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258. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXX » pp. 126-128

 — la liberté de l’enseignement. — madame de girardin. […] — Il en sera de cette demande de liberté illimitée d’enseignement comme du rappel d’O'Connell ; c’est une machine de guerre, une énormité impossible à obtenir, mais à l’aide de laquelle on se bat et on tiraille.

259. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Comptez les Grecs de la côte, les juifs de Samarie, ceux de Jérusalem, les Mutualis, amis ou ennemis de tous leurs voisins ; les Ansériés, tribu nomade, se glissant entre les groupes plus enracinés dans ces rochers, les Bédouins du désert, insaisissables par leur éternelle mobilité, les Arméniens, ces Génevois de l’Orient, tisseurs de tapis, brodeurs de soie, changeurs d’espèces monnayées, banque vivante de tout l’Orient, peuple qui s’enrichit d’industrie honnête, parce que l’industrie est travail, et que le travail règle et conserve les mœurs ; peuple plus épris d’ordre que de liberté, qui ne trouble jamais l’État par ses turbulences, comme les Grecs de Stamboul, qui n’intrigue point avec l’Europe et qui ne demande à l’empire ottoman que la liberté de son christianisme et la sécurité de son commerce. […] Qu’est-ce que cette Italie, enfin, que vous avez héroïquement purgée de ses envahisseurs étrangers, par deux victoires, mais que vous laissez conquérir aujourd’hui par des envahisseurs d’un autre sang qui l’incorporent à une monarchie ambitieuse et précaire, au lieu de l’affranchir dans la liberté, et de la fortifier par une confédération, république de puissances, où chaque nationalité garde son nom et prête sa main à la ligue universelle des races diverses et des droits égaux ? […] Géographie sacrée des Hébreux, géographie maritime des Phéniciens, géographie d’Alexandre qui efface les limites sous les pas de ses Grecs et de ses phalanges, de ses Ptolémée ; géographie des Romains, qui font l’Europe et qui refont une Afrique et une Asie Mineure avec Strabon ; géographie de Charlemagne, qui refait la moitié du globe chrétien avec les décombres du paganisme ; géographie de l’Angleterre, qui fait une monarchie navale et commerciale avec les pavillons de ses vaisseaux ; géographie de Napoléon, qui promène ses bataillons de Memphis à Madrid et à Moscou, conquérant tout sans rien retenir, et qui, de cette géographie napoléonienne de la conquête sans but, ne conserve pas même une île (Sainte-Hélène) pour mourir chez lui, après tant d’empires parcourus, en ne laissant partout que des traces de sang français versé pour la gloire ; géographie actuelle, qui se limite par l’équilibre des droits et des intérêts, qui élève contre l’ambition d’un seul la résistance pacifique de tous, et qui ne se dérange un moment par une ou deux batailles que pour se rétablir bien vite par la réaction naturelle de la liberté et de la paix.

260. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Ceux-là pensent que les libertés d’un peuple résultent de ses droits, et non point des concessions des princes, non plus que d’états antérieurs ; ils pensent que l’homme fait une sorte d’acte libre en entrant dans une association politique, et qu’à cet instant, qui est une fiction convenue, il cède une partie de ses droits, pour jouir de certains avantages qu’il n’aurait pas sans la société, comme, par exemple, celui de la propriété. […] La liberté est nécessaire pour établir la moralité des actions ; et nul être n’est libre, s’il ne peut faire un mauvais usage de ses facultés. Les rois alors avaient cette sorte de liberté qui est accordée encore aux sujets. […] En un mot, les liens de la parole ont été jusqu’à présent une des limites de la liberté de l’homme ; et l’émancipation de la pensée par l’affranchissement des liens de la parole est une des prérogatives de l’âge présent de l’esprit humain.

261. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

. — conflit entre les deux chambres au sujet de la liberté de l’enseignement. — les jésuites et les jacobins. — réponse de m. thiers au roi. — l’ultramontanisme, par quinet. — les actes des apotres, par génin. — pascal. — l’abbé flottes. […] — La question de l’Université et du clergé, la grande question de la liberté d’enseignement, n’est pas épuisée : la voilà portée devant la Chambre des députés.

262. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

C’était à la fois de l’à-propos et du contretemps : — de l’à-propos, parce que Tacite reprenait tout son sens profond à la clarté des événements nouveaux ; — du contretemps, parce qu’on jouissait bien peu alors de cette liberté d’esprit qui seule eût permis d’être attentif à un tel essai littéraire et de rendre justice aux efforts méritoires du nouveau traducteur. […] M. de Meilhan paraît craindre que l’imprimerie et tout ce qu’elle amène avec elle sous un régime d’entière publicité et de liberté ne serve bien moins à favoriser le génie et les grandes œuvres qu’à exciter le goût de la malignité, de la raillerie, de la chronique satirique, à propager les productions du genre de celles dont il était déjà témoin en 1790, à cette seconde année de la Révolution.

263. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ézéchiel est en Chaldée, et, de Chaldée, il voit distinctement la Judée, de même que de l’oppression on voit la liberté. […] La liberté s’incarne en lui comme en Juvénal, et monte, morte, au tribunal, ayant pour toge son suaire, et cite à sa barre les tyrans. […] C’est l’inspiration d’en haut, c’est le souffle, flat ubi vult ”, c’est la liberté. […] Le grand poëte définitif de l’Allemagne sera nécessairement un poëte d’humanité, d’enthousiasme et de liberté. […] Aussi toute l’Allemagne est-elle musique en attendant qu’elle soit liberté.

264. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Plus de liberté. […] Plus de liberté. […] Plus de liberté. […] C’est la forme de la liberté, qu’il nomme liberté ; mais ici la forme sollicite le fond, et semble presque le contraindre à être. […] Il aimait même à prononcer le mot de liberté.

265. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

On pourrait, au nom même de la liberté de penser, répondre à M. […] la liberté de penser, qui doit supposer possibles d’autres résultats philosophiques que l’éclectisme, n’a pas eu son organe dans la discussion.

266. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Carrel a prouvé, dans plus d’une occasion, que son dévouement à la liberté était sans calcul et sans mesure. […] Ni lui, ni aucun de nous ne se serait imaginé que cette faction qui a tant besoin d’oubli et de tolérance, en viendrait à ce degré de hardiesse de vouloir interdire par la menace et le guet-apens la liberté de discussion, ne le pouvant plus faire par la censure.

267. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

La passion, qui fait les romans, troublait cet équilibre et aliénait la liberté de l’homme, mais elle ne la supprimait pas. […] De toutes les libertés auxquelles on fait mine de croire, c’est la liberté de l’âme à laquelle on croit le moins.

268. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans ces temps de crise, où les gouvernements changent, et où les peuples agités passent de la liberté républicaine à une autre constitution, l’homme d’état a besoin de l’homme d’esprit ; Horace, par le genre du sien, était un instrument utile à Octave ; ses chansons voluptueuses adoucissaient des esprits rendus féroces par les guerres de liberté ; ses satires détournaient sur les ridicules, des regards qui auparavant se portaient sur le gouvernement et sur l’État ; sa philosophie, tenant à un esprit moins ardent que sage, prenant le milieu de tout, évitant l’excès de tout, calmait l’impétuosité des caractères et plaçait la sagesse à côté du repos ; enfin ses éloges éternels d’Octave accoutumaient au respect et faisaient illusion sur les crimes ; la génération, qui ne les avait pas vus, était trompée ; celle qui s’en souvenait, doutait presque si elle les avait vus. […] On y apprend qu’il n’y eut jamais dans Rome, ni de temps si heureux, ni de succès si brillants, ni tant de liberté accordée par le prince aux citoyens, ni tant d’amour des citoyens pour le prince, que sous Domitien.

269. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Des Romains, dans ce panégyrique, ont l’air d’esclaves à peine échappés de leurs fers, qui s’étonnent eux-mêmes de leur liberté, qui tiennent compte à leur maître de ce qu’il veut bien ne les pas écraser, et daigne les compter au rang des hommes ; mais c’est bien plus la faute du temps que de l’orateur. […] Des âmes qui ont été longtemps abattues, ne se relèvent pas aisément ; et l’habitude d’avoir été courbé sous des chaînes, se remarque même quand on peut marcher en liberté. […] « Les libéralités et les secours peuvent sans doute beaucoup, pour exciter à avoir des enfants ; mais l’espérance de la liberté et de la sûreté peuvent encore plus.

270. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

L’émotion des auditeurs est extrême, dans la liberté de l’ivresse ; et Néron, qui a compris la plainte, n’a plus qu’à l’étouffer par une prompte mort. […] Les amis du poëte Lucain, ceux qui dans l’étude des lettres cherchaient encore la liberté, le culte des vertus anciennes et l’espoir de l’avenir, sont réunis à Rome près de la veuve du poëte, restée fidèle à son nom et à son amour. […] « Enhardi par le feu de la jeunesse, bientôt, s’écriait-il, tu diras les champs de Philippe blanchis sous les ossements italiques, et la bataille de Pharsale, ce coup de foudre entre les exploits du vainqueur divinisé, et Caton, grand par la sainte liberté, et Pompée, ce chef populaire. » La Muse prolonge en vers élégants cette apothéose du poëte, et n’est arrêtée que par ses larmes, à la pensée du tyran qui l’a frappé.

271. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

La poésie provençale, c’était, pour ainsi dire, la liberté de la presse des temps féodaux ; liberté plus âpre, plus hardie, et moins réprimée que la nôtre. […] Sans doute, à toute cette littérature manquait la vie, c’est à dire la liberté. […] Quelquefois la réprimande est si vive, qu’il faut la rappeler comme un trait distinctif de la liberté du temps. […] Aussi, c’est un exemple de liberté féodale, et non de poésie, que nous avons voulu chercher ici. […] Hugues reçoit tous ces présents et les offre à Saladin, qui les lui rend avec la liberté.

272. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Citerai-je un autre exemple de la singulière liberté dont M.  […] Une mise en liberté provisoire, du 21 mars 1703, devint définitive au commencement de 1704. […] Mais d’ailleurs, au régime de la Bastille, elle gagna, sur le régime de la Salpêtrière, dix ans de liberté. […] Aujourd’hui, la liberté n’est plus en cause « Dieu vous préserve de la liberté de la presse, établie par édit ! […] Ils ne savent pas quelle habitude impérieuse, ou plutôt invincible, les spéculatifs se font de leur liberté de penser et d’écrire ; que la liberté d’écrire est la continuation naturelle de la liberté de penser ; et qu’il n’y a de vraie liberté de penser qu’à condition de l’entière liberté d’écrire.

273. (1864) Le roman contemporain

Sans doute, il faut faire la part du génie particulier des écrivains et de leur liberté intellectuelle et morale dont ils usent ou abusent à leur gré, comme il faut faire la part de la liberté de ceux qui les lisent. […] Elle avait, pour combattre, cette arme que Dieu nous a donnée à tous, la première de ces libertés qu’elle a si souvent célébrées, la liberté morale. […] Est-ce là ce que vous demandez au nom de la tolérance et de la liberté ? […] Voulez-vous qu’on les oblige à se marier malgré eux, toujours au nom de la liberté ? […] Je n’hésite pas à dire que l’attrait de ce livre est dans la liberté du dessin et dans la chaleur de la couleur.

274. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l’homme. […] Ainsi ce n’est pas seulement sa liberté que le citoyen doit céder au roi, c’est son âme. […] Quel libéralisme dans ce législateur oppresseur de toute liberté ! […] Qu’est-ce que la liberté ? […] La liberté baisse à mesure que l’égalité des héritages s’élève dans la législation des familles.

275. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« En effet, la vieillesse est, à l’égard des sens, dans un état parfait de calme et de liberté. […] On voit tout de suite ce que devient la liberté matérielle, morale et politique de l’individu. […] Ainsi, dans un État, comme dans un particulier, ce qui doit succéder à l’excès de liberté, c’est l’excès de servitude. […] Ce n’est qu’après le règne du sacerdoce que son gouvernement despotique devait se détendre, et que la monarchie représentative devait y introduire le goût et les institutions de la liberté. […] Républicain dans ses chambres, dictatorial sur ses vaisseaux et dans ses colonies, monarchique dans sa cour, ce gouvernement seul correspondait à ses trois nécessités de situation : la liberté, la puissance, la stabilité ; il sortait de sa nature.

276. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

La liberté, dont on dit qu’elle est le premier des biens, ne s’obtient généralement que par une opération de désentrave. […] Que c’est le dévêtement de la liberté et le revêtement de la mémoire). […] Mais il faut aussi que la liberté de l’homme fasse une sortie, erumpat, et qu’elle aille au devant de cette armée de secours. C’est ce que Péguy disait quand il disait que par la création de la liberté de l’homme et par le jeu de cette liberté Dieu s’est mis dans la dépendance de l’homme. […] Quand la grâce ne trouve pas la liberté venue au devant d’elle, la liberté aussi ne trouve pas la grâce.

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