Rien de pareil ne s’est passé chez les Anglais. […] Comme le Songe d’une nuit d’été, la Tempête est peuplée de sylphes, d’esprits, et tout s’y passe sous l’empire de la féerie. […] Cette habitation, demeurée quelque temps dans la famille Nash, avait depuis passé dans plusieurs mains, et la maison avait été rebâtie, mais le mûrier restait sur pied, objet de la vénération des curieux. […] Dans le cœur seul de l’homme peut se passer le fait dramatique ; l’évènement qui en est l’occasion ne le constitue point. […] Le système classique est né de la vie et des mœurs de son temps ; ce temps est passé : son image subsiste brillante dans ses œuvres, mais ne peut plus se reproduire.
À cause de l’eau qui a passé sous les ponts. […] Puis le don Juan espagnol passe en Italie. […] La scène se passe aux derniers jours du monde. […] Saurai-je me passer de celles-là ? […] Un Parisien passe l’hiver à Monaco et l’été à la mer.
Le temps passa et l’argent n’arrivait pas. […] La pauvre fille passe maintenant sa vie à pleurer et à prier. […] Ils passent à côté l’un de l’autre sans paraître se voir ! […] Qu’est-ce que c’est que cette tache obscure qui passe sur le mur ? […] sur les heures que je passe avec elle ?
Ils répondent à ce besoin de perpétuité et de tradition qui est une vertu nationale ils témoignent du respect que doit avoir toute grande nation pour son passé. […] L’art devient un fruit du sol, fécondé, en quelque façon par la connaissance du passé. […] Je sais que ce désordre, chez les écrivains habiles, n’est qu’une interversion calculée et savante de l’ordre naturel ; mais encore, pour s’y reconnaître, faut-il que l’esprit passe par deux états. […] Ici et là, par des raisons différentes, on passe tout à l’écrivain en Angleterre, parce qu’il distrait des affaires ; en Allemagne, parce qu’il est, dans un certain ordre, la seule affaire du pays. […] C’est ainsi que les choses se passent dans notre pays.
Que va-t-il donc se passer si ce groupe ancien adopte, sous couleur d’idée générale, les freins fabriqués par un groupe étranger ? […] Il convient de se demander si la fascination du passé n’est pas de nature à causer un danger analogue. […] Le Bovarysme du passé a été observé à notre époque avec une vue singulièrement perspicace. […] Le lien qui rattache le passé au présent et forme avec ces deux fragments de la durée une même réalité avait été jusque-là allongé par les hommes à mesure que les temps nouveaux, s’éloignant des périodes anciennes, en différaient insensiblement. Il a semblé tout à coup, en présence du brusque élan de notre époque, que l’avenir s’éloignât désormais du passé d’une fuite trop prompte pour qu’il fût possible encore d’allonger le lien ; il a semblé qu’il le fallût briser.
Ceux qui n’ont pas assez de force pour se refaire un avenir ferment les yeux au passé. […] A l’infini, dans les cieux en apparence immobiles, se passent des drames analogues au drame de la vie sur la surface de notre globe. […] Voici une des pensées les plus originales et les plus profondes qui résultent de cette vision du Tout éternel et éternellement indifférent : c’est que ce n’est pas ce qui est éternel qu’il faut aimer, mais ce qui passe, parce que c’est ce qui passe qui souffre. […] Sa philosophie est celle d’un souffrant, toute d’élans, de cris et de sanglots ; et après tout, c’est peut-être l’éternelle philosophie, celle qui est assurée de ne point passer comme tel ou tel système. […] … Celles-là, décrivant des cercles sans compas, Passèrent une nuit, ne repasseront pas.
