Francis Wey a écrit des livres renseignés et d’une érudition mordante, comme les Remarques sur la langue française, le style et la conviction littéraire ; ou l’Histoire des révolutions du langage en France ; mais ces études, qui l’ont posé comme homme de lettres devant le public d’une manière si carrée et si imposante, ont versé l’ombre de leur gravité sur un genre de littérature abordé par lui une ou deux fois, et que les pédants croient plus léger parce qu’il ne pèse plus le poids des livres, mais le poids du cœur qu’ils n’ont pas.
Étant donné le but que Platon se proposait, est-il permis de condamner le ton de sa pensée, le ton de son langage ? […] Le poète nous dit ce qu’il sent et ce qu’il pense, et la sincérité de son langage le dispense de tout artifice. […] Toute la première partie de cette pièce exprime en termes éloquents l’impuissance du langage humain à traduire les profondes émotions, les affections ferventes. […] Si l’analyse du langage ramené à ses lois fondamentales m’oblige de préférer le style des Méditations au style des Harmonies, je reconnais que l’inspiration n’a rien perdu de sa vigueur. […] Car le poète qui raconte dispose de toutes les richesses du langage, parle en son nom et peut prodiguer les images éclatantes, les comparaisons ingénieuses, les allusions lointaines, sans choquer le lecteur.
Son langage est étrange, ses idées plus étranges. […] Zola nous a habitués et les retours réguliers des mêmes formes de langage qu’on a comparées aux phrases-thèmes de Wagner. […] Mais si le socialisme n’est pas nouveau, c’est ce qu’on appelle, dans un bien mauvais langage, une actualité. […] On lui trouve un air de poète méridional et l’on dit qu’il parle dans le tête-à-tête un langage abstrait et précis d’une admirable pureté. […] Vous avez parlé des Variations en un langage digne de ce grand livre.
Dans le langage de tel romancier, de tel critique, de tel professeur, on reconnaît aisément l’écho de sa parole, l’action de sa doctrine, les habitudes de son style, et, si l’on peut dire, jusqu’à la tonalité habituelle de ses métaphores. […] C’est pourquoi il parle un langage que Chactas et le Père Souël ne comprendraient plus. […] Il est sûr de comparaître devant elle, si l’exquise perfection du langage est un titre à l’estime de nos descendants. […] Mais il y apporte son humeur particulière et un langage qui n’appartient qu’à lui. […] Il vous montrera, en son langage un peu grelottant, Le résigné sourire d’un parloir Qui fit vœu de blancheur chez les Visitandines.
Cette furie du langage est, à sa manière, une furie d’action. […] La première de ces règles, celle qui revient constamment dans cette correspondance, c’est l’impersonnalité, ou, pour prendre le langage des esthéticiens, l’objectivité absolue de l’œuvre. […] Que pense l’auteur des misères qu’il examine d’un si lucide regard, qu’il raconte dans cet incomparable langage ? […] Une loi de notre physique ou de notre chimie trouve sa rédaction la plus complète, la plus correcte aussi, dans un langage technique et qu’il serait puéril de prétendre réduire aux exigences du rythme. […] Ces mêmes Parisiens que la grivoiserie de telle chanson d’opérette fait pâmer d’admiration épanouie, n’auraient pas assez de sifflets pour un auteur qui se permettrait de railler sur la scène les « grands sentiments », comme on dit en langage de critique courante.
Ce qui caractérise essentiellement la Connaissance scientifique, c’est l’impersonnalité, ou, pour employer le langage classique, l’objectivité. […] Il l’a complétée, — ou surchargée, — de toutes sortes de développements dont quelques-uns, par exemple son hypothèse sur le langage, ont été passionnément discutés. […] Sur ce point encore Balzac s’est débattu contre la difficulté d’exprimer des idées trop exceptionnelles pour ne pas échapper au langage courant. […] Il avait conscience que sa raison pratique, pour parler le langage des philosophes, se suffisait à elle seule. […] Retenons de cette thèse outrée que l’état lyrique comporte un instinct aveugle, une ardeur involontaire et presque impersonnelle, une part d’inspiration ou d’inconscience, pour parler le langage moderne.
