Charles Weiss est, dit-on, protestant, mais ce n’est pas un protestant comme il y en avait autrefois lorsque l’examen n’avait pas passé sous son terrible laminoir la substance de toute conviction et n’en avait pas fait de la poussière philosophique sans cohésion et sans résistance. […] À une autre époque que la nôtre, dans un temps où l’on n’eût pas interverti l’ordre de tous les problèmes sociaux, on ne se fût peut-être pas tant préoccupé des conséquences d’une mesure plus haute que des intérêts matériels, et on eût souri du chirurgien, non de la dernière heure, mais de l’heure passée, qui aurait pris avec tant de soins les dimensions qu’il n’a pas à guérir, mais qu’il veut montrer. […] Charles Weiss, qui est passé tout près de cette belle question historique et politique, ne l’a point touchée.
Seulement, j’ose affirmer que de telles rubriques, employées bien plus pour accrocher le public qui passe que pour satisfaire le public qui s’assied, un véritable historien, si jamais on les suggérait à sa pensée, les rejetterait avec le mépris qui convient. […] Dans ce temps du xviiie siècle, dans ce temps d’anarchie si universelle que le désordre semblait passer jusque dans la physiologie humaine, et où des Chevalières d’Éon intéressaient toute l’Europe, la monstruosité s’arrêtait à cette limite, chez Gustave III et Catherine II, que l’homme qui gagne les batailles, l’homme toujours l’épée au vent, quand le danger souffle, était perpétuellement debout en Gustave l’efféminé, dans le Sardanapale au miroir qui ne demandait pas mieux, ma foi ! […] Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus !
Enfin, qu’on me passe le mot ! […] Il y avait là un petit entre-deux difficile à passer sans accroc et sans encombre, et, pour le franchir, M. Honoré Bonhomme s’est donné le mal d’un homme d’esprit qui voudrait que la bosse du chameau n’empêchât pas le chameau de passer par le trou de l’aiguille.
C’est à la réflexion seulement que nous avons compris qu’un livre de cette importance et de cette portée ne pouvait être passé sous silence. […] Sans le chrétien Napoléon, qui se mit tout à coup à faire les affaires de Dieu, et quelques esprits du plus haut parage, comme le vicomte de Bonald, qui, par parenthèse, traita Cabanis dans ses Recherches philosophiques comme plus tard M. de Maistre traita Bacon, le Matérialisme passait presque à l’état d’institution politique. […] Le plus bel effort des esprits vigoureux est de renouer les traditions, en toutes choses, quand elles ont été rompues ; c’est de se rattacher à ce passé qui est toujours une vérité ensevelie.
Un pareil livre ne passe pas. […] Ce livre de moine, écrit dans le clair et profond silence d’une cellule, a rencontré la Gloire, cette fille de la foule et qui passe comme sa mère (Sic transit gloria mundi), mais qui, pour lui, s’est arrêtée. […] Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie.
Diogène, avec le manteau d’Antisthène qu’il avait ramassé à la borne et à travers les trous duquel passait l’orgueil qui crevait les yeux de Platon, Diogène ne buvait dans sa main et ne roulait devant lui son tonneau que pour se passer des hommes et être, tout à son aise, outrageusement insolent avec eux ; mais Benoît Labre, qui s’était fait le pauvre errant dont la main n’avait pas honte de se tendre à l’aumône, ressuscitait, par le spectacle de sa misère, la pitié et la charité dans les cœurs… Ce pauvre volontaire de Jésus-Christ, comme il s’appelait lui-même, fut, à ses risques et périls, tout le temps qu’il vécut, une prédication silencieuse, autrement éloquente que la parole des plus éloquents… C’était, continuée, vivante et incessante, la prédication du sublime sermon sur la montagne, — qu’admirait Rousseau, messieurs les philosophes ! […] Tout en marchant, il secouait ce tison enflammé de la prière, dont les étincelles allumaient, du feu de la Charité et de la Foi, les âmes près desquelles il passait.
