Enhardi par la familiarité du voyage, par la présence de l’aide de camp favori, et surtout par les habitudes philosophiques de Catherine, M. de Ségur hasarda un conte galant, un peu léger, toutefois décent, qui avait fort bien réussi à Paris auprès du duc de Nivernais, du prince de Beauvais, et même de plusieurs dames dont la vertu s’était permis d’y sourire.
Dans le premier cas, on cherche si l’œuvre est conforme aux lois provisoirement « nécessaires » du genre auquel elle appartient, ou simplement aux exigences ou habitudes de l’esprit et du goût latins, et, d’autres fois, si elle est conforme aux intérêts de la moralité publique et de la conservation sociale.
Peut-être l’habitude de l’antiquité nous égare, peut-être avons-nous lu avec trop de complaisance les premiers essais d’un poète malheureux ; cependant nous osons croire et nous ne craignons pas de le dire, que, malgré tous ses défauts, André de Chénier sera regardé comme le père et le modèle de la véritable élégie… Il est hors de doute que si André de Chénier avait vécu, il se serait placé un jour au rang des premiers poètes lyriques.
., le poète Crabbe, un passage que nous risquons en finissant, et dans lequel vous trouverez le mouvement et le procédé d’émotion à l’aide desquels le poète moraliste a l’habitude de nous atteindre.
En 1789, les diverses aristocraties possédaient, en ce qui regarde les lettres et les arts, ces habitudes, cette initiation, ce goût qui ne s’improvisent pas. […] De même les mœurs romantiques étaient composées des habitudes des peuples du Nord et des restes de la civilisation romaine ». […] Dans la suite l’habitude les a émoussées et banalisées, et il a fallu, pour nous en faire sentir récemment la présence, qu’elles disparussent d’une grande partie de l’Europe. […] Il a toujours tenu la poésie vraie, la « poésie même » comme un état précaire de grâce qu’il est téméraire de consolider en habitude. […] La stylisation et l’habitude du mythe risquent de nous faire imputer à la femme ce qui s’applique ici à une femme.
Nous travaillons machinalement et nous bâillons beaucoup ; les trois quarts des objets nous laissent froids ; nous nous endormons dans l’habitude, et nous finissons par ne plus remarquer les scènes de ménage, les minces détails, les aventures plates qui sont le fond de notre vie. […] Et il s’intéresse à lui lorsque l’écrivain, sans louer ni blâmer, s’attache à expliquer le tempérament, l’éducation, la forme du crâne et les habitudes d’esprit qui ont creusé en lui cette inclinaison primitive, à faire toucher la nécessité de ses effets, à la conduire à travers toutes ses périodes, à montrer la puissance plus grande que l’âge et le contentement lui communiquent, à exposer la chute irrésistible qui précipite l’homme dans la folie ou dans la mort. […] Un autre défaut que donne l’habitude de commander et de lutter est l’orgueil. […] Le hasard d’une invasion victorieuse et d’une aristocratie imposée, en fondant l’exercice de la liberté politique, a imprimé dans le caractère des habitudes de lutte et d’orgueil. […] L’acquisition de ces habitudes, de ces facultés et de cet esprit, jointe au hasard d’une ancienne hostilité contre Rome et de ressentiments anciens contre une Église oppressive, a fait naître une religion orgueilleuse et raisonneuse qui remplace la soumission par l’indépendance, la théologie poétique par la morale pratique, et la foi par la discussion.
Pour l’autre, s’il l’invoque, c’est avec une foi d’habitude, par devoir plutôt que par goût. […] Saint-Simon, qui, je l’avoue, n’a pas flatté le portrait de l’archevêque de Cambrai, en a porté ce jugement, à la fois si vraisemblable et si vrai : « Sa persuasion, dit-il, gâtée par l’habitude, ne voulait point de résistance ; il voulait être cru du premier mot. […] Être l’oracle lui était tourné en habitude, dont sa condamnation et ses suites n’avaient pu lui faire rien rabattre ; il voulait gouverner en maître qui ne rend raison à personne, régner directement, de plain-pied159. » Je reconnais là, pour mon compte, le contradicteur de Bossuet dans l’affaire du quiétisme. […] Il conseilla une piété moins disproportionnée à l’état du prince, il critiqua ses habitudes d’isolement, il l’exhorta au commerce des hommes, à l’activité. […] Le langage d’Auguste dans Cinna lui paraît emphatique, et il met la prose de Molière, tout en ne la trouvant pas assez naturelle, au-dessus de ses vers, « où il a été gêné, disait-il, par la versification française168. » Mais la rime n’est pas la seule gêne pour notre poésie ; il en est une autre, plus incommode peut-être : ce sont nos habitudes de langage direct, c’est la rigueur de notre syntaxe, c’est cette place fatale que chaque mot occupe dans la phrase, « ce qui exclut toute suspension de l’esprit, toute attention, toute surprise, toute variété, et souvent toute magnifique cadence. » Pour y remédier, Fénelon propose l’inversion ; il en fait valoir fort ingénieusement les avantages.
» Mercredi 22 février Je parlais à une Américaine, en visite chez moi, du roman d’Elsie, ce roman, où la fille d’une femme mordue par un serpent, au commencement de sa grossesse, est un peu la fille de ce venin, a les goûts, les habitