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310. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

M. de Lamoignon père ayant été nommé chancelier de France en 1750, Malesherbes lui succéda en qualité de premier président de la Cour des aides ; dès lors il appartient aux grandes charges, et sa vie publique commence. […] En même temps qu’il présidait à la Cour des aides, il se trouva chargé par le chancelier son père d’une place de confiance des plus délicates, celle de directeur de la Librairie. […] Malesherbes, qui était d’ailleurs premier président de la Cour des aides, ne pouvait donc consentir à remplir une mission aussi arbitraire, d’une juridiction si peu définie et d’une responsabilité si périlleuse, que pour obliger son père, et aussi dans l’intérêt des lettres et des sciences, qu’il aimait si vivement, et auxquelles il pouvait être utile. […] On ne peut contenter tout le monde et son père ; il l’éprouva dans son administration et dut se le redire bien souvent ; ce qui n’empêcha point que, le lendemain de sa démission, il ne fût universellement regretté de tous les gens de lettres. […] Et ici il le pouvait moins que jamais ; car il était indirectement blâmé lui-même et un peu abandonné par son père, « chez qui le respect pour la religion qu’on disait offensée avait prévalu sur toute autre considération ».

311. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

C’est le fils qui connaît le mieux le père ; la piété filiale est le génie d’un biographe. […] Son père, président de ce qu’on appelait le sénat de Savoie, eut dix enfants. […] À l’époque de mon mariage, qui fut célébré à Chambéry, le comte Joseph de Maistre fut choisi par mon père absent pour le représenter au contrat et pour me servir ce jour-là de père. […] Le comte d’Andezenne, général piémontais, gouverneur de Savoie, servait de père à ma fiancée. […] Le gouverneur de la Savoie fut appelé le premier par sa qualité de père de la fiancée et par son rang de représentant du souverain dans la province.

312. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Dans les drames, quand le père frotte sa fille retrouvée comme les boutons de son gilet, ça m’est absolument indifférent, je ne vois que les plis de la robe de sa fille. […] Du reste, un chef de famille pas commode ; notre père qui était chef d’escadron à vingt-cinq ans et qui passait pour un vrai casse-cou parmi ses camarades de la Grande Armée, racontait qu’il lui arrivait de garder dans sa poche, huit ou dix jours, une lettre de son père, avant d’oser l’ouvrir. […] L’oncle que nous venons de perdre était le frère aîné de notre père. […] Vieil ami, ce Colardez, vieux complice de mon père dans les luttes électorales, et vieil hébergeur de la famille de père en fils. […] — Il est en fuite, il répondait pour son père, son père a croulé. — Et l’autre si gai ?

313. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Elle s’est passée au milieu d’une maison sans argent, sous un père changeant tous les jours d’industrie et de commerce, dans le brouillard éternel de cette ville de Lyon, déjà abominée par cette jeune nature amoureuse de soleil. […] Et à l’église, ma pensée va au souvenir du petit enfant qu’il était, quand son père l’a envoyé, la première fois, chez moi. […] La maison est égayée par un enfant intelligent et beau, sur la figure duquel, se trouve, joliment mêlée, la ressemblance du père et de la mère. […] En ce jour, nous rappelant Sedan, j’ai vu, avec le soleil levant, arriver dans le jardin, le père et la mère Kallenberg, qui, avec des gestes de pontifes, ont hissé le pavillon aux couleurs allemandes. […] J’avais douze ans, quand mon cousin, le père de celui-ci, à la descente de la diligence de Troyes, m’acheta une blouse blanche, pour mettre sur mes vêtements de petit parisien.

314. (1774) Correspondance générale

Mais, au nom de Dieu, mon révérend Père, à quoi pense le P. […] Vous le dirai-je, mon révérend Père ? […] où est le père qui ne l’acceptât avec transport pour son enfant ? […] Desgrey père était forgeron, mon père l’était aussi. […] S’il y eut jamais un père heureux, c’est moi.