De donnée, l’histoire en question, attestée par ces pages, est la plus plate et la plus vulgaire des réalités ; mais ce qui la sauve de la déshonorante admiration de ceux qui, en littérature, aiment la réalité pour sa vulgarité et sa platitude mêmes, c’est l’âme qui passe sur cette réalité et qui y met un accent absolument incompréhensible aux porcs littéraires du Réalisme, qui tracassent, pour l’instant, leur fumier, avec un groin presque superbe ! […] Nous sommes ici bien loin de Joseph Delorme, qui écrivit des Consolations, et qui, depuis, a passé cinquante ans à faire de la petite dentelle littéraire… Georges Caumont, qui ne fait pas de vers, il est vrai, mais dont la prose est « de premier jet et de source colorée dans son sang, noyée dans ses larmes, pourprée dans ses plaies, sa bile et son fiel, ayant des monstres de style pour exprimer des monstres de souffrance », Georges Caumont est une bien autre personnalité que Joseph Delorme et tous les Mélancoliques et les Souffrants de ce siècle, et c’est sa force de personnalité qui le rend intéressant et pathétiquement sympathique, malgré les farouches et délirantes aberrations de sa pensée. […] … Je me le suis demandé plus haut, si cela aurait été meilleur pour sa gloire, en supposant que cet infortuné ait un jour son atome de gloire, de vivre que de mourir ; si, en vivant, il aurait mis un jour au service de quelque grande conception le talent de style contracté, affiné, acéré et passé au feu de toutes les douleurs, un jour ressenties ?
Dans le préjugé général du monde, ce gouvernement passe pour essentiellement colonisateur, quoiqu’on pût démontrer, si on le voulait bien, que là où il a cru fonder des colonies, il n’a créé, en définitive, que des égouts sociaux, des casernes et des comptoirs. […] L’idée chrétienne, qu’il faut saluer partout où elle passe, brille dans le roman américain, mais tronquée, humanisée, et telle qu’elle devient toujours au toucher trop appuyé, du protestantisme. […] Mgr Salvado n’a pas été seulement le charmant et naïf Hérodote chrétien de sa mission apostolique ; il n’a pas seulement tracé l’histoire de la colonie anglaise à travers laquelle il a passé ; mais il nous a donné l’histoire, plus difficile à connaître, de cette curieuse race indigène avec laquelle il a vécu.
Ce sujet est passé de mode… (Souvenirs et Regrets !) […] Il a voulu faire passer un chameau par le trou d’une aiguille ; mais le chameau n’y passe jamais, et les Livres Saints se servent même de cette image pour dire l’impossibilité.
Satan, cette dernière ressource des gens damnés en littérature, n’a point à y paraître comme dans un conte allemand, et on n’y renverse pas le dessus des toits, comme on renverse, dans Le Diable boiteux, le couvercle d’une tabatière, pour voir ce qui se passe dessous ! […] La comédie, qui repose bien plus sur des conventions qu’on ne le croit, ne dit pas un mot de vrai avec ses valets et ses soubrettes, vieux types usés et recrépis par le génie de Molière, que les faiseurs de pièces de cette époque se sont passés de la main à la main. […] Mais le roman y est tel qu’il pouvait se passer du pamphlet et n’en faire pas moins son petit tapage.
Il se passe en effet dans les tissus, dans les organes, des phénomènes vitaux d’ordre physico-chimique dont l’anatomie ne saurait rendre compte. […] Cela permet de faire passer des gaz différents dans l’appareil, si l’on veut, ou bien d’extraire les gaz qu’il renferme pour les analyser. […] Leur petitesse leur permet de passer à travers les filtres, et l’on ne peut s’en débarrasser. […] Des phénomènes analogues d’hibernation se passent sans doute dans les végétaux. […] Cette notion d’éléments sans enveloppe passa aussitôt dans le domaine du règne animai.
