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1685. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Les pères de famille devenus puissants par la piété et la vertu de leurs ancêtres et par les travaux de leurs clients, oublièrent les conditions auxquelles ceux-ci s’étaient livrés à eux, et au lieu de les protéger, ils les opprimèrent.

1686. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

On craint presque d’associer tes idées de littérature et d’art à ces œuvres d’une vertu si fervente ; mais oublier ce mélange serait altérer la vérité.

1687. (1895) Hommes et livres

Il oublie toutes ses peines, en arrivant en vue de Bâle, en découvrant de loin les deux tours de la cathédrale. […] C’était le plus modeste des hommes ; il n’aspirait qu’à être oublié. […] Nisard avait pu tout d’abord oublier d’en parler. […] Oubliez que ce sont des tragédies ; disloquez, démembrez ces actes et ces scènes. […] On oublie qu’après tout rien ne vaut, en critique, l’intuition individuelle.

1688. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Que d’émotions poignantes, que d’aventures, que de lieux, que de visages nous avons oubliés ! […] Et dans quelques années, à Saint-Louis même, ils seront oubliés. […] Aussi est-ce un point sur lequel je m’abstiendrais d’insister ; mais on n’a pas oublié la sotte querelle que firent à M.  […] Car à mesure qu’on embrasse de plus vastes ensembles, plus il faut négliger de détails et oublier de vérités particulières. […] Il ne faut pas oublier que nous sommes ici dans un milieu populaire, parmi des auditeurs ignorants et grossiers.

1689. (1887) Essais sur l’école romantique

Victor Hugo, avant que la politique leur fasse un peu négliger le poète et oublier le critique. […] Je ne voudrais pas voir dans l’embrasement de Sodome des étincelles ni des flammèches, et, dans le feu du ciel, de petits effets qui font oublier d’où il est venu. […] Rien ne vous saisit dans ces brillantes tirades, rien ne vous y fait oublier les heures, rien ne vous enlève à vous-même ; c’est la conversation d’un grand parleur, qui a toujours la même dose d’esprit. […] Dans les Consolations, l’art s’épure, à mesure que l’esprit d’opposition s’oublie. […] Jamais peut-être… En attendant, vaine ombre, Oublié dans l’espace et perdu dans le nombre, Je vis.

1690. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Mais il ne faut pas oublier qu’il reste une frange d’instinct autour de l’intelligence, et que des lueurs d’intelligence subsistent au fond de l’instinct. […] N’oublions pas que nous cherchons au fond de l’âme, par voie d’introspection, les éléments constitutifs d’une religion primitive. […] Mais il ne faut pas oublier que les primitifs d’aujourd’hui ou d’hier, ayant vécu autant de siècles que nous, ont eu tout le temps d’exagérer et comme d’exaspérer ce qu’il pouvait y avoir d’irrationnel dans des tendances élémentaires, assez naturelles. […] Considérer à part cette représentation, la critiquer en tant que représentation, serait oublier qu’elle forme un amalgame avec l’action concomitante. […] Les gestes du nageur paraîtraient aussi ineptes et ridicules à celui qui oublierait qu’il y a de l’eau, que cette eau soutient le nageur, et que les mouvements de l’homme, la résistance du liquide, le courant du fleuve, doivent être pris ensemble comme un tout indivisé.

1691. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Serait-ce d’une facilité presque féminine à oublier tout ce qui ne le flatte point ? […] Mais l’Église chrétienne, unie dans un large sentiment d’amour, oublia ces disputés et réconcilia après leur mort les deux fondateurs de la religion nouvelle. […] Paul Bourget qui, suivant à cheval la route de Florence, aurait oublié de regarder le volcan de Pietro Mala. […] Ce sont là des souvenirs qui ne s’oublient pas. […] Mais il serait injuste d’oublier le Christ si curieux de M. 

1692. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

. — Et voilà tout ce que Racine a oublié dans sa préface. Il n’a oublié que son dénouement ! […] La personne qui jouait Œnone et dont j’oublie le nom m’a fait diablement regretter Mmc Lerou. […] Il faut se souvenir de ce point quand on lit ses autres pièces ; il faut bien se garder de l’oublier quand on lit son Misanthrope. […] Il a fait à son entrée, et du reste pendant tout le cours de son rôle, une impression que personne ne pourra oublier.

1693. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

De vieux ennemis essayent d’oublier ce qu’ils ont voulu et ce qu’ils ont fait, et il s’en faut de peu qu’ils ne s’embrassent. […] Il ne dit que des vérités ordinaires, mais une fois qu’il les a dites, on ne les oublie plus. […] Si par hasard il oublie ces jargons, il reste de lui un ouvrier gouailleur qui polissonne et crie à la barrière. […] L’impression est maladive, mais si forte qu’on ne l’oublie plus. […] Ceci est un effort, et l’esprit assiégé d’idées bornées, naturellement renfermé en lui-même, a peine à s’étendre et à s’oublier dans l’amour de l’infini.

