« Soyons modestes chacun pour nous ; ne le soyons pas, nous n’en avons pas le droit, pour notre nation ; ne faisons pas bon marché d’une possession qui n’a d’égale nulle part. […] Les autres nations peuvent mettre en ligne à tel ou tel moment des prosateurs de premier ordre comme des tirailleurs isolés : chez nous seulement, depuis le narrateur de la conquête de Constantinople jusqu’au romancier de Mauprat, la Prose s’appelle légion et se présente comme une armée toujours accrue de renforts et continuellement en marche. […] Quelle est la nation de l’Europe qui pourrait opposer une aussi nombreuse, une aussi remarquable élite de prosateurs à ceux qui, chez nous, sont nés à la vie littéraire depuis 1800 ? […] Actuellement la France de Rabelais et de Pascal, de Molière et de Montesquieu, de Bossuet et de Voltaire, n’est pas descendue de ce piédestal où pendant trois siècles toutes les nations l’ont honorée comme la grande statue exemplaire !
Sans m’attacher à prouver cette assertion, il me suffira d’observer que l’esprit du clergé catholique, qui s’est emparé de tout temps de l’instruction publique, est entièrement opposé aux progrès des lumières et de là raison que tout favorise dans les pays protestants, et qu’il ne s’agit pas dans cette question d’examiner s’il n’a pas existé dans les pays catholiques de très-grands hommes depuis la renaissance des lettres ; mais si le grand nombre, si le corps de la nation est devenu plus éclairé et plus sensé : car le privilège du petit nombre de grandes têtes consiste à ne pas ressembler à leur siècle, et rien de leur part ne peut faire loi. […] Cela s’appelle la promotion, à laquelle, comme à tous les actes publics, on donne dans ces écoles un grand air d’importance et de publicité, ce qui est excellent pour entretenir l’émulation et enflammer la jeunesse, qui s’accoutume dès lors à se regarder comme la portion la plus intéressante et la plus précieuse de la nation, puisque c’est sur elle que repose la durée de sa gloire6. […] C’est-à-dire que le grand nombre des nations savantes et policées obligea les hommes éclairés de chaque nation d’étudier une multitude si prodigieuse de langues nécessaires à la circulation des connaissances acquises, que leur tête en péta.
Mais les institutions qui nous ont servi à mesurer le progrès de l’égalitarisme se rencontrent chez toutes les nations modernes occidentales, quelles que soient les races qui les composent. Et sans doute chacune de ces nations se fait du Droit une idée caractéristique35. […] Est-ce dans nos nations modernes où chaque recherche met au jour des couches ethniques différentes ? […] Retenant ce fait que les divisions de races sont loin de correspondre aux divisions de nations, et rejetant par suite la confusion de la race « historique » avec la race « biologique », ils se font forts de reconnaître les éléments anthropologiquement différents, jusque dans les sociétés où ils sont actuellement mêlés, et d’établir, en comparant par exemple les indices céphaliques aux situations sociales, aux caractères, aux idées mêmes, que ces différents phénomènes varient en fonction de caractères anatomiques.
Nous avons vu l’origine des éloges chez presque toutes les nations ; je voudrais maintenant suivre leurs différentes formes chez tous les peuples qui ont cultivé les arts. […] Tout cela ensemble, surtout chez une nation austère et grave, devait affecter profondément et inspirer des idées augustes de religion et de morale.
En général, la nation parut révoltée. […] Quelques politiques le regardent, en récompense, comme la première nation du monde en fait de morale & de police. […] Reconnoît-on ses pères & le philosophe de la nation pour des dieux ? […] Un des plus grands poëtes de sa nation fut regardé comme un rimeur sans génie. […] Le Tasse, depuis, eut tout lieu d’être content de la nation.
Quand on aura retiré à une nation spirituelle la permission de rire tout haut et de se moquer publiquement, l’honnêteté y gagnera peut-être, mais la sottise aussi, bien certainement. […] Messieurs, on a donc bien peur que l’esprit français soit trop vif, que, tandis que les autres nations se fortifient et s’accroissent dans leurs qualités originales, nous continuions à nous aiguiser dans la nôtre ! […] Une des choses qui m’ont le plus affligé pendant la discussion de cette loi, c’est de voir combien elle plaçait la France dans un état d’infériorité vis-à-vis d’autres nations ; car toute nation qui ne jouit pas de la pleine liberté de la presse est inférieure virtuellement et censée mineure à cet égard, par comparaison à celles qu'en jouissent. Grâce à cet amendement improvisé, qui a passé dans la loi, le Français est considéré et traité comme un petit monsieur de qualité qui n’oserait sortir en plein air de peur de s’enrhumer, tandis que les autres nations, un Américain, un Suisse, un Belge, un Anglais, tous gens à la peau moins douillette, se moquent du chaud et du froid et bravent les intempéries des saisons. […] Mais je veux espérer encore qu’on n’y réussira pas, et que la nation française de tout temps si ingénieuseà donner des ridicules à qui en mérite, ne déchoira pas trop ; que les mœurs réagiront dès le premier jour contre l’abus de la loi.
