Introduction Peu d’idées semblent plus vivantes aujourd’hui, plus agissantes et passionnantes que l’idée de l’égalité des hommes ; il en est peu par suite qu’il soit à la fois plus tentant et plus malaisé de soumettre à une étude scientifique. […] C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer méthodiquement les unes des autres les différentes séries de problèmes qui rayonnent autour des idées égalitaires. […] La solution de problèmes tels que ceux que nous avons énumérés nous permet de porter, sur l’idée de l’égalité des hommes, des jugements d’estimation morale, non d’explication scientifique. […] L’auréole des idées morales éblouit : on ne distingue plus ce qui les rattache à la terre. […] — Pour les fins, c’est évidemment de nos idées générales sur ce qui est essentiellement bon, désirable ou obligatoire que nous les déduisons.
Influence de l’idée du temps. — Comment cette idée modifie l’évolution et devient un facteur de l’évolution même. […] Mais il y a des idées présentes qui sont contredites, à la fois logiquement et mécaniquement, par d’autres idées également présentes et, en outre, plus intenses, plus nombreuses, mieux coordonnées avec l’ensemble de toutes nos idées. […] Cette idée modifie le cours de l’évolution, tel qu’il eût été sans l’idée et sans les conditions à la fois psychiques et physiques de l’idée. […] Sans doute cet avenir est présent à sa façon sous forme d’une idée actuelle, et cette idée même a ses concomitants cérébraux qui sont des mouvements actuels dans l’espace ; mais l’idée, comme telle, n’existerait pas sans certaines conditions de changement interne et externe qui se sont produites, et cette idée à son tour, une fois née, devient une condition de changement interne et externe. On n’a donc pas le droit d’abstraire l’idée comme « inutile ».
Cette idée, c’est la Justice dans la Révolution, qui est une idée de Proudhon encore, de Pyrrhus-Proudhon, qui n’est point « le rival qu’il abhorre », mais qu’il rencontre partout et toujours ! […] Il voiture ses idées. […] Or, la meilleure des idées anti-chrétiennes sur laquelle on pût établir toute la vie morale et intellectuelle de l’enfant, — du jeune ouvrier de l’avenir, — c’est encore l’idée de Justice opposée à la Grâce, — cette idée de Justice comme elle n’est pas, mais comme ils ont dit et voulu nous faire croire, les révolutionnaires, qu’elle était, dans la Révolution ! […] on ne sait pas ce qu’on peut gagner, quand on n’a plus d’idées, à devenir sentimental ! […] Il s’est trompé également sur les idées et sur les hommes, ces hommes que ses idées devaient nous manufacturer.
Mais laissons de côté les cinquante moutons eux-mêmes pour n’en retenir que l’idée. […] Dès lors, il devient aisé de faire la part exacte du subjectif et de l’objectif dans l’idée de nombre. […] Si l’impénétrabilité passe le plus souvent pour une qualité de la matière, c’est parce que l’on considère l’idée du nombre comme indépendante de l’idée d’espace. […] Mais, abusés par la simplicité apparente de l’idée de temps, les philosophes qui ont essayé d’une réduction de ces deux idées ont cru pouvoir construire la représentation de l’espace avec celle de la durée. […] De ce nombre sont les idées que nous recevons toutes faites, et qui demeurent en nous sans jamais s’assimiler à notre substance, ou bien encore les idées que nous avons négligé d’entretenir, et qui se sont desséchées dans l’abandon.
L’idée de désordre est donc toute pratique. […] Examinons ce que peut être cette image ou cette idée. […] De même pour l’idée d’une abolition de toutes choses. […] Nous obtenons ainsi l’idée du « néant absolu ». […] Il faut donc que les Idées existent par elles-mêmes.
Les villes surtout doivent donc être les milieux favorables à la fermentation des idées égalitaires. […] Que l’expansion des idées égalitaires réponde à cette concentration de la population, cela paraît hors de conteste. […] L’idée de l’humanité n’est-elle pas elle-même, en effet, une extension de l’idée de la famille et de la cité ? […] En ce sens l’idée d’humanité est assurément plus naturelle à l’esprit du citoyen moderne qu’à l’esprit du citoyen antique. […] Un grand progrès dans le sens de l’égalitarisme a été réalisé le jour où, à l’idée que les individus ont les mêmes droits parce qu’ils sont du même sang, s’est substituée l’idée qu’ils ont les mêmes droits parce qu’ils habitent une même terre.
