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338. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

détrôné de son génie par personne, mais, nous venons de le dire, sa fécondité n’inspirerait plus le même étonnement. […] et c’est ainsi que l’homme qui a le plus fécondé les têtes de son temps, comme Socrate accouchait celles du sien, l’inspirateur de tant d’esprits pendant sa vie, va, après sa mort, par une singulière opiniâtreté de la destinée, en inspirer encore un. […] Eugène Sue méritait un soufflet terrible, et quelle meilleure main, plus pure et plus inspirée, que celle de Paul Féval, un romancier comme lui, pour le lui donner ? […] Il ne pouvait guères s’inspirer d’une autre. […] Inutile et impossible entreprise, du reste, indigne, selon moi, d’un artiste de race, — car les grands artistes, les inspirés, ne reviennent jamais sur leurs œuvres ; c’est un signe de médiocrité : ils brisent la statue ; ils ne la retouchent pas ! 

339. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Ce visage inspirait tant de sécurité et tant de paix par sa franchise et par son recueillement qu’on se sentait en amitié dès la première parole. […] dis-je à Laprade, on brûle du désir de vous entendre sous ces mêmes chênes ; ils ont inspiré tant de vers que leurs échos, s’ils pouvaient parler, parleraient en strophes et murmureraient en rythmes. […] On eût dit d’un Ossian jeune, avant que l’âge eût blanchi sa barbe et aveuglé ses yeux inspirés. […] XX C’est ce sentiment qui inspira à Laprade ce poème grec et symbolique de Psyché.

340. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

IV Il m’a été donné d’en connaître deux ou trois dans ma vie : madame Malibran, la séraphique inspirée de ce siècle, en était une ; Louis de Ronchaud, l’auteur de ce livre de Phidias que j’ai sous la main, en est un autre. […] L’écume et la fraîcheur de sa course, le cliquetis des cailloux qu’elle remue en courant, vous inspirent le frisson voluptueux d’un bain frais. […] C’est évidemment cette chaleur d’âme, d’autant plus ardente qu’elle est plus contenue, qui a inspiré à ce contemplateur recueilli dans sa chambre haute, sur sa montagne, ces poésies étranges, nocturnes, à demi-voix, mais à plein vol, qu’il s’est chantées à lui-même, il y a quelques années. […] Je n’en sais rien ; mais, histoire ou légende, il n’y aurait rien, dans un tel servage, qui ne fût de nature à dignifier la personne qui sut l’inspirer et le poète qui sut le subir comme une suzeraineté féodale du prestige sur l’imagination.

341. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

L’Homme contre la Société, voilà le vrai titre de cet ouvrage, ouvrage d’autant plus funeste qu’en faisant de l’homme individu un être parfait, il fait de la société humaine, composée pour l’homme et par l’homme, le résumé de toutes les iniquités humaines ; livre qui ne peut inspirer qu’une passion, la passion de trouver en faute la société, de la renouveler et de la renverser, pour la refondre sur le type des rêves d’un écrivain de génie. […] « Mais vous ne voulez pas », continuai-je, «  et vous avez raison de ne pas vouloir qu’il y ait des misères incurables et imméritées, comme la société mal inspirée en est pleine. […] Vous ne voulez pas, etc. » Je leur énumérai ici les misères innombrables et imméritées auxquelles la famille du prolétaire est sujette par le chômage, le veuvage, la caducité, l’abandon, le dénuement des orphelins, et tous les cas où la providence tutélaire d’une société bien inspirée doit s’étendre par l’œil et par la main d’un gouvernement sérieusement populaire, où elle doit intervenir afin de soulager et de rectifier des misères imméritées par des secours actifs et par la charité sociale. […] Chante, juge, bénis ; ta bouche est inspirée !

342. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Puis il prie les anges de lui inspirer un peu de leur esprit, afin, dit-il, … qu’à vue ouverte Je puisse avoir vesrité découverte, Pour faire entendre à tout le moins aux miens La différence et des maux et des biens ; Et comme ils sont l’autre et l’un desguïsés Pour imposer mesme aux plus advisés ; Car ce savoir sans autre art et estude Est le chemin de la béatitude. […] L’érudition qui avait inspiré Rabelais, qui avait armé Calvin de son invincible méthode, après avoir renouvelé la langue de la prose, allait renouveler la langue de la poésie. […] C’est ce grand Ronsard qui a le premier chassé la surdité spirituelle des hommes de sa nation. » Du Bellay, qui, dans sa vieillesse, était devenu sourd, s’en félicitait comme d’un trait de ressemblance avec Ronsard L’enthousiasme qu’inspira ce poëte lui survécut au moins jusqu’à l’arrivée de Malherbe. […] D’autres imperfections empêchent de lire certaines pièces d’un genre élevé qui appartiennent plus à Ronsard, et que lui ont inspirées les événements de son temps.

343. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

La préface des Vies des hommes illustres (1550) est entièrement profane, sauf quelques belles paroles sur Dieu, que le catholicisme, renouvelé par la Réforme, a pu seul inspirer. […] La traduction d’Amyot mérite l’admiration qu’elle inspirait à d’excellents esprits du xviie  siècle, à Vaugelas, à Huet, à Pellisson et à d’autres, lesquels, plus rapprochés de son époque, distinguaient plus nettement et sentaient avec plus de vivacité tout ce qu’il y a de créations dans cette langue dont l’usage a rendu certaines beautés vulgaires, et en a ôté insensiblement la gloire à l’inventeur. […] La Fantaisie, beau mot grec francisé par l’école de Ronsard, caractérise le tour d’esprit imité des Grecs ; Montaigne et l’école qui s’inspire du tour d’esprit latin le remplacent par la Raison, la sagesse, le sapere d’Horace140, l’unique secret de l’art d’écrire, lequel ne fait qu’un avec l’art de conduire sa vie. […] Depuis Calvin jusqu’à Malherbe, combien qui l’ont lu et qui s’en sont inspirés !

344. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il se fit même une affaire avec l’académie et le consistoire de Saumur pour avoir dit, dans ses notes sur Sapho, qu’il trouvait la fameuse ode si belle qu’il était tenté de pardonner à l’auteur l’étrange passion qui la lui avait inspirée. […] Là, pendant plus d’une année, ils suivirent leur méthode studieuse en la transportant et la renfermant cette fois dans les matières de religion, et ils tombèrent tout à fait d’accord sur la conduite qu’ils avaient à tenir ; mais ils voulurent faire plus, ils aimèrent mieux différer de quelques mois leur déclaration publique, et ils s’appliquèrent dans l’intervalle à user de leur influence, de l’estime qu’ils inspiraient et des raisons dont ils étaient remplis, pour ramener la ville entière avec eux. […] Cette personne honnête et probe croit à son lecteur, à son public, à l’affection qu’elle leur inspire, à l’intérêt que le monde témoigne pour la continuation et l’achèvement de son travail, à la compassion qu’il aura d’une interruption venue d’une cause si douloureuse ; elle se souvient de Cicéron pleurant sa fille Tullia, de Quintilien déplorant la perte d’un fils plein de promesses, et, tout en les imitant, elle verse de vraies larmes ; puis, en finissant, la mère chrétienne se retrouve et se soumet115.

345. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le prince embellissait ses jardins, y créait des accidents heureux, y fondait des monuments commémoratifs avec des inscriptions longuement méditées pour les guerriers qui lui étaient chers ; il dessinait, peignait quelquefois, s’amusait à faire des vers, à écrire des pièces de théâtre qu’on jouait devant lui, ou inspirait les motifs de leurs opéras les plus applaudis aux compositeurs de sa petite cour. […] Il semble qu’on ait tout dit à l’honneur des lettres et pour célébrer la douceur dont elles sont dans les différentes circonstances et aux différents âges de la vie ; il y a longtemps qu’on ne fait plus que paraphraser le passage si connu de Cicéron plaidant pour le poète Archias : « Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant… », Frédéric nous offre une variante piquante à cet éloge universel des lettres et de l’étude ; il va jusqu’à prétendre, sans trop de raffinement et d’invraisemblance, que toutes les passions (une fois qu’elles ont jeté leur premier feu) trouvent leur compte dans l’étude et peuvent, en s’y détournant, se donner le change par les livres : Les lettres, écrit-il au prince Henri (31 octobre 1767), sont sans doute la plus douce consolation des esprits raisonnables, car elles rassemblent toutes les passions et les contentent innocemment : — un avare, au lieu de remplir un sac d’argent, remplit sa mémoire de tous les faits qu’il peut entasser ; — un ambitieux fait des conquêtes sur l’erreur, et s’applaudit de dominer par son raisonnement sur les autres ; — un voluptueux trouve dans divers ouvrages de poésie de quoi charmer ses sens et lui inspirer une douce mélancolie ; — un homme haineux et vindicatif se nourrit des injures que les savants se disent dans leurs ouvrages polémiques ; — le paresseux lit des romans et des comédies qui l’amusent sans le fatiguer ; — le politique parcourt les livres d’histoire, où il trouve des hommes de tous les temps aussi fousaf, aussi vains et aussi trompés dans leurs misérables conjectures que les hommes d’à présent : — ainsi, mon cher frère, le goût de la lecture une fois enraciné, chacun y trouve son compte ; mais les plus sages sont ceux qui lisent pour se corriger de leurs défauts, que les moralistes, les philosophes et les historiens leur présentent comme dans un miroir. […] Vous ferez, s’il vous plaît, les compliments les plus flatteurs à l’impératrice de ma part, et vous direz tout ce que vous pourrez de l’admiration qu’elle inspire à tout le monde, enfin tout ce qu’il faut.

346. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Je vous salue avec grande affection et respect pour la dernière fois. » Certes, la femme qui inspirait à un sage mourant de tels sentiments suprêmes d’intérêt et d’amitié n’était point une âme ordinaire ; et ce seul témoignage, qui rattache son souvenir à celui d’une des plus belles morts que la philosophie nous offre, suffirait pour empêcher son nom à elle-même de mourir. […] Caillot d’un extrait du procès-verbal de la séance du 3 octobre 1793 (vieux style), constatant que notre Comité ne connaissait aucuns suspects ; — au bas duquel on a certifié « que les deux citoyennes Boufflers, en particulier, n’avaient donné aucune preuve d’incivisme ; qu’au contraire elles avaient manifesté la plus parfaite soumission aux lois. » Une autre pièce, également à décharge, présentait d’une manière avantageuse leur conduite depuis leur rentrée, et nous prouve toute la bienveillance qu’elles inspiraient : « An II, 5 germinal (25 mars 1794). — Extrait d’un tableau d’observations (en conciance) envoyé ledit jour par le Comité de surveillance d’Auteuil au Directoire du district de Franciade (Saint-Denis). […] Les Mémoires de l’abbé Morellet (tome II, pages 129 et suiv.) sont à lire sur l’emprisonnement de ces « pauvres dames » de Boufflers et sur le dévouement qu’elles inspirèrent à de courageux amis.

347. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

il n’y a que vous, ô mon Dieu, qui puissiez m’inspirer ce que je dois faire. […] Il ne s’inspire que de sa propre inaction ; il rêve et languit sur place. […] C’est pourtant par l’attachement qu’il m’inspire que je me suis laissé entraîner à le morigéner. » Rapprocher ainsi ces témoignages à la fois distants et convergents, c’est faire toucher du doigt les points et les nœuds essentiels.

348. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Aux époques vraiment palingénésiques, c’est tout le contraire ; Phidias qu’Homère inspire suppléerait Sophocle avec son ciseau ; Orcagna commente Pétrarque ou Dante avec son crayon ; Chateaubriand comprend Bonaparte. […] « On ne m’a pas fort accablé d’éloges sur le sonnet de ma parente, écrit Boileau à Brossette ; cependant, monsieur, oserai-je vous dire que c’est une des choses de ma façon dont je m’applaudis le plus, et que je ne crois pas avoir rien dit de plus gracieux que : A ses jeux innocents enfant associé, et Rompit de ses beaux jours le fil trop délié, et Fut le premier démon qui m’inspira des vers. […] La raison fut son génie ; c’était en lui un organe délicat, prompt, irritable, blessé d’un mauvais sens comme une oreille sensible l’est d’un mauvais son, et se soulevant comme une partie offensée sitôt que quelque chose venait à la choquer. » Cette même raison si sensible, qui lui inspirait, nous dit-il, dès quinze ans, la haine d’un sot livre, lui faisait bénir son siècle après Phèdre.

349. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Nul peut-être, à l’heure qu’il est, n’inspire à certaines âmes un culte plus tendre. […] Cela prend à certains moments, et en dehors de l’émotion que le drame lui-même peut inspirer, quelque chose de l’intérêt spécial et de la beauté propre d’une leçon d’anatomie. […] Cette idée lui inspire un grand trouble, d’affreux remords et enfin une immense pitié de l’universelle souffrance humaine.

350. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode. […] Avec André Chénier, l’aveugle harmonieux devient un grand vieillard inspiré qu’on fête et révère comme un demi-dieu. […]   Ce qui peut en cas pareil consoler les plus désireux de voir leur patrie grande et forte, c’est que, si la France s’inspire parfois de ses voisins, ceux-ci le lui rendent avec usure.

351. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Au déclin de la pure religion védique obscurcie par le brahmanisme, l’antique enthousiasme qu’avait inspiré l’avènement du feu s’étant dissipé, une idée de larcin et de sacrilège s’attacha à sa découverte. […] Aphrodite versa la volupté sur ses membres, et elle alluma dans son sein « les désirs qui lassent les jeunes corps ». « Hermès » — dit le vieux poète dont les idées sur la femme sont celles de l’Oriental qui l’enferme comme une belle bête malfaisante, — « lui inspira l’impudence de la chienne, et les mœurs furieuses, les flatteries et les perfidies ». […] Mais, dans toutes ces scènes, Prométhée n’apparaît que comme l’ouvrier de l’homme, son praticien inspiré.

352. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Un moment il parut le comprendre, et, à la vue de ces incendies fumant à travers la neige, de ces cadavres gisant sur cette plaine glacée, il s’écria : « Ce spectacle est fait pour inspirer aux princes l’amour de la paix et l’horreur de la guerre. » Mais l’impression, sincère peut-être pendant la durée d’une minute, passa vite, et le démon familier reprit possession de son âme. […] Il faudrait être Tacite ou Shakespeare pour rendre au vif ce qu’inspire une pareille vue à bien des cœurs, ce que du moins je ressens pour mon compte, et que bien d’autres sentent comme moi confusément. […] Le peuple espagnol, bien qu’en repoussant la royauté de Joseph il repoussât un bon prince et de bonnes institutions, fut peut-être mieux inspiré que les hautes classes.

353. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cette Correspondance bien lue fait pénétrer aussi avant qu’on peut le désirer dans l’âme et dans la pensée d’un roi qui fut véritablement grand, et qui, comme tous les grands hommes, inspire à ceux qui l’approchent de plus près une admiration plus réfléchie. […] La beauté des sentiments qu’on y voit exprimés réfléchit en partie sur Frédéric, qui savait si bien les comprendre, et qui fut digne, à cet âge, de les inspirer : Varsovie, 3 novembre 1740. […] Sans doute que le bonheur dont j’allais jouir était trop parfait pour pouvoir devenir ici-bas mon partage, et c’est (oui, je l’espère fermement, mourant en bon chrétien, et avec la tranquillité que m’inspire le témoignage de ma conscience), c’est pour m’en rendre participant dans une autre vie que le Maître suprême de nos destinées va me retirer de celle-ci.

354. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Au premier aspect, cette machine est grande, imposante, appelle, arrête, elle pourrait inspirer la terreur ensemble et la pitié. Elle n’inspire que la terreur, et c’est la faute de l’artiste, qui n’a pas su rendre les incidents pathétiques qu’il avait imaginés. […] Il y a donc un art inspiré par le bon goût dans la manière de distribuer les images dans le discours et de sauver leurs effets, un art de fixer l’œil de l’imagination à l’endroit où l’on veut.

355. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Du reste, si les Hohenstaufen inspiraient toujours quelque inquiétude à Rome, l’esprit des peuples pouvait rassurer les pontifes contre l’ambition des souverains. […] Quant à son catholicisme, nous en avons donné l’explication la plus honorable en montrant qu’il consistait seulement dans le sentiment de respect qu’inspire à très bon droit un système aussi fort, aussi lié en toutes ses parties, que le système catholique au Moyen Âge ; mais de théorie, de démonstration tendant à prouver la valeur absolue, divine, éternelle de ce catholicisme du passé, il n’y en a pas dans Hurter, esprit trop peu philosophique pour s’inquiéter beaucoup d’une théorie quelconque. […] Comme il était sans cesse exposé à périr victime de l’enthousiasme religieux qu’il inspirait, il frappait du bâton, pour l’écarter, cette foule qui voulait entendre sa voix et toucher ses vêtements, mais les blessés baisaient le sang de leurs blessures, heureux et fiers de ce qu’il coulait sous les mains de l’homme de Dieu.

356. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Colin Muset parlait une fois de son ménage : dans ces remuantes communes picardes, où les têtes sont chaudes, rien ne passionne plus les poètes du cru que les affaires locales, la vie de la cité, du quartier, du foyer, ils nous parlent d’eux, de leurs femmes, de leurs compères, raillant, invectivant, aimant, regrettant selon l’événement qui les inspire ou selon le vent qui souffle. […] Si l’on pouvait, en évitant la confusion, suivre la chronologie sans distinguer les genres, il faudrait introduire Rutebeuf entre les deux parties du Roman de la Rose : car il écrit après Guillaume de Lorris, dont les allégories visiblement l’enchantent et l’inspirent.

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