« Prospérité sociale, cela veut dire l’homme heureux, le citoyen libre, la nation grande. […] « Il est bien entendu ici que par ces mots, Venise, l’Angleterre, nous désignons non des peuples, mais des constructions sociales ; les oligarchies superposées aux nations, et non les nations elles-mêmes. Les nations ont toujours notre respect et notre sympathie. […] L’Angleterre, aristocratie, tombera ; mais l’Angleterre, nation, est immortelle. […] En 93, un chaudronnier avait acheté la maison pour la démolir ; mais n’ayant pu en payer le prix, la nation le mit en faillite.
Supposons que ma méthode soit juste, dans ses grandes lignes ; jusqu’ici je n’ai fait que l’appliquer sommairement, par un groupement nouveau de faits bien connus ; et je n’en ai donné qu’une seule explication, en insistant sur les rapports intimes qu’il y a contre l’évolution littéraire d’une part, l’évolution d’un principe et celle d’un groupe d’hommes (nation) d’autre part. […] Ces groupes s’étendent, semblables à des cercles concentriques, depuis la famille jusqu’à l’humanité, en passant par le clan ou la tribu, la commune, la province ou le canton, la nation… ; très variables dans leur intensité et leur homogénéité, ils peuvent exister simultanément, l’un dans l’autre, quoique leur importance relative ou actuelle dépende de révolution historique. […] Le système féodal et le système théocratique se construisent d’une façon analogue : en pyramide ; c’est une transaction entre les nécessités des groupes de contiguïté et l’universalité des principes ; c’est aussi une préparation à ce groupe plus grand : la nation. […] La raison universelle reporte sur la terre le but de la vie qu’on avait mis dans l’au-delà ; l’humanité retrouve en elle-même sa raison d’être ; c’est une renaissance, une nouvelle délivrance ; ici encore, le principe universel et absolu ne peut se réaliser que dans la relativité des groupes de contiguïté ; en politique, c’est la royauté absolue, qui donne à la nation française sa forme solide et précise. — Ce travail étant fait, l’autorité passe du monarque au peuple ; autre étape vers la liberté ; la démocratie est à la fois un achèvement de la nationalité, par un acte de volonté et par la participation de chaque citoyen, et déjà une préparation à une unité plus grande, par la solidarité sociale, conséquence directe de la démocratie. Au cours de ces trois ères, la nation est le groupe essentiel ; d’abord un but, ensuite une réalité, et plus tard un point de départ.
Alexandre, vainqueur de tant de nations, nous attache moins que Darius précipité du trône. […] Ce sont les premieres traces de Romans qu’on apperçoive chez cette nation. […] Les conquêtes de ce Prince rompirent la barriere qui séparoit deux nations rivales, les Perses & les Grecs. […] Ce goût du merveilleux fut commun à presque toutes les nations ; toutes ont eu leurs Magiciens, leurs Devins, leurs Oracles. […] Du temps des anciens Gaulois le Mont Saint Michel s’appelloit Mont Bellen, parcequ’il étoit consacré à Bellenus, un des quatre grands Dieux qu’adoroit cette nation.
Lorsque l’autorité commet de pareils actes, il importe peu de quelle source elle se dise émanée, qu’elle se dise individu ou nation ; elle serait la nation entière, moins le citoyen qu’elle opprime, qu’elle n’en serait pas plus légitime. » L’idéologie démocratique tend à résorber toutes les libertés dans la liberté dite politique. […] Ils ont confondu les droits de l’homme et le droit du peuple ; les droits de l’homme, de l’individu, et le droit du peuple, de la nation, de la communauté des citoyens libres… Mais les droits de l’homme et le droit du peuple ne sont point la même chose, à tel point même que le droit du peuple peut être en conflit avec les droits de l’homme.