315. (1923) Nouvelles études et autres figures

Le père du poète avait laissé en mourant un héritage et deux fils. […] Ainsi parla Zeus, et le père des hommes et des dieux rit. […] Les Pères possédaient trois théâtres : autant que de chapelles. […] Le père entra dans le jeu. […] Son père remarié la tenait enfermée dans un couvent de Pise.

316. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

C’est à Moor-Park, en 1696, qu’il résigna son bénéfice de Kilroot, et non pas à Kilroot même, ni en faveur d’un père de famille, âgé et pauvre, comme on l’a souvent répété. […] Leur père mourut qu’ils étaient jeunes encore, et les assemblant autour de son lit de mort, il leur dit : Mes fils, je n’ai acquis aucune propriété et je n’ai hérité d’aucune ; j’ai longtemps pensé à vous laisser quelque bon héritage, et enfin avec beaucoup de soins et de dépense, j’ai acquis pour chacun de vous un habit neuf ; les voici. […] Car, mes frères, ne vous souvenez-vous pas d’avoir entendu comme moi, quand nous étions enfants, quelqu’un dire qu’il avait entendu le domestique de mon père dire que mon père donnerait volontiers le conseil à ses enfants de porter des galons d’or, aussitôt qu’ils auraient de l’argent pour en acheter ? […] En outre, ils ne les portaient pas dans le sens interdit par leur père, etc., etc. […] L’intempérante exaltation de Jacques, ses longues prières, sa brutalité, sa recherche affectée de la persécution, l’abus qu’il fait du testament de son père, sans cesse appliqué aux plus vils usages et employé comme une panacée universelle, enfin son alliance désespérée avec Pierre contre Martin, donnent au type des Dissidents une vie et une réalité admirables.

317. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Ce qui prouve, du reste, la triple absence de l’aperçu, de la sensibilité et de la science réelle en Villemain, c’est qu’au meilleur moment de sa jeunesse et de sa force il n’ait cherché dans les Pères et dans l’étude de leurs écrits qu’une raison et qu’un moyen d’enseigner l’éloquence, comme si l’éloquence s’enseignait ! […] Cette fille d’académicien, et d’un académicien qui a passé sa longue vie à faire des éloges académiques, ne sent nullement dans cette préface son origine, et elle n’a point académisé sur son père. […] Il ne pouvait pas comprendre la nature éloquente, violente et passionnée jusqu’aux larmes de Fox, de ce fastueux et furibond mauvais sujet de Fox, de ce Mirabeau anglais qui eut le hasard d’avoir un père aussi fou de tendresse pour son fils que le marquis de Mirabeau avait de dureté pour le sien. […] Il faut être la fille de l’auteur pour oser publier, dans une illusion de tendresse, ce livre posthume que son père avait abandonné… En littérature, ce n’est pas suffisant, les vertus domestiques ! Antigone, voulant ajouter à une gloire qui devient de plus en plus incertaine, a, de ses trop pieuses mains, enterré définitivement son père sous le livre même qu’elle vient d’exhumer.

318. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre premier. Caractères naturels »

Avant d’examiner les caractères sociaux, tels que ceux du prêtre et du guerrier, considérons les caractères naturels, tels que ceux de l’époux, du père, de la mère, etc., et partons d’abord d’un principe incontestable. […] Appuyons cette vérité sur des exemples ; faisons des rapprochements qui servent à nous attacher à la religion de nos pères, par les charmes du plus divin de tous les arts.

319. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Ces maximes, bonnes pour un pays où la vie se nourrit d’air et de jour, ce communisme délicat d’une troupe d’enfants de Dieu, vivant en confiance sur le sein de leur père, pouvaient convenir à une secte naïve, persuadée à chaque instant que son utopie allait se réaliser. […] L’initiation de la Judée à la vie profane, l’introduction récente d’un élément tout mondain de luxe et de bien-être, provoquaient une furieuse réaction en faveur de la simplicité patriarcale. « Malheur à vous qui méprisez la masure et l’héritage de vos pères ! […] Il ne perdait aucune occasion de répéter que les petits sont des êtres sacrés 540, que le royaume de Dieu appartient aux enfants 541, qu’il faut devenir enfant pour y entrer 542, qu’on doit le recevoir en enfant 543, que le Père céleste cache ses secrets aux sages et les révèle aux petits 544. […] Du reste, tous les Pères sont d’accord sur l’étymologie [Greek : Ebiôn] = [Greek : ptôgos].

320. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Une jeune fille qu’on croyait morte à la suite de cette maladie, — son père pleurant au pied de son lit, — rejette soudain le drap qu’elle avait sur la tête, se soulève dans une attitude de prière, montrant un visage à la beauté surnaturelle qui fait croire à un miracle, et après un petit discours de consolation adressé à son père, se recouche et repose le drap sur sa tête, en disant : « Je puis dormir maintenant. » * * * — J’ai connu un amant qui disait à sa maîtresse se plaignant d’avoir perdu une fausse dent de 200 francs : « Si tu la faisais afficher ?  […] » * * * — Nos soirées, presque toutes les soirées, où nous ne travaillons pas, nous les passons dans le fond de la boutique d’un singulier marchand de tableaux, dans la boutique de X…, qui, sous le prétexte d’occuper l’oisiveté de sa vie, va encore manger une cinquantaine de mille francs à son père. […] Dans les raisons que X… a données à son père, pour qu’il lui fournît les fonds nécessaires à son commerce, il a fait entrer l’énorme économie qu’il réaliserait en n’allant plus au café, et le malheureux en tient un gratis !

321. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Nos mœurs nous ont garantis du changement qui nous menaçait comme les autres états, au moment de l’invasion du protestantisme ; maintenant nous sommes dans l’heureuse nécessité de rester fidèles à la communion de nos pères. […] Rien n’est venu remplacer dans leur cœur ce qui leur avait été ravi ; et la vérité, qui les environnait de toutes parts, n’a pu trouver le chemin de leur oreille assourdie : ils ont été chassés de l’héritage de leurs pères, et, dépouillés de toutes leurs espérances, ils ont fini par vouer l’avenir au néant. […] Ceux qui cherchèrent aux armées la sûreté qu’ils ne trouvaient plus dans leurs foyers, ou les distractions aux ennuis dont ils étaient dévorés, ceux-là sont devenus à leur tour des pères de famille. Nous voyons à présent s’avancer cette autre génération dont l’esprit militaire fut la proie d’un homme nouveau qui voulut abolir l’ancienne patrie : celle-là prend aussi successivement sa place parmi les pères de famille.

322. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ce besoin, du reste, qui n’est — si l’on veut y réfléchir — que de l’individualisme encore ; ce besoin qui a produit tant de métaphysique vaporeuse, de synthèses, de formules, et qui, surexcité jusqu’à la rage par la vanité de chacun, ne nous a saisis tous que parce qu’il ne sied qu’à quelques-uns, c’est-à-dire aux maîtres, aux grands esprits, à ceux-là enfin qui se donnent seulement la peine de naître, pourrait faire croire à nos descendants que nous avons perdu le bon sens proverbial de nos pères, n’étaient quelques livres d’histoire fermes, nets, circonscrits, et dans lesquels il sera possible de le retrouver. […] Muableté, diffidence, envye, voilà, dans le langage de son siècle, ce qui agitait et rongeait ce triste Victorieux, lassé et « méhaigné » de ses guerres, ce chagrin « cagneux, aux chausses vertes », que la Légende et les Romances couronnent de myrtes et de lauriers par la main d’Agnès, et qui, mélancoliquement voluptueux, retiré dans les tourelles de ses châteaux des bords de la Loire, avait au front comme un reflet de la folie hagarde de son père, — reflet sinistre d’un mal héréditaire qu’on vit encore passer, dans de cruelles défiances, jusque sur le front de son fils ! […] En 1461, Louis XI, ce mauvais fils d’un mauvais père, montait sur le trône de Charles VII, « et avec lui — dit Mathieu — y montait la vengeance ! […] Cependant, malgré cette circonstance, malgré un procès engagé par un des fils de Jacques Cœur contre le sire de Dammartin, malgré la faveur de Louis XI pour les persécutés ou les disgraciés de son père, la grande révision qui devait annuler la condamnation de l’argentier n’eut pas lieu.

323. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Le père et la mère de l’amant d’Armelle s’opposent justement à un mariage qui serait une mésalliance. […] — l’honneur à la manière du Cid, l’honneur chevaleresque, qui a l’épée au poing et qui venge un père outragé. […] je connais, en ce moment, des fils, qui ne sont pas des monstres, et qui disent avec une familiarité révoltante : « mon ami », quand ils parlent à leur père, et, ce jour-là, ces imbécilles de pères les trouvent charmants !

324. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Lockroy père a la tête de Casimir Delavigne, et Casimir Delavigne a la tête de Victor Hugo. […] C’est, sans doute, que j’avais encore dans les yeux l’abominable portrait de « Rachel jeune » par Dubuffe père : un front d’hydrocéphale, une tête longue comme un jour sans pain. […] Devant de telles horreurs, on songe avec mélancolie : — Voilà donc les divinités qu’adoraient nos pères !

325. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Nous ne croyons nullement manquer de respect à nos pères en agissant autrement qu’ils n’ont agi. Nos pères ont fait ce qu’ils ont cru le meilleur en leur temps ; nous faisons de même. […] J’en dirai autant du courage ; nous sommes tous fils de marins et de soldats ; nos pères ont combattu, ont monté à l’abordage.

326. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

On vit briller, dans cette attaque générale, Feramus, un des plus élégans & des plus agréables latinistes de son temps ; Sarrasin, ce père de l’enjouement & de la bonne plaisanterie, à qui les vers ne coûtoient aucune peine ; toujours intéressant, quelque sujet qu’il traite, également recherché de son vivant des femmes, des gens de lettres & de cour ; Charles Vion d’Alibrai dont les poësies ont un tour original & naïf. […] Révérend père confesseur, J’ai fait des vers de médisance. […] Votre père ne fait que crier, paix-là paix-là.

327. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Quiconque, selon l’expression des Pères, n’eut avec son corps que le moins de commerce possible, et descendit vierge au tombeau ; celui-là, délivré de ses craintes et de ses doutes, s’envole au Lieu de vie, où il contemple à jamais ce qui est vrai, toujours le même et au-dessus de l’opinion. […] Massillon, peignant cet amour, s’écrie : « Le Seigneur tout seul51 lui paraît bon, véritable, fidèle, constant dans ses promesses, aimable dans ses ménagements, magnifique dans ses dons, réel dans sa tendresse, indulgent même dans sa colère ; seul assez grand pour remplir toute l’immensité de notre cœur ; seul assez puissant pour en satisfaire tous les désirs ; seul assez généreux pour en adoucir toutes les peines ; seul immortel, et qu’on aimera toujours ; enfin le seul qu’on ne se repent jamais que d’avoir aimé trop tard. » L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ a recueilli chez saint Augustin, et dans les autres Pères, ce que le langage de l’amour divin a de plus mystique et de plus brûlant52. […] Ne feignez qu’un moment, laissez partir Sévère, Et donnez lieu d’agir aux bontés de mon père.

328. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Dans Rosine, il faisait absoudre l’amour libre par un père de famille ; il le fait absoudre, dans Mariage bourgeois, par une jeune fille bourgeoise. […] Cette Suzanne est une brave créature ; n’étant plus aimée du père de son enfant, elle lui a rendu sa liberté ; et, quand M.  […] Et voilà qu’elle apprend de son père et de sa mère que M. le syndic s’était trompé sur ses sentiments, le pauvre homme ! […] Pétermann et ses préoccupations de père de famille, les ai-je donc inventés ? […] Un ministre n’est qu’un père de famille chargé de faire de la morale aux autres et de les enterrer.

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