Autant vaudrait s’imaginer qu’une pièce de monnaie usée, en perdant la marque précise de sa valeur, a acquis une puissance indéfinie d’achat.
On ne peut imaginer, avant d’avoir lu les mémoires originaux, dans quel abîme de petitesses cet orgueil a précipité la noblesse.
La vieillesse est venue, mais l’inventeur n’est pas mort tout à fait en lui, car pour exciter la charité des passants il a imaginé une manivelle, une sorte de serinette qui doit le faire vivre. […] Un jour, un épicier, son bienfaiteur habituel, l’interpella : — Dites donc, père Pas-de-Chance… est-ce que, par hasard, vous vous imagineriez que vous jouez quelque chose ? […] Disons tout de suite que Gyp est l’auteur de ce charmant livre qui s’appelait le Petit Bob et que Paulette, l’héroïne du livre, est la plus charmante, la plus étourdie et la plus vraie Parisienne qu’on puisse imaginer. […] Qu’une belle-mère, douée de toutes ces qualités, marie sa fille à un parvenu, il est facile d’imaginer la vie aimable que se sera procurée celui-ci. […] Et, cependant, j’étais bien obligé de convenir à part moi qu’il était impossible aussi d’imaginer un intérieur plus décent, plus respectable, plus uni au moins d’apparence que celui où je me trouvais.
Leur liaison commença dans un temps où Sénèque n’était qu’un citoyen obscur ; et l’on imagine qu’elle aurait duré, malgré l’avarice, la bassesse et l’hypocrisie de celui-ci ! […] L’expérience ne prouve que trop qu’il n’est ni aussi commun ni aussi facile qu’on l’imaginerait de se tirer avec noblesse et fermeté de cette dangereuse alternative. […] Hommes sensés, imaginez tout ce qu’il vous serait possible d’alléguer pour et contre les accusés, et dites-moi quelle serait votre pensée. […] Qui l’aurait imaginée, si l’histoire ne nous l’avait transmise ? […] Et de qui imaginer a-t-on que soit cet éloge ?
Le regard de Gérard d’Houville se pose sur toutes choses avec la sûreté et le caprice d’un de ces papillons qu’à l’exposition de la rue de Sèze, Gillette s’imaginait ressuscités soudain, délivrés de leur cage de verre ; tout en cet art rappelle le papillon : la précision, la pureté hardie du dessin dans des dimensions réduites, et ce tragique sans dehors, immobile, qui se fixe sur certaines scènes comme sur les ailes les « signes mystérieux ». […] Quant à Marinette, en quelques coups d’œil et quelques baisers elle s’est imaginée un Remy qui, tout particulier qu’il soit, garde néanmoins un suffisant air de famille avec le Remy réel : réel, j’allais dire véritable. […] Il veillait à la précision de leur taille ; il étudiait minutieusement tous ces moyens que l’on a imaginés, pour éviter que les arêtes ne s’entament et que la netteté des joints ne s’altère. […] Jaloux est un de ceux qui possèdent encore cet art qui va se perdant, je veux dire l’art de lire, — car c’est un art, et non pas, comme on l’imagine habituellement, une besogne, — un art auquel nulle science ne supplée. […] Il faut que tu les aimes tous les trois, elle, mon père et ma mère ; car ils ont désiré mon bonheur avec un soin, un dévouement, une passion de tous les jours ; et si je n’ai pas su les récompenser en me laissant combler des dons que leur amour imaginait, si je leur ai résisté, si j’ai déconcerté leur espoir, j’ai besoin que, par-dessus moi, ils obtiennent justice.
Ayant constaté qu’on sortait à peine des guerres religieuses, et de guerres religieuses épouvantables, ils se sont imaginé que c’était la religion qui était la cause de ces guerres et de ces épouvantements, et ils ont maudit et dénoncé les religions de tout leur cœur. […] Imaginez, après Balzac, Descartes, Corneille, Molière, La Rochefoucauld, Sévigné, Bossuet, Racine, Boileau, La Bruyère et le retentissement de ces grands noms dans toute l’Europe et la diffusion, grâce à eux, de la langue française dans toute l’Europe, et la gloire européenne de la France, gloire qu’elle sent qu’elle doit principalement à ses hommes de lettres, imaginez bien ce que c’est qu’un homme de lettres en 1700. […] Puis ils s’imaginent que ces êtres exigent quelque chose d’eux, leur donnent des ordres qu’il s’agit de comprendre. […] D’abord parce qu’ils sont peu en état de les imaginer et de les accomplir, presque aucun n’étant homme d’État. […] Mais la Papauté s’abuse si elle s’imagine nous amener, par ce procédé comminatoire, à quelque acte de résipiscence.