La Loi, qui représentait, non les anciennes lois du pays, mais bien les utopies, les lois factices et les fraudes pieuses du temps des rois piétistes, était devenue, depuis que la nation ne se gouvernait plus elle-même, un thème inépuisable de subtiles interprétations. Quant aux prophètes et aux psaumes, on était persuadé que presque tous les traits un peu mystérieux de ces livres se rapportaient au Messie, et l’on y cherchait d’avance le type de celui qui devait réaliser les espérances de la nation. […] L’avénement du Messie avec ses gloires et ses terreurs, les nations s’écroulant les unes sur les autres, le cataclysme du ciel et de la terre furent l’aliment familier de son imagination, et comme ces révolutions étaient censées prochaines, qu’une foule de personnes cherchaient à en supputer les temps, l’ordre surnaturel où nous transportent de telles visions lui parut tout d’abord parfaitement naturel et simple.
Le divorce, pour une nation catholique comme le fut la France, n’est pas une question. Ce n’est pas non plus une question pour une nation historique qui sait, comme la nôtre, par son histoire, que le mariage indissoluble est une affaire de race, de tempérament, de mœurs et de siècles. Ce n’est pas davantage une question pour une nation politique, car la vraie et grande politique ne se préoccupe que de ce qui est l’intérêt social, et non pas de l’intérêt individuel que les Épicuriens, les jouisseurs et les myopes, qui font de la justice à la mesure de leurs pauvres sensibilités, ont toujours envisagé, depuis que cette question du divorce s’agite sur le tambour de la révolte, battant la charge contre tout ce qui n’est pas la plus impossible des égalités !
En proie aux titubations modernes, la plus triste maladie de ce temps, il n’aurait pas osé prendre sur la responsabilité de sa pensée d’affirmer qu’il y a des hiérarchies politiques et des hiérarchies de nations ! Parmi nous, pourtant, les plus maniaques d’égalité relèvent à la frontière, pour l’honneur de la France, l’inégalité dont ils ne veulent pas à l’intérieur, et ils appellent avec raison la première des nations du monde le pays des vainqueurs de Sébastopol. Or, s’il y a une première parmi les nations, il y a forcément une dernière.
Un jour Voltaire lui envoie le Jules César de Shakespeare et l’Héraclius de Calderon, à titre de farces ou de folies, pour le divertir et le mettre en belle humeur ; et Bernis répond par une lettre pleine de grâce et de sens : Notre secrétaire (celui de l’Académie) m’a envoyé l’Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire le Jules César de Shakespeare : ces deux pièces m’ont fait grand plaisir comme servant à l’histoire de l’esprit humain et du goût particulier des nations. […] Mais il a le mérite d’avoir senti et signalé, l’un des premiers, ce qui devait corrompre le goût léger, vif et spirituel, et la gaieté originale de notre nation. […] Le représentant d’une nation dès longtemps illustre parmi les nations, le ministre du fils aîné de la religion, du roi très-chrétien, a toujours tenu un rang distingué et prépondérant dans Rome. […] Tout ce qui est dû à la nation française et à son roi rejaillit sur sa personne par l’art avec lequel il le leur fait rendre.
Je tâcherai aussi d’engager un homme raisonnable à faire un tour en Saxe ; mais les Français sont paresseux de sortir de Paris : j’entends ceux qui valent quelque chose, et ils sont au désespoir quand il s’agit d’aller seulement sur la frontière. » Il nous connaissait bien : et c’est ainsi qu’il est bon quelquefois de ne pas être de la nation qu’on sert et où l’on sera appelé à commander : on sait les défauts, on les corrige ; on combine les qualités et les mérites de deux races. J’aime à croire que le comte de Saxe, au fond, rendait toute justice aux qualités françaises : l’élan, le brillant, le ressort, l’intrépidité insouciante dont la nation est capable ; il en sut, en effet, très bien user et jouer dans les combats, et nul ne mena de front plus agréablement l’Opéra et la victoire : il a été en ce sens, un des plus Français de nos généraux14 ; mais dans ses lettres, dans celles surtout qu’il écrivait à ses compatriotes, il se plaît de préférence à marquer nos faibles et nos défauts. […] » Elle ne courait point le danger sans doute d’être rayée du rang des nations ; mais Louis XIV, qui exigeait si impérieusement de Villars qu’il livrât une bataille, et qui avait prévu le cas désespéré où elle serait perdue, afin de risquer en personne le tout pour le tout dans un suprême et dernier effort, savait mieux apparemment à quoi s’en tenir sur ses affaires que MM. […] Dans un passage des Rêveries que le comte Vitzthum a rétabli exactement selon le manuscrit, on lit cet hommage rendu à la valeur française : « C’est le propre de la nation française d’attaquer… La valeur et le feu qui animent cette nation ne s’est jamais démenti, et, depuis Jules César, qui en est convenu lui-même, je ne sais aucun exemple qu’ils n’aient bien mordu sur ce que l’on leur a présenté.
