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367. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

D’ailleurs, dans le paradis des poètes, ce critique-poète qui a si bien connu, pénétré et peint de main de maître le xviie  siècle, n’aura-t-il pas le droit, si cela lui convient, de s’asseoir à côté de ses maîtres, et de porter, comme eux, pour achever d’ennoblir son nez tout moderne, la majestueuse perruque blonde à la Louis XIV ?

368. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Il effaça la réputation des Patru & des le Maître, qui n’avoient eu de célébrité que pour s’être écartés du mauvais goût qui régnoit de leur temps dans la Plaidoirie. […] Veut-on savoir comment il parvint à se rendre maître de ses talens & à les perfectionner ?

369. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Pour peu qu’on ait la connoissance du Théatre, sa Tragédie de Didon paroîtra toujours le début d’un génie capable d’égaler les plus Grands Maîtres, & particuliérement Racine que personne n’a atteint de plus près. […] Qu’on lise avec attention son Epître sur la décadence de notre Littérature, on y reconnoîtra sans peine le danger des travers qu’il condamne, la nécessité des préservatifs qu’il leur oppose, la sagesse des réflexions qu’il présente ; on y admirera sur-tout un Athlete vigoureux, luttant avec avantage contre les Champions de la nouveauté & du mauvais goût ; témoin ce morceau qu’on ne sauroit trop souvent opposer à la hardiesse des Novateurs & à la légéreté de notre Nation : Oui, nous verrons bientôt de petits Conquérans, Du Parnasse François audacieux Tyrans, De leurs Maîtres fameux proscrire les merveilles, Et leur orgueil briser le sceptre des Corneilles.

370. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

Comme tous les hommes qui ont le génie pratique de l’enseignement, comme ces admirables natures de maîtres, mêlées de prêtres, qui préparent eux-mêmes, de leurs saintes mains paternelles, la tête et le cœur destinés à recevoir la vérité, l’abbé Noirot se soucie peu d’écrire et n’écrit point. […] Et, en effet, quelle que soit la piété des disciples envers les idées de leur maître, cependant il peut arriver — et il arrive presque toujours !

371. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Zola avec celui du Maître. […] Après les grands maîtres, viennent les petits maîtres, et après ceux-ci la vulgaire troupe des copistes et des pasticheurs. […] Il est, au contraire, un maître de style merveilleux. […] La fin en la vie que le maître avait enracinée en elle, la tenait brave, debout, inébranlable, qui emportaient les misères, les souffrances, les abominations ! […] — et l’énorme succès de librairie est dû, avant tout, aux pages où le maître décrit, avec la belle simplicité qui sied, des actes de vie et d’amour des hommes et des animaux.

372. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Après quatorze ou quinze ans, il eut ce bonheur de voir la chaîne se renouer, la politique de Henri IV reprise par une main ferme, et Richelieu souverain au profit de son maître, pour le bien et la grandeur de l’État. […] Voilà, certes, une bonté de maître digne de l’affection du serviteur. […] Nous avons à terminer avec le poëte. — Tout à fait maître et à l’aise dans l’Ode, Malherbe a moins réussi dans le genre tendre, galant, léger, amoureux. […] C’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer que Balzac ait semblé vouloir ridiculiser, en cette rencontre, celui qu’ailleurs il appelle son maître et son père. […] Racan a recueilli plusieurs de ces dicta mémorables de son maître, qui sentent leur Varron, leur vieux Caton, qui pèsent et sonnent leur bon sens sterling.

373. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances. […] Le jeune Saint-Victor, élevé pendant ses premières années hors de France, en Suisse, puis en Italie, à Rome et en d’autres lieux peuplés de vivants souvenirs, y put comparer de bonne heure les chefs-d’œuvre des Écoles rivales ; il grandit et se forma à l’idée, du beau parmi les marbres et les tableaux des maîtres ; il lui fut donné, comme à Roméo, de voir à temps la beauté véritable, et depuis ce jour il ne put jamais s’en déprendre. […] Les portraits historiques sont certainement ce qu’il y a de plus notable dans le volume que nous annonçons : Néron, Marc-Aurèle, sont d’admirables contrastes, et chacun fouillé dans son genre ; Louis XI, César Borgia, le bizarre et perfide Henri III, ce roi-femme, — l’Espagne, l’Espagne surtout sous Charles II, — composent une suite, une vraie galerie où les amateurs de tableaux trouveront à inscrire au bas de chaque page les noms parallèles des maîtres du pinceau qui y correspondent.

374. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

De même qu’on est disposé à mieux sentir Théocrite au sortir de ces pages, on mesure avec plus de certitude le degré précis dans lequel Virgile s’est approché du maître : car c’était bien un maître que Théocrite pour Virgile dans la poésie pastorale ; et M.  […] Rossignol a le mérite de combiner en lui les traditions et quelques-unes des qualités essentielles de ces hommes qui sont nos maîtres, et à la fois de s’être formé lui-même avec originalité, avec indépendance, dans une étude approfondie et solitaire qui devient de plus en plus rare.

375. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Cousin ayant abandonné la chaire d’histoire de la philosophie moderne, un homme autrefois son disciple, aujourd’hui maître, et maître en apparence peu soucieux de se rattacher à l’école du traducteur de Platon, M.  […] Jouffroy nous semble, en se plaçant sur ce terrain, avoir abjuré la philosophie de son maître.

376. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il prit avec lui le ton de maître. […] Et quel temps choisit-on pour le décrier ; le temps où il devoit être à l’abri de toute médisance ; où il avoit souffert le dernier outrage pour un amant ; où le chanoine Fulbert avoir épuisé les rafinemens de sa vengeance ; où la tendre Héloïse, ce modèle des amantes, désespérée, & brûlant de plus de feux que jamais, avoir porté dans un cloître, avec tous les agrémens de sa jeunesse & de son esprit orné de mille connoissances, les charmes d’une figure adorable ; où ces amans n’avoient, contre leur fatale destinée, d’autre ressource que l’illusion, l’image de leur ivresse passée, le souvenir de ces transports dont ils étoient pénétrés, lorsque le prétexte de l’étude favorisoit l’intelligence du maître amoureux & de l’écolière passionnée*. […]             Sans modèle & sans maître, Il sçut tout ce qu’un peut sçavoîr.

377. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

C’est le cardinal Martinusius, maître en Hongrie sous Ferdinand, frère de Charles-Quint. […] « Entrez, monsieur, — lui disait un jour Louis XIII, morose et jaloux, au moment de passer par une porte des appartements royaux. — N’êtes-vous pas le maître ?  […] Mais les qualités par lesquelles il calmait les ombrages de ses maîtres étaient mieux que des procédés, c’étaient des vertus.

378. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Il étudiait à Cambridge, quand son beau-père, maître maçon, le rappela et le mit à la truelle. […] Bien plus, il s’érigea en juge de la corruption publique, attaqua rudement les vices régnants, « sans craindre le poison des courtisanes, ni les poignards des coupe-jarrets. » Il traita ses auditeurs en écoliers, et leur parla toujours en censeur et en maître. […] L’érudition et l’éducation classiques l’ont fait classique, et il écrit à la façon de ses modèles grecs et de ses maîtres romains. […] C’est un genre nouveau qu’il apporte ; là-dessus il a une doctrine ; ses maîtres sont les anciens, Térence et Plaute. […] Mais Mosca, qui a le testament, agit en maître, et demande à Volpone la moitié de sa fortune.

379. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Obéissant à son maître, le ministre se transporta sur une haute montagne qui était couverte d’une forêt de bambous. […] À Stuttgart ils ne parviennent pas à se faire entendre ; les artistes italiens sont maîtres de l’oreille du prince ; ils écartent dédaigneusement les rivaux, même enfants. […] Il accompagne dès à présent dans les concerts publics, il transpose à première vue les morceaux les plus difficiles avec une netteté extraordinaire, au point que les maîtres ne peuvent dissimuler leur basse jalousie contre cet enfant. […] D’abord, personne n’ira dès ton arrivée renvoyer son maître pour te prendre. […] Celles-ci on n’en est pas maître ; la raison, tu la consulteras toujours, je l’espère et je t’en prie.

380. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Certainement, dit Wagner, ce n’est point Jésus-Christ, le Rédempteur, qui a ordonné à un Maître de faire prêcher des aumôniers devant des régiments rangés en bataille. […] Il restera, toujours, le maître de son bien ; nul serment n’engagera ses actes prochains, nul orgueil ne troublera sa joie. […] Et toujours le Maître vous dit : « Aimez, compatissez, élargissez vos âme ; à vivre toutes les âmes !  […] Nuitter n’en est pas moins resté maître de la situation. […] 15 août : Opéra : les Maîtres chanteurs.

381. (1876) Romanciers contemporains

Les grands et purs génies sont devenus sans peine maîtres de notre pensée, parce qu’ils étaient maîtres de la leur. Balzac n’a jamais été maître de sa pensée. […] Un autre maître dans le roman, M.  […] Sans doute, les maîtres vénérables de M.  […] cria le maître, plus haut !

382. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Il se redit ce mot d’un de ses maîtres : « Les beautés nobles et mâles datent de loin. » Il traduit, même après l’abbé Colin, l’Orateur de Cicéron ; même après l’abbé Le Monnier, il traduit Térence ; il est près d’aborder Plaute ; il songe à donner un Théâtre latin complet, avec des observations, et qui eût fait pendant à ce que le père Brumoy avait exécuté pour le théâtre grec. […] Mais, pour prendre l’idée la plus agréable de ces premiers essais et travaux de Daru, tous inédits, excepté la traduction de l’Orateur publiée en 1788 ; pour les voir à leur point de vue comme les voyaient alors ses amis et ses maîtres, je demande à citer quelques passages charmants d’une correspondance qu’entretenait avec lui un digne oratorien, le père Lefebvre, le même à qui M.  […] Daru aussi fit nommer dans les derniers temps professeur d’histoire à Saint-Cyr, et dont il combla de soins la vieillesse, est une de ces physionomies graves et douces des vénérables maîtres d’autrefois, qui unissaient la piété, la connaissance du monde, la modestie pour eux, l’orgueil seulement pour leurs élèves, une affection éclairée et une finesse souriante. […] Il faut être soi dans tous les âges, et ne point faire le vieillard à vingt ans, ni le petit maître à soixante. […] Il y a plaisir pourtant à rencontrer ce coin de saine et heureuse littérature conservé à la fin du xviiie  siècle, et qui se transmet d’un maître indulgent dans un élève vigoureux.

383. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

L’abbé Le Dieu n’a pas le dessein de diminuer Bossuet, mais il soumet son illustre maître à une épreuve à laquelle pas une grande figure ne résisterait ; il note jour par jour, à l’époque de la maladie dernière et du déclin, tous les actes et toutes les paroles de faiblesse qui lui échappent, jusqu’aux plaintes et doléances auxquelles on se laisse aller la nuit quand on se croit seul, et dans cette observation il porte un esprit de petitesse qui se prononce de plus en plus en avançant, un esprit bas qui n’est pas moins dangereux que ne le serait une malignité subtile. […] Mais l’abbé Bossuet, qui avait déjà ses vues et voulait être le maître, diminuait exprès et malicieusement le prix de mon travail et de mes assiduités auprès de M. de Meaux, de peur qu’il ne me fît de nouvelles grâces. […] Déjà, dans le premier volume du journal, j’avais relevé de tristes paroles sur Fénelon, de ces paroles faites pour être ensevelies, et que Le Dieu avait pris plaisir à surprendre sur les lèvres de son maître et à noter. […] Le Dieu, au contraire, en s’attachant aux actions de Bossuet (et à part les mémoires écrits pour la montre), n’a fait que compromettre, sans le vouloir, cette haute figure ; il lui eût fallu pour pâture d’observation un moins noble maître. […] Les jeunes neveux ne parlaient pas : l’abbé de Beaumont soutenait la conversation, qui roula fort sur le voyage de M. de Cambrai ; mais cet abbé était très honnête, et je n’aperçus rien, ni envers personne de ces airs hautains et méprisants que j’ai tant de fois éprouvés ailleurs47 : j’y ai trouvé en vérité plus de modestie et de pudeur qu’ailleurs, tant dans la personne du maître que dans les neveux et autres.

384. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

L’homme avait fait descendre le soleil sur la terre, il était maître de la chaleur et de la lumière. […] Il rompt la chaîne qui le rivait à l’animalité ; c’est elle maintenant qui la traîne, entravée par son nouveau maître. […] Agni est « la tête du ciel et l’ombilic de la terre » ; il s’élance d’un jet vers le firmament pour y rallumer les étoiles qui, sans lui, s’éteindraient comme des lampes vides. — « Maître des mondes, il les parcourt comme le pasteur visite ses troupeaux. » Indra pâlit devant sa splendeur, le soleil s’absorbe et fond dans sa flamme. « Ô Agni », — s’écrie un hymne védique — « tous les dieux sont à toi, en toi et par toi !  […] Prométhée était de cette lignée révoltée, et ses frères avaient été de la grande bataille livrée au maître nouveau. […] Les dieux et les déesses vinrent, par ordre du maître, lui faire leurs présents funestes.

385. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Il aurait pu, sans s’écarter de la vérité historique, faire l’application de ce principe au grand maître des Templiers ; mais il a voulu le représenter comme un modèle de perfection idéale, et cette perfection idéale sur le théâtre est toujours froide et sans intérêt. Il n’avait, au lieu de cela, qu’à dire, ce qui est très vrai, que le grand maître avait eu la faiblesse de faire des aveux, soit par crainte, soit par l’espoir de sauver son ordre, et nous le représenter ensuite rendu au sentiment de l’honneur, par un retour heureux de courage et de vertu, et rétractant ses premiers aveux à l’aspect même du bûcher qui l’attend. […] Pourtant ce fut, avec le grand maître, le rôle intéressant, l’un théâtral et grandiose, et l’autre pathétique sous les traits de Talma. […] Raynouard, si bon et si ingénieux grammairien, n’était rien moins qu’un habile écrivain ; il ne fut jamais un maître dans l’art d’écrire. […] On souriait du bonhomme Raynouard, mais on sentait la nature énergique en lui, on le reconnaissait pour maître et on l’aimait.

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