Ce médecin imagine, entre nos deux auteurs, je ne sais quelles prises de bec, quels picotements, survenus, dit-il, à Meudon, chez les princes de la Maison de Lorraine. […] Il n’oublie pas non plus Poitiers, son berceau, et j’imagine qu’il a, sur les bords du Clain, des colloques avec les ombres savantes des littérateurs qui y tinrent leurs assises pendant la Renaissance. […] Ce que Shakespeare présente aux yeux peut s’imaginer sans peine, et même il doit être mieux saisi par l’imagination seule. […] Ce sont tous ceux qui s’imaginent défendre l’intégrité de l’art et qui sacrifient de la sorte aux méprises du mot à mot et de la fidélité inopportune. […] … Voltaire exhalait de longs soupirs ; mais j’imagine qu’il riait sous cape, et qu’il ne désespérait point d’en remontrer même à Racine, son idole.
Hamlet est un des caractères les plus mâles qu’il soit possible d’imaginer ; sa bravoure est à toute épreuve, sa loyauté ne se dément jamais, ses promesses sont sûres ; toutes les qualités de l’homme viril, il les possède. […] » Je tiens surtout à faire remarquer qu’Hamlet n’a absolument aucune sentimentalité, comme on l’imagine généralement ; personne ne foule mieux aux pieds, au contraire, tous les masques hypocrites de la passion. […] J’imagine que Shakespeare n’a eu qu’à prendre les traits épars que ses contemporains lui fournissaient pour former ce personnage d’Hamlet. […] J’imagine qu’il l’estimerait sage de mettre à profit une si cruelle expérience ; ainsi pense Faust, qui, sachant à quoi s’en tenir désormais sur la valeur des passions, se sert de l’expérience acquise pour s’élever d’un degré de plus dans l’idéal. […] Cette maison peut être recommandée au voyageur en toute confiance, car elle est tenue par le plus honnête pâtissier du monde, et on peut y dîner à trois pour la modeste somme d’un thaler. » C’est ainsi à peu près, j’imagine, que parlerait le Guide, joignant ingénieusement l’utile à l’agréable.
… Imagine-toi, je voyais des rats, je courais à quatre pattes pour leur mettre un grain de sel sous la queue. […] À cause des cigares, elle imaginait la Havane un pays où l’on ne fait pas autre chose que de fumer, et Victor circulait parmi des nègres dans un nuage de tabac. […] Imaginez la plus jolie fille du monde ayant dansé sur l’herbe depuis un bon moment, joyeuse, toute moite encore, heureuse de vivre, d’être trouvée jolie, de respirer le grand air et retournant tout à coup la tête pour répondre à je ne sais quelle malice, un peu trop tendre sans doute, que son danseur vient de lui murmurer en passant. […] Non, vous ne pouvez imaginer rien de plus piteux, de plus lamentable que ce malheureux habit noir, tout fripé, dont les basques trop longues pendaient mélancoliquement sur les mollets. […] Imaginez un peu le plaisir qu’il y a de recevoir des harangues et d’embrasser des demoiselles habillées de blanc qui vous offrent des bouquets par trente degrés au-dessus de zéro !
Les meilleurs maîtres, pour lui, ne sont pas des génies, et je ne pense pas qu’il prise beaucoup Balzac et Stendhal… Sa préoccupation est d’être spirituel, et l’on peut distinguer ses préférences en lisant l’Amour sur les tréteaux : elles vont, j’imagine, aux Mémoires contre Goezmann de Beaumarchais, à Saint-Évremond, à Fontenelle ; il n’a pas dû négliger non plus Bouhours, dans le dix-septième : il écrivait une langue si pure ! […] Il note d’après ses imaginations, il rêve à des personnages, et la vie se charge de le mettre en contact avec eux pour lui donner un supplément de traits et d’informations : Valentine Pacquault qui est son héroïne la plus attachante, à mon avis, est une figure qui mérite de demeurer dans notre littérature, il l’avait d’abord imaginée, lorsqu’il la rencontra. […] Et l’on a pris l’habitude de considérer que tout ce qui est arrivé était fatal et qu’on n’a pas le droit d’imaginer que les choses auraient pu se passer autrement. […] C’est à tort que l’on s’imagine qu’il fait de la politique ; il ne vit qu’avec des poètes. […] Imaginons cette rencontre et ce qu’elle doit apporter à l’enfant le plus tendre et le plus intelligent de son pays.
