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320. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

S’il est observateur, il la mettra en plein relief avec ses lumières et ses ombres. […] Le fil qui dirige est solide et sans fêlures, fil de lumière tissé par l’ombre. […] C’est par ce qu’elles ont de cadencé qu’elles sortent pour nous des ombres oublieuses. […] Son ombre portée est encore aussi vaste, bien qu’il ne soit plus là. Dans cette ombre s’agite notre indécise vie sociale.

321. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbusse, Henri (1873-1935) »

Henri Barbusse est moins une série de poèmes qu’un long poème purement subjectif, conçu sous la forme d’une rêverie, disant ce charme des matins et des ombres, de la solitude et de la tristesse.

322. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 208-210

La Philosophie, qui n’a encore travaillé qu’à l’ombre, traversé que des anti-chambres, sacrifié au bonheur de l’humanité que de l’encre & du papier, pourra-t-elle se flatter jamais de nous présenter dans les efforts de ses Zélateurs autant d’élévation & d’intrépidité ?

323. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Pastorales et paysages de Boucher. » pp. 120-121

Personne n’entend comme Boucher l’art de la lumière et des ombres.

324. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Mais à l’instant la terre s’entr’ouvre, l’Ombre de son père en sort et le rappelle à la raison, à la constance, à la vertu, lui montre une sœur chérie qui lui reste, et l’invite aux beaux-arts, à la poésie noblement consolatrice. […] On remarquait, à travers les exclamations descriptives d’usage, bien des vers heureux et simples, de ces vers trouvés, qui peignent sans effort : Le poëte aime l’ombre, il ressemble au berger…. […] je marche : l’ombre immense, L’ombre de ces ormeaux dont les bras étendus Se courbent sur ma tête en voûtes suspendus, S’entasse à chaque pas, s’élargit, se prolonge, Croît toujours  ; et mon cœur dans l’extase se plonge. […] Aujourd’hui, au contraire, il est tard ; plusieurs de ces poésies, qui n’ont jamais paru, ont eu le temps de fleurir et de défleurir dans l’ombre : elles arrivent au jour pour la première fois dans une forme déjà passée ; elles ont manqué leur heure. […] Ce recul de l’ombre primitive, aussitôt le monde et la lumière enfantés, est rendu à merveille

325. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Effrayé, il recule, il va retomber aux ténèbres de la forêt, quand soudain une ombre lui apparaît qui le rassure et l’invite à le suivre. Cette ombre est Virgile. […] À peine quelques paroles sont échangées entre les deux Toscans que, d’une tombe voisine, une ombre qui semble s’être levée sur ses genoux, surgit. […] Pas un mouvement, pas un bruit, pas une ombre à la surface des flots transparents, sous le dôme éthéré qu’embrasaient, à ce milieu du jour, tous les feux du soleil. […] Il cherche l’ombre épaisse des forêts ; il gravit les cimes désertes ; il descend dans la nuit des mineurs.

326. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

On voyait qu’il y avait, non pas effort, mais attention continue dans les nerfs et dans les muscles qui formaient l’encadrement des regards ; bien que cette attention intérieure et tournée en dedans produisît involontairement une certaine tension des paupières qui rétrécissait le globe de l’œil, la couleur bleu de mer, de ce liquide qu’aucune ombre ne tachait, et la franchise amicale de son coup d’œil qui ne cherchait jamais à pénétrer dans le regard d’autrui, mais qui s’étalait jusqu’au fond de l’âme chez lui, inspirait à l’instant confiance absolue dans cet homme. […] La lumière éblouit d’elle-même, on ne voit pas l’ombre. […] Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré, J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré ! […] dans ta sombre vallée L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ? […] Ses regards, éblouis par des Soleils sans nombre, N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre, Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus Tels que des froids marais les éclairs onduleux ; Ils fuyaient, revenaient, puis s’échappaient encore ; Chaque étoile semblait poursuivre un météore ; Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger, Suivait des yeux leur vol circulaire et léger.

327. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Beaucoup, la tête inclinée sur l’épaule, restent un peu penchées comme sur quelque chose qui leur parlerait à l’oreille ; et celles-ci, laissant tomber l’ombre de leur menton sur les fils de perles de leur cou, paraissent écouter au fond d’elles. […] Là-dedans un peu de rose tombe d’une arche de pont rouillée, et une ombre se noie, une immense ombre descendue du haut de Notre-Dame, comme un grand manteau dégrafé qui glisserait par derrière. […] Un homme aux favoris, à la large face, aux lèvres minces d’un fermier anglais, avec, derrière lui, pour ombre : un bouledogue. […] La plage toute crépusculaire, traversée de promenades d’ombres chinoises, presque perdues dans la pénombre générale. […] N’est-il pas naturel que parfois, en ses mélancolies, lui reviennent le souvenir et l’ombre de ces couronnes qui ont effleuré son front ?

328. (1929) Amiel ou la part du rêve

L’année de sa mort, les places d’ombre de sa vie gardaient encore cette vieille neige. […] Une fois rassurées du côté de l’opinion, elles n’ont pas l’ombre des scrupules qu’on leur attribue chez les niais. […] Aujourd’hui on introduirait bien volontiers entre eux cette troisième ombre, Amiel. […] On dirait qu’ils recherchent leurs éloignements mutuels. » Jardin botanique de Montpellier, et ce Mail avec son orme à l’ombre duquel M.  […] Passe pour Teste, qui a été engendré dans l’ombre de l’antitemporel Descartes.

329. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Et plus tard encore, dans ses Étrangères, le bruit qu’il n’avait pu faire avec ses Grains de mil et son Penseroso, ses articles et ses notices, il essayait de le faire en innovant, dans notre poésie, le vers de quatorze et de seize syllabes : Quand le lion, roi des déserts, pense à revoir son vaste empire, Vers la lagune, allant tout droit, dans les roseaux il se retire ; ou encore : Les chênes de la forêt, à l’ombre épaisse et tranquille Aujourd’hui, comme autrefois, m’ont chanté leur grave idylle… Qu’était-ce donc qu’Amiel, et où le mettrons nous ?

330. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Léon Dequillebec » pp. 165-167

L’ombre du feuillage dansait sur les murs.

331. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Il faudra seulement prendre garde, en les mêlant aux tremblements de terre, aux volcans ou aux ombres d’une forêt, de donner à ces scènes un caractère majestueux.

332. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

…………………… « C’est pourquoi, si tu renonces à venir dans ce séjour où se trouvent tous les biens des grandes âmes, poursuis cette ombre qu’on appelle la gloire humaine et qui peut à peine durer quelques jours. […] On dirait que la lumière d’une belle âme y découle sans ombre sur le plus bel esprit de tous les temps. […] Cela ressemble aux paysages du Poussin, où l’on voit des philosophes, en tuniques blanches, se promener autour des tombeaux dans les sites qui encadrent les temples de feuillages, d’ombres, de mer ou de ruisseaux. […] L’envie est l’ombre que les sommités humaines font au reste des hommes ; Cicéron est si grand que l’ombre de son nom nous offusque encore.

333. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Ses traits étaient imposants de forme, mais bons d’expression ; ses regards répandaient comme des ombres de velours noir sur ses joues. […] D’adorateurs zélés à peine un petit nombre Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre. […] Joas, élevé dans l’ombre du temple par Josabeth sous un autre nom, n’était connu que d’elle et du grand-prêtre Joad. […] Je te plains de tomber dans ses mains redoutables, Ma fille. » En achevant ces mots épouvantables, Son ombre vers mon lit a paru se baisser ; Et moi, je lui tendais les mains pour l’embrasser… Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange D’os et de chair meurtris, et traînés dans la fange, Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux, Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. […] L’ombre visible de Jéhova eût fait pâlir toutes les autres.

334. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Si je te perdais jamais, idole de mon âme, si une mort inopinée, un malheur imprévu te séparait de moi, c’est ici que je voudrais qu’on déposât ta cendre, et que je viendrais converser avec ton ombre. […] Je dois ajouter que cette lueur rougeâtre se mêlait si parfaitement avec les lumières, les ombres et les objets du tableau, que je demeurai persuadé qu’elle en était, jusqu’à ce que, le soleil venant à descendre sous l’horizon, l’effet disparût. […] On est dans l’ombre, on voit tout ombre autour de soi, puis l’œil rencontrant la pyramide lumineuse où il discerne une infinité de corpuscules agités en tourbillons, la traverse, rentre dans l’ombre et retrouve des corps ombrés.

335. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Un critique connu a fait au peintre un grand éloge d’avoir placé Commode, c’est-à-dire l’avenir, dans la lumière ; les stoïciens, c’est-à-dire le passé, dans l’ombre ; — que d’esprit ! […] La difficulté est double, — modeler avec un seul ton, c’est modeler avec une estompe, la difficulté est simple ; — modeler avec de la couleur, c’est dans un travail subit, spontané, compliqué, trouver d’abord la logique des ombres et de la lumière, ensuite la justesse et l’harmonie du ton ; autrement dit, c’est, si l’ombre est verte et une lumière rouge, trouver du premier coup une harmonie de vert et de rouge, l’un obscur, l’autre lumineux, qui rendent l’effet d’un objet monochrome et tournant. […] Decamps, intelligence très-flamande à certains égards, a produit un résultat des plus curieux. — Par exemple, on trouvera à côté de figures qui affectent, heureusement du reste, une allure de grands tableaux, une idée de fenêtre ouverte par où le soleil vient éclairer le parquet de manière à réjouir le Flamand le plus étudieur. — Dans le dessin qui représente l’ébranlement du Temple, dessin composé comme un grand et magnifique tableau, — gestes, attitudes d’histoire — on reconnaît le génie de Decamps tout pur dans cette ombre volante de l’homme qui enjambe plusieurs marches, et qui reste éternellement suspendu en l’air […] Un surveillant, un geôlier, sans doute, dans une attitude attentive et faisant silhouette sur un mur, dans l’ombre, au premier plan — le regarde faire

336. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Ainsi la ballade : L’ombre comme un parfum s’exhale des montagnes Je veux déclarer que cet hymne est beau comme un des beaux chants de Lamartine : Laisse nager le ciel entier dans tes yeux sombres et mêle ton silence à l’ombre de la terre : si ta vie ne fait pas une ombre sur son ombre, tes yeux et ta rosée sont les miroirs des sphères. […] Nul n’a passé plus simplement, avec plus d’aisance, de l’ombre à la pénombre et de la pénombre à la lumière. […] Je ne voudrais pas avoir vécu dans un temps où seule l’infernale médiocrité ait été louangée ; et si j’erre, j’aime mieux que cela ne soit pas le long de la rive d’ombre. […] Tandis que dans les Estuaires d’ombre M.  […] Infinis, sans espoir, Montent des noirs piliers se perdant en le noir, Et l’ombre bleue emplit les voûtes colossales !

337. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXV » pp. 97-99

Il n’y a pas ombre de ressemblance entre cela et le pardon chrétien.

338. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Il y en a de magnifiques… La Nuit est une œuvre faite pour ceux qui voient douloureusement fuir l’ombre du temps, l’incertitude des choses, et qui, lassés, exhalent la colère de leur mélancolie en des songes et des harmonies où perce un oubli des peines passées conduisant à un besoin de repos dans l’obscurité, dans le silence, dans la mort.

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