Quand il tomba, la Démocratie était passée à l’état de religion. […] Elle passe avec lui. […] Toutes les nuances de sensibilité qui ont été celles de ces Baillard, déjà noyés dans le passé, mais un passé tout voisin, il les porte en lui. […] Pour un géomètre, les avatars, par lesquels a passé un théorème, n’importent point. […] Ensuite il passe au Mort-Homme.
La pièce se passe à l’entrée même, au seuil du bois consacré aux Euménides. […] Tout cela se passe, non point en vingt-quatre heures, mais en deux heures ; et, depuis le retour de Thésée jusqu’au moment où il s’aperçoit qu’il a fait une bêtise énorme, elles se passent, elles peuvent se passer en une heure, ou même moins. […] Il me passa votre article des Débats. […] C’est dire que j’étais passé tout de suite dans votre camp. […] Celui qui l’écrira ne pourra se passer ni des ouvrages de M.
Ils font en grand le même pas que les mathématiciens lorsqu’ils ont passé de l’arithmétique à l’algèbre, et du calcul ordinaire au calcul de l’infini. […] Des fumiers, il était passé à l’administration et à l’épicerie : quelle vie pour un tel homme ! […] Ils ne connaissent les temps passés et les pays lointains qu’en antiquaires et en voyageurs. […] On l’enveloppait nu dans la peau chaude d’un mouton tué à l’instant, et il rampait dans cet attirail, qui passait pour un spécifique. […] Toutes ses peintures d’un passé lointain sont fausses.
Puis la nostalgie d’autres cieux le prend : il passe en Italie. […] Il a passé la cinquantaine. […] Mallarmé a passé sur sa tête. […] Le mouvement comprimé, il passe en Espagne. […] La science passera et les emportera comme des feuilles sèches !
Il était, s’il est permis de traduire ainsi les cœurs, il était de ceux qui, en ces heures mémorables où il fallut faire acte de sacrifice, retrouvèrent la foi catholique par l’honneur même, et qui, se relevant des fragilités de leur passé, redevinrent véritablement chrétiens à force d’être honnêtes gens. […] Cinq longues années se passèrent de la sorte, fort adoucies sans doute par les visites d’amis, par des voyages et des séjours que bientôt Bernis put faire dans le Midi chez les personnes de sa famille, mais enfin cinq années d’exil et d’éloignement obligé du monde. […] C’est à quoi il ne manque pas ; Bernis a le mérite de rester lui-même dans cette correspondance ; il sait entendre la raillerie, et il sait aussi l’arrêter discrètement au moment où elle passerait le jeu. […] Voltaire le complimente au moment où il apprend qu’il va être promu au cardinalat : « Je dois prendre plus de part qu’un autre à cette nouvelle agréable, puisque vous avez daigné honorer mon métier avant d’être de celui du cardinal de Richelieu. » Il pousse la flatterie en ce moment jusqu’à lui dire : « Je ne sais pas si je me trompe, mais je suis convaincu qu’à la longue votre ministère sera heureux et grand ; car vous avez deux choses qui avaient auparavant passé de mode, génie et constance. » La correspondance ensuite ne reprend que trois ans après, pendant la disgrâce de Bernis (octobre 1761) : « Monseigneur, béni soit Dieu de ce qu’il vous fait aimer toujours les lettres ! […] Il ne regrette point le ministère aux conditions où il l’a laissé, et il résume lui-même sa situation politique par un de ces mots décisifs qui sont à la fois un jugement très vrai, et un aveu honorable pour celui qui les prononce : « Je sens avec vous combien il est heureux pour moi de n’être plus en place ; je n’ai pas la capacité nécessaire pour tout rétablir, et je serais trop sensible aux malheurs de mon pays. » Et il essaye de se consoler de son mieux, de se recomposer, dans cette oisiveté, quoi qu’il en dise, un peu languissante, un idéal de vie philosophique et suffisamment heureuse : « La lecture, des réflexions sur le passé et sur l’avenir, un oubli volontaire du présent, des promenades, un peu de conversation, une vie frugale : voilà tout ce qui entre dans le plan de ma vie ; vos lettres en feront l’agrément. » Ce dernier point n’est pas de pure politesse : on ne peut mieux sentir que Bernis tout l’esprit et la supériorité de Voltaire là où il fait bien : « Écrivez-moi de temps en temps ; une lettre de vous embellit toute la journée, et je connais le prix d’un jour. » La manière dont Voltaire reçoit ses critiques littéraires et en tient compte enlève son applaudissement : « Vous avez tous les caractères d’un homme supérieur : vous faites bien, vous faites vite, et vous êtes docile. » Bernis n’a pas, en littérature, le goût si timide et si amolli qu’on le croirait d’après ses vers.
