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266. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Autorité, tradition, conscience collective et continue de l’humanité sont sources d’erreur. […] Par elles il est grand encore, et attirera les regards de l’humanité. […] L’humanité ne doute point qu’elle n’avance, parce qu’elle sent qu’elle est en mouvement. […] L’idée de légiférer à Paris pour l’humanité toute entière en devait sortir. […] La même à Rome qu’à Athènes, comme dit Cicéron, universelle et constante dans l’humanité.

267. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

l’humanité vieillie, dégoûtée des agitations stériles, excédée de sa propre civilisation, déserter les villes, revenir à la vie naturelle et employer à en bien jouir toutes les ressources d’esprit, toute la délicatesse et la sensibilité acquises par d’innombrables siècles de culture. L’humanité finirait ainsi à peu près comme elle a commencé : les derniers hommes seraient, comme les premiers, des hommes des bois, mais plus instruits et plus subtils que les membres de l’Institut d’aujourd’hui, et aussi beaucoup plus philosophes. […] On peint de préférence les plus bruts, les plus intacts ; on a des tendresses pour les « innocents » et les idiots, parce qu’ils représentent l’humanité presque toute neuve et toute fruste, et telle à peu près qu’elle dut sortir de l’âge du bronze. […] Enfin, le travail des champs garde toujours une noblesse : il est si naturel, si nécessaire pour que l’humanité vive, qu’il en devient auguste ; c’est le travail antique, connu des patriarches et des rois.

268. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Montesquieu (si l’on excepte les Lettres persanes) a toujours eu pour le christianisme de belles paroles, et, en avançant, il en a de plus en plus accepté et comme épousé les bienfaits en tout ce qui est de la civilisation et de l’humanité. […] Né sous un gouvernement doux, vivant dans une société éclairée où le souvenir des factions était lointain, et où le despotisme qui les avait réprimées n’était plus présent ou du moins sensible, il accommoda légèrement l’humanité à son désir. […] J’ai dit le défaut radical que je crois à la politique de Montesquieu : il met la moyenne de l’humanité, considérée dans ses données naturelles, un peu plus haut qu’elle n’est. […] Ce qu’il y a de beau chez Montesquieu, c’est l’homme derrière le livre, Il ne faut pas demander à ce livre plus de méthode, plus de suite, plus de précis et de positif dans le détail, plus de sobriété dans l’érudition et dans l’imagination, plus de conseils pratiques qu’il n’y en a en réalité ; il faut y voir le caractère de modération, de patriotisme et d’humanité que l’auteur a porté dans toutes les belles parties, et qu’il a revêtu de mainte parole magnanime.

269. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker semblait également leur avoir communiqué et qui se liait au précédent, c’était de respecter très fort et de proclamer très haut les droits de l’humanité, d’estimer peut-être le genre humain en masse au-dessus de sa juste valeur, et à la fois de ne point accorder toujours aux individus avec qui il était en rapport le juste degré d’estime qui pouvait leur appartenir. […] C’était un singulier oubli et une inadvertance de l’amour-propre en ces rares intelligences : ils jugeaient l’humanité d’après eux-mêmes, et ils la mettaient très haut ; ils jugeaient des autres individus d’après eux aussi, et, sitôt qu’ils ne les trouvaient point à leur mesure et jetés dans le même moule, ils les jugeaient très inférieurs et tout à fait petits. […] Necker : il rend justice à ses nobles vues, à son désintéressement en matière d’argent, à son zèle pour la réforme partielle des abus, et aux différentes améliorations d’économie et d’humanité qu’il réussit à introduire. […] Après l’avoir lu, il reste toujours une difficulté pour moi : comment concilier chez l’auteur une si fine et, au fond, une si méprisante description de la sottise réputée par lui presque universelle depuis Adam, avec ce grand respect pour l’humanité en masse et avec ce culte si continuel de l’opinion présente ?

270. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Depuis deux ans, sans entrer dans la lice de la politique proprement dite, ce jeune philosophe et publiciste a labouré en tous sens, et avec une infatigable ardeur, le champ des idées sociales, du développement historique de l’humanité et de sa destinée probable au xixe  siècle. […] Quand on entend les hommes renommés par l’étendue de leur savoir et de leur esprit épuiser les sophismes de la logique et mille fausses lueurs détournées de l’histoire, au service d’une négation cynique de tout progrès social, il y a plaisir à contempler un esprit ardent qui, l’œil sur un but magnifique et lointain, ne ménage aucune étude, aucune indication empruntée aux philosophies et aux révolutions du passé, pour diminuer l’intervalle qui reste à franchir, pour tenter d’ajouter une arche de plus à ce pont majestueux où l’humanité s’avance.

271. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Oui, l’humanité dans son fond est abominable et féroce, et la nature n’a jamais connu la justice ; mais c’est bien long, Zola  et c’est bien gros  Des artistes abondants nous décrivent le monde ou les hommes avec un luxe de détails dont nous n’avons que faire ; car, nous aussi, nous savons regarder. […] «… IL faut avoir de l’humanité, et laisser à un nègre au moins cinq pieds en longueur et deux en largeur pour s’ébattre, pendant une traversée de six semaines et plus, car enfin, disait Ledoux à son armateur pour justifier cette mesure libérale, les nègres, après tout, sont des hommes comme les blancs. » — « Cependant le pauvre Tamango perdait tout son sang.

