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827. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

S’attachant à montrer l’activité d’un esprit, Poe la décompose en mouvements rudimentaires successifs, suivis dans leur enchevêtrement, reliés à travers leurs interstices, distincts et réunis comme sous le microscope, les cellules d’un tissu. […] Dans un département plus ardu, Poe excelle à délimiter les états rudimentaires des cerveaux lésés ou dormants, l’extrême vertige, la nausée spirituelle d’un homme mourant de faim, les larves de la pensée d’un homme évanoui d’horreur, les mouvements reptatifs d’un cerveau sortant de catalepsie, l’invincible torpeur de la démence débutante. […] Toute l’œuvre conçue par un art infaillible et savant, calculée en ses parties, son mouvement, sa direction et sa masse, revêt l’aspect glacial d’un objet géométriquement parfait. […] Il est de notoriété commune que tout violent mouvement d’âme, si celui qui l’éprouve s’efforce de l’examiner et de le manier, cesse d’affecter la conscience comme émotion et devient cette chose atone, claire et utile, une connaissance10.

828. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Son âme, chargée de premiers mouvements, était pleine d’explosion ; dans les éruptions de son cœur elle brisait tout, elle faisait scène, elle choquait les scrupules ; elle scandalisait les pusillanimités de salon : c’était son seul tort ; mais ce tort était racheté par tant de vigueur de sentiment et par tant d’élégance de conversation, qu’on lui pardonnait tout, et qu’on finissait par aimer en elle jusqu’à ses défauts. […] Les grands accents ont besoin de grands espaces, de grands mouvements de l’âme, de grandes passions ; une jeune fille, élevée dans cette cage dorée des hôtels de Paris, ne peut élever sa voix qu’à la portée de la société étroite et raffinée qui l’entoure : si Sapho eût été une jeune fille de bonne compagnie dans la cour de quelque roi des Perses, nous n’aurions pas ces dix vers, ces dix charbons de feux, allumés dans son cœur, et qui brûlent depuis tant de siècles les yeux qui les lisent. […] La mère et la fille logeaient à cette époque dans un petit entresol humide et bas de la rue Gaillon, carrefour de rues qui vont des Tuileries au boulevard, pleines de bruit, de mouvement et de boue. […] La conversation fut souriante, légère, affectueuse, telle qu’il convient auprès d’un malade qui reprend à la vie, et à laquelle il ne faut donner que ces mouvements doux de l’esprit et du cœur, qui bercent l’âme comme dans ce second berceau de la mort.

829. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Eh bien, que l’on compare, si on l’ose, ce traité du gentilhomme, ce rituel mondain de l’aristocratie anglaise, avec le traité de Balzac, et on verra si l’abîme qui sépare ces deux livres vient uniquement du mouvement des temps et de la différence des époques, mais s’il ne tient pas plutôt au fond même des notions de l’écrivain ! […] Il n’a pas l’idéale noblesse de Callot, le plus idéal des artistes, qui élève la caricature aussi haut qu’elle peut monter, transforme la réalité sans cesser de la tenir d’une main puissante, nous pose des mendiants magnifiques drapés dans leurs guenilles comme dans des manteaux de rois, et des bourreaux tortionnaires à tournure d’archange, dardant la triple épée de feu au dos des coupables, mais il en a souvent l’audace, la cambrure, le tortillement italien, ce mouvement de serpent ou de diable (c’est la même chose depuis la Bible) qui donne aux types de l’auteur de La Tentation de saint Antoine ce je ne sais quoi de provocant et de passionné qui est certainement un des charmes de l’enfer. […] Le mouvement du connestable est terrible et grotesque à la fois. […] Nous avons eu le Balzac en pantoufles de cet admirable et adorable Gozlan, le seul homme que j’aie connu qui eût l’enthousiasme, ce mouvement toujours un peu dadais de la pensée, tout à la fois sincère et spirituel.

830. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Rancé s’y montre aussi mort que possible à tous les mouvements et à tous les bruits du dehors, et aux disputes même où il est en jeu. […] pour le coup, Rancé ne put s’empêcher de sourire, et on surprend ce mouvement de physionomie, chez lui si rare, à travers les simples lignes de sa réponse : « J’ai jeté les yeux sur votre ouvrage des Sirènes, mais je vous avoue que je n’ai osé entrer avant dans la matière.

831. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Les expressions abstraites qui ne rappellent en rien les mouvements du cœur de l’homme, et dessèchent son imagination, ne conviennent pas davantage à cette nature universelle dont un beau style doit représenter le sublime ensemble. […] Le lecteur ne s’aperçoit pas d’abord que ce mot est nouveau, tant il lui paraît nécessaire ; et frappé de la justesse de l’expression, de son rapport parfait avec l’idée qu’elle doit rendre, il n’est pas détourné de l’intérêt principal ni du mouvement du style, tandis qu’un mot bizarre distrairait son attention, au lieu de la captiver.

832. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Sitôt qu’on les endossait, on devenait roide ; l’étiquette vous prenait ; vous vous retranchiez tous les mouvements prompts et abandonnés ; vous deveniez digne ; vous ne parliez plus la langue ordinaire ; vous vous réduisiez à un certain nombre de mots et de tours approuvés ; les autres étaient écartés comme familiers et roturiers ; vous deveniez un personnage de représentation ou d’antichambre, à la longue un mannequin. […] Tous les sentiments chez lui sont tour à tour effleurés, puis quittés ; un air de tristesse, un éclair de malice, un mouvement d’abandon, un élan d’éloquence, vingt expressions passent en un instant sur cet aimable visage.

833. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Si j’étais père de famille, au lieu d’être un solitaire de l’existence entre deux générations tranchées par la mort, du passé et de l’avenir de ce globe, qui n’a plus pour moi que le tendre et triste intérêt du tombeau ; ou si j’étais un instituteur de la jeunesse, chargé de lui enseigner le plus rapidement et le plus éloquemment possible ce que tout homme doit savoir du globe et de la race à laquelle il appartient, pour être vraiment intelligent de lui-même, je suspendrais un globe terrestre au plancher de ma modeste école, et j’expliquerais, avec ce miraculeux démonstrateur de l’astronomie, le second Herschel, la place et le mouvement de notre globule au milieu des espaces et des mouvements de cette armée des astres, qui exécutent, chacun à son rang et à son heure, la divine stratégie des mondes.

834. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

La littérature était mûre pour l’art classique, quand Boileau parut ; mais ceux même qui retardaient le mouvement étaient ceux par qui ce mouvement s’était transmis jusqu’à lui.

835. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Le choix et l’agencement des mots, le mouvement général et le style, tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs. […] Non seulement le style, mais l’harmonie, le mouvement, l’imagination lui manquent.

836. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Ainsi s’expliquerait l’accélération apparente du mouvement de la lune, qui paraîtrait aller plus vite que la théorie ne le lui permet parce que notre horloge, qui est la terre, retarderait. […] Il est à peu près vrai que le mouvement du pendule est dû uniquement à l’attraction de la Terre ; mais en toute rigueur, il n’est pas jusqu’à l’attraction de Sirius qui n’agisse sur le pendule.

837. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Le haut sacerdoce de Jérusalem tenait, il est vrai, un rang fort élevé dans la nation ; mais il n’était nullement à la tête du mouvement religieux. […] Nicodème ne se fit pas chrétien ; il crut devoir à sa position de ne pas entrer dans un mouvement révolutionnaire, qui ne comptait pas encore de notables adhérents.

838. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Le premier mouvement est de remonter à la cause prochaine, immédiate, indéniable de toute œuvre humaine, je veux dire à l’être humain qui en est l’auteur. […] On cherche à savoir, au moyen de procédés ingénieux, de tests, comme on dit en langage technique, quelle est chez lui l’association habituelle des idées, quelle mémoire il a des couleurs, des sons, des mots, des phrases, des pensées ; comment il apprécie la distance, la durée, les dimensions des objets, à quel degré il possède l’adresse des mouvements, la facilité de la parole, etc.

839. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Toutes ces vertus ne sont possibles qu’au prix d’un travail constant, d’une épuration perpétuelle, d’études rigides et sévères, Les mathématiques qui expliquent les nombres, la physique qui règle les rapports des corps entre eux, la chimie qui expose leurs décompositions, l’astronomie qui enseigne les mouvements des astres, l’agriculture qui révèle les principes terrestres, la botanique et la médecine qui instruisent les hommes sur les choses du monde, telles sont les sciences nécessaires à la création des stances et des drames. […] Paul Adam, par exemple, au cours de différents articles, a prétendu que nous nous opposions « au mouvement de pensée institué par des philosophes comme Gustave Flaubert, comme Jules Laforgue, etc. ».

840. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

*** On a dit que parmi le mouvement de dissociation universelle qui commence avec la division de l’Être en objet et en sujet et se propage en une suite indéfinie de subdivisions, l’esprit serait impuissant à saisir aucun objet si, par une décision arbitraire et qui ne se justifie que par un désir de connaissance, il n’usait à quelque moment de son pouvoir d’arrêt. […] Au contraire, la digue qu’opposait au mouvement ce pouvoir d’arrêt vient-elle à se rompre, le caractère fictif qu’impliquait le récent état de connaissance se dévoile au regard de l’esprit qui va s’ingénier à recommencer son œuvre de construction systématique à l’égard d’un état plus fragmentaire de la substance phénoménale immobilisée par une intervention nouvelle et victorieuse du pouvoir d’arrêt.

841. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Il y a bien plus d’action, plus de mouvement, plus de groupe ; cela n’est que beau. […] Aussi voyez ce sujet que je vous ai fait dessiner exprès d’après un marbre antique ; Persée a l’air de donner la main à Andromède pour descendre ; Andromède, plus obligée aux dieux de sa délivrance qu’à Persée, qu’elle ne regarde pas, droite, presque sans action, sans passion, sans mouvement, les regards et les mains levés vers le ciel, touchée, en actions de grâces, est debout sur une petite éminence qui ne ressemble guère à un rocher, et ce méchant petit dragon mort n’est là que pour désigner le fait.

842. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Bien des esprits plus fanatiques que ce prêtre, transformé en observateur, n’en proclameront pas moins la supériorité de la Chine et croiront à la force de sa vie, parce qu’ils verront dans le livre même de Huc ces mouvements d’un peuple rusé, vénal, mercantile, actif, fripon, et par-dessus tout spirituel, qui survivent à la vraie vie éteinte, la vie morale, la vie de la conscience et du cœur. […] Quant à nous, qui avons cherché dans le livre de Huc une occasion d’être juste envers un pays pour lequel nous n’avons jamais éprouvé de respect ni de sympathie, ce que nous avons trouvé de plus remarquable dans ce peuple, qui a le mouvement sans la vie, c’est l’esprit, — c’est ce genre de pensées qui ne viennent pas du cœur, par opposition avec les grandes qui en viennent et qui constituent le Génie, — c’est l’esprit comme les vieilles civilisations le comprennent, volatil, brillant, chatoyant, agaçant comme un diamant aux lumières, affilé comme un dard, passant comme une flamme, ou qui reste comme un parfum.

843. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

C’est un homme de talent et de connaissances à coup sûr, un de ces archers intellectuels qui ont plus d’une corde à leur arc et dont l’esprit, à tendances multiples, a trop de mouvement et de vie pour s’enfermer dans le cercle d’une spécialité, — comme nous disons dans le welche du xixe  siècle. […] … Ce qui manque à ses Vignes du Seigneur, ce n’est ni la couleur, ni le mouvement, ni les surfaces ; mais c’est ce qui constitue toute poésie et même toute œuvre littéraire supérieure : l’accent naïf ou profond d’une personnalité à soi, d’une individualité inconnue et tout à coup révélée !

844. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

. — Un nom ancien… (Mouvement de Raoul) et même historique ne me déplairait pas… RAOUL, effaré. — Historique ? […] Ainsi seulement se transfigure, en une beauté intérieure, la plastique, tout le mouvement ondulant, éthéré, dit univers ». […] Ses mouvements nous furent rigoureusement cachés et, même depuis, je ne les ai jamais bien connus. […] Quand il entra dans la galerie, plus de deux cents femmes se levèrent par un mouvement spontané, pour ainsi dire irrésistible. […] Le 11 avril 1814, vers onze heures du soir, le silence du palais de Fontainebleau fut tout à coup troublé par des gémissements et par le mouvement d’allants et venants.

845. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Sans doute, le mouvement commencé se continuera, et l’on dépassera singulièrement le degré de réalité atteint dans cette première tentative. […] Il lui a semblé que dans une société qui est, comme la nôtre, en mouvement, en fermentation continue, nul n’a le droit de se désintéresser de questions qui appellent une solution immédiate. […] Dumas peut revendiquer une grande part dans le mouvement contemporain. […] Tout ce monde va et vient, passe et repasse, et se démène, et tourbillonne dans un mouvement endiablé. […] Alors il lui arriva ce qui arrive souvent à qui veut conduire un mouvement : il le suivit.

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