Paul Léautaud Son livre de débuts, Légendes d’âmes et de sang, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.
Alors, auprès de lui, tout le reste n’est que l’accompagnement de sa musique. […] Littérature et musique : ces mélanges d’arts sont bien attrayants ; ils ne sont pas sans périls. […] Il ne souffre pas ; il ne médite pas ; il écoute une grande musique indistincte et ne cherche pas à la comprendre. […] Et, comme la musique est plus persuasive que tous les mots, cette phrase vaut mieux que tous les commentaires ; mais commenter une musique est un plaisir inutile et charmant, l’hommage de la dialectique à l’intuition. […] Ils lui remplacent par de souveraines musiques les paroles balbutiantes de son orgueil, de son désir, de sa misère.
… d’un disciple qui sait la musique du Romantisme pour l’avoir étudiée chez les maîtres — car vous retrouvez ici les meilleures cadences de Chateaubriand — mais où nous ne discernons que trop l’artifice littéraire et cette accumulation d’images qui, par l’abus qu’on en fit, prennent le galbe et la patine légèrement défraîchie des sujets de pendule ! […] Élevée sur les genoux d’un père qui poursuivait ses rimes à travers les mille occupations de la vie mondaine, n’hésitant pas à parfaire, six mois durant, la magnificence d’un sonnet, elle eut ses jeunes ans bercés au son de la musique des phrases, et cette musique-là, tout comme l’autre, dépose en notre oreille des rythmes qui ne s’effacent jamais. […] Parmi ses titres, c’est, à mon sens, celui qui compte le plus ; j’y vois la décisive épreuve, la ceinture de flammes qu’elle sut traverser et dont elle sortit vivante… Trop de littérature, trop de musique autour d’une enfance, autour d’une âme qui s’éveille à la vie, cela peut être plus redoutable qu’aucune littérature, aucune musique du tout. Il subsiste encore la chance que cette âme porte en soi sa littérature et sa musique, auquel cas rien au monde ne saurait les empêcher d’en sortir, tandis que les réminiscences d’une mémoire trop fidèle risquent d’anéantir toute spontanéité. […] Il n’est pas jusqu’au style qui, par son accent, sa musique et certains rythmes ou façons de conduire la phrase, ne découvre de saisissantes analogies, surtout pour une oreille qui, dans sa première jeunesse, fut bercée au son de ces cadences.
C’est pourquoi, sans être lui-même un très grand guerrier, il aime les récits et les spectacles militaires ; il aime à voir passer les soldats dans les rues, à voir défiler des bataillons, musique en tête, et caracoler des généraux qui ont un beau cheval et un panache. […] Des vers sont comparables à la musique, qui n’exprime pas des idées, mais qui suggère des sentiments, des états d’âme. La musique ne peut pas exprimer une idée. […] Mais la musique vous jette dans certains états d’âme, à la fois très vagues, très troublants, très profonds, parfois douloureux, parfois délicieux. […] C’est une tentative pour vider la poésie des idées et des sentiments et pour substituer à ce qui avait été appelé la poésie jusque-là je ne sais quelle musique, musique indéchiffrable, musique que chacun interprétera à sa manière.
Et, pour parler des choses de mon métier : je défie n’importe quel compositeur de musique n’ayant pas étudié le latin, de me donner une définition exacte des mots : composer, composition. On me répondra que cela veut dire faire des morceaux de musique ou des opéras… C’est possible, c’est un fragment de définition. […] Peinture, statuaire, musique, architecture, tous les arts, jusqu’à ceux du costume et des jardins, témoignent d’inquiétude ou de vulgarité.
Ce sont comme les formules en musique ; chaque époque a les siennes : Molière, Racine et Boileau, les deux derniers plus que le premier, ont de ces formules. […] Or tandis que ce grand homme, toujours généreux, vantait, dans l’Amour médecin, « les airs et les symphonies de l’incomparable Lulli », celui-ci travaillait sous main à déposséder la troupe de Molière du droit de jouer des pièces mêlées de chant et de musique. Il y réussissait, il se faisait donner en 1672 un privilège exclusif sur toute la musique du royaume, à la trop juste indignation de Molière, qui réclamait auprès de Louis XIV, et qui en obtenait d’être maintenu dans son droit.