D’une part, il est constant que l’idée du passé, — du moins cette idée du passé dont la reconnaissance est l’affirmation159, — entraîne fatalement l’idée du moi. […] La reconnaissance ne s’applique qu’à des états possédant ces caractères ; de là une synthèse naturelle, une association, entre l’idée du passé et l’idée du moi ; le moi implicite n’était associé qu’à l’idée toute négative de l’inétendu ; le moi explicite est associé à l’idée positive de la succession ou de la durée. […] Cf. les idées de Maine de Biran. […] L’autre idée du passé, l’idée du passé qui n’est pas le mien, est l’extension ultérieure de l’idée de mon passé. […] Le non-moi est une idée bien plus naturelle que l’avant-moi.
Réponse à l’idéalisme. — Construction de l’idée d’objet et de l’idée de réalité. Influence de ces idées. […] Idée des autres moi. […] Influence de cette idée. […] Par là j’acquiers l’idée du diffèrent, de l’autre, de l’altérité, comme disait Platon, par opposition aux idées du semblable, du même, de l’identique.
Ses idées sur son temps. […] Il donne l’idée qu’il n’en a pas. […] Pour eux, une idée qui fait système est une idée vraie. […] Cette idée existe, c’est l’idée de création. […] Ses idées sur l’art.
Or deux sortes d’idées accessoires peuvent modifier une idée primitive : les unes, prises dans la chose même, influent tellement sur celle qui leur sert en quelque sorte de base, qu’elles en font une toute autre idée ; & c’est à l’egard de cette nouvelle espece d’idées, que la premiere prend le nom de primitive ; telle est l’idée exprimée par canere, à l’égard de celles exprimées par cantare, cantitare, canturire : canere présente l’action de chanter, dépouillée de toute autre idée accessoire ; cantate l’offre avec une idée d’augmentation ; cantitare, avec une idée de répétition ; & canturire présente cette action comme l’objet d’un desir vis. […] selon que l’idée primitive est modifiée par quelqu’une des idées accessoires que ces dénominations indiquent. […] Mais l’écriture devant offrir aux yeux toutes les idées comprises dans la signification totale d’un mot, l’idée individuelle & l’idée spécifique, l’idée fondamentale & l’idée accidentelle, l’idée principale & l’idée accessoire ; chaque mot primitif suppose nécessairement plusieurs caracteres, qui servent à en présenter l’idée individuelle sous tous les aspects exigés par les vûes de l’énonciation. […] C’est un renversement positif dans la corrélation des idées, ou l’exposition d’un certain ordre d’idées quelquefois opposé diamétralement à celui que l’on veut faire entendre. […] La dérivation philosophique sert à l’expression des idées accessoires propres à la nature d’une idée primitive.
Cette grande idée, l’idée de la civilisation par la science, ne date guère que du xvie siècle ; elle a eu pour principal organe l’illustre Bacon, dont elle est la gloire. […] Non sans doute, il a autre chose à faire : à lui la théorie et la science, à d’autres l’application de ses idées. […] En un mot, le fait suggère l’idée, l’idée suggère l’expérience, et l’expérience juge l’idée : voilà l’ordre logique et naturel des opérations scientifiques. […] Quant à l’idée elle-même, comment vient-elle naître dans l’esprit ? […] Rien de plus excellent et de plus solide que ces idées, populaires d’ailleurs parmi les vrais savants, et dont M.
L’idée formulée par les faits représente la science. […] Le raisonnement ne sert qu’à donner une forme à nos idées, de sorte que tout se ramène primitivement et finalement à une idée. […] Quand l’expérience infirme l’idée préconçue, l’expérimentateur doit rejeter ou modifier son idée. […] Les idées de la morale moderne réprouvent ces tentatives ; je partage complètement ces idées. […] Mon idée préconçue était donc fausse.
Ne peut-on démontrer cette immanence du vouloir à tous les états de conscience, à toutes les idées, qui leur confère, selon nous, leur caractère impulsif ? […] Si, au contraire, j’ai l’idée et le désir de prendre la plume pour écrire ma signature au bas d’un contrat, la décision que je prends me paraît avoir son antécédent immédiat et suffisant dans mes états antérieurs de conscience, qui sont : 1° l’idée de tel mouvement comme moyen pour telle fin, 2° le désir de ce mouvement. […] I, p. 30), « des idées de sensation, des idées de mouvement, voilà les facteurs élémentaires dont notre esprit est construit ». […] « Nos idées de mouvement, continue-t-il150, sont toutes des idées faibles, ressemblant sous ce rapport aux copies de la sensation dans la mémoire. […] Ces trois degrés correspondent d’abord à la simple idée de l’acte, puis à la prévalence de l’idée, enfin à l’exécution de l’idée.
