N’oublions pas que M.
Oui, je suis Abbé [je veux dire, tonsuré], & je lis les Pieces de Théatre : je les lis, non pas comme ces Esprits superficiels à qui une légere broderie fait oublier les défauts du fond ; non pas comme ces Lecteurs humoristes que quelques pensées aussi fausses que hardies transportent, & qui ne peuvent être émus que par la bizarrerie & la surcharge ; non pas comme ces Panégyristes aveugles qui transforment en beautés les défauts, & immolent à leur prévention le goût & le bon sens ; non pas comme ces Journalistes à gages, qui ravalent des Grands Maîtres de la Scene, pour célébrer les intrus qui y rampent loin d’eux ; non pas enfin comme tant de petits Abbés frivoles, dignes échos des fatuités du siecle, comme ils en sont les parfaites images.
J’allais oublier la rentrée de l’Etrangère, absente, en sa qualité de comparse, de la mêlée de l’action, et qui reparaît, à la dernière scène, pour abdiquer son amour entre les mains de la duchesse de Septmonts.
, demandait-elle un jour au comte de Saint-Germain, qui avait la prétention d’avoir vécu plusieurs siècles ; c’est un roi que j’aurais aimé. » Mais Louis XV ne pouvait s’accoutumer à l’idée de compter les gens de lettres et d’esprit pour quelque chose, et de les admettre sur aucun pied à la Cour : « Ce n’est pas la mode en France, disait ce monarque de routine, un jour qu’on citait devant lui l’exemple de Frédéric ; et, comme il y a ici un peu plus de beaux-esprits et plus de grands seigneurs qu’en Prusse, il me faudrait une bien grande table pour les réunir tous. » — Et puis il comptait sur ses doigts : « Maupertuis, Fontenelle, La Motte, Voltaire, Piron, Destouches, Montesquieu, le cardinal de Polignac. » — « Votre Majesté oublie, lui dit-on, d’Alembert et Clairaut. » — « Et Crébillon, dit-il, et La Chaussée !
À Chavignolles, le comte de Faverges oublié qu’il est royaliste pour ne se souvenir que de sa haine contre les d’Orléans et faire cause commune avec le peuple, le curé Jeuffroy bénit l’arbre de la liberté ; il glorifie, au nom de l’Évangile, les principes de la Révolution, et à Paris M.
Or si l’on peut soutenir que de telles études n’ont actuellement pour quelques cerveaux d’autre intérêt qu’elles-mêmes et la curiosité pure qu’elles suscitent, on ne saurait oublier non plus que les applications auxquelles elles aboutissent dans le domaine de la médecine ou dans celui de l’industrie contribuent encore pour une forte part à leur progrès, en intéressant la foule, par l’espoir d’un profit, à des travaux dont elle eût détourné son attention.
Jamais les travaux de l’imagination n’ont eu pour nous cet empoignement, qui fait absolument oublier non seulement les heures, mais encore les ennuis de la vie, et tout au monde.
Mais j’oublie aussi le temps dans cette heureuse peinture : si je n’enrichis pas l’homme de lettres, je dois au moins m’occuper de le nourrir.
Je n’oserais, si ce n’était pour vous ; Car c’est beaucoup que d’essayer ce style Tant oublié, qui fut jadis si doux Et qu’aujourd’hui l’on croit facile.
Toujours de ce qu’on oublie la destination pratique de nos états psychologiques actuels.
Il oublie un mo ment l’aiguillon de la guêpe, pour montrer partout les barbares blessés, vaincus, fuyant sur terre et sur mer, devant les lances et les trirèmes.
