Dans la littérature contemporaine, qui cherche des cadres et des fonds pour repousser tous les sujets et toutes les idées qui manquent de saillie, personne n’avait encore eu cette idée-là.
Mais, on n’a pas besoin de le dire, Lerminier comme Rémusat, quelle que soit l’énergie intellectuelle qu’ils possèdent encore, appartiennent tous les deux à un mouvement d’idées qui eut son jour, à une phase littéraire et philosophique qu’on peut regarder comme fermée, et à laquelle, nous le répétons, on ne voit rien succéder. […] Seulement, son nouvel ouvrage, bien différent en cela du livre de Lerminier, lequel est digne d’être pris en considération par les esprits les plus profonds, n’ajoutera pas beaucoup aux idées actuelles et à la gloire de son auteur.
S’il y a à dire, c’est plutôt à l’esprit d’unité intérieure et à l’enchaînement des idées. […] Dieu nous donna, dans ce petit tableau, une idée des grâces dont il a paré la nature. […] « Un autre phénomène me confirma dans cette haute idée. […] Je me fatiguai de la répétition des mêmes scènes et des mêmes idées. […] Toute la pureté, toute la vertu, toute la religion, toutes les couronnes d’une sainte rendent à peine tolérable la seule idée de vos chagrins.
Ce mouvement interne, (indépendant des rythmes marqués par la durée relative des sons et par la phrase musicale), cette sorte de courant qui glisse de note en note comme glissent en notre esprit les associations d’idées, est surtout perceptible lorsque des harmonies se suivent en série continue et dans plusieurs tons. […] On y sent les inflexions de la voix suivre chaque mouvement de l’idée, en gardant une couleur sonore assez continue selon l’objet de cette idée. […] Il ne pouvait tolérer longtemps une forme littéraire restrictive de l’action et du fol instinct, et qui, en régularisant avec rigueur l’expression de l’idée, arrête l’élan du cœur pour le discipliner à de traditionnels mouvements. […] Des hommes au goût sûr et au clair regard peuvent, il est vrai, devancer l’heure présente ; ils ne le font jamais avec succès que dans des limites restreintes et Hugo, par exemple, n’avait point deviné le « vers libre » ; il est douteux qu’il y eût excellé, malgré son génie, s’il avait voulu le tenter : l’équilibre momentané des idées et des formes ne s’était pas encore arrêté sur ce point. […] Tout au moins dans l’idée qu’on s’en faisait.
Ils réveillaient des idées imposantes, ou des souvenirs chers et flatteurs, et parlaient à la fois à l’homme et au citoyen. […] Le premier il mit de la noblesse dans notre versification ; il éleva notre langue à la hauteur de ses idées, il l’enrichit des tournures mâles et vigoureuses qui n’étaient que l’expression de sa propre force. […] Ces idées furent des traits de lumière pour cette ame si sensible et si féconde, qui, en descendant en elle-même, y trouvait les mouvemens de toutes nos passions, les secrets de tous nos penchans. […] Nul n’a mieux entendu la période poétique, la variété des césures, les ressources du rhythme, l’enchaînement et la filiation des idées. […] Ce parallèle doit être le résultat des idées que j’ai développées.
Cette scène n’a pas de mots, mais elle a des évanouissements, des vertiges, des tourbillons, des frissons et des pâleurs pour langage ; l’homme précipité avec le fleuve est pulvérisé avant lui, en tombant en idée dans cet enfer des eaux ! […] Elle avait conservé la franchise tragique d’idées, d’attitude et d’accent de cet interrègne de la société appelé la Terreur en France. […] Émile de Girardin ; elle me raconta son histoire ; elle me consulta sur de vagues idées de mariage. […] Les noms s’y pulvérisent dans le choc des idées ou des systèmes. […] Son nom se confondait avec le nom d’un homme d’idées éminent, souvent bienveillant pour moi, quelquefois hostile à mes amis.
Une précision de dialectique à faire envie au professeur de philosophie le plus exact ou voulant l’être, le plus exact, le plus minutieux et qui suit le plus rigoureusement son idée. […] Mais voyez comme, presque sournoisement, l’avocat qu’est La Fontaine, dépose en passant, jette, en passant, une idée qui sera féconde, il le suppose et il a bien raison de le supposer, dans l’esprit de son lecteur, et qui achemine le lecteur à la conclusion où lui, auteur, veut atteindre. […] Or La Fontaine nous achemine à cette idée, en nous disant ce que, d’après lui, est un homme comme Descartes. […] Il n’a donc pas une idée seulement sur La Fontaine. […] Ne vous y trompez pas, c’était l’idée du temps.
Quel écrivain, quel moraliste, quel observateur, si spirituel et si original qu’il pût être, avait eu l’idée d’un Esprit des Lois de la vie élégante ? […] Mais ce n’est pas notre faute, à nous, si l’Angleterre répugne tant aux idées générales, si elle a plus de romans et de poèmes que de théories philosophiques et même fashionables. […] — des idées aussi saines et aussi lucides, en leur claire profondeur, que Balzac dans ce petit traité qui dit tant de choses sérieuses en souriant. […] de la correction de la ligne, il rappelle, dans ces conditions que je ne veux ni dissimuler ni affaiblir pour donner une idée de ce talent étrange, oui ! […] Il peut encore se révéler dans nos esprits sous des aspects qui achèveraient l’idée qu’on a de son génie.
Horace, du coup, en prend une idée de l’Andalousie, des belles Andalouses, du boléro dansé sur place, et d’un combat de taureaux. […] Des idées graves et même religieuses le gagnèrent peu à peu. […] On connaît sa Messe en Kabylie, dont il conçut l’idée dans un dernier voyage d’Afrique en 1853. […] Il désira jusqu’à la fin revoir le Midi, dût-il expirer en route ; c’était son idée fixe : « Du soleil ! […] vous oubliez… » — « C’est vrai, réplique Horace, en changeant aussitôt d’idée, pardon !
Le désintéressement que réclame la chose publique trouve sous sa plume une vertueuse énergie d’expression : « Quand on ne s’est pas habitué, dit-elle, à identifier son intérêt et sa gloire avec le bien et la splendeur du général, on va toujours petitement, se recherchant soi-même et perdant de vue le but auquel on devrait tendre. » Mais au même moment son noble cœur, si désintéressé des ambitions vulgaires, se laisse aller volontiers à l’idée des orages, et les appelle presque pour avoir occasion de s’y déployer. […] on aime à le croire, et rien dans sa conduite d’alors ne dément l’idée d’une audace clairvoyante, d’une capacité supérieure et applicable. […] Ils n’eurent pas le temps d’y réfléchir, de reprendre et de remanier leurs idées de gouvernement et de constitution. […] Que seraient devenues leurs idées politiques plus mûres, s’ils n’avaient pas péri ? […] Quoi qu’il en soit, on ne peut éviter de rapprocher en idée ces deux femmes illustres et de les comparer.
. — Représentations, images, conceptions, idées proprement dites. — Cas où elles sont émoussées et privées de particularités individuelles. — En ce cas, elles ne peuvent se situer nulle part dans le passé, ni dans le présent, ni dans l’avenir. — Cas où elles sont précises et pourvues de particularités individuelles. — La vision pittoresque et poétique. — En ce cas, elles sont promptement exclues de leur place apparente dans le présent, le passé ou l’avenir. — Dans les deux cas, la répression complète est immédiate ou prompte. — Elle est l’œuvre commune de la sensation présente, des souvenirs liés et des prévisions ordinaires. […] Illusion psychologique à propos de la conscience. — Nous sommes tentés de prendre la connaissance de notre état actuel pour un acte simple et spirituel. — La représentation, conception ou idée reconnue comme telle n’est que le même fait en ses deux moments, à l’état d’illusion et à l’état d’illusion réprimée. — Procédé commun par lequel s’édifient toutes nos espèces de connaissances. […] Tant que nous demeurons à l’état de santé, nous le reconnaissons pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour un simple fantôme, un pur simulacre, une représentation, une idée. […] Contre des idées, des représentations, des raisonnements, tous fondés sur des images semblables à elle et situées comme elle dans les hémisphères, elle est efficace. […] À ce moment, nous la déclarons simple image, et la rectification est complète. — De ce genre sont tous ces événements intérieurs que l’on nomme pures conceptions, pures imaginations, et en général pures idées.