Encore qu’il connaisse quelque différence entre les deux êtres que le langage sacré nomme « le vieil homme » et « l’homme nouveau », c’est à une entité, en quelque sorte, éternelle de la raison que son génie impose la loi de l’Évangile. […] Le langage de mes compagnons avait des tours mystérieux dont je comprenais le sens, les objets sans forme et sans vie se prêtaient eux-mêmes aux calculs de mon esprit ; — des combinaisons de cailloux, des figures d’angles, de fentes et d’ouvertures, des découpures de feuilles, des couleurs, des odeurs et des sons je voyais ressortir des harmonies jusqu’alors inconnues. […] Paul Verlaine, avec cette fondamentale différence que le langage du premier est la Prose, et le langage du second, le Vers. […] Le Dilettantisme est l’anesthésie — pour parler ce langage ! […] Chic de garnison, aristocratie de commis-voyageurs, habits de pages portés par des palefreniers, langage de salon parlé dans l’antichambre… L’atmosphère n’en est devenue que plus lourde aux poëtes qui parfois lèvent qu’ils vivent dans, un peuple de singes… IV.
Daunou aurait pu être membre de l’Académie française, il en aurait été infailliblement si sa modestie ne l’avait tenu à l’écart ; c’est là un aspect de son talent qu’il nous reste à démêler : l’homme de style en lui, le critique littéraire, le connaisseur en fait de langage. […] A lire quelques-uns des écrits qu’il composa dans les premières années de la révolution (1789-1791), et dans lesquels il cherche à démontrer la conciliation des mesures politiques récentes avec les croyances chrétiennes ou même catholiques, on serait tenté de conclure qu’il ne s’émancipa que vers cette époque et graduellement ; mais, comme on retrouve les mêmes ambiguités gallicanes dans son écrit sur la Puissance temporelle des Papes, c’est-à-dire à une époque où il était dès longtemps acquis aux pures doctrines philosophiques, on ne saurait s’arrêter à ce qui pouvait n’être chez lui que ménagement de langage. […] Il calomniait même l’improvisation, et ne voyait pas qu’en allant en gros au plus pressé, le bon sens trouve souvent son compte ; il pensait que l’improvisation et le peu de précision qu’elle entraîne d’ordinaire avaient contribué à tout perdre dans les assemblées publiques ; il aurait voulu qu’on pût être astreint, à la tribune, à se servir d’une sorte de langage analytique, algébrique, où l’expression ne dépassât jamais l’idée : chimère de Condorcet ! […] Les projets les plus fortement conçus, spécialement celui de Sieyès, furent écartés sans examen, et la première injure que le peuple français reçut de ses mandataires, fut d’être regardé par eux comme incapable de recevoir une instruction solide et d’entendre le langage de la raison.
Ce langage étoit d’abord le romanum rusticum, le romain rustique ; & la langue tudesque fut la langue de la cour jusqu’au tems de Charles-le Chauve. […] La liberté & la douceur de la société n’ayant été long-tems connues qu’en France, le langage en a reçu une délicatesse d’expression, & une finesse pleine de naturel qui ne se trouve guere ailleurs. […] Nous avons changé en g tous les doubles v, des termes que nous avons conservés de ces anciens langages. […] Il daigne parler dans un buisson le langage humain ; il paroît sur une montagne. […] Marc-Aurele, aussi grand peut-être sur le trône de l’empire romain qu’Epictete dans l’esclavage, parle souvent à la vérité des dieux, soit pour se conformer au langage reçu, soit pour exprimer des êtres mitoyens entre l’Etre suprème & les hommes.
Au reste, les Robinet de notre temps tenaient le même langage sur la fin de la monarchie : Racine leur paraissait froid, monotone, faible, surtout peu philosophe, extrêmement borné dans ses idées ; ils le reléguaient au cabinet, et prétendaient que Voltaire devait régner seul au théâtre. […] Il convenait surtout bien peu à un poète qui, dans la Mort de Pompée, a fait de César le plus froid et le plus insipide galant, et qui prête à la plupart de ses héros le langage de ce qu’on appelait autrefois les ruelles. […] Les Athéniens, pour qui la nature avait tant de charmes, auraient trouvé fort ridicule qu’une fille de quinze ans, innocente et naïve, eût le langage et les sentiments d’une stoïcienne. […] Racine, pour rendre son Achille théâtral, a été contraint de lui prêter un langage quelquefois plus convenable à un fanfaron qu’à un héros : c’est la faute du théâtre, c’est la faute de notre goût, et non pas celle de Racine. […] Il est vrai que Voltaire n’a pas toujours tenu ce langage.