On peut, avec Robert Owen, appeler tout ce qui précède période irrationnelle de l’existence humaine, et un jour cette période ne comptera dans l’histoire de l’humanité, et dans celle de notre nation en particulier, que comme une curieuse préface, à peu près ce qu’est à l’histoire de France ce chapitre dont on la fait d’ordinaire précéder sur l’histoire des Gaules. […] Tous les peuples anciens plaçaient l’idéal de leur nation à l’origine ; les ancêtres étaient plus que des hommes (héros, demi-dieux). […] Les nations opprimées font de même : Arthur n’est pas mort. […] Le p-lus puissant cri qu’une nation ait poussé vers l’avenir, la croyance de la nation juive au Messie, cette croyance, dis-je, naquit et grandit sous l’étreinte de la persécution étrangère.
Je choisis seulement deux époques, l’une où l’Église est à la fois soutenue par le pouvoir civil et acceptée, comme maîtresse par la majorité de la nation ; ce sera la fin du dix-septième siècle ; l’autre où l’Église a encore pour elle l’autorité séculière, mais où elle sent son ascendant sur les âmes contesté et menacé par la plupart des écrivains ; ce sera le milieu du dix-huitième siècle. […] Les nations réformées ont (ce n’est pas un vain jeu de mots) l’esprit réformiste ; elles concilient la tradition et l’innovation ; elles ne croient pas qu’il faille créer un abîme entre l’avenir et le passé ; en détruisant les choses surannées devenues gênantes, elles conservent ce qui est inoffensif ou ce qui a sa raison d’être ; elles avancent ainsi à petits pas, sans brusque secousse, mais aussi presque sans recul. Les nations catholiques ne savent pas marcher posément ; elles se meuvent par bonds et saccades ; elles passent de la soumission absolue à la révolte complète, et réciproquement ; elles vont presque incessamment d’un extrême à l’autre ; elles disent volontiers, comme l’Église qui les a conquises et façonnées : Tout ou rien. […] Et quand même on dirait que ces nations sont restées catholiques ou devenues protestantes, parce qu’elles devaient déjà soit à la race, soit au climat, une sorte de prédestination à cette différence de culte ; quand même on ferait ainsi remonter à une cause commune leurs préférences religieuses, politiques, morales, esthétiques, il n’en serait pas moins vrai que leurs croyances sur l’au-delà et sur la destinée humaine, cristallisées dans des institutions permanentes et dans des pratiques séculaires, ne peuvent que maintenir et renforcer leur tempérament primitif. […] On doit l’honorer et le prier, sans croire jamais qu’un Dieu placé si haut s’occupe du sort des individus, sinon de certains individus privilégiés qui sont des princes chargés par lui de présider aux destinées des nations.
monsieur de La Fayette, Richelieu fut Richelieu contre la nation pour la Cour, et quoique Richelieu ait fait beaucoup de mal à la liberté publique, il fit une assez grande masse de bien à la monarchie. Soyez Richelieu sur la Cour pour la nation, et vous referez la monarchie, en agrandissant et consolidant la liberté publique. […] Il va se faire faire généralissime, c’est-à-dire se faire proposer le généralat, c’est-à-dire encore recevoir la dictature de fait, de ce qui est la nation, ou de ce qui a l’air de la nation. […] Le dernier billet de Mirabeau au comte de La Marck, daté du 24 mars 1791, c’est-à-dire de neuf jours avant sa mort, se termine par ces mots : « Ô légère et trois fois légère nation !
la royauté, ce n’est qu’un homme, qu’une famille tout au plus contre la nation entière ; nous le savons. […] Et restituant à la révolution de Juillet son sens général et unanime, la montrant indépendante des menées souterraines du carbonarisme, régulière, pour ainsi dire, et légale, et avouable en plein soleil, il ajoutait ces mémorables paroles, où un vrai patriotisme respire : Cette victoire est celle de la nation entière, et la nation qui n’a jamais conspiré, la nation qui croit ne s’être pas insurgée, mais avoir réprimé et puni l’insurrection du pouvoir, la nation, disons-nous, s’étonnerait et s’alarmerait de manifestations qui ne lui rappellent point des efforts et une gloire à elle, mais des dévouements particuliers à des affiliations politiques, et qui ne peuvent être appréciés à toute leur valeur que par ceux qui les ont vus de très près.