui cette mêlée d’abord sublime, puis hideuse, des pensées et des passions, des philosophies et des fureurs, des principes et des sophismes, des moralités privées et des atrocités publiques, va périr sous la main non de ses ennemis, mais de ses complices.
Pour se défendre d’une prévention si forte, il ne fallait pas moins que la prévention contraire ; encore était-ce trop peu que cette prévention vînt du goût, s’il ne s’y ajoutait la passion contre la personne. […] Sa Henriade réfléchit ses passions, ses humeurs, ses rancunes ; et qui voudrait en faire la recherche y trouverait jusqu’aux accidents de sa santé. […] Dans le galant des deux époques, il y a, outre de l’esprit, du respect pour la femme et pour le rêve de l’amour ; dans les confidences bourgeoises des élégiaques du dix-huitième siècle, il n’y a que les malhonnêtes indiscrétions du plaisir qui se donne l’air de la passion. […] C’est à l’école des élégiaques anciens qu’il apprit l’art si difficile d’idéaliser la passion et de ne montrer de son cœur que ce qui peut toucher le nôtre.
Homme d’un patriotisme sincère, il est évident aujourd’hui qu’en poussant trop au triomphe des passions et à l’explosion des ressentiments populaires, il n’avait pas assez songé au lendemain. […] M. de Lamennais, malgré des passions que ses amis regrettent, a été bien plus naïf, plus simple et plus entraîné. […] Lisez Horace dans ses Épîtres, La Fontaine dans ses Fables : ils n’ont cajolé aucune passion, ni dorloté aucune sottise humaine. […] Mais, à une époque d’effort, de lutte et de calcul, il a su trouver sa veine, il a fait jaillir sa poésie, une poésie savante et vive, sensible, élevée, malicieuse, originale, et il a excellé assez pour être sûr de vivre, lors même que quelques-unes des passions qu’il a servies, et qui ne sont pas immortelles, seront expirées.