Entre la science et l’art il n’y a plus un abîme ; mais on passe de l’une à l’autre sans solution de continuité. […] Dans ce cas, le seul type normal qui soit dès à présent réalisé et donné dans les faits est celui du passé, et pourtant il n’est plus en rapport avec les nouvelles conditions d’existence. […] Les seules modifications normales par lesquelles elles passent sont celles qui se reproduisent régulièrement chez chaque individu, principalement sous l’influence de l’âge. […] Après avoir établi par l’observation que le fait est général, il remontera aux conditions qui ont déterminé cette généralité dans le passé et cherchera ensuite si ces conditions sont encore données dans le présent ou si, au contraire, elles ont changé. […] De même, l’application d’un remède, étant utile au malade, pourrait passer pour un phénomène normal, alors qu’elle est évidemment anormale, car c’est seulement dans des circonstances anormales qu’elle a cette utilité.
Les probabilités et les rêves ne sont que des amusettes par-dessus le marché ; la petite pièce pour faire passer la grande ! […] Boissier, qui croyait que le monde pouvait très bien se passer de la morale chrétienne et que le stoïcisme suffisait. […] Renan a pris la mesure de son grand homme, et pour un critique qui ne se pique que de critique et de scrupule dans la Critique, cela peut paraître, qu’on me passe le mot, un peu lâché ! […] Ce qui importe, à moi, plus que ces détails, qui, d’ailleurs, passent trop vite sous nos yeux pour que nous puissions constater la valeur de chacun des grains de poussière qui composent cet incroyable tourbillon d’idées religieuses que l’avènement du Christianisme avait fait lever par toute la terre ; ce qui m’importe, à moi, c’est le nombre de ces idées religieuses ! […] Le classé d’Académie a sa case dans l’opinion comme un saint en pierre a sa niche, mais on passe devant, sans le regarder.
Mais on n’y reconnaît plus ici le pinceau qui fit passer devant nos yeux, dans Lélia, le prêtre Magnus et le cardinal Annibal. […] L’idée qui a passé (sous l’empire de qui ou de quoi ?) […] Après l’avoir voulu individuel, et d’une individualité noire et terrible, voilà que Feuillet, comme s’il avait peur du type qu’il a évoqué, le passe à la pierre ponce et l’efface. […] J’ai vu le même moment passer pour Les Amours de Philippe. […] Lui, n’a pas bougé. — Il a dédaigné de descendre jusqu’au fleuve de fange du réalisme, qui est le Rubicon du temps et que passent tous les Laridans qui se croient des Césars !
» Un ne pouvait dire plus de choses en moins de mots : mais, comme il suffisait de dire : « Je ne le trouvai pas chez lui », le grand nombre des circonstances fait longueur… La clarté consiste à dire d’abord ce qui s’est fait dès le premier instant, à garder l’ordre des temps et des faits, à raconter les choses comme elles se sont passées ou auront pu se passer. […] Comme il traversait ainsi la forêt, un homme de mauvaise mine, sans autre vêtement qu’une méchante cotte blanche, se jette tout à coup à la bride du cheval du roi, criant d’une voix terrible : « Arrête, noble roi, ne passe pas outre, tu es trahi ! […] L’histoire a répudié le ton oratoire et moralisant des anciens : elle n’admet l’évocation dramatique des temps passés que si elle éclaire l’enchaînement des causes et des effets dont le tissu est vraiment l’histoire.
Depuis longtemps je n’ai passé de plus agréable soirée qu’hier ; il y a dans la petite scène que M. […] On dirait qu’il n’a passé par le groupe parnassien que pour exercer sa forme et la rompre à toutes les difficultés. […] Le poème d’Olivier épris douloureusement d’un amour virginal et qui voit son rêve flétri par le souvenir des débauches passées, aurait charmé le Sainte-Beuve analyste des Pensées d’août. […] Coppée, lui, l’a réalisée ; il y est d’abord passé maître ; et c’est le souvenir qu’éveille d’abord son nom.
La philologie conçue comme l’illustration du passé. […] Il ne s’agit pas d’étudier le passé pour le passé. […] La philosophie ne peut se passer de science.