Fénéon s’imagine qu’il y a, en ce moment, trop d’écrivains, quelle erreur ! […] Barrès sait réfléchir encore bien mieux qu’il ne sut agir et qu’il ne sait imaginer. […] Faute de connaître de tels détails, le vulgaire s’imagine les hommes célèbres en la perpétuelle attitude d’une figure de cire ; et si on les lui révèle, il s’indigne, faute de les comprendre, contre ce qui est un des signes les plus clairs d’une vie individuelle. […] Dès que le nom argotique de l’argent avait passé dans le peuple les voleurs en imaginaient un autre. […] D’abord ils imaginèrent d’« écrire » histoire ; ils ne font ni des discours ni des dissertations, mais des livres ; ils traitent Marie-Antoinette non pas en sujet mais en motif autour duquel se viennent rassembler tous les petits faits de vie dont vivait la reine : à connaître ses jeux, ses paroles, ses robes et ses coiffures, ils pénètrent plus facilement jusqu’à son âme qui, occupée sans doute de combinaisons politiques, l’était aussi de jeux de robes et de coiffures.
De même, j’imagine cette âme austère et modeste de M. […] Elle est sans pitié, cette critique ; elle est en garde contre tout ce que cette Grèce aimable et mensongère a imaginé ; elle se bouche les oreilles avec de la cire contre la voix des Sirènes.
Mais comme beaucoup de ceux qui seraient tentés de railler avec nous La Motte sur ce que son opinion a d’excessif pourraient bien être en partie du même avis plus qu’ils ne se l’imaginent, il est mieux de parler sérieusement et de reconnaître ce qui est. […] Quoi qu’il en soit, je ne saurais dérober aux lecteurs le délicieux petit tableau de Théocrite, et je m’imagine même que je le leur dois comme un adoucissement après les violences passionnées de tout à l’heure.
Je n’imagine pas que, hormis la théologie polémique, il y ait rien d’aussi rebutant que cette étude : il est heureux que quelques gens veuillent s’y adonner, et je loue fort les Du Cange et Muratori qui, se dévouant comme Curtius, se sont précipités dans ce gouffre ; mais je serais peu curieux de les imiter22. […] Elle a conservé plus particulièrement ses formes primitives dans un idiome illustré par des poètes qui furent nommés troubadours. » Il imagina donc qu’il y avait eu, au moment où la langue latine expirait, et où naissaient les idiomes modernes, une espèce de langue médiatrice, fille (un peu bâtarde) de l’une, mère très-légitime des autres, qui aurait eu ensuite son développement à part, et son plus direct, son plus précoce et son plus favori rejeton dans l’idiome des troubadours.
Il vivait à la campagne, principalement dans l’île de Wight, parmi des livres et des fleurs, à l’abri des tracasseries, des rivalités et des assujettissements du monde, et l’on imaginait volontiers sa vie comme un beau songe, aussi doux que ceux qu’il nous avait donnés. […] — Si tu ne dois plus voir ma face, prie pour moi ; plus de choses sont accomplies par la prière que ce monde ne l’imagine. — Car par elle la terre, ronde tout entière en toutes ses parties, — est liée comme par des chaînes d’or aux pieds de Dieu.
Le moyen de s’imaginer que des sauvages de l’Orient, tels que les Chinois, eussent écrit des annales, composé des poésies, approfondi la morale et la religion avant que les Grecs, maîtres et docteurs de l’Europe moderne, eussent seulement appris à lire ! […] « Vous ne me connaissez point, leur répondit Confucius, si vous croyez que c’est par dédain que je ne veux pas accepter le bienfait dont le roi de Tsi veut m’honorer ; et le roi de Tsi me connaît moins encore s’il s’imagine que je suis venu dans ses États et auprès de sa personne en vue de quelque intérêt temporel qui me soit propre. » XXIV On demandait à un sage qui avait vu et entendu Confucius ce que c’était que ce philosophe : « C’est un homme, répondit le sage, auquel aucun homme de nos jours ne peut être comparé.
Pour ce qui est du culte qu’on lui rend ici, on a tort de s’imaginer que c’est un culte religieux ; il ne passe pas les bornes du respect et de la reconnaissance qui sont légitimement dus à un homme qui, de son vivant par ses exhortations, et après sa mort par ses écrits, a fait à ses semblables tout le bien qu’il a été en son pouvoir de leur faire. […] « Voici ce que la sagesse des anciens a imaginé pour l’aider.
« Vous vous imaginez facilement, écrit Bettina à la mère de Goethe, dont elle avait fait sa confidente et son amie à Francfort pendant que son fils vivait et trônait à Weimar ; vous vous imaginez facilement ce que je pense à l’heure solitaire où le crépuscule cède à la nuit, maintenant je l’ai vu !
C’est précisément là le caractère de l’Italien moderne : il imagine, et il rit de ses propres imaginations ; c’est aussi le caractère de la vieillesse dans les nations et dans les individus. […] Ce scélérat imagina de jeter le soupçon dans l’âme d’Ariodant, l’infamie sur l’innocence de Ginevra.