VIII Ainsi le morne Dieu connaissant la Fin proche, Entrevoyant la fin des grands Ors superflus, S’acheminait vers les achèvements voulus ; — Ainsi Tristan criait au Jour son long reproche, Et son désir au Jour mauvais plus ne s’accroche, Aspiration à des hymens absolus ; — Ainsi le Pur, en qui les Mondes ne sont plus, Planait, extatique Colombe, sur la Roche… Ô mépriseur, nieur serein, ô attesté Blasphémateur de l’Ordinaire, en l’Unité Vivant, ô découvreur des réels récifs, Mage, — À nous, ainsi, l’esprit hautain et le pervers Génie, ainsi le rêve et la non-vaine image Et l’idée où se meut l’autre et l’autre univers ! […] Plusieurs auteurs emploient volontiers l’expression de « drame musical » en parlant de Tannhæuser et de Lohengrin ; cela est regrettable, car une confusion d’idées en résulte. […] Après les privations, il était maintenant « avide de jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour », emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp, Biogr. : I, 194). […] C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370). […] Tous les drames de Wagner, et ses autres opéras, sans exception, sont des œuvres de foi ; il écrivit sans réserves, sans concessions ce qu’il voulait ; ce qu’il voulait était l’entière réalisation d’une idée ; la formule de cette idée est toujours une affirmation.
Si Watteau, nous a-t-il dit encore, est le plus admirable des créateurs, dans son ordre d’idées et de faits, l’historien aspirera à devenir un Watteau à sa manière. » Et cela n’a pas manqué ! […] Toutes les idées de ce pauvre historien, qui se lèche les lèvres à la porte de ses descriptions, toutes ses idées sur l’art, le ton et la politique du xviiie siècle sont dominées par cette irrésistible envie de souper, et cela seul explique tout ce livre, d’une si naïve indulgence, où le cynisme a des douceurs de pastel, et le regret de ne pas souper, de si drôles de larmes… Impayable spectacle que l’impudeur qui veut être décente, sans renoncer à ses petits profits d’impudeur ! […] Oui, nous admirions dans cet esprit méridional, vibrant et sensible, dupe de la couleur et de la surface, amoureux de la forme ; comme un Phocéen, — mais ne la réalisant pas comme un Grec, — cette pérennité d’une idée vraie, cette impersonnalité du point de vue, qui est peut-être toute l’impartialité permise à nos chétifs esprits d’un jour ! […] Capefigue a signalés contre elle, subsiste toujours cet adultère royal, certain, authentique, ineffaçable, qui suffirait seul pour interdire jusqu’à l’idée d’une réhabilitation à tout esprit droit. […] Cette idée, du reste, de chercher des rapports autres que des contrastes entre Mme de Maintenon et Mme Du Barry possède tellement M.
L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] Il s’agit d’une femme, et, entre toutes les femmes, de celle-là qui, par sa naissance, ses mœurs, sa vie tout entière, son esprit et son âme, devait le moins tenter la plume brillante et sèche d’un écrivain, qui n’avait jusqu’ici exprimé que des idées et qui, sur le tard de la vie, quand le rayon divin pâlit chez les autres hommes, s’essaie à peindre des sentiments. […] C’est un curieux de détails ; et il y a plus : quelquefois même, quand on le lit avec attention, on pourrait croire que son admiration pour la duchesse est un parti pris, une espèce de cadre fait pour réunir des idées plus ou moins justes et plus ou moins neuves sur les hommes et les choses du xviie siècle, et mettre mieux en saillie des documents historiques qu’une position presque officielle lui a rendus faciles à trouver. […] Cousin, de se faire une idée vivante et précise du genre de beauté de Mme de Longueville, et cependant c’est le greffier de ses beautés et de ses charmes ! […] À l’anarchie de leurs idées, ils ajoutent la jalousie de leurs vices.
