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945. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

C’est à Paris où venait de paraître René, c’est à Berlin où elle retourna bientôt, et où elle recevait à chaque courrier des caisses de parures nouvelles, c’est là, et pendant que Mme de Staël de son côté publiait en France Delphine, que Mme de Krüdner, rassemblant des souvenirs déjà anciens, et peut-être aussi des pages écrites précédemment, se mit à composer Valérie. […] Elle travaillait à s’élever, à se détacher de plus en plus, suivant son nouveau langage, des pensées des hommes du torrent ; mais elle changea moins qu’elle ne le crut. […] Elle portait dans ses nouvelles voies et dans cette royale route de l’âme, comme elle disait d’après Platon, toute la sensibilité et l’imagination affectueuse de sa première habitude, et comme la séduction de sa première manière. […] Qui a osé douter qu’il n’y ait là de hautes inspirations, et qui n’a dit avec l’Apôtre : « Les choses vieilles sont passées, voici que toutes choses sont faites nouvelles ?  […] qui n’a pas eu besoin de quelque chose de nouveau au milieu de tant de ruines ?

946. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Aussi, le seul sentiment nouveau qu’il ait apporté dans la littérature, c’est, avec la curiosité, le doute de l’esprit se tournant en souffrance pour le cœur. […] Le poète (et ceci a tout l’air d’une trouvaille de génie) veut que l’arche ait été construite malgré Jéhovah et que Kaïn, son Kaïn immortel et symbolique, l’ait empêchée de sombrer  L’homme, continue le vengeur, couvrira de nouveau la terre, non plus indompté, mais lâche et servile. […] Seuls, les prêtres et les bardes, soit orgueil sacerdotal, soit qu’ils subissent la fascination de leurs propres théogonies ou que leurs dieux désertés leur deviennent plus chers, résistent au dieu nouveau. […] Les nouveaux convertis au Christ, Saxons, Germains, Gaulois, n’ont point dépouillé leurs moeurs barbares ni leur facilité à tuer et à mourir. […] les blêmes chairs des races égorgées, De corbeaux, de vautours et d’aigles assiégées, Exhalaient leurs parfums dans le ciel radieux Comme un grand holocauste offert aux nouveaux dieux.

947. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Non seulement on lui donne ainsi le rayonnement auquel elle a droit, mais on fait davantage ; en augmentant le nombre de ceux qui la connaissent, on éveille parmi eux des vocations dormantes, on incite les générations nouvelles au labeur ardu d’accroître la somme de nos connaissances ; on fait germer une moisson plus abondante de savants, parce que la sélection des génies à venir s’opère sur un milieu plus large et de niveau moyen plus élevé. […] Ce fut aussi une transformation merveilleuse des sciences déjà existantes par l’application de méthodes nouvelles. […] Des mots nouveaux y ont fait invasion par milliers. […] Mieux vaut rappeler encore les sujets nouveaux que telle découverte de la veille a fournis aux auteurs en quête d’histoires émouvantes. […] Pour parler sans métaphore, il se fait dans le domaine intellectuel un partage sur de nouvelles bases entre l’élément personnel ou subjectif fourni par l’homme et l’élément réel ou objectif fourni par la nature, et le mouvement de pendule qui fait tour à tour prédominer l’un ou l’autre continue ses régulières et larges oscillations.

948. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Je crois que le sublime n’est autre chose que le vrai et le nouveau réünis dans une grande idée, exprimés avec élégance et précision. […] J’entens par le nouveau, la nouveauté des choses en elles-mêmes, ou du moins celle de la maniére de les ordonner et de les dire. […] Qu’on ne dise pas qu’il n’y a plus de pensées nouvelles, et que depuis que l’on pense, l’esprit humain a imaginé tout ce qui se peut dire. […] J’ai mieux aimé, pour faire au moins quelque chose de nouveau, imaginer quelques fictions du genre de celles d’Anacréon, les traiter à sa maniére, et chercher selon mes forces, cette douceur et cette facilité de style, qui sont un de ses plus grands charmes. […] Il dit dans sa premiére ode que sa lyre ne veut chanter que les amours, et il raconte que, quoiqu’il l’eût remontée de cordes nouvelles pour chanter les actions des héros, elle ne rendoit cependant que d’amoureux accords.

949. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Cette exposition du sujet ne doit point être si claire, qu’elle instruise parfaitement le spectateur de tout ce qui doit arriver dans la suite, mais le lui laisser entrevoir comme une perspective, pour le rapprocher par degrés et le développer successivement, afin de ménager toujours un nouveau plaisir partant du même principe, quoique varié par de nouveaux incidents qui piquent et réveillent la curiosité. […] Si le sujet est grand, est connu, comme la Mort de Pompée, le poète peut tout d’un coup entrer en matière ; les spectateurs sont au fait de l’action commencée, dès les premiers vers, sans obscurité : mais si les héros de la pièce sont tous nouveaux pour les spectateurs, il faut faire connaître, dès les premiers vers, leurs différents intérêts, etc. […] Il y peut entrer par un geste, par un regard, par le seul air de son visage, pourvu que ses mouvements soient aperçus par l’acteur qui parle, et qu’ils lui deviennent une occasion de nouvelles pensées et de nouveaux sentiments. […] Chaque réplique serait un nouveau pas vers le dénouement, un des chaînons de l’intrigue, en un mot, un moyen de nouer ou de développer, de préparer une situation ou de passer à une situation nouvelle.

950. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il en est de ces mets de l’intelligence comme de ceux du corps : il vient un moment où même les plus excellents, à force de reparaître et de nous être servis sous toutes les formes, lassent le goût ; il n’était pas jusqu’à Beuchot, l’éditeur passionné de Voltaire, qui, sur la fin, lorsqu’on lui apportait des lettres nouvelles de son auteur favori, ne criât grâce et ne répondit : « Assez, j’en ai assez !  […] Ce nouveau volume, composé de toutes sortes de glanures, en est, s’il le fallait une dernière preuve. […] Il lui envoie ses ouvrages ; il lui raconte en courant quelques nouvelles ; il se met sans cesse à ses pieds : les quinze jours qu’il a passés dans son palais, et où il a été traité avec une bien flatteuse distinction dans la chambre des électeurs, lui sont un thème de reconnaissance éternelle qu’il varie en mille façons.

951. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Jusque-là il avait été plus latiniste encore qu’helléniste ; mais, à ce nouveau travail et à tous ceux qu’il y joignit, il acquit bientôt une connaissance admirable de la langue grecque, non-seulement de son glossaire et de sa syntaxe, mais encore et surtout de son esprit. […] Didot, mais encore dans de nombreuses lettres et des articles publiés dans les journaux ou revues de l’Instruction publique, Dübner a proposé des sens nouveaux, des corrections piquantes et autorisées. […] Lorsqu’il apprit que mes Mélanges de Littérature grecque allaient être imprimés, il me pria de lui permettre de revoir les épreuves avec moi et d’en extraire au fur et à mesure, pour son usage particulier, tous les fragments nouveaux de poètes.

952. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Mais elle doit elle-même se défier d’une tendance excessive à retrouver tout l’homme dans ses productions du début, à le ramener sans cesse, des régions élargies où il plane, dans le cercle ancien où elle l’a connu d’abord, et qu’elle préfère en secret peut-être, comme un domaine plus privé ; elle a à se défendre de ce sentiment d’une naturelle et amoureuse jalousie qui revendique un peu forcément pour les essais de l’artiste, antérieurs et moins appréciés, les honneurs nouveaux dans lesquels des admirateurs nombreux interviennent. […] Nous avons entendu prononcer le mot de nouvelle manière ; mais, selon nous, dans les Feuilles d’Automne, c’est le fond qui est nouveau chez le poëte plutôt que la manière. […] À la verte confiance de la première jeunesse, à la croyance ardente, à la virginale prière d’une âme stoïque et chrétienne, à la mystique idolâtrie pour un seul être voilé, aux pleurs faciles, aux paroles fermes, retenues et nettement dessinées dans leur contour comme un profil d’énergique adolescent, ont succédé ici un sentiment amèrement vrai du néant des choses, un inexprimable adieu à la jeunesse qui s’enfuit, aux grâces enchantées que rien ne répare ; la paternité à la place de l’amour ; des grâces nouvelles, bruyantes, enfantines, qui courent devant les yeux, mais qui aussi font monter les soucis au front et pencher tristement l’âme paternelle ; des pleurs (si l’on peut encore pleurer), des pleurs dans la voix plutôt qu’au bord des paupières, et désormais le cri des entrailles au lieu des soupirs du cœur ; plus de prière pour soi ou à peine, car on n’oserait, et d’ailleurs on ne croit plus que confusément ; des vertiges, si l’on rêve ; des abîmes, si l’on s’abandonne ; l’horizon qui s’est rembruni à mesure qu’on a gravi ; une sorte d’affaissement, même dans la résignation, qui semble donner gain de cause à la fatalité ; déjà les paroles pressées, nombreuses, qu’on dirait tomber de la bouche du vieillard assis qui raconte, et dans les tons, dans les rhythmes pourtant, mille variétés, mille fleurs, mille adresses concises et viriles à travers lesquelles les doigts se jouent comme par habitude, sans que la gravité de la plainte fondamentale en soit altérée.

953. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Pour nous, enfants du vieux monde, trop habitués à ramasser les testaments sacrés des grands républicains, nos pères, par lambeaux, au pied des guillotines, dans les recoins des geôles où l’appel se faisait chaque matin, dans les fentes des cavernes où on les traquait, c’est un nouveau et rafraîchissant spectacle d’entrer, par-delà l’Atlantique, dans ces spacieuses résidences rurales, Mount-Vernon, Monticello, ces fermes d’immense culture, peuplées de fabriques, retraites animées d’un Washington, d’un Jefferson, d’un John Adams, d’un de ces vieillards qui ont travaillé et veillé, cinquante ans durant, à la même œuvre. […] Employé ensuite à la réforme des statuts anglais et à la confection d’un code unique, puis gouverneur de la Virginie, député de nouveau au Congrès, de là, ministre plénipotentiaire en France à l’origine de notre Révolution, rappelé et nommé par le président Washington secrétaire d’État du nouveau Cabinet, vice-président et ferme à son poste d’opposition à la tête du sénat sous la présidence de John Adams, président enfin lui-même de 1800 à 1808, il remit alors par un bienfait signalé le gouvernement de son pays dans les voies sincèrement démocratiques d’où Washington, vers les derniers temps, l’avait laissé dévier, et d’où John Adams, si respectable d’ailleurs, l’avait de plus en plus éloigné à dessein.

954. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents. […] Déjà hommes, ils s’enferment dans un collège, ils échappent à l’inertie d’un couvent, comme Budé ou Rabelais, pour épeler ces langues si nouvelles et si anciennes, les langues fondamentales de la science et de la religion : l’hébreu, le grec. […] Leur esprit plus ouvert veut qu’on l’amuse avec le jeu étincelant des idées, non plus avec le cliquetis baroque des mots ; et ils demandent aux lettres la même sensation de nette et lumineuse élégance, que leurs nouveaux palais, leurs tableaux, leurs habits même et leurs armes leur donnent.

955. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti I La « Bibliothèque de romans historiques » comprend un nouveau volume : Autour d’une tiare (1075-1085), par M.  […] On touche à une race, a une religion, à des routines impérissables, malgré des essais touchants de modernisme et ce spécial snobisme de l’Arabe nouveau jeu. […] Je sais, depuis, maintenant, un nouveau livre où l’on peut pleurer, aux soirs noirs où c’est la jouissance désirée ; j’aurai la Mort d’Isabelle et ses ultimes paroles Floris, où, comme aux adieux de Wotan, toutes nos contraintes écorchées se fondront dans les sanglots, les sanglots de bénédiction qui sont, après le sommeil, le meilleur don des dieux mauvais aux hommes faibles.

956. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Cette prédication du foyer est excellente pour la propagation des doctrines nouvelles. […] Le Messie venait mettre le sceau sur la Loi et les prophètes, non promulguer des textes nouveaux. […] Une des idées favorites du maître, c’est qu’il était le pain nouveau, pain très supérieur à la manne et dont l’humanité allait vivre.

957. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

De nouveaux poètes ont changé la forme du chant primitif, d’autres, avec le temps, viendront encore l’embellir. […] Inventeur pourtant comme Thespis, il n’en était pas moins ouvert aux idées nouvelles. […] Ainsi l’art nouveau s’élargit et se perfectionne en tous sens ; ses rudiments se dégrossissent, son idéal se lève, son influence rayonne déjà sur la Grèce entière.

958. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

que cette histoire dépasserait en renseignements et en aperçus les autres histoires insuffisantes, et que nous apprendrions quelque chose de nouveau sur ce peuple étrange, qui, du fond de sa gravité imperturbable, a l’air de se moquer de nous. […] ce que nous avons cherché, avant tout, dans ces deux volumes, aussi typographiquement qu’intellectuellement illisibles, c’est de nouvelles et meilleures raisons d’admirer la Chine, puisque Pauthier et Bazin l’admirent, que les vieilles raisons, devenues sournoises, du xviiie  siècle ! […] Mais un pareil fait n’était nouveau et grave que pour l’imagination européenne, qui a la candeur de son ignorance… et la fatuité de nos mœurs, que nous voulons retrouver partout.

959. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Or, voici l’important : pour donner à sa traduction un intérêt nouveau, Guizot l’a fait précéder d’une Vie de Shakespeare, — et aussi d’une petite préface où il nous affirme spirituellement, par la plume de ses éditeurs, « que sa traduction ne sera pas plus shakespearienne que Shakespeare ». […] Or, une Vie de Shakespeare est autrement difficile à faire qu’une Vie de Washington, qui eut, lui, la vie publique de la place publique, du champ de bataille, de la tente, des congrès, de la correspondance, et qui éclate partout comme le soleil du nouveau monde, et plus beau, car ce n’est qu’un astre ! […] III Ce sont ces quelques faits que Guizot a racontés avec la gravité d’accent qu’on lui connaît, mais auxquels il n’en a pas ajouté de nouveaux.

960. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’était nouveau, c’était original, c’était intéressant, c’était vrai, et si réussi qu’en rééditant ce livre pas un mot n’y a été changé. […] Que si, pour revenir au sujet de notre examen, Champagny l’avait compris, des clartés nouvelles auraient jailli du fond de son livre, et nous en auraient illuminé les détails. […] Car César avait vu pour la Rome politique ce qu’on a vu seulement avec netteté depuis la fondation de la Rome chrétienne : c’est que, pour la ville prédestinée, il ne s’agissait plus d’être le point de départ de conquêtes nouvelles, mais un centre de gouvernement.

961. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Que les circonstances dans lesquelles eut lieu une si grande chose, au contraire, fussent de ces circonstances irrésistibles et suprêmes qui font tout fléchir devant l’ascendant de leur nécessité, au moins ne diminuaient-elles pas ce qu’un tel changement, ce qu’une pareille révolution avait de nouveau et de profond, et c’est ce que Macaulay n’a pas pu ou voulu voir. […] On lui a fait un crime de stupidité de n’avoir pas accepté le droit nouveau, ce droit qui, pour lui, était né dans le sang de la tête coupée de son père, et c’était comme si on lui eût reproché d’être Stuart, catholique, lui-même ! Enfin, on n’a même pas songé qu’eût-il accepté le droit nouveau et abandonné sa prérogative, cela n’aurait pas suffi encore !

962. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Jusqu’ici l’abdication de Charles-Quint et son ensevelissement dans un cloître, ce double texte de déclamations que la Philosophie a enrichi de si belles phrases, étaient jugés, mais, à ce qu’il paraît, n’étaient pas connus… et c’est cette abdication et cet ensevelissement que la publication de documents nouveaux doit nous faire connaître. […] La Curiosité, éveillée par les détails nouveaux qu’on apporte, se trouble, s’inquiète et recommence de poser son éternel problème : quelle cause détermina l’abdication de Charles-Quint et sa retraite à Yuste, et donne à ces faits, grandioses ou petits, leur véritable caractère ? […] « Ce qui était vrai, dit-il, c’est que, sans se séparer de l’Église orthodoxe à laquelle il restait soumis, Carranza s’était rapproché de la doctrine des novateurs et s’était servi de leurprocédé de démonstration en introduisant dans ses ouvrages le principe de la justification par la foi dans le sauveur Jésus-Christ et en recourant à l’autorité incontestable des livres saints, au lieu d’employer uniquement l’autorité traditionnelle de l’Église. » Si Charles-Quint entra plus tard en défiance contre Carranza et voulut sévir contre les doctrines nouvelles, ce fut à l’instigation du grand inquisiteur Valdez.

963. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Or, comme ce système nous ne l’entrevoyons encore qu’à la lumière de ces prodromes, nous ne pouvons dire exactement à quelle hauteur de monument il s’élèvera, et quelle place définitive il assignera au nouveau philosophe de cet Oratoire dont le nom fut illustré déjà par Malebranche ; mais ce que nous savons, c’est que la tendance en est profondément rénovatrice, — historique deux fois, d’abord parce qu’elle nous fait sortir de l’abstraction intellectuelle pour entrer en pleine réalité humaine, et ensuite parce qu’elle reprend la tradition de méthode qui a été la vraie force de la philosophie, depuis Aristote jusqu’à saint Thomas d’Aquin, et depuis saint Thomas d’Aquin jusqu’à Leibnitz. […] Et n’est-ce pas le plus frappant caractère de ce nouveau traité de la Connaissance de Dieu, que d’avoir creusé dans l’être et de n’y avoir vu jamais que ce qu’il y a dans la croyance universelle du monde, dans le sens traditionnel du genre humain, affermi et illuminé par la Révélation chrétienne, sans que la philosophie y puisse trouver un iota de plus ! […] Le nouveau métaphysicien dont il est question ici a-t-il cette noble ambition et aura-t-il ce succès ?

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