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573. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

. — Sur ces deux premières fondations, il continue à bâtir, et, à partir de l’invasion, pendant plus de cinq cents ans, il sauve ce qu’on peut encore sauver de la culture humaine. […] Secrétaires, conseillers, théologiens, ils participent aux édits, ils ont la main dans le gouvernement, ils travaillent par son entremise à mettre un peu d’ordre dans le désordre immense, à rendre la loi plus raisonnable et plus humaine, à rétablir, ou à maintenir la piété, l’instruction, la justice, la propriété et surtout le mariage. […] Jusqu’à la fin du douzième siècle, si le clergé pèse sur les princes, c’est surtout pour refréner en eux et au-dessous d’eux les appétits brutaux, les rébellions de la chair et du sang, les retours et les accès de sauvagerie irrésistible qui démolissaient la société. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail. […] Lorsqu’il est veuf et sans enfants, on députe auprès de lui pour qu’il se remarie et que sa mort ne livre pas le pays à la guerre des prétendants ou aux convoitises des voisins. — Ainsi renaît, après mille ans, le plus puissant et le plus vivace des sentiments qui soutiennent la société humaine.

574. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Ces deux méthodes contiennent toutes les argumentations littéraires comme toutes les démonstrations scientifiques : la raison humaine n’a pas d’autres voies ; elle ne sait point autrement rendre compte de ce qui est ni établir ce qui doit être. […] « Toute l’opération, dit-il, consiste à découvrir, par des comparaisons nombreuses et des éliminations progressives, les traits communs qui appartiennent à toutes les œuvres d’art, en même temps que les traits distinctifs par lesquels les œuvres d’art se séparent des autres produits de l’esprit humain. » Considérant donc les cinq grands arts, peinture, sculpture et poésie, architecture et musique, se fondant sur des faits que fournissent l’expérience ordinaire, l’histoire des grands hommes, celle des arts et des lettres, observant tantôt l’œuvre de Michel-Ange ou celle de Corneille, tantôt les peintures de Pompéi ou les mosaïques de Ravenne, il fait cette première induction, que l’objet de l’œuvre d’art semble être l’imitation de la nature. […] Car le principe : tous les hommes sont égaux, veut dire que les hommes possèdent également la dignité que la raison et la conscience confèrent à la personne humaine ; qu’ils ont droit au même respect, en tant que personnes humaines, et qu’ils ont droit au libre exercice de leur activité, limité seulement par le droit égal des autres activités. Mais quand on en déduit que l’égalité absolue, toute supériorité abolie avec toute distinction, toute propriété, toute autorité, que cette égalité-là doit régner dans la société humaine, le raisonnement est faux, et l’on joue sur le mot égalité.

575. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Quelles solitudes que ces corps humains !  […] Cette croyance, si triomphalement affichée, à l’action du diable et à son ingérence dans les affaires humaines, peut paraître piquante, surtout quand on se rappelle le caractère si peu chrétien du catholicisme de M. d’Aurevilly. […] de M. d’Aurevilly consiste à croire que le dandysme est quelque chose de considérable et qui fait honneur à l’esprit humain. […] Mais il y a plus : cette royauté des manières, qu’il élève à la hauteur des autres royautés humaines, il l’enlève aux femmes, qui seules semblaient faites pour l’exercer. […] Parmi des affirmations d’idéalisme et de foi catholique ou aristocratique développées avec furie, je vois s’agiter des figures étranges et plus qu’humaines ; mais je vous jure que je ne les sens pas vivre.

576. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Et en même temps sa forme, la moins circonscrite, la moins matérielle, la plus diffusible des formes dont jamais langage humain ait revêtu une pensée de poète, est d’un symbole constant, partout lucide et immédiatement perceptible. […] C’est une détestable poésie, inane, sans souffle intérieur ; ces phrases-là n’ont ni muscles ni sang, et quel singulier aperçu de l’existence humaine ! […] Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’étaient tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir ou la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe […] Il suggère les plaisirs et les mélancolies de la solitude et du silence, le sens et le tourment de la destinée humaine, la peur et le dégoût du monde, la langueur exquise des rêveries, l’ivresse de la vie intérieure. […] Georges Rodenbach Chaque fois qu’il a pris parole : soit sur la page blanche où tombaient ses poèmes spontanés ; soit à la tribune ; dans les rues, les jours de révolution ; à l’Académie, où son discours de réception souleva d’un élan toutes les questions du temps et de l’éternité, chaque fois, ce fut vraiment « un concert », une voix pins qu’humaine, une vaste musique rebelle aux subtilités, mais qui enveloppait toutes les âmes dans ses grands plis.

577. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Disons seulement que ces premiers détails ne donnent que l’idée la plus grossière de l’extrême complexité de l’organisation cérébrale : l’encéphale est un des organes les plus compliqués du corps humain, et la dissection en est très longue et très difficile6. […] Le cerveau de l’éléphant8 pèse trois fois plus que le cerveau humain. […] Si la forme est ce qu’il y a de plus essentiel dans le cerveau, il sera permis, à défaut d’autres moyens, de prendre le cerveau humain comme le type le plus parfait, puisque c’est l’homme qui est l’animal le plus intelligent. […] On est par là conduit à supposer que les animaux seront plus intelligents à mesure que leur cerveau ressemblera plus au cerveau humain ; mais cette règle est loin d’être sans exception. S’il en était ainsi en effet, l’embranchement des vertébrés, qui conserve jusque dans ses derniers représentants un même type de cerveau, devrait être absolument supérieur en intelligence à tous les autres embranchements où le cerveau, quand il existe, appartient à un type tout différent de celui du cerveau humain.

578. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Une passion bien imitée trouve aussi aisément entrée dans le cœur humain, parce qu’elle va trouver les mêmes ressorts pour les ébranler, avec cette différence remarquable qui a sans doute frappé Eschyle : c’est que les passions feintes nous procurent un plaisir, au lieu que les passions véritables ne nous donnent qu’une satisfaction légère et noyée dans une grande amertume. […] Comme nous sommes plus sensibles au mal qu’au bien, nous haïssons beaucoup plus l’un que nous n’aimons l’autre ; et nous souhaitons moins vivement d’être heureux, que nous n’appréhendons d’être misérables ; d’où il arrive que la crainte nous est plus naturelle et nous donne des secousses plus fréquentes que toute autre passion, par le sentiment intime et expérimental qui nous avertit toujours que les maux assiègent de toutes parts la vie humaine. […] Ce qu’il y a de particulier et de surprenant en cette matière, c’est que la poésie corrige la crainte par la crainte, et la pitié par la pitié ; chose d’autant plus agréable que le cœur humain aime ses sentiments et ses faiblesses. […] À la vérité, la vie humaine est un grand théâtre où l’on est spectateur de bien des malheurs de toute espèce. […] On le peut faire, en le réjouissant par le spectacle même de ses maux, en y attachant ses regards malgré lui par un attrait de plaisir dont il ne puisse se défendre, et en insinuant dans son cœur ce que cette crainte et cette pitié ont d’agréable et de doux, non seulement pour le genre humain, mais encore pour lui apprendre à modérer ses passions, quand des maux réels viendront les exciter.