1694. (1908) Après le naturalisme

Successivement ont apparu les théories naturiste, intégraliste, humaniste, régionaliste, néo-française, unanimiste, néo-symboliste, néoromantique et d’autres peut-être que nous oublions dans cette énumération déjà respectable et dont la longueur témoigne de l’ardeur apportée à la solution du problème littéraire, en même temps que de la croyance en son dénouement. […] Quel égarement inexcusable de quitter ses sources, réformer ses origines, d’oublier la part de mission qu’il y a dans l’art, de bonté envers les humbles. […] Cette détermination, ou ne la trouvera formulée nulle part dans la littérature parce que, ne l’oublions pas, la littérature ne voulait alors être qu’un art, sans attache avec l’extérieur. […] Le moyen était bon de la mettre en valeur, et, ne l’oublions pas, il concordait trop avec leur arrière-pensée que tout était bien ainsi réglé sur cette terre, puisqu’ils se trouvaient les bénéficiaires d’une grande partie des jouissances temporelles. […] La vie justifiée en elle-même et la mort considérée à sa juste signification suivant la philosophie scientifique, pour ne rien oublier des liens dont nous tenons au monde, comme un cœur à tout l’organisme, il reste à nous fournir les raisons esthétiques qui feront se déclarer notre amour pour le lieu de délices où nous plongeons.

1695. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

. —  Ils oublient leur littérature et leur langue. —  Peu à peu ils apprennent l’anglais. —  Peu à peu l’anglais se francise. […] Toute l’Angleterre apparente, la cour du roi, les châteaux des nobles, les palais des évêques, les maisons des riches, fut française, et les peuples scandinaves, dont soixante ans auparavant les rois saxons se faisaient chanter les poëmes, crurent que la nation avait oublié sa langue, et la traitèrent dans leurs lois comme si elle n’était plus leur sœur. […] Personne n’a parlé si vite et si bien aux dames que les Français du continent, et ils n’ont point tout à fait oublié ce talent en s’établissant en Angleterre. […] Voir, entre autres peintures de mœurs, les premiers récits de la première croisade : Godefroy fend un Sarrasin jusqu’à la ceinture. —  En Palestine, une veuve était obligée, jusqu’à soixante ans, de se marier, parce que nul fief ne pouvait rester sans défenseur. —  Un chef espagnol dit à ses hommes épuisés, après une bataille : « Vous êtes trop las et trop blessés ; mais venez vous battre avec moi contre cette autre troupe ; les blessures fraîches que nous recevrons nous feront oublier celles que nous avons reçues. »  — En ce temps-là, dit la Chronique générale d’Espagne, les rois, comtes et nobles, et tous les chevaliers, afin d’être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux dans la salle où ils couchaient avec leurs femmes. […] Les Anglais oublient toujours d’être polis, et ne voient pas les nuances des choses.

1696. (1897) Aspects pp. -215

Il ne devait jamais l’oublier. […] Mais comment oublier l’homme en lui puisque sa poésie n’était que le commentaire de tout son être ? […] Il aime trop la beauté pour s’oublier parmi de telles équivoques fadeurs. […] Ils oublièrent, semble-t-il, que si la liberté individuelle autorise M.  […] Dans ce cas, il faut savoir gré au signataire de l’article d’avoir oublié, un instant, d’être « bien parisien » pour redevenir un homme sain — sans s’illusionner sur la durée de cette éventuelle probité.

1697. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Elle a dit à l’Europe : Faites-moi libre, et elle a oublié que c’est elle-même qui s’est abdiquée à l’époque de ses trois partages. […] Mais j’oubliais une chose importante ; il faut encore, cher lecteur, que je vous fasse faire connaissance avec mon compagnon. […] Iakof semblait avoir complétement oublié son rival et tous ceux qui l’entouraient, mais il était évidemment encouragé par notre silence et l’attention passionnée que nous lui prêtions. […] Pendant que vous suivez la lisière du bois, les yeux fixés sur votre chien, le souvenir des personnes que vous aimez, tant mortes que vivantes, vous revient à l’esprit ; des impressions depuis longtemps oubliées se raniment soudainement ; l’imagination voltige et plane comme un oiseau et vous croyez voir toutes les images que vous évoquez ainsi.

1698. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Il est douteux cependant qu’il eût obtenu ce succès en suivant la marche tracée, c’est-à-dire en composant des genres nouveaux, et en se retranchant dans les systèmes de classifications: toutes choses faciles à la mémoire, qu’il ne faut pas ignorer pour écrire, mais qu’il faut oublier quand on écrit. […] Cependant les Études de la nature avaient été pour Bernardin de Saint-Pierre ce que le Génie du Christianisme fut, trente ans plus tard, pour M. de Chateaubriand ; on oublia le livre, on se souvint éternellement de l’épisode, pourquoi ? […] Napoléon les dédaigna, les oublia, mais ne les persécuta pas. […] C’était en même temps l’époque où les lettres, longtemps oubliées, renaissaient ; on les retrouvait faciles, élégantes, épistolaires, un peu maniérées, en prose et en vers, comme elles étaient mortes.

