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332. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Il y a peint aussi en traits fidèles et ineffaçables des mœurs inconnues à l’Europe, et que l’Amérique elle-même voit fuir et disparaître chaque jour. […] Cooper a voulu, comme l’auteur de Roderic Random, décrire des mœurs et des scènes de mer ; mais c’est avec plus de poésie, et, pour ainsi dire, avec plus d’amour, qu’il l’a fait.

333. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

De même que l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, l’Encyclopédie sera plutôt débattue que définitivement jugée. […] Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, je lis cette remarque piquante sur la vanité des érudits, « plus grande, dit d’Alembert, que celle des poètes, parce que l’érudit croit voir tous les jours augmenter sa substance par les acquisitions qu’il fait sans peine, tandis que l’esprit qui invente est toujours mécontent de ses progrès, parce qu’il voit au-delà. » On ne sait trop qui a pu amener cette phrase, ni ce qu’elle fait dans un discours de ce genre, tant le titre et la matière emportent l’esprit loin de réflexions agréables sur les mœurs littéraires. […] Le théâtre de l’esprit encyclopédique, ce sont les salons, — je ne veux pas dire les cafés, invention du dix-huitième siècle ; — ce sont ces salons présidés par des Phrynés honoraires, où, sous prétexte de chercher les principes nouveaux, on se débarrassait des devoirs ; où, dans le plus grand relâchement des mœurs, on poursuivait la destruction des abus ; où, croyant s’éclairer, on ne faisait guère que s’entre-corrompre. […] Ou bien ils se louent sans s’approuver et se caressent sans s’aimer ; ou bien ils prodiguent l’injure à ceux qu’ils appellent leurs ennemis, et qui ne sont, après tout, que des contradicteurs, avec le tort d’avoir les mêmes mœurs en défendant une meilleure cause. […] Il était bien digne de retrouver la langue de ce siècle, alors qu’il gardait encore de ses mœurs littéraires la docilité aux conseils du « censeur solide et salutaire », et qu’il aimait la gloire à la façon des grands écrivains d’alors, non comme une affaire à laquelle on travaille de sa personne, mais comme une fortune qu’on laisse faire à ses œuvres.

334. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Ils peuvent tracer un tableau fidèle de la vie anglaise, sous toutes les latitudes, de l’équateur aux pôles, sans risquer de dérouter complètement le lecteur, parce qu’un élément du moins ne variera pas, parce que les mœurs anglaises, le home anglais, le thé anglais, le corsage clair et le chapeau canotier des Anglaises, l’amour des sports, l’endurance, la hauteur d’âme et d’humeur de l’Anglais se ressemblent, au cap de Bonne-Espérance, aux frontières de l’Inde et dans le dominion du Canada. […] J’ai donc montré, par des exemples, que le roman populaire avait déjà un commencement d’histoire ; par un rapide exposé de nos mœurs, qu’il était nécessaire ; par des citations dont j’aurais pu augmenter le nombre, que la pensée d’un art et d’une littérature s’adressant à la foule, familière autrefois à beaucoup d’esprits, n’est pas sans écho dans le monde où nous vivons. […] L’auteur a l’ambition, très souvent naïve et quelquefois ridicule, d’amuser, ou de flatter une catégorie de lecteurs, par la peinture de leurs mœurs et de leurs défauts. Il les fatigue bientôt, soit que les lecteurs, comme il arrive, connaissent mieux le monde que celui qui prétend le mettre en scène ; soit qu’ils aient, de la vanité de leur vie, plus de dégoût que l’écrivain n’en affecte ; soit qu’ils sachent, encore mieux que lui, que ce qui résiste à tant d’attaques, je veux dire le raffinement de l’esprit et des mœurs, a toujours eu un fond de solidité et une raison de durer. […] Henry Bordeaux, dans la Revue hebdomadaire [« Les Livres et les Mœurs.

335. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

La nature, disoit-il, semble lui avoir revelé tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs & les caractères des hommes. […] Il saisit avec la vérité la plus frappante le jargon poissard & les mœurs de la derniere classe du peuple. […] Il se permet les personnalités les plus odieuses ; & il calomnie les mœurs de ceux qui n’avoient attaqué que ses écrits. […] Elles sont également propres à former le goût & les mœurs. […] Il semble que par ses Apologues, dit la Motte, il ait voulu rendre aux mœurs ce qu’il leur avoit ôté par ses contes.

336. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Alexandre fut déshonoré par le meurtre de Clitus, et le supplice bien plus barbare de Callisthène ; Auguste, par les proscriptions ; Vespasien, par ses rapines et le meurtre d’Helvidius Priscus ; Trajan, par ses excès dans le vin ; Adrien, par ses mœurs ; Constantin, par le meurtre de presque toute sa famille ; Julien, par ses superstitions ; Théodose, par le massacre de Thessalonique ; et Théodoric, dont nous parlons, par le meurtre de Symmaque : tant, parmi les hommes, et surtout ceux qui ont le malheur d’être puissants, on trouve peu de vertus qui soient pures, et de grands caractères sans faiblesses ! […] Ainsi, dans l’espace de près de cinq cents ans, les lois, les mœurs, les arts, le gouvernement, la religion, le langage même, tout avait changé ; et dans le pays où César et Caton, Cicéron et Auguste avaient parlé aux maîtres du monde, en attestant souvent les dieux de l’empire et près de l’autel de la victoire, un Gaulois, chrétien et évêque, haranguait en langage barbare, un roi goth venu avec sa nation des bords du Pont-Euxin pour régner au Capitole.

337. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Necker était de verre ; on y attirait sans cesse les regards du public ; on y voyait, dans un temps de licence et de corruption des mœurs, des scènes un peu apprêtées de philosophie, de religion, de bienfaisance, d’amour conjugal, d’éducation maternelle, de culte filial. […] Les mœurs austères des premières nations chrétiennes auraient vu dans cette institution de plaisir intellectuel un souvenir de la bayadère des Indes ou de la courtisane de Rome. […] Les Italiens, dans la décadence des mœurs sous les papes à Rome et sous les Médicis à Florence, et les Français après les Italiens, furent les premiers qui ouvrirent ces lices d’esprit dans des cours, dans des salons privés, où la conversation devint la seule fête des conviés. […] La parole était à tout le monde ; c’était le bruit général d’un grand déplacement de foi, d’idées, d’institutions, de souveraineté, de lois, de mœurs, de préjugés, devant la raison, devant la philosophie, devant la nation, qui s’avançaient pour tout remplacer ou pour tout confondre. […] Necker avait rêvé une monarchie à trois pouvoirs pondérés comme l’Angleterre, sans considérer que les gouvernements ne se copient pas, mais qu’ils se moulent sur le type des traditions, des idées, des mœurs, des classes préexistantes dans un pays.

338. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Le temps ne peut qu’ajouter au prix de certains détails qui tiennent aux mœurs d’une société évanouie : Je n’écrirais pas tout cela si l’on devait me lire à présent, dit le prince de Ligne à la fin d’un de ses récits ; mais, cent ans après, ces petites choses, qui ont l’air d’être des riens, font plaisir. […] Elle accoucha de moi en grand vertugadin… » Au temps de ce père altier et sévère, l’habitude était de se faire craindre ; et, si les mœurs avaient de la roideur antique, en revanche, du temps que le prince écrivait ces lignes légères, cette mode avait bien changé ; les mœurs s’étaient détendues tout d’un coup, et du respect on avait subitement passé à l’impertinence. […] Si donc, dans la rigidité féodale et seigneuriale de la génération précédente, il y avait encore un excès de mœurs antiques, on voit, dans la seule façon dont le prince de Ligne en parle, qu’il y a chez lui de l’excès opposé, une légèreté de bel air et une affectation de laisser-aller qui suppose quelque manière et du genre.

339. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Sérieux au fond, ayant des goûts à lui et qui parurent bientôt très prononcés, aimant les lectures de toutes sortes, l’histoire, les estampes et l’instruction qu’elles procurent sur les mœurs du temps passé, jugeant sainement des choses et des hommes qu’il avait sous les yeux, et soucieux de l’amélioration de l’espèce dans l’avenir, il fut de tout temps très naturel, au risque même de ne point paraître essentiellement élégant ni très élevé, il avait en lui un principe de droiture et le sentiment de la justice qu’il cultiva et fortifia sans cesse, loin de travailler à l’étouffer. […] Honnête homme, il a, à certains égards, les mœurs de son temps ; et ce n’est pas de ce qu’il a fait à la rencontre que je m’étonne : ce qui me passe un peu, c’est qu’il ait songé par endroits à l’écrire, à le consigner exactement dans ses cahiers d’observations et de remarques : il n’a pas la pudeur ; il parle de certains actes comme un pur physiologiste, notant, sans d’ailleurs y prendre plaisir, le cas qui lui paraît rare et la singularité. […] M. d’Argenson, tout sérieux qu’il était ou qu’il allait être, ne la traversa point sans en prendre quelque chose, soit pour le fond des mœurs, soit pour le ton. […] Par l’étude on ne connaît que les anciens et les mœurs bourgeoises, et dans la bonne compagnie on perd son temps, l’on écrit peu, et l’on pense encore moins.

340. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Les mauvaises mœurs de la Ligue, qui avaient couvé sous Henri IV et Richelieu, se réveillèrent, n’étant plus comprimées. […] Ce fut l’asile des bonnes mœurs au sein de la haute société. […] La noble société de nos jours, qui a conservé le plus de ces habitudes oisives des deux derniers siècles, semble ne l’avoir pu qu’à la condition de rester étrangère aux mœurs et aux idées d’à présent6. […] Certes, il y aurait là matière à bien des réflexions sur les mœurs et la civilisation du grand siècle ; nos lecteurs y suppléeront sans peine.

341. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Il continua à parler en langage divin avec les hommes lettrés, et à s’entretenir, jusqu’à son dernier soupir, avec les hommes simples dont il avait décrit tant de fois les mœurs, les travaux et les misères dans ses poèmes. […] Et maintenant quelle fut l’influence d’Homère sur les mœurs des hommes, et en quoi mérita-t-il le nom de moraliste ? […] En sorte que le monde ancien, histoire, poésie, arts, métiers, civilisation, mœurs, religion, est tout entier dans Homère ; que le monde littéraire, même moderne, procède à moitié de lui, et que, devant ce premier et ce dernier des chantres inspirés, aucun homme, quel qu’il soit, ne pourrait, sans rougir, se donner à lui-même le nom de poète.

342. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Voyons donc un peu ce qu’était un avocat et un magistrat au xvie  siècle ; donnons-nous quelque idée d’une telle vie : cela réconforte et relève au milieu de tant de faiblesses qui affectent les études, les caractères et les mœurs de nos jours. […] Pasquier écrit en français ses doctes et utiles Recherches de la France ; il publie en français ses Lettres, premier recueil de ce genre qui ait paru dans notre langue, et qui sont tout un miroir des événements, des mœurs et des opinions de son temps comme de la vie de l’auteur lui-même. […] Il n’est femme si belle, pense-t-il, qui ne soit indifférente à l’homme au bout d’un an de possession, ni laideur modérée qui ne se rende tolérable aussi avec le temps : l’essentiel, selon lui, est dans les mœurs, dans leur pureté comme dans leur douceur. […] Pour lui, sans négliger les biens, il veut, en se mariant, s’enquérir avant tout des mœurs.

343. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Ce petit peuple pauvre, intelligent, « éminemment sociable, porté aux mœurs douces, gai et spirituel, fin jusqu’à la subtilité, plein de bonhomie pourtant », est très bien peint par M.  […] Les paroisses qui avoisinaient Genève et qui bordaient le lac du côté de la Savoie étaient passées au protestantisme ; et, dans ces espèces d’insurrections spirituelles du xvie  siècle, ce n’étaient pas seulement les doctrines, c’étaient les mœurs qui étaient en jeu comme en toute espèce d’insurrection ; tous les relâchements et les licences grossières s’introduisaient à la faveur des changements. […] Ce vœu de Henri IV, qu’ont mentionné les biographes, n’a rien qui doive absolument étonner ; la faiblesse de ses mœurs et de sa conduite n’empêchait pas la justesse de son sentiment, ni même les inclinations de son cœur. […] Saint François de Sales énumère les diverses sources d’où proviennent les jugements téméraires, et il ajoute : Plusieurs s’adonnent au jugement téméraire pour le seul plaisir qu’ils prennent à philosopher et deviner des mœurs et humeurs des personnes par manière d’exercice d’esprit.

344. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Pour ne parler que de la France, ces productions, généralement nobles et décentes sous Louis XIV, devinrent licencieuses et impies sous la Régence ; ensuite, sauf de glorieuses exceptions qui s’offrent à la pensée de tous, futiles et affectées pendant le long règne de Louis XV, elles semblèrent se régénérer, avec les mœurs publiques et privées, dans les années trop peu nombreuses du règne de son infortuné successeur ; et enfin, nous les avons vues, durant les jours de nos discordes civiles, partager la fortune diverse des partis, et suivre les phases variées du corps social, tantôt abjectes et furibondes, tantôt sublimes et dévouées, ici célébrant les épreuves de la vertu, et là consacrant les triomphes du crime. […] Ce sont, disent-ils, les écrivains modernes qui ont imité les auteurs anciens, au lieu de créer comme eux ; qui leur ont emprunté, avec les formes de leurs poèmes, le fond même de leurs sujets et de leurs idées, au lieu de traiter, sous des formes différentes, des sujets et des idées appartenant à l’histoire, à la religion, aux mœurs des nations chrétiennes. […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues. […] Si je vois l’élégant Racine prêter quelquefois à des personnages de la Grèce héroïque, les sentiments raffinés et les expressions polies des courtisans de Louis XIV, je vois plus souvent le sauvage Shakespeare transporter dans tous les temps et dans tous les pays où l’entraîne sa Muse vagabonde, les idées, les préjugés, les mœurs et le langage des bourgeois de Londres sous la reine Élisabeth.

345. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Il procéda à l’élimination des éléments trop décidément irréligieux que la Renaissance avait introduits dans l’Église ; il reconnut aussi sa corruption, et s’efforça d’y remédier par une énergique restauration de la foi, de la science et des mœurs. […] Les conteurs limitent leur ambition et leur effort : entre la bouffonnerie épique, l’universalité scientifique de Rabelais, et la gauloiserie satirique sans portée des anciens couleurs français, ils déterminent une voie moyenne : Noël du Fail205, surtout, mêle le réalisme pittoresque de la description des mœurs à la satire particulière des divers caractères de l’homme et des divers états de la vie. […] Latiniste et juriste très érudit et peu artiste, profondément bourgeois et Français, honnête, laborieux, de vie calme et de mœurs graves, d’esprit ardent et caustique tout à la fois, il est par son aimable solidité un des plus parfaits exemplaires de cette classe parlementaire qui a fait tant d’honneur à l’ancienne France.

346. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

II Que la Critique des mœurs de Paul Adam soit une lecture savoureuse, on s’en doutait. […] Et c’est par un triple charme, la fantaisie paradoxale d’une information à qui il croit, la verve concise et brusque du style, la critique vive, émue, désirée efficace, que nous prend ce recueil de pamphlets sur nos mœurs. […] Les livres agissent de deux manières sur les mœurs : ou bien ils posent des modèles à suivre, ils imaginent des types dont l’imitation est conseillée, ce sont les livres des moralisateurs ; ou bien ils décrivent, sans arrière-pensée, des anecdotes et des figures contemporaines, véridiques ou de fiction, c’est-à-dire de combinaison, ce sont les livres des moralistes, qui agissent parce qu’ils font voir clair.

347. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

L’aristocratie de Saint-Pétersbourg, qui s’est faite européenne aussi pour des motifs moins élevés que ceux du czar Pierre, cette aristocratie qui n’est pas plus Russe que Catherine, qui était Allemande, qu’Alexandre et Nicolas eux-mêmes, lesquels, à travers la langue officielle de leurs ukases, apparaissent comme des princes fort distingués, mais entièrement européens de mœurs, de connaissances et de génie ; l’aristocratie de Saint-Pétersbourg n’est pas plus une société que des régiments de Cosaques ne sont un peuple. […] Caméléons qui prennent toutes les teintes, ayant dans l’esprit ces mouvements charmants du singe que Joubert discerne si bien dans l’esprit de Voltaire, ils sont, en raison de tout cela, de redoutables diplomates, mais, sans caractère comme tous ceux qui font beaucoup de personnages, ils n’ont à eux ni leur élégance, ni leurs mœurs, ni leur littérature, ni leurs vices. […] Malgré la force d’imitation des hautes classes, qui fait ressembler les mœurs russes à la descente de la Courtille d’un carnaval sous Louis XV, elles n’imitent point les Mémoires de cette société qu’elles imitent.

348. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Mais Madame Bovary est un roman de mœurs, et de mœurs actuelles, et, bien que le sentiment s’y montre horriblement abaissé sous les corruptions qui envahissent une âme faible et qui finissent par la putréfier, c’est du cœur d’une femme qu’il y est question, et l’imagination s’attend à autre chose qu’à une main de chirurgien, impassible et hardie, qui rappelle celle de Dupuytren, fouillant le cœur de son Polonais, quand il lui eut rejeté la tablette de la poitrine sur la figure, dans la plus étonnante de ses opérations… M. Flaubert est un moraliste, sans doute, puisqu’il fait des romans de mœurs, mais il l’est aussi peu qu’il est possible de l’être, car les moralistes sentent quelque part, — dans leur cœur ou dans leur esprit, — le contre-coup des choses qu’ils décrivent, et leur jugement domine leurs émotions.

349. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Cette réunion de quatre grands poètes, leur concert pour favoriser les mœurs de la cour, célébrer les maîtresses, exalter, sous le nom de magnificence royale, des profusions ruineuses, étaient au grand préjudice des mœurs générales.

350. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Cet événement fut au nombre de ceux qui concoururent, dans la période de 1670 à 1680, à opérer de grands changements dans la situation, dans l’esprit et le caractère du roi, et a confirmer l’ascendant qu’avaient pris sur les mœurs de la cour les exemples des personnes en qui s’étaient conservées les traditions morales de l’hôtel de Rambouillet. […] Cette dame (madame Scarron) a parlé de vous avec une tendresse et une estime extraordinaires ; elle dit que personne n’a jamais tant touché son goût, qu’il n’y a rien de si aimable ni de si assorti que votre esprit et votre personne. » Cette lettre est rapportée ici pour montrer l’union et la conformité de mœurs et d’esprit qui existaient entre madame Scarron, madame de Sévigné, sa fille, et leur société.

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