579. (1761) Apologie de l’étude

Ils continueront à éclairer et à pervertir le genre humain. Mais si on avait, comme je le suppose, un désir sincère de les convertir en les effrayant, on pouvait, ce me semble, faire agir un intérêt plus puissant et plus sûr, celui de leur vanité et de leur amour-propre ; les représenter courant sans cesse après des chimères ou des chagrins ; leur montrer d’une part le néant des connaissances humaines, la futilité de quelques-unes, l’incertitude de presque toutes ; de l’autre, la haine et l’envie poursuivant jusqu’au tombeau les écrivains célèbres, honorés après leur mort comme les premiers des hommes, et traités comme les derniers pendant leur vie ; Homère et Milton, pauvres et malheureux ; Aristote et Descartes, fuyant la persécution ; le Tasse, mourant sans avoir joui de sa gloire ; Corneille, dégoûté du théâtre, et n’y rentrant que pour s’y traîner avec de nouveaux dégoûts ; Racine, désespéré par ses critiques ; Quinault, victime de la satire ; tous enfin se reprochant d’avoir perdu leur repos pour courir après la renommée. […] Vos regards allaient se perdre sur des objets placés trop loin de vous : ramenez-les sur tant de merveilles qui vous environnent, et que vous n’avez pas voulu voir ; et l’esprit humain vous étonnera également par son étendue et par ses bornes. […] Tant pis pour vous cependant, si Corneille et Bossuet ne vous ont pas élevé l’âme, si Racine ne vous a pas arraché des larmes, si Molière ne vous a pas paru le plus grand peintre du cœur humain, si vous ne savez pas. […] Concluez en attendant, qu’avec du choix dans ses études, et de l’équité envers lui-même et envers les autres, l’homme de lettres peut être aussi heureux dans son état que le permet la condition humaine.

580. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Elle était une république ; elle avait des institutions libres, des partis politiques, des guerres civiles ; et, quand elle fut lasse de tant d’épreuves, elle eut pour maîtres, d’abord un sage, puis, longtemps après, le peuple athénien, qui, dans sa victoire, l’admit au partage de ses lois généralement humaines et modérées, et lui rendit plus, en exemples de grandeur, en amour du travail et de la gloire, qu’il ne lui ôtait en stérile indépendance. […] Nous lisons chez un de ces doctes apologistes68 : « Dans Sapho, une ardente et profonde sensibilité, une pureté virginale, la douceur de la femme et la délicatesse du sentiment et de l’émotion s’alliaient avec la probité native et la simplicité du caractère ionien ; et, quoique douée d’une exquise perfection des choses belles et brillantes, elle préférait la naïve et consciencieuse rectitude de l’âme à toute autre source de jouissance humaine. » À la bonne heure ! […] Le monde a vu cette révolution morale, cette dignité croissante de l’être humain ; et il hésite encore à la reconnaître et à la protéger ! […] Nul doute que la chute de Leucade ne fût un reste des temps barbares, où la Grèce avait eu des sacrifices humains. […] Tout ce que mon cœur souhaite de faire, fais-le pour moi, combattant toi-même à mon aide. » Autour de ces paroles éteintes, sous les changements du temps et des idiomes, rêvez le ciel de Lesbos, l’harmonie des vers et celle de la lyre, l’accent passionné de la voix, dans le silence des nuits limpides, ou dans le calme sonore d’un jour brûlant d’été : et vous aurez entrevu quelque chose du gracieux délire dont la poésie et la musique, l’imagination et les sens, l’idéal et l’amour, ont parfois enchanté l’âme humaine.

581. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ainsi dans l’ordre des études et des idées : on pourrait dire qu’héritier fidèle, et, en un sens, héritier pieux des richesses d’un siècle dont il égalait presque la tâche à celle de l’esprit humain, il aima mieux classer que renouveler. […] Si, dans les sciences même les plus sévères, aucune vérité n’est éclose du génie des Archimède et des Newton sans une émotion poétique et je ne sais quel frémissement de la nature intelligente, comment, sans le bienfait de l’enthousiasme, les vérités morales saisiraient-elles le cœur des humains ? […] Infirmité de l’humaine nature ! […] Il en est de l’érudit comme du moraliste : il sait une quantité de points dans le vaste champ de la littérature et de la critique, comme l’autre dans le champ de l’observation humaine ; il s’y attache, il s’y enfonce, il en tire lumière ou plaisir, il se les exagère parfois. […] D’un semblable fléau nous respirons à peine ; Mais on suit ton exemple, et la France est humaine.

582. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

. —  Comment il diffame l’intelligence humaine. —  Les Voyages de Gulliver. […] On dit qu’il passa une année sans prononcer une parole, ayant horreur de la figure humaine, marchant dix heures par jour, maniaque, puis idiot. […] Or ce vent ne devait point être gardé sous le boisseau, mais librement communiqué à l’espèce humaine. […] Il flagelle la raison après la science, et ne laisse rien subsister de tout l’esprit humain. […] Que lui reste-t-il, sinon à égorger le reste de l’invention humaine ?

583. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Après cette courte annonce qui avertit qu’on va traiter de la nature humaine, il faut une annonce plus longue et qui peigne d’avance avec le plus d’éclat possible cette nature humaine dont on va traiter. […] Le goût s’est transformé depuis un siècle ; c’est que l’esprit humain a fait volte-face ; avec le point de vue la perspective a changé ; il faut tenir compte de ce déplacement. […] Ils allaient ainsi chaque jour brodant, pomponnant, étriquant le brillant habit classique, jusqu’à ce qu’enfin l’esprit humain, gêné, le déchira, le jeta, et se mit à courir. […] À propos d’un nuage, il rêve à la vie humaine et fait une phrase. […] L’esprit humain tournait sur ses gonds, et aussi la société civile.

584. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Ce qui est tendre paraît plus tendre, ce qui est émouvant plus émouvant, ce qui est humain plus humain, ce qui est simple plus simple, dans une poésie à ce point docte et composite. […] Quoi qu’il fasse, il reste épris de la beauté, même humaine. […] Sa vie est vraiment « humaine », toute pleine de belles larmes, et de faiblesse, et d’héroïsme. […] Il a eu d’avance l’esprit si sociable et si humain, à travers toutes leurs faiblesses, des philosophes du dix-huitième siècle. (« Venez dans la solitude de mon cabinet… » etc.) […] Pour avoir trop vu dans l’histoire la bestialité humaine, il avait fini par avoir peur des hommes.

585. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

N’était-ce pas folie que de déclarer la guerre aux dieux pour l’espèce humaine ? […] Il se prit à haïr l’espèce humaine et il voulut la détruire. […] Lucrèce, trois siècles après, ne peindra pas sous des couleurs plus lugubres, l’enfance infirme du genre humain. […] Les métaphores qui exprimaient les phénomènes du couchant devinrent des vices, lorsqu’elles s’appliquèrent à un dieu figuré par des traits humains. […] Du haut de son rocher scythique, il propose, comme le sphinx de Thèbes, des énigmes que l’esprit humain scrute encore.

586. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Le roman d’aventures est dans les conceptions de l’esprit humain comme le roman complet, le roman d’observation supérieure ; car il y a dans l’esprit humain des choses petites à côté des choses grandes, et même il y en a beaucoup plus… Si je ne reconnaissais à Paul Féval une valeur native, si je ne retrouvais pas dans ses livres les rayons brisés d’un talent de romancier très au-dessus de son emploi, je croirais qu’il a cédé à son instinct en écrivant le roman d’aventures et qu’il est exactement de niveau avec son inspiration ; mais il est impossible de conclure ainsi quand on a lu Paul Féval. […] j’allais presque dire prostitué), il a parfois touché avec une main moderne, et qui n’est pas la gourde main de ce chiragre de Le Sage, à la passion, au sentiment, à l’idée, à toutes ces choses qu’on ne peut pas plus rejeter entièrement du roman que de l’âme humaine. […] Au fond, ce n’est qu’un roman d’aventures, enté sur une idée superstitieuse que la haute raison des temps modernes a pu fouler de son pied superbe, mais n’a pas arrachée encore de l’esprit humain, qui impertinemment lui résiste. […] On les calomniait avec rage ; on les accusait de tout ce dont on peut accuser des créatures humaines : ils laissaient dire. […] Seulement, il n’aurait pas mouillé son rire de ces belles larmes d’admiration et d’attendrissement qui se mêlent au rire si gai pourtant de cet enchanteur de Paul Féval, dont l’enchantement est précisément le mélange, divin à force d’être humain, du rire et des larmes !

587. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

. —  Comment et pourquoi recommence l’invention humaine. —  Forme d’esprit de la Renaissance. —  Que la représentation des objets est alors imitative, figurée et complète. […] C’était l’idée de l’impuissance et de la décadence humaine. […] C’est ici le grand siècle de l’Europe et le plus admirable moment de la végétation humaine. […] Il veut « améliorer la condition humaine », « travailler au bien-être de l’homme », « doter la vie humaine de nouvelles inventions et de nouvelles ressources », « munir le genre humain de nouvelles puissances et de nouveaux instruments d’action. » Sa philosophie n’est elle-même qu’un instrument, organum, une sorte de machine ou de levier construit pour que l’esprit puisse soulever des poids, rompre des barrières, ouvrir des percées, exécuter des travaux qui jusqu’ici dépassaient sa force. […] Il faut que le pivot central de l’énorme roue par laquelle tournent toutes les affaires humaines se déplace d’un cran, et que par son mouvement tout soit mû.

588. (1864) Études sur Shakespeare

La destinée humaine n’y est point connue sous ses traits les plus saillants et les plus généraux. […] Un goût si universel et si vif ne se repaîtra pas longtemps de productions insipides et grossières ; un plaisir où l’esprit humain se porte avec tant d’ardeur appelle tous les efforts et toute la puissance de l’esprit humain. […] Il prend le fait comme le lui livrent les récits, et, guidé par ce fil, il descend dans les profondeurs de l’âme humaine. […] La France, pour les adopter, fut contrainte de se resserrer, en quelque sorte, dans un coin de l’existence humaine. […] Quand on embrasse la destinée humaine sous tous ses aspects et la nature humaine dans toutes les conditions de l’homme sur la terre, on entre en possession d’un trésor inépuisable.

589. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

La science n’est donc pas une construction humaine. […] L’esprit humain a passé du premier genre de connaissance au second par perfectionnement graduel, simplement en cherchant une précision plus haute. […] Illusion sans doute, mais illusion naturelle, indéracinable, qui durera autant que l’esprit humain ! […] Il est vrai que, lorsqu’il parle de l’intelligence humaine, ce n’est ni de la vôtre ni de la mienne qu’il s’agit. L’unité de la nature viendrait bien de l’entendement humain qui unifie, mais la fonction unificatrice qui opère ici est impersonnelle.

590. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Que tout cela, direz-vous, est peu humain, peu naturel ! […] Voici ce que produit une différence de quarante ans dans les choses humaines. […] J’ai de même fait passer ce que la médiocrité humaine regarde comme des hardiesses grâce à un style modéré et à des mœurs graves. […] Je me dis quelquefois, selon les idées de mes anciens maîtres, que l’amitié est un larcin fait à la société humaine et que, dans un monde supérieur, l’amitié disparaîtrait. […] Désormais, je n’apprendrai plus grand’chose ; je vois bien à peu près ce que l’esprit humain, au moment actuel de son développement, peut apercevoir de la vérité.

591. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

La moralité humaine est à ce prix, et aussi la félicité. […] C’est la loi humaine. […] Dieu, selon Jocelyn, est supérieur à la pensée humaine comme il est supérieur à la nature. […] L’oubli, ce vieux remède à l’humaine misère, Semble avec la rosée être tombé des cieux. […] … Dans la pauvre âme humaine, La meilleure pensée est toujours incertaine, Mais une larme coule et ne se trompe pas.

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