272. (1890) L’avenir de la science « XIV »

C’est surtout sous la forme religieuse que l’État a veillé jusqu’ici aux intérêts suprasensibles de l’humanité. […] Mais, dans l’état actuel de l’humanité, l’argent est une puissance intellectuelle et mérite à ce titre quelque considération.

273. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

On ne comprend rien à l’humanité, si l’on s’en tient aux vues d’un individualisme étroit. […] Mais je redouterais pour l’humanité le jour où la clarté aurait pénétré toutes ses couches.

274. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

L’auteur d’un livre si singulièrement nommé : La Religion progressive, doit être bien plus fort comme postillon que celui qui intitulerait le sien, par exemple : « Religion du Progrès », car la religion du Progrès pourrait être quelque chose de fixe et d’absolu, que la pensée de l’homme ne traverserait pas comme une cour d’auberge et pour se remettre incontinent, après y avoir relayé, le cul sur la selle ; tandis que la Religion progressive, c’est tout autre chose : c’est une religion qui va toujours, et qui postillonne, à son tour, comme les philosophes, sur le chemin sans bout de l’humanité ! […] Mais, enfantillage et contradiction, tout ceci a cela de bon, pourtant, qu’un philosophe, de la grande bande des philosophes qui croient au progrès et qui y travaillent, déclare, dans un livre entrepris à ce dessein, que l’humanité ne peut se passer de religion et qu’il n’y en a pas d’autre pour elle que la religion chrétienne et catholique, — aussi peu catholique et chrétienne qu’on voudra, mais encore, pourtant, catholique et chrétienne jusque dans son dernier débris, son dernier vestige et sa dernière flétrissure !

275. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Ne pas manger de chair humaine, ne pas tuer les vieillards inutiles ou incommodes, ne pas exposer, vendre ou tuer les enfants dont on n’a que faire, être le seul mari d’une seule femme, avoir horreur de l’inceste et des mœurs contre nature, être le propriétaire unique et reconnu d’un champ distinct, écouter les voix supérieures de la pudeur, de l’humanité, de l’honneur, de la conscience, toutes ces pratiques, jadis inconnues et lentement établies, composent la civilisation des âmes. […] Et, par une rencontre admirable, ces traits étaient justement les seuls que leur siècle, leur race, un groupe de races, un fragment de l’humanité fût en état de comprendre. […] Pareillement estimez à son juste prix l’essaim qui s’en nourrit, je veux dire l’aristocratie désœuvrée, tout le beau monde, les privilégiés qui commandent et représentent, les oisifs de salon qui causent, jouissent et se croient l’élite de l’humanité ; ils n’en sont que les parasites. […] Plus l’humanité lui doit, plus la société lui refuse. […] Arrêtons-nous ici ; ce n’est pas la peine de suivre les enfants perdus du parti, Naigeon et Sylvain Maréchal, Mably et Morelly, les fanatiques qui érigent l’athéisme en dogme obligatoire et en devoir supérieur, les socialistes qui, pour supprimer l’égoïsme, proposent la communauté des biens et fondent une république où tout homme qui voudra rétablir « la détestable propriété » sera déclaré ennemi de l’humanité, traité « en fou furieux » et pour la vie renfermé dans un cachot.

276. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Victor Schoelcher Victor Hugo est un des plus grands génies qui, en éclairant le monde, ont honoré l’humanité. […] règne encore, en France, d’où tu vois L’humanité te faire un immortel empire ! […] Eugène Guillaume Au Génie, qui, comme un témoin éternel et comme un prophète, a évoqué la nature et les temps, exprimé les aspirations infinies de l’humanité et, souverain maître de l’idée et de la forme, identifié avec la poésie la représentation intellectuelle de tous les arts. […] Elle est le Beffroi de cette Cité mouvante et multiple, de toute forme et de tout âge, pleine de contrastes : où la Mosquée des Orientales s’arrondit, au milieu des flèches lyriques des Feuilles d’automne et des Voix intérieures, des Rayons et des Ombres, et des Contemplations ; où le Paris des Misérables s’agite autour de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, où le drame est représenté par tout un groupe tragique d’édifices, qui relient Aranjuez à la Tour de Londres, le Burg germanique au Louvre, la Renaissance italienne à la Décadence espagnole ; où le prétoire des Châtiments donne sur les camps et sur les tranchées de l’Année terrible, cette cité fantastique que la mer baigne, que les astres sans cesse interrogés illuminent, que les champs et les forêts envahissent ; où la nature, enfin, projette ses splendeurs et ses ténèbres, ses floraisons et ses éruptions, sur les luttes et les douleurs de l’humanité. […] Hugo et Voltaire se rencontrent dans l’amour de la justice et de l’humanité.

277. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

qu’est-ce que l’humanité ? […] Le théologien, qui, selon l’expression de Malebranche, voit tout en Dieu, ne retrouve plus que l’action et la présence de ce Dieu, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie collective de l’Humanité. […] Tandis que celle-ci se préoccupe de l’ordre universel au point d’y oublier plus ou moins l’homme et l’humanité, celle-là s’attache avant tout à l’ordre moral, restant indifférente ou étrangère aux questions de haute cosmologie qui intéressent la philosophie naturelle. […] On a vu le sévère Maine de Biran lui-même, le psychologue par excellence, professer cette métamorphose de notre humanité. […] Le Dieu dont l’âme religieuse écoute la voix, suit la volonté, prend en quelque sorte la nature, est un Dieu sorti lui-même des entrailles de l’humanité.

278. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Il est, dans son genre, un héros de l’humanité, un de ces hommes où l’humanité se reconnaît elle-même portée à un plus haut degré de puissance, d’énergie et de perfection. […] Pour augmenter le bien-être de l’humanité. […] Il ne tient pas compte et des instincts mêmes, probablement éternels, de l’humanité, et de ses intérêts véritables. […] Toujours est-il qu’ils ont prodigué les mots de piété, de sensibilité, de bienfaisance et d’humanité. […] Elle ramène trop l’humanité à la seule recherche du bien-être ici-bas et l’habitue trop par là à un certain oubli du sacrifice.

279. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Mais restons dans la moyenne de l’humanité et dans la question esthétique. […] Telle découverte mécanique a été plus nuisible à l’humanité qu’une guerre séculaire. […] La science elle-même échouera à détruire cette notion que l’humanité juge essentielle. […] Ainsi l’humanité sacrifie tout ce qui n’est pas essentiel à l’idéal moyen qu’elle veut atteindre. […] L’idéal terrestre de l’humanité sent la porcherie, comme son idéal céleste sentait l’étable.

280. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Ce qui est certain, c’est qu’il est encore et toujours chrétien, en ce sens au moins que le sermon sur la montagne lui paraît d’inspiration divine et quelque chose de tel que l’humanité d’après ne doit point ressembler à l’humanité d’avant ; ce qui est certain, c’est qu’à ses yeux, comme il le dit excellemment ; et à ne parler même qu’au nom de l’histoire, « Jésus en tout est l’unique, et que rien ne saurait lui être comparé ». […] Il est juste aussi de remarquer que, peu intelligent de l’histoire et « dépourvu de tout sens politique proprement dit, Lamennais a une certaine intuition des grands mouvements de l’humanité », un pressentiment que bien des politiques réputés habiles et qui de près le méprisaient comme visionnaire n’avaient pas.

281. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Mais l’ombre de la nuit survient, il se dérobe au sommeil ; à la lueur d’un flambeau qui le plonge dans une volupté douce, il converse avec ces morts illustres, ces sages de l’antiquité, réverés & bienfaisans comme les Dieux, héros donnés à l’humanité pour sa gloire & son bonheur. […] Alors mes foibles accens rendus plus forts par la mâle éloquence de ce bienfaiteur de l’humanité iroient porter la honte & le remord dans le sein de leur persécuteurs ; alors l’Envie étonnée de se trouver sensible laisseroit tomber ses fléches empoisonnées ; & ses lâches Ministres réduits au silence, ne jouiroient plus du coupable plaisir de rabaisser un mérite qui les offusque. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.

282. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je crois que l’art doit exprimer tout ce qui préoccupe l’humanité. […] Ils se désintéressèrent de l’humanité. […] Plus que jamais il méprise l’humanité, déteste la lumière et crache sur les fonctions corporelles. […] Il faut s’élargir l’âme au point qu’elle embrasse l’âme de l’humanité entière. […] Et l’humanité nouvelle évoluera vers de splendides destins.

283. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

C’est ne pas la mépriser trop pourtant, cette commune humanité dont on rit, dont on est, et dans laquelle on se replonge chaque fois avec lui par une hilarité bienfaisante. […] L’humanité ! […] Humanité ! […] » Hélas, ils n’en sont venus à regarder les hommes avec ce regard profond et triste que parce qu’ils ont jeté un œil indulgent et confiant à l’humanité tout entière. […] Elles vivent non de la vie du rêve, mais de la vie de l’humanité.

284. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Dans le passé grec, après la grande figure d’Homère, qui ouvre glorieusement cette famille et qui nous donne le génie primitif de la plus belle portion de l’humanité, on est embarrassé de savoir qui y rattacher encore. […] En un mot, ces grands individus me paraissent tenir au génie même de la poétique humanité, et en être la tradition vivante perpétuée, la personnification irrécusable. […] Il sépare l’humanité d’avec Jésus-Christ, ou plutôt il nous montre à fond l’une sans trop songer à rien autre ; et il se détache par là de son siècle. […] Il considérait volontiers cette triste humanité comme une vieille enfant et une incurable, qu’il s’agit de redresser un peu, de soulager surtout en l’amusant. […] Le génie de Molière est désormais un des ornements et des titres du génie même de l’humanité.

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