La plupart des commerçants, des politiciens, des médecins, choisissent les livres, les tableaux, les morceaux de musique opposés de ton et de tendance aux dispositions dont ils doivent user dans leur vie active. […] Hennequin note lui-même la prédilection des ouvriers pour les aventures qui se passent dans un fabuleux « grand monde », l’attrait des histoires romanesques ou sentimentales pour certaines personnes d’occupations incontestablement prosaïques, le charme que les habitants des villes trouvent aux paysages ; des hommes habituellement simples et calmes sont souvent avides de la musique la plus passionnée. […] Napoléon Ier lisait Ossian, Byron lisait Pope et le préférait à Shakespeare, Frédéric II s’adonnait à la musique de chambre.
Une jeune fille compose sur des paroles de lui la musique d’un opéra plusieurs fois représenté. […] Comme Richard Wagner réalisa l’alliance du Drame et de la Musique, Stéphane Mallarmé poursuivit l’identification de la Musique à la Poésie. […] Aussi sa comédie s’approprie-t-elle à la musique. […] La conception mallarméenne de la « Musique » (à ne pas confondre avec la « musique ») a fait couler beaucoup d’encre. […] Mallarmé, d’ailleurs, revendique cette acception de la musique « au sens grec » dans une lettre écrite en 1893 à Edmund Gosse où il définit la « Musique » comme un « rythme entre des rapports » (Correspondance, éd.
Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit.
C’est de la poésie lunaire et nocturne : « Les cieux étaient de cendre… C’était nuit en le solitaire octobre de ma plus immémoriale année… À travers une allée titanique de cyprès, j’errais avec mon âme une allée de cyprès avec Psyché, mon âme… » Ou bien : « À minuit, au mois de juin, je suis sous la lune mystique : une vapeur opiacée, obscure, humide, s’exhale hors de son contour d’or et, doucement se distillant goutte à goutte sur le tranquille sommet de la montagne, glisse avec assoupissement et musique, parmi l’universelle vallée.
On les aima quelquefois pour la douceur berceuse de leurs inflexions, on les écouta à cause de l’apaisement que cela donnait, à cause des beaux vers dont la musique imprécise charmait.
Tous les goûts, tous les arts y étoient bien reçus, la poësie, la musique, la peinture.
L’air vif et presque toujours serain de ces regions subtilisoit leur sang, et les disposoit à la musique, à la poësie et aux plaisirs les moins grossiers.
Arrivés tard et cherchant un « frisson nouveau », comme disait Victor Hugo de Beaudelaire, ils ont bien arraché à notre vieille langue une musique dont elle n’était pas capable jusque-là, — mais, de cette musique, ils ont dû être seuls à jouir pendant longtemps. […] Cette musique achevait son être, comme ma main achève mon bras. […] C’est vrai de la musique, comme de la poésie, de la peinture et de la sculpture. […] A ceci, que la musique est cela pour un profane ou qu’elle n’est rien. […] L’autre jour il m’avait exposé une théorie de la musique ; maintenant c’est une hypothèse sur la peinture.
La musique municipale vint devant la porte de la maison exécuter des fanfares et des symphonies pendant toute la soirée. […] Cette cantate qui, pour la musique, est d’un professeur d’Hesdin, pour les paroles est de M.
Il avait un goût exquis pour les beaux-arts, l’éloquence, la poésie, la musique, la peinture… Il dessinait facilement et de génie ; il avait étudié la musique à fond, jusqu’à savoir la composition.
Certes, ces bohèmes inspirent une musique fringante, et propre à réjouir l’après-dînée du spectateur. […] Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.
Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir. […] Lucien, dans un dialogue entre Vénus et Cupidon, avait fait demander par la déesse à son fils pourquoi il respectait tant les muses, et l’enfant avait répondu quelque chose de ce que Rabelais va reprendre, amplifier en ces termes et embellir : Et me souvient avoir lu que Cupido, quelquefois interrogé de sa mère Vénus pourquoi il n’assailloit les Muses, répondit que il les trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnêtes, tant pudiques et continuellement occupées, l’une à contemplation des astres, l’autre à supputation des nombres, l’autre à dimension des corps géométriques, l’autre à invention rhétorique, l’autre à composition poétique, l’autre à disposition de musique, que, approchant d’elles, il débandoit son arc, fermoit sa trousse et éteignoit son flambeau, de honte et crainte de leur nuire.
On peut citer comme exemples de cette sorte d’ouvrages, des romans comme le Werther ou la Confession d’un Enfant du siècle, les peintures de Rubens ou de Delacroix, presque toute la musique. […] Mais cette organisation est similaire : il existe des faits psychologiques généraux à la base du romantisme, du réalisme, de la peinture coloriste, de la musique polyphonique.