Cette doctrine étend de nos jours la même explication aux espèces intérieures, aux idées. […] Quelque chose d’analogue se produit dans la genèse des idées : nous commençons par penser à la manière des animaux, avant de penser à la manière humaine ; nous réalisons, pour les dépasser, les diverses phases de leur évolution intellectuelle. […] Schopenhauer l’admet, mais il n’en tire point les conséquences légitimes pour l’explication des idées et de leur force. […] Sa théorie des idées demeure encore un pur idéalisme à la manière de Platon et de Kant, sans connexion visible avec sa philosophie de la volonté. […] Ce sera, selon nous, rattacher la genèse des idées aux lois les plus fondamentales de la réalité que de l’expliquer par les lois mêmes du désir.
Aux yeux du moraliste, au contraire, l’idée de beauté est une idée suspecte, sinon franchement immorale. — Pourquoi immorale ? […] Certains esthéticiens ne rattachent-ils pas toute idée de beauté à l’idée de la beauté de la femme et à la jouissance sexuelle ? […] En effet l’idée de beauté est une idée aristocratique. […] C’est pourquoi ces derniers ont toujours tenté de l’éliminer de l’art ou du moins de la subordonner à des idées étrangères : idée de vérité, idée du bien, idée d’utilité sociale et de sociabilité. […] Pourtant les deux séries d’idées se tiennent de près.
Certaines idées qui furent vulgaires et triviales ne sont plus comprises. Je ne parle point ici de ces idées fugitives et délicates qui tiennent seulement aux usages du monde, à une élégance convenue : ces idées, tout en nuances, sont, par leur nature même, mobiles et passagères. Je parle de ces idées fondamentales qui sont comme le pivot sur lequel toutes les autres roulent, de ces idées centrales vers lesquelles toutes les autres gravitent, enfin de ces idées fécondes qui engendrent toutes les autres. […] Je demanderai donc aux partisans des idées nouvelles si, parce que ces idées, qui leur paraissent être la raison même, eussent été méconnues et même honnies à de certaines époques, le mépris dont on les aurait couvertes aurait pu prouver contre elles. […] Pour avoir sur cet objet des idées justes et vraies, ne faudrait-il pas rétablir, par la pensée, les idées qui dominaient à l’époque où Eschyle, Euripide et Sophocle régnaient sur la scène tragique ?
Seulement, elle ne se fie pas au procédé qui consiste à prendre telle ou telle idée et à y faire entrer, de gré ou de force, la totalité des choses. […] Remarquons qu’une idée est un élément de notre intelligence, et que notre intelligence elle-même est un élément de la réalité : comment donc une idée, qui n’est qu’une partie d’une partie, embrasserait-elle le Tout ? […] Telle est, nous semble-t-il, l’idée implicite de la philosophie française. C’est une idée qui n’est devenue tout à fait consciente à elle-même, ou qui n’a pris la peine de se formuler, que dans ces derniers temps. […] Le besoin de philosopher est universel : il tend à porter toute discussion, même d’affaires, sur le terrain des idées et des principes.
Le nom propre de l’idée accessoire est souvent plus présent à l’imagination que le nom de l’idée principale, et souvent aussi ces idées accessoires, désignant les objets avec plus de circonstances que ne feroient les noms propres de ces objets, les peignent ou avec plus d’énergie, ou avec plus d’agrément. […] Ainsi en général le sens abstrait est celui par lequel on s’ocupe d’une idée sans faire atention aux autres idées qui ont un raport naturel et nécessaire avec cette idée. […] L’idée dont on s’ocupe par abstraction, est tirée, pour ainsi dire, des autres idées qui ont raport à celle-là, elle en est come séparée, et c’est pour cela qu’on l’apèle idée abstraite. […] Quand on a trouvé le signe éxact d’une idée, on n’en cherche pas un autre. […] Il est fort inutile d’avoir plusieurs mots pour une seule idée ; mais il est très avantageux d’avoir des mots particuliers pour toutes les idées qui ont quelque raport entre elles.
De ce nombre est l’idée de l’infini. […] Montaigne n’a aucun désir de propager ses idées. […] On a dit de Descartes : Ce fut plus qu’un homme, ce fut une idée. […] dit-il au plus illustre de ses contradicteurs, Gassendi, qui lui répond : Ô idée ! […] Descartes est une idée, dans ce sens qu’il recherche la vérité universelle, l’idée pure, avec la seule faculté universelle qui soit en nous, la seule qui ne dépende pas de l’individu, la raison.