La Harpe prétend que ces sentences philosophiques sont des vers de sentiment ; on reconnaît, il est vrai, dans les vers suivants le langage passionné d’une mère : Oh ! […] Des Chinois nés sous un gouvernement despotique, élevés dans le plus profond respect pour les volontés d’un maître, accoutumés au dévouement le plus aveugle, à la résignation la plus absolue aux ordres de leur empereur, doivent-ils tenir ce langage insolent ? […] C’est vraiment là le jargon des romans de Scudéry et de La Calprenède, et non pas le langage d’un guerrier tartare. […] On a imprimé quelques conversations du contrebandier Mandrin avec des commis des fermes ou bien avec les gens qu’il forçait à prendre ses marchandises : c’est au fond la même chose que le langage de Mahomet à Zopire : il n’y a dans tout cela nulle élévation de génie, mais une horrible impudence. […] Quel langage et quelle dévergondée !
L’illusion, la figure, le mensonge, ont un langage commun avec la vérité. […] ensorte que nous habitons, à la vérité, un pays réel & physique : mais nous y parlons, si j’ose le dire, le langage du pays des abstractions, & nous disons, j’ai faim, j’ai envie, j’ai pitié, j’ai peur, j’ai dessein, &c. comme nous disons j’ai une montre. […] Chaque nation, chaque peuple, chaque province, chaque ville même, differe d’un autre dans le langage, non-seulement parce qu’on se sert de mots différens, mais encore par la maniere d’articuler & de prononcer les mots. […] En matiere de langage, nous disons que les mots nouveaux sont formés par analogie, c’est-à-dire, que des noms nouveaux sont donnés à des choses nouvelles, conformément aux noms déjà établis d’autres choses, qui sont de même nature & de même espece. Les obscurités qui se trouvent dans le langage, doivent surtout être éclaircies par le secours de l’analogie.
Cette volubilité d’esprit, de mouvements, de langage, en fait un bouffon public et un farceur de bas étage. […] La frêle et triste créature « qui chante en gémissant Itys, toujours Itys », a la sensibilité souffrante, les longs souvenirs d’une femme offensée, et en même temps la fierté innocente et le langage élégant d’un artiste.
Enfant de notre Révolution, il a des ressemblances frappantes avec sa mère : intempérance de langage, goût de la basse littérature, passion d’écrire dans les journaux. […] Ce n’était pas un langage élevé, ni un sentiment profond qu’on demandait de moi ; je n’étais occupé qu’à rapetisser ma vie pour la mettre au niveau de la société.
Parfois, disais-je, chez les écrivains de mon pays, même chez les meilleurs, — et surtout chez les romantiques je discerne et je sens quelque phraséologie, une rhétorique inventée ou apprise, des artifices systématiques de langage ; et il arrive que cela me fatigue un peu. […] Car, justement, ce qu’il y a de liberté dans le protestantisme empêche, non les affranchissements intellectuels, mais, si je peux dire, les affranchissements de langage et de tenue.
Ils demeurent gens de théâtre par une innocente exagération de langage et par de petites déformations avantageuses de la réalité. « À vingt ans, dit Marceline, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer. » L’explication est charmante ; mais la vérité, c’est qu’elle perdit la voix à la suite de ses couches, et qu’elle avait alors vingt-trois ans, et non pas vingt. […] Au surplus, si, considérant surtout Marceline, comédienne retirée, dans ses rapports avec son mari, tragédien en exercice, j’ai pu sourire un peu tout en l’aimant bien, — absolvant aujourd’hui en bloc les candides exagérations de langage d’une femme qui vécut eu des temps emphatiques et qui, pour sa part, n’eut jamais, jamais, à aucun degré, le sentiment débilitant du ridicule, c’est sans l’ombre d’un sourire, cette fois, que je la déclare admirable, vénérable, presque sainte.
Venu immédiatement après Gyp, il a coloré et corsé le langage de Gyp. […] Le style du père Labosse s’éloigne presque autant du langage usuel que de la prose de Bossuet.
Il a, en un mot, pour parler son langage, plusieurs idées centrales, et plus d’un foyer de lumière ou de chaleur.
On ne cesse d’opposer à toute réforme de l’orthographe le vers d’Horace sur l’usage, maître absolu et seul régulateur légitime du langage : « Quem penes arbitrium est… » Cela est vrai des mots mêmes qui sont mis en circulation plus que de la manière de les écrire.