Cette position de ministre en expectative se prolongea assez longtemps pour M. d’Argenson, qui s’en accommodait fort bien ; on sentait autour de lui qu’il le deviendrait tôt ou tard : « Mes bonnes intentions, dit-il, et des méditations fort sérieuses que j’ai faites sur les affaires d’État, commencent à percer beaucoup dans le monde ; à quoi joignant de la retraite qui me donne de la rareté, cela me fait passer pour un homme singulier dans le bien, et bien des gens qui ne me connaissent que d’imagination me prônent et m’élèvent. » Il lui venait des offres de services ; on lui proposait de le pousser auprès du roi par les domesticités ; des financiers habiles et administrateurs émérites (un M. de Bercy, gendre de l’ancien contrôleur général Desmarets), lui proposaient de servir sous lui en second, de travailler sous ses ordres, ce qu’ils ne feraient avec personne autre, et qu’il se laissât porter au ministère des finances : « Voilà de l’intrigue, car il en faut, ajoute en toute bonhomie M. d’Argenson, et heureusement j’y suis passivement. […] du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur. […] On l’avait fait passer en dernier lieu près du roi pour « incapable de toutes affaires publiques (pour un utopiste comme nous dirions)19 ; et toutes voies désormais lui étaient fermées. » Le fond de son cœur, à cette occasion, nous est révélé dans une sorte d’épanchement involontaire qui se trouve au milieu de ses Remarques sur ses lectures, et qui a pour titre assez singulier, De la Providence : « Que l’idée de la Providence est aimable ! […] Son premier étonnement passé, il redevint aisément, le lendemain de sa sortie du ministère, ce qu’il était la veille, un homme studieux, un grand lecteur, l’étant avec délices, faisant de son cabinet son royaume et son monde, et plein de pensées et d’observations sur les livres et sur les choses· En lisant ce qu’il a ainsi écrit pour lui seul et dont on a le recueil depuis 1742 jusqu’en 1756, au milieu des mille variétés de chaque jour, je suis frappé d’une remarque fréquente et suivie, d’une plainte qui revient sans cesse sous sa plume jusqu’en 1750 : elle tient de près à ce que nous l’avons déjà vu dire à propos de son frère sur le genre frivole et léger, sur l’esprit de moquerie et de malice qui détruit tout, et sur l’absence de cœur et d’amour du bien. […] On suit bien chez d’Argenson la maladie qui précéda cette venue de Rousseau, le persiflage par bel air ou l’affectation fausse de sensibilité de la part de ceux qui en manquaient le plus : « On ne voit, dit-il énergiquement, que de ces gens aujourd’hui dont le cœur est bête comme un cochon, car ce siècle est tourné à cette paralysie du cœur ; cependant ils entendent dire qu’il est beau d’être sensible à l’amitié, à la vertu, au malheur ; ils jouent la sensibilité presque comme s’ils la sentaient. » Le grand mérite de Rousseau fut de sentir avec vérité ce qu’il exprima avec force et quelquefois avec emphase : car par lui on passa brusquement de la presque paralysie du cœur à une sorte d’anévrisme soudain et de gonflement impétueux.