L’épouse, en entrant sous le toit de son mari, sait qu’elle se donne tout entière36, « qu’elle n’aura avec lui qu’un corps, qu’une vie ; qu’elle n’aura nulle pensée, nul désir au-delà ; qu’elle sera la compagne de ses périls et de ses travaux ; qu’elle souffrira et osera autant que lui dans la paix et dans la guerre. » Comme elle, il sait se donner : quand il a choisi son chef, il s’oublie en lui, il lui attribue sa gloire, il se fait tuer pour lui ; « celui-là est infâme pour toute sa vie, qui revient sans son chef du champ de bataille37. » C’est sur cette subordination volontaire que s’assiéra la société féodale. […] Il a été fidèle à son prince, puis à son peuple ; il a été de lui-même, dans une terre étrangère, s’exposer pour délivrer les hommes ; il s’oublie en mourant pour penser que sa mort profite à autrui. « Chacun de nous, dit-il quelque part, doit arriver à la fin de cette vie mortelle.
Maurice Talmeyr, dans un éreintement de mon Journal, m’accuse de travailler à faire oublier la place, que mon frère a dans notre œuvre. […] » On monte en haut, prendre le café et les liqueurs, et ce sont des embrassades, des rappels à mon souvenir, de gens dont j’ai oublié le nom et la figure, des présentations d’Italiens, de Russes, de Japonais, des remerciements de Gungl, le fils de Lagier, pour les quelques lignes de mon Journal sur sa mère, des lamentations de Rodin, se plaignant de sa fatigue et de son besoin de repos, la demande par Albert Carré d’un rendez-vous, pour causer de Manette Salomon, enfin l’accolade de ce grand toqué de Darzens, qui m’a dédié un volume, dont il ne m’a jamais donné un exemplaire.
Mais il ne faut pas oublier que, dans tous les états psychologiques de ce genre, la mémoire joue le premier rôle. […] Ils n’ont pas de peine à montrer que notre perception complète est grosse d’images qui nous appartiennent personnellement, d’images extériorisées c’est-à-dire, en somme, remémorées) ; ils oublient seulement qu’un fond impersonnel demeure, où la perception coïncide avec l’objet perçu, et que ce fond est l’extériorité même.
Made D m’apprend que Desmarêts, l’auteur du Clovis et de la Madelaine, avoit eu comme moi l’audace de juger d’Homere, que sa dissertation fut oubliée dès sa naissance ; et que ce n’est même que par hazard qu’elle l’a eûë d’un de ses amis, qui l’a déterrée dans la poussiere d’un cabinet. […] Chacun des disputans croit avoir interest de leur parler le dernier ; non pas tant pour leur dire des choses nouvelles, que pour leur faire relire celles qu’on craint qu’ils n’ayent oubliées. […] On vous lit à peine une fois dans la chaleur de la dispute présente ; et bien-tôt après on oublie même que vous ayiez écrit. […] Oublions seulement les trois mille ans de suffrages ; je crois qu’il n’y aura bien-tôt plus de dispute.
Mais il ne faut pas oublier qu’il y a un homme sous l’écrivain ; et cet homme, doué d’une originalité d’autant plus grande que son talent est plus vigoureux, mêle nécessairement aux idées qu’il reçoit du dehors, bien des idées qui lui sont propres ; erreurs ou vérités dont il devra supporter le blâme ou recueillir l’honneur. […] Mais nous oublions que, pour les écrivains que nous venons de citer, à quelque école qu’ils appartiennent, la liberté morale n’est qu’un mot. […] Alors le moribond fait appeler un médecin, et pour payer cette dette veut lui vendre son corps comme sujet anatomique : j’oubliais de dire que la scène se passe en Angleterre.
La santé de Du Bellay, ne l’oublions pas, était totalement ruinée dans les dernières années de sa vie.
Cet art d’écrire qui ne dédaigne rien, avide de toute fleur et de toute couleur assortie, remonte jusqu’au sein de Du Cange pour glaner un épi d’or oublié, ou ajouter un antique bluet à sa couronne.
En cet état, on s’oublie, on a perdu conscience du présent ; on est devant la fantasmagorie intérieure comme au théâtre devant une bonne pièce.