/ 2115
657. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Pour démontrer l’influence d’une institution morale ou religieuse sur le cœur de l’homme, il n’est pas nécessaire que l’exemple rapporté soit pris à la racine même de cette institution ; il suffit qu’il en décèle le génie : c’est ainsi que l’Élysée, dans le Télémaque, est visiblement un paradis chrétien.

658. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Dans la tragédie il suffit de nommer Bayard, Tancrède, Nemours, Couci : Nérestan apporte la rançon de ses frères d’armes, et se vient rendre prisonnier, parce qu’il ne peut satisfaire à la somme nécessaire pour se racheter lui-même.

659. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Le repos de l’âme est nécessaire à quiconque veut écrire sagement sur les hommes ; or, nos gens de lettres, vivant la plupart sans famille, ou hors de leur famille, portant dans le monde des passions inquiètes et des jours misérablement consacrés à des succès d’amour-propre, sont, par leurs habitudes, en contradiction directe avec le sérieux de l’histoire.

660. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Je me déclare incapable d’exprimer avec convenance l’admiration que m’inspire cette incomparable imagination philosophique, et surtout de retracer avec l’ordonnance nécessaire le développement de cet esprit volontaire qui voua un culte si fiévreux à la logique.‌

661. (1925) Comment on devient écrivain

Évidemment la confiance en soi est nécessaire ; mais qui peut se croire capable d’écrire pendant des années des ouvrages intéressants ? […] Le travail est nécessaire, mais trop de travail stérilise. […] Un bon plan est nécessaire, aussi bien pour un roman d’action que pour un roman psychologique. […] Manon lui est si nécessaire, qu’il trouve lui-même naturel de vivre avec l’argent de ses adorateurs. […] Pour faire du roman mondain, il est absolument nécessaire d’aller dans le monde.

662. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Aux époques de loisir, on y mêlait beaucoup de superflu ; nous l’avons réduit au strict nécessaire. […] Les jeunes gens qui ne sont pas encore faits, pour l’ordinaire n’ont pas le bon air, ni même de certains agréments de maître. » Le chevalier revient plus d’une fois sur cette idée que « ce qu’on appelle le goût bon, il ne faut pas l’attendre des jeunes gens, à moins qu’ils n’y soient extrêmement nés ou que l’on n’ait eu grand soin de les y élever. » Les jeunes gens, par une impétuosité naturelle, vont d’abord à ce qui leur paraît le plus nécessaire, et le reste les touche fort peu. […] Je m’imagine donc que tout ce qu’on doit le plus désirer pour aller dans le monde, c’est d’être honnête homme et d’en acquérir la réputation ; mais, pour y parvenir, que jugeriez-vous de plus à propos et de plus nécessaire ?  […] Quantité de choses sont nécessaires pour être heureux, mais une seule suffit pour être à plaindre ; et ce sont les plaisirs de l’esprit et du corps qui rendent la vie douce et plaisante, comme les douleurs de l’un et de l’autre la font trouver dure et fâcheuse. […] « Outre que cette méthode est lassante, et que jamais ce n’a été le langage d’aucune cour du monde, il me semble que tout ce qu’on dit de beau, de grand et de nécessaire, saute aux yeux quand on le dit bien. » (Seconde Conversation du chevalier de Méré avec le maréchal de Clérembaut.)

663. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Pendant que le ministre poursuivait d’autres expériences nécessaires au but qu’il se proposait, un couple d’oiseaux, mâle et femelle, vint se percher sur un arbre voisin. […] Le ministre, profitant de la leçon qu’on venait de lui donner, coupa douze bambous et en fixa la longueur nécessaire pour produire les douze demi-tons ou degrés chromatiques qui sont contenus dans l’unité de l’octave. […] La verve, sorte d’ivresse gaie du génie, n’est pas nécessaire aux autres arts, par exemple aux poètes, parce qu’ils se nourrissent plutôt de réflexion et de mélancolie ; mais elle est indispensable aux musiciens, parce que leur âme est une perpétuelle explosion du chant émané en cascades de sons de leur mélodie intérieure. […] Wolfgang l’a écrit de mémoire, et nous vous l’aurions envoyé dans cette lettre à Salzbourg, si notre présence n’était nécessaire pour l’exécuter. » L’enfant ajoute de sa main, pour sa sœur Nanerl : « Écris-moi comment se porte notre canari. […] « Nous vous félicitons, écrivent-ils à Salzbourg, pour votre commun jour de fête (la mère et la fille s’appelaient Nanerl), en vous souhaitant une bonne santé et avant tout la grâce de Dieu : c’est l’unique nécessaire, le reste vient par surcroît.

664. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Relisez dans le Banquet l’histoire de cette perpétuelle et nécessaire ascension de l’amour, qui toujours dépasse les êtres finis pour monter plus haut, soit à un Dieu personnel, soit à ce qu’on a appelé, faute d’autres mots, la « catégorie de l’Idéal ». […] Mais, outre que nous ignorons ce qu’il put souffrir, il est trop clair que les âmes les plus délicatement impressionnables et tendres, les plus « amoureuses d’aimer », sont celles qui répugnent le plus à ce qu’il y a de nécessaire dureté, de brutalité — et de haine — dans l’amour-maladie. […] Il n’est pas nécessaire que la vérité se trouve exactement dans tous les mots, pourvu qu’elle soit dans la pensée et dans la phrase. […] Mais, le « monde » étant, au fond, un libre harem épars, dissimulé, inavoué (songez, par exemple, à la nécessaire signification du décolletage des femmes), le vernis de la vie dite élégante doit forcément recouvrir de sourdes brutalités. […] … Et, pour la plupart des autres, ce que j’en ai pu dire ne se ramène-t-il pas à cette vérité, à la fois nécessaire, mélancolique et rassurante, que les morts n’arrêtent pas la vie ?

665. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Ainsi se trouve justifiée notre définition : « La Poésie est, par la Beauté, l’expression humaine de la notion divine. » L’alliance de la beauté et de la vérité, qui est le principe de toute la poésie moderne, est entraînée comme une conséquence nécessaire d’une telle définition. […] Poe, qu’il n’existe pas de long poème, que ces mots “un long poème” sont tout simplement contradictoires dans les termes. » Revenant sur cette pensée, il la précise : « La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition de longue haleine : au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe, une révulsion s’opère et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème. » Nous pouvons nous souvenir, pour corroborer l’opinion de Poe par l’histoire, que l’Iliade et l’Odyssée datent d’une époque postérieure à celle de leur composition, quant à la forme arbitraire selon laquelle ces deux œuvres nous sont présentées : forme arbitraire, étrangère, ou peu s’en faut, à la pensée du ou des poètes primitifs. […] Négligeons d’étendre la discussion jusqu’au roman qu’il serait peut-être difficile de défendre, au point de vue idéal de l’œuvre d’art pourvue de sa double et nécessaire vertu d’éternité et d’unité. […] C’est de cette union nécessaire de l’esprit critique et de l’esprit poétique qu’est née la poésie nouvelle, dénommée (après avoir subi bien des étiquettes comme autant d’injures), la Poésie Symbolique. […] Aussi la philosophie est-elle l’alliée nécessaire de la poésie, et quand celle-ci, sous toutes ses formes, déserte le culte, elle emporte avec elle le sens du mystère qui était la principale force de la doctrine révélée.

666. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Entre le monde externe et le monde interne il y a une correspondance constante, nécessaire. […] Mais s’il est certain que de la simple action réflexe par laquelle l’enfant tette, jusqu’aux raisonnements compliqués de l’homme adulte, le progrès se fait chaque jour par degré infinitésimal ; il est certain aussi qu’entre les actes automatiques des êtres les plus bas et les plus hautes actions conscientes de la race humaine, on peut disposer toute une série d’actions manifestées par les diverses tribus du règne animal, de telle façon qu’il soit impossible de dire à un certain moment de la série : Ici commence l’intelligence. » Si du savant qui poursuit ses recherches avec la pleine conscience des procédés de raisonnement et d’induction qu’il emploie, nous descendons à l’homme d’une éducation ordinaire, qui raisonne bien et d’une manière intelligente, mais sans savoir comment ; si de là nous descendons au villageois, dont les plus hautes généralisations ne dépassent guère les faits locaux ; si de là nous tombons aux races humaines inférieures qu’on ne peut considérer comme pensantes, dont les conceptions numériques dépassent à peine celles du chien ; si nous mettons à côté les plus élevés des primates, dont les actions sont tout aussi raisonnables que celles d’un petit écolier ; si de là nous arrivons aux animaux domestiques ; puis des quadrupèdes les plus sagaces à ceux qui le sont de moins en moins, c’est-à-dire qui ne peuvent plus modifier leurs actions selon les circonstances et sont guidés par un immuable instinct ; puis si nous remarquons que l’instinct, qui consistait d’abord en une combinaison compliquée de mouvements produits par une combinaison compliquée de stimulus, prend des formes inférieures dans lesquelles stimulus et mouvements deviennent de moins en moins complexes ; si de là nous en venons à l’action réflexe et « si des animaux chez qui cette action implique l’irritation d’un nerf et la contraction d’un muscle, nous descendons encore plus bas chez les animaux dépourvus de système nerveux et musculaire, et que nous découvrions qu’ici c’est le même tissu qui manifeste l’irritabilité et la contractilité, lequel tissu remplit aussi les fonctions d’assimilation, sécrétion, respiration et reproduction ; et si, finalement, nous remarquons que chacune des phases de l’intelligence, énumérées ici, se fond dans les voisines par des modifications trop nombreuses pour être distinguées spécifiquement, et trop imperceptibles pour être décrites, nous aurons en une certaine mesure montré la réalité de ce fait : qu’on ne peut effectuer de séparation précise entre les phénomènes de l’intelligence et ceux de la vie en général. » L’autre base de la doctrine, c’est la corrélation nécessaire de l’être et de son milieu, que l’auteur exprime en disant que la vie est une correspondance, « un ajustement continu des rapports internes aux rapports externes. » L’être vivant quel qu’il soit, arbre, infusoire ou homme, ne peut subsister s’il n’y a harmonie entre son organisme et son milieu ; et si à la vie physique s’ajoute la vie psychique, l’ajustement deviendra plus complexe. […] On est donc conduit à cette conclusion nécessaire, que l’intelligence n’a pas de degrés distincts, qu’elle n’est pas formée de facultés réellement indépendantes ; mais que les phénomènes les plus élevés sont les effets d’une complication qui, par degrés insensibles, est sortie des éléments les plus simples. […] D’ailleurs, pour que la correspondance soit possible entre l’être et son milieu, il est nécessaire qu’à mesure que l’organisme est exposé à des impressions plus nombreuses, ces impressions se coordonnent en lui, se centralisent et tendent constamment à l’unité. […] 1° Les associations indissolubles (vérités nécessaires des autres écoles) résultent pour lui, comme nous le verrons ci-après, de la transmission héréditaire.

667. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Pheplypeaux, grand vicaire de Meaux, en date du 28 octobre 1699 :‌ « Monsieur, ayant receu de M. l’évesque de Meaux un mémoire par lequel il seroit nécessaire de mettre dans la maison des Nouvelles catholiques de Paris, les demoiselles de Chalandos et de Neuville, j’en ay rendu compte au Roy, qui m’a ordonné de vous escrire d’envoyer prendre une des demoiselles de Chalandos qui s’appelle Henriette et qui demeure au chateau de Chalandos, près de Rebais, et les deux cadettes des demoiselles de Neuville, qui demeurent à Caussy, paroisse d’Ussy, près de Ferté-sous-Jouarre, lesquelles vous ferez conduire, s’il vous plaist, aux Nouvelles catholiques.‌ « Il y a aussi, dans la même paroisse d’Ussv, deux jeunes demoiselles, nommées de Molliers, que M. de Meaux croit nécessaire de renfermer ; mais comme elles ne sont pas présentement sur les lieux, il ne faudra les envoyer aux Nouvelles catholiques que de concert avec M. de Meaux et dans le temps qu’il dira. […] En résumé, l’originalité de Bossuet, comme théologien, est précisément de repousser toute originalité, toute innovation, même tout développement neuf ; de se fortifier au centre de la doctrine officielle, de n’admettre que les choses consacrées et ne rejeter aucune de celles qui sont consacrées… »‌ Cette métaphysique, ayant été définitivement située par d’autres, dans le puits sans fond des erreurs humaines, je ne crois pas nécessaire de commenter ces quelques lignes qui contiennent leur propre jugement. […] Il est nécessaire, pour comprendre cette influence, de connaître la situation exacte de Bossuet vis-à-vis de Louis XIV. […] Le pouvoir civil en est seul responsable, puisqu’à lui seul appartient la force. » L’argument est connu ; il tend à démontrer que, si, manquant de la force nécessaire, vous mettez le couteau aux mains d’un être robuste et dont vous avez fait votre chose, pour l’employer à vos desseins homicides, le meurtrier c’est lui, et c’est vous l’innocent ; que si vous prêchez le crime, laissant aux autres le soin de l’accomplir, vous demeurez sans reproche.

668. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Les cheveux règlent l’humidité nécessaire au crâne ; n’en est-il pas de même des frondaisons de l’arbre ? […] Des commentaires n’y sont pas bien nécessaires. […] La manducation même n’était pas toujours nécessaire. […] C’est possible, mais il est possible aussi que l’égoïsme soit nécessaire à un Gœthe, comme à un Victor Hugo. […] On peut même se demander si ces sortes de crises ont des rapports nécessaires avec la passion du jeu.

669. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Il est dificile en parlant et en écrivant, d’aporter toujours l’atention et le discernement nécessaires pour rejeter les idées accessoires qui ne conviènent point au sujet, aux circonstances, et aux idées principales que l’on met en oeuvre : delà il est arivé dans tous les tems, que les écrivains se sont quelquefois servis d’expressions figurées qui ne doivent pas être prises pour modèle. […] On a la liberté d’ajouter ou de retrancher ce qui est nécessaire au dessein qu’on se propose ; mais on doit conserver autant de mots qu’il est nécessaire pour rapeler le souvenir de l’original dont on emprunte les paroles. […] Ainsi en général le sens abstrait est celui par lequel on s’ocupe d’une idée sans faire atention aux autres idées qui ont un raport naturel et nécessaire avec cette idée. […] Observez encore qu’il n’est pas nécessaire que j’aie vu tous les objets blans pour me former l’idée abstraite de blancheur ; un seul objet blanc pouroit me faire naitre cette idée, et dans la suite je n’apèlerois blanc que ce qui y seroit conforme, come le peuple n’atribue les propriétés du soleil qu’à l’astre qui fait le jour. Ainsi il n’est pas nécessaire que j’aie vu tous les cercles possibles, pour vérifier si dans tout cercle les lignes tirées du centre à la circonférence sont égales, un objet qui n’a pas cette propriété n’est point un cercle, parce qu’il n’est pas conforme à l’idée exemplaire que j’ai aquise du cercle, par l’usage de la vie, et par les réflexions que cet usage a fait naitre dans mon esprit.

670. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

La strophe était la forme naturelle et nécessaire qu’André Chénier devait adopter. […] L’amour de Manon est si nécessaire à son bonheur, il reconnaît si bien qu’il ne peut se passer d’elle, qu’il hésite longtemps à s’éclairer. […] Hugo sont nécessaires et ne peuvent pas ne pas être. […] L’étonnement et l’inquiétude lui sont aussi nécessaires que l’amour. […] L’amour de Marianna pour Henri est si naturel, si bien préparé, je dirais volontiers si nécessaire, que M. 

671. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Il est impossible, en effet, qu’il y ait eu depuis plus de vingt-cinq ans une sorte de concours ouvert pour apprécier ces admirables tableaux d’histoire et leur auteur, sans que toutes les idées justes, toutes les louanges méritées et les réserves nécessaires se soient produites : il ne peut être question ici que de rappeler et de fixer avec netteté quelques-uns des points principaux acquis désormais et incontestables. […] Les pairs surtout, en qui il a mis toutes ses complaisances, et dont il fait la clé de voûte dans le vrai système, lui semblent devoir être (comme ils l’ont jadis été, selon lui), les conseillers nécessaires du roi, les copartageants de sa souveraineté. […] Pour être un politique, indépendamment des vues et des idées justes qui sont nécessaires, mais qu’il ne faut avoir encore qu’à propos et modérément, sans une fertilité trop confuse, il ne convient pas de porter avec soi de ces humeurs brusques qui gâtent tout, et de ces antipathies des hommes qui créent à chaque pas des incompatibilités. […] Cette première édition si goûtée, avait été faite d’après un singulier principe et sur un sous-entendu étrange ; c’est que Saint-Simon, parce qu’il a sa phrase à lui et qui n’est ni académique, ni celle de tout le monde, écrivait au hasard, ne savait pas écrire (comme le disaient les marquises de Créquy et du Deffand), et qu’il était nécessaire de temps en temps, dans son intérêt et dans celui du lecteur, de le corriger.

672. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Or MM. de Goncourt ont donné comme qui dirait la note la plus aiguë de la littérature contemporaine ; ils ont eu au plus haut point l’intelligence et l’amour de ce qu’ils ont appelé eux-mêmes la « modernité » ; ils ont enfin inventé une façon d’écrire, presque une langue, qu’on peut apprécier fort diversement, mais qui est curieuse, qui a eu des imitateurs et qui a marqué sa trace dans la littérature des vingt dernières années  Mais peut-être est-il nécessaire, pour les bien goûter, d’avoir un esprit peu simple et en même temps d’être de ceux « pour qui le monde visible existe3 ». […] Pour ne parler que de l’atelier de Coriolis, il est certain que la description n’en était pas absolument nécessaire à l’intelligence de son histoire ; mais, puisqu’il est encore permis de décrire le crépuscule à la campagne, il vaut peut-être la peine, pour changer, de le décrire dans un atelier. […] Les incorrections, je crois, ne sont jamais nécessaires, et, quant aux autres nouveautés, il faudrait voir. […] J’ai peine, parfois, à aller au-delà de ce sentiment, et j’ai peur que l’œuvre de MM. de Goncourt, dans ses parties excessives, ne soit une brillante erreur littéraire, une méprise fort distinguée sur les limites nécessaires où doit s’arrêter l’effort des mots, sur la nature et la portée de leur puissance expressive.

673. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Mais, pour dissiper tous les doutes et toutes les objections, il est nécessaire que nous dissertions un peu sur l’art et sur la loi de son développement : sans cela nous n’arriverions à rien de clair. […] De là toute cette poésie de la Restauration, dont le caractère général est un retour vers le passé, une exploration du passé, un enthousiasme vrai ou faux pour le passé, sans élan, sans impulsion en avant : comme si, après la philosophie novatrice et enthousiaste du Dix-Huitième Siècle, une réaction d’immobilité et de rétrogradation fût nécessaire, afin que l’esprit humain, après avoir reconquis son passé, revu son héritage et sa vie antérieure, pût, riche d’expérience et de savoir, se lancer de nouveau, avec plus d’assurance et d’espoir, dans la voie de l’avenir. […] Par une conséquence nécessaire, la poésie de l’un se rapproche plus de la musique ; celle de l’autre, de la sculpture et de l’architecture : ce qui ne veut pas dire que l’un spiritualise la matière, et que l’autre matérialise l’esprit. […] Et par une conséquence également nécessaire, son rythme sera abondant, doux et fluide, mais souvent sans relief, traînant et vaporeux, comme les objets qui lui fournissent ses images.

674. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Je sais que pour les personnes peu initiées à ces sortes d’études, bien d’autres développements eussent été nécessaires. […] Il est surtout une classe de récits à propos desquels ce principe trouve une application nécessaire, ce sont les récits surnaturels. […] Cette commission choisirait le cadavre, s’assurerait que la mort est bien réelle, désignerait la salle où devrait se faire l’expérience, réglerait tout le système de précautions nécessaire pour ne laisser prise à aucun doute. […] Pour faire l’histoire d’une religion, il est nécessaire, premièrement, d’y avoir cru (sans cela, on ne saurait comprendre par quoi elle a charmé et satisfait la conscience humaine) ; en second lieu, de n’y plus croire d’une manière absolue ; car la foi absolue est incompatible avec l’histoire sincère.

675. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Est-il nécessaire de faire remarquer que la physiologie est indépendante de la philosophie ? […] On peut dire, à beaucoup d’égards, qu’elle est utile, nécessaire. […] II) nous verrons comment elles se complètent réciproquement, la méthode subjective procédant par analyse et la méthode objective par synthèse ; la méthode intérieure étant la plus nécessaire, puisque sans elle on ne sait pas même de quoi on parle, la méthode extérieure étant la plus féconde, puisque le champ de son investigation est presque illimité. […] Il est certain que l’élimination de ce qui est variable et accidentel est nécessaire pour constituer la science et déterminer les conditions générales ; mais il faut alors que l’étude statique soit complétée par une étude dynamique, comme on le verra ci-après.

/ 2115