La mort de Charles Nodier n’a pas semblé moins prématurée que celle de Casimir Delavigne ; et quoiqu’il eût passé le terme de soixante ans, ce qui est toujours un long âge pour une vie si remplie de pensées et d’émotions, on ne peut, quand on l’a connu, c’est-à-dire aimé, s’ôter de l’idée qu’il est mort jeune. […] Pour nous qui ne le jugions que par le dehors, il ne nous a jamais paru plus fécond d’idées, plus inépuisable d’aperçus, plus sûr de sa plume toujours si flexible et si légère, qu’en ces dernières années et dans les morceaux mêmes dont il enrichissait nos recueils, fiers à bon droit de son nom. […] Ces idées, ces croyances du berceau et de la tombe, étaient de tout temps demeurées présentes à son imagination, à son cœur.
A chaque grande révolution politique et sociale, l’art, qui est un des côtés principaux de chaque société, change, se modifie, et subit à son tour une révolution, non pas dans son principe tout à fait intérieur et propre, qui est éternel, mais dans ses conditions d’existence et ses manières d’expression, dans ses rapports avec les objets et les phénomènes d’alentour, dans la nature diverse des idées, des sentiments dont il s’empreint, des inspirations auxquelles il puise. […] Le talent se mettait au service de certaines idées religieuses ou philosophiques qui avaient besoin d’en combattre et d’en détruire d’autres. […] Ballanche, le jeune homme, qui, plein de nobles et de sincères affections, repousse d’abord le temps présent, comme incomplet et aride, qui résiste aux destinées sociales encore incertaines, et se réfugie de désespoir dans un passé chimérique ; ce jeune homme, type fidèle de bien des âmes tendres de notre âge, finit par se réconcilier avec cette société nouvelle mieux comprise, et par reconnaître, à la voix du vieillard initiateur, c’est-à-dire à la voix de la philosophie et de l’expérience, que nous sommes dans une ère de crise et de renouvellement, que ce présent qui le choque, c’est une démolition qui s’achève, une ruine qui devient plus ruine encore ; que le passé finit de mourir, et que cette harmonie qu’il regrette dans les idées et dans les choses ne peut se retrouver qu’en avançant.
C’est un avertissement que je crois devoir à ces jeunes écrivains simples avec tant de recherche, naturels avec tant de manière, éloquents avec si peu d’idées. […] Ici il faut trouver des idées, ce qui est assurément fort impertinent. […] c’est que, bien que je ne sois pas encore de la société des Bonnes lettres, je suis un ignorant, et de plus j’ai entrepris de parler sans avoir une idée ; j’espère que cette noble audace me fera recevoir aux Bonnes lettres.
Mais les salons sont comme tout ce qui est collectif, comme tout ce qui fait masse à un degré quelconque, ils sont la proie des idées communes, de la sottise et du préjugé. […] Mme de Staël, cette flamme de Mme de Staël, cette flamme dans l’orage perpétuel, cette tête de femme à idées, cet être, qui était la vie, a pu écrire des lettres bêtes comme des révérences et vides de tout, excepté des chinoiseries de politesse officielle et de bienveillance banale dont le monde se paye, sans se tromper ! […] Et je ne parle pas des faits — des faits oubliés — de la liaison avec Talleyrand, par exemple, des discussions avec Lewis, de l’intimité avec les Grey, et surtout du séjour de Byron à Coppet ; mais y est-elle saisie dans sa nature, surprise à travers les idées reçues, plus ou moins injustes sur elle ?
La critique, il en soumet tous les matériaux, sans céder à aucune influence ni humaine, ni merveilleuse (lisez : religieuse), à l’idée générale à laquelle il en rapporter ensemble. — L’histoire, pour lui, — dit-il encore, — c’est le travail de l’intelligence examinant le monde des faits et s’y découvrant elle-même ». […] Si Thucydide est le génie grec dans son expression la plus pure, la plus haute, la plus complète (style d’école normale), abordant l’histoire, il l’aborde nécessairement avec toutes les idées et tous les procédés familiers au génie grec. […] Par simplification, il laisse l’idée du droit se dégager toute seule du spectacle des choses, et il ne comprend pas, ce Grec qui n’est dirigé que par la raison, que la beauté de son histoire — à ne regarder que la seule beauté !