1699. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

« Il fut alors convaincu, dit un grand prédicateur, qu’il y avait quelque chose de nouveau sous le soleil ; et parce qu’il avait un cœur droit, il vit avec joie un plus fort que lui, selon les termes de l’Ecriture, sur le théâtre du monde, obscurcissant tous les héros, et lui causant à lui-même de l’étonnement184. » A l’exemple de Condé, qui avait fait la guerre pour son compte, deux hommes qui l’avaient faite, l’un pour le compte de la Fronde, l’autre pour une femme, Turenne et La Rochefoucauld s’empressèrent de désarmer, et de faire oublier au roi leurs torts envers l’Enfant royal. […] Le théâtre n’eut pendant longtemps qu’un idéal, dont les traits sont répandus dans tous les poèmes dramatiques d’alors : c’est Louis XIV jeune homme ; c’est cette puissance si facilement portée, tant de gloire en si peu de temps, ses passions mêmes, qui tiraient je ne sais quelle grandeur de sa jeunesse, de la beauté de sa personne, de l’éclat de ses victoires, de la dignité royale jamais oubliée, de tous les devoirs de bienséance et d’affection sérieuse gardés envers la reine, non pour atténuer de graves torts par des égards, mais parce qu’il savait se gouverner dans l’entraînement. […] non ; mais c’est la première chose que j’oublie quand je la vois. » Il l’oublia de nouveau, parce qu’il le voulut bien, un jour qu’au lever du roi on parlait de la mort du comédien Poisson. « C’était un bon comédien », dit Louis XIV, avec un air de regret, « Oui, reprit Boileau, pour faire un Dom Japhet.

1700. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Mais ils n’ont oublié qu’un point : c’est de nous dire pourquoi, si le christianisme était déjà tout entier dans l’hellénisme, il n’en est pas sorti. […] On ne l’avait pas oublié, mais d’autres soucis, plus pressants, — et notamment celui de soutenir et de repousser l’assaut de la science laïque, — avaient surtout préoccupé les prédécesseurs de Léon XIII. […] Comment oublierais-je en effet que Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet, fut en son temps « secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences » ? […] si tous ceux qui suivent Jésus-Christpouvaient les oublier pour marcher ensemble à la conquête des vérités éternelles qui ont déjà transformé le monde, et doivent le transformer complètement !

1701. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Aussi dans ce nouveau volume, après avoir commencé par une revue des derniers événements de guerre qui se prolongèrent quelque temps avec obstination sur quelques points de la circonférence, depuis Anvers défendu par Carnot, depuis Hambourg défendu par Davout, jusqu’à la bataille livrée dans la plaine de Toulouse par le maréchal Soult ; après avoir rendu justice à ces derniers efforts et avoir rallié, pour ainsi dire, tous les détachements de nos héroïques armées ; puis, avoir montré les Bourbons et Louis XVIII rentrant dans le royaume de leurs pères, avoir tracé du roi et des princes des portraits justes, convenables, et qui même peuvent sembler adoucis et un peu flattés plutôt que sévères (tant l’ancien journaliste polémique, l’ancien fondateur du National, a tenu à s’effacer et à se faire oublier dans l’historien !) 

1702. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

un peu trop prodigués, deux ou trois images de convention (lauriers, cyprès, par exemple) qui sont comme égarées dans ce style simple, ne sauraient faire oublier, je ne dis pas à l’homme impartial et sensé, mais à l’homme de goût, tant de pages vives, courantes, du français le plus net, le plus heureux, d’une langue fine, légère, déliée, éminemment spirituelle, voisine de la pensée et capable d’en égaler toutes les vitesses.

1703. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Les jours où je me sentais agitée au point de ne pouvoir plus reconnaître la ligne de démarcation imaginaire tracée autour de ma prison, je l’établissais par des signes visibles ; j’arrachais aux murailles décrépites les longs rameaux de lierre et de clématite dont elles étaient rongées, et je les couchais sur le sol aux endroits que je m’étais interdit de franchir : alors, rassurée sur la crainte de manquer à mon serment, je me sentais enfermée dans mon enceinte avec autant de rigueur que je l’aurais été dans une bastille. » J’indiquerai encore dans le début toute cette promenade poétique du jeune Sténio sur la montagne, la description si animée de l’eau et de ses aspects changeants, et, au sein de la nature vivement peinte, les secrets surpris au cœur : « Couché sur l’herbe fraîche et luisante qui croît aux marges des courants, le poëte oubliait, à contempler la lune et à écouter l’eau, les heures qu’il aurait pu passer avec Lélia : car à cet âge tout est bonheur dans l’amour, même l’absence. » On pourrait, chemin faisant, noter dans Léliaune foule de ces douces et fines révélations, dont l’effet disparaît trop dans l’orage de l’ensemble. 

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