Le grand Alcandre, pour avoir le plaisir de voir madame de Montespan, allait plus souvent chez madame de La Vallière, et madame de La Vallière, se faisant l’application de ces nouvelles assiduités, en aimais davantage encore madame de Montespan… Mais enfin… elle s’aperçut bientôt de la vérité… elle se plaignit au grand Alexandre, qui lui dit qu’il était de trop bonne foi pour l’abuser davantage ; qu’il aimait madame de Montespan ; mais que cela n’empêchait pas qu’il ne l’aimait comme il devait, et qu’elle devait se contenter de ce qu’il faisait pour elle… Nouveaux pleurs, nouvelles plaintes… Mais le grand Alcandre n’en étant pas plus attendri, lui dit une seconde fois que si elle voulait qu’il continuât de l’aimer, elle ne devait rien exiger de lui au-delà de sa volonté ; qu’il désirait qu’elle vécût avec madame de Montespan comme par le passé, et que si elle témoignait la moindre chose de désobligeant à cette dame, elle l’obligerait à prendre des mesures. […] Je prie donc qu’on me passe des détails qui n’ont d’autre intérêt que celui de fixer des dates contestées et nécessaires. […] Après la prise de Tournay, le roi vint passer quelques jours à Compiègne. […] Mais qu’il n’y ait pas trouvé quelque rapport avec ce qui se passait à la cour ; qu’il n’ait pas vu, pas soupçonné que la situation du marquis de Montespan eut quelque rapport avec celle d’Amphitryon, celle de Louis XIV avec celle de Jupiter, qu’il n’ait eu aucune intention en disant dans sa pièce : Un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore, c’est ce qu’il est difficile de croire d’un homme qui était au courant de toutes les aventures galantes de la cour, et ne négligeait, que dis-je ?
Si on trouvait leurs lettres, on en tirerait de grands avantages… On apprendrait toute la politesse du style et la plus délicate manière de parler sur toute chose Elles ont su les affaires de tous les états du monde, toutes les intrigues des particuliers, soit de galanterie ou d’autres choses où leurs avis ont été nécessaires… C’étaient des personnes par les mains desquelles le secret de tout le monde avait à passer. […] « Elle aime toujours son cher Philadelphe ; il est vrai qu’afin de faire vie qui dure, ils ne se voient pas si souvent : au lieu de douze heures, par exemple, il n’en passe plus chez elle que sept ou huit. […] Mais enfin, sans querelle, sans reproche, sans éclat, sans le chasser, sans éclaircissement, sans vouloir le confondre, elle s’est éclipsée elle-même ; et, sans quitter sa maison, où elle retourne encore quelquefois, sans avoir dit qu’elle renonçait à tout, elle se trouve si bien aux Incurables, qu’elle y passe quasi toute sa vie, sentant avec plaisir que son mal n’était pas comme celui des malades qu’elle sert. […] Il y avait madame de La Fayette, madame Scarron, Segrais, Caderousse, l’abbé Testu, Guilleragues, Brancas. » Nous aurons peut-être occasion de parler plus tard de l’étrange passion de ce comte de Brancas pour madame de Coulanges ; passion qui, lorsque le roi passait insensiblement de la galanterie à la piété, c’est-à-dire de madame de Montespan à madame de Maintenon, prit une couleur de dévotion bizarre, dont il n’appartenait qu’à un courtisan de concevoir l’alliage avec la galanterie, et à la plume de madame de Sévigné de faire la peinture.
Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées. Le charme des musiques devra de même être reproduit après leur analyse ; l’intime éclosion de rêves et d’actes que provoque le lent essor d’une voix dans le silence d’une nuit, le ravissement des mélodies, le suspens des longues notes tenues, le heurt douloureux des cris tragiques sera décrit et rappelé, comme les mâles et sobres éclats des pianos, le jeu des souples doigts, les élans atrocement rompus des marches, les prestos envolés, retombants, et voletants, ou la grave insistance de ces andantes qui paraissent exhorter et calmer et apaiser les sanglots qui traînent sur le pas des suprêmes décisions ; les violons nuanceront tout près de l’oreille et de l’âme leur voix sympathique, âpre et chaude, et l’on entendra passer leur chant captif sur les sourds élans des contrebasses, l’embrasement suprême des cuivres, le ricanement sinistre des hautbois, unis en cette gerbe montante de sons, de formes et de mouvements, qui s’échappe des orchestres et porte les symphonies. […] Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante. […] Pater et Vernon Lee, les romanciers archéologues tels que Flaubert, se sont servis pour décrire les milieux humains passés et disparus, sera ici mis à profit avec de plus importants résultats, puisque cette enquête par le dehors, par le visible, par ce dont l’histoire rend témoignage, aura été précédée et affirmée par des données probables ou sûres sur l’intérieur, sur le gros mécanisme mental de ces gens que l’on va dresser en pied dans leur chair et leur costume.
La Mothe, après avoir passé toute sa vie à faire des vers, finit par les décrier. […] Il compara les plus grands versificateurs à des faiseurs d’acrostiches, & à un charlatan qui fait passer des grains de millet par le trou d’une aiguille, sans avoir d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue . […] Pour faire passer ses idées, & pour engager les jeunes gens dans la route qu’il étoit tout glorieux de leur tracer, il ne parla d’abord de mettre en prose que les pièces de théâtre. […] La dispute, concernant la rime, se passa presque entre les mêmes personnes.
C’est par-là qu’il fait passer ce propos populaire, arrive en trois bateaux ; on pardonne ce trait en faveur de 146 l’argent qu’on rendra à la porte. […] Tous deux la contestaient, lorsque dans leur chemin, La justice passa la balance à la main. […] Voilà comme cela a dû se passer. […] Que La Fontaine adopte ce conte ridicule sur Empédocle, on peut le lui passer ; mais comment lui pardonner l’Empédocle de cire ?
L’histoire d’une école militaire, quelques services qu’elle ait rendus à la patrie, n’est, après tout, que l’histoire d’une armée… future, c’est-à-dire, qu’on nous passe le mot ! […] Si admirablement élevés qu’aient été nos officiers sortis de Saint-Cyr depuis 1805, — et même en raison de cette éducation militaire qui passe l’uniforme à l’esprit, — ils ne représentent pas la société de leur temps dans toutes ses nuances, comme ces belles jeunes filles, qui touchaient, elles, par tous les points de leur éducation et de leur vie, à toutes les idées et à tous les sentiments du xviie siècle, représentent celle du leur et la traduisent à l’imagination charmée. […] il est assez de favorites et de maîtresses dans l’histoire du passé, et même de maîtresses devenues des épouses ; mais prenez-les toutes et comparez-les à madame de Maintenon, vous aurez la mesure de sa grandeur ! […] Imposante, originale et profonde figure, près de laquelle les historiens passent trop vite, et qu’ils devraient plus attentivement regarder.
Chose étrange au premier coup d’œil, mais qui n’étonne pas ceux qui connaissent la philosophie, c’est individuellement (qu’on me passe ce mot !) […] Elle se sait de ce vieux xixe siècle, profondément et presque exclusivement historique, comme tous les vieillards, qui n’ont plus d’autre fonction dans le monde que de raconter le passé, et c’est la science historique, la science même du siècle, qu’elle vient dresser, dans la plus monstrueuse de ses négations, contre la divinité de Notre-Seigneur. […] Comme la révolution du passé, qui, dans sa familiarité sacrilège et par la bouche de ses plus cyniques enthousiastes, faisait du Fils de Dieu un sans-culotte, la révolution de l’avenir a, pour son propre compte, recruté aussi au Calvaire et métamorphosé Notre-Seigneur en un socialiste anticipé. […] Et véritablement, dans un temps où l’archéologie religieuse est en honneur et refleurit de toutes parts, elles offriront plus d’intérêt peut-être aux esprits curieux des choses du passé que si elles avaient appartenu à une pensée contemporaine.