Il a tracé de ce salon célèbre et de sa confusion première un piquant tableau : « Le salon de Mme de Staël se trouvait alors peuplé, disait-il, de quatre à cinq tribus différentes : des membres du gouvernement présent, dont elle cherchait à conquérir la confiance ; de quelques échappés du gouvernement passé, dont l’aspect déplaisait à leurs successeurs ; de tous les nobles rentrés, qu’elle était à la fois flattée et fâchée de recevoir ; des écrivains qui, depuis le 9 thermidor, avaient repris de l’influence, et du Corps diplomatique, qui était aux pieds du Comité de Salut public en conspirant contre lui. » « Au milieu des conversations, des actes, des intrigues de ces différentes peuplades, ma naïveté républicaine se trouvait fort embarrassée. […] Quand je me rapprochais du petit nombre de terroristes déguisés qui avaient survécu, j’entendais dire qu’il fallait exterminer le nouveau gouvernement, les émigrés et les étrangers ; quand je me laissais séduire par les opinions modérées et doucereuses des écrivains qui prêchaient le retour à la morale et à la justice, on m’insinuait à la deuxième phrase que la France ne pouvait se passer d’un roi, chose qui me choquait singulièrement. […] En effet, cet article du 19 mars 1815, si l’on s’en souvient, où il se déchaînait en style d’émigré contre Bonaparte, Attila et le Gengiskhan moderne, se terminait par une profession de foi, et cette profession de foi elle-même se couronnait par un serment que personne ne lui demandait et qu’il proférait devant tous, la main étendue et comme à la face du Ciel : « … Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme, et balbutier des mots profanes pour racheter une vie honteuse. » Quand Lamennais s’écria dans un moment solennel : « Je vous ferai voir ce que c’est qu’un prêtre », et qu’ensuite il donna à cet engagement si éclatant le démenti qu’on sait, il eut beau faire désormais, être un grand écrivain, et plus grand même que par le passé, un homme sincère, désintéressé, un cœur dévoré de l’amour des hommes : il se déconsidéra. […] Quand on a imprudemment allumé de tels phares aux sommets opposés du détroit dans les crises et les périls de sa vie publique, on ne peut espérer ensuite de passer pour un homme qui n’a cessé d’avoir une pensée unique pour boussole. […] Un jeune écrivain de mérite, et qui en est à recommencer pour son compte une des phases par lesquelles notre génération a passé, s’étonnait l’autre jour que la France fût restée indocile ou infidèle à tant de belles etjustes leçons professées dans un style clair, limpide, par un écrivain doué de « ce bon sens souverain qui commande même au génie. » Nous lui donnons ici une des mille raisons de ce peu de succès. « On a honte, dit M.
Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir. […] Puis à défaut de Saint-Domingue, se voyant chaque jour menacé en France et en pure perte, il songe à passer en Angleterre. […] M. de Chauvelin ne veut pas prendre sur lui de lui expédier de passe-port, et Malouet écrit sur le bureau même de l’ambassadeur sa demande à la Convention, laquelle, en la recevant, passa à l’ordre du jour, non sans avoir ordonné que le nom du signataire fût inscrit sur la liste des émigrés. […] La scène se passe au jardin du Luxembourg. […] -vous-en. » — « Je vous rends grâce de la permission, je pourrai bien en user. » — Telle fut notre conférence dans l’arsenal, en présence des principaux officiers du port, et, dans les deux jours qu’il passa à Anvers, il fut très aimable ; il m’accorda tout ce que je lui demandai pour mes subordonnes ; mon état-major fut augmenté : il vint dîner chez moi, remarqua avec un air d’embarras la simplicité de mon ameublement qu’il avait réduit au moindre terme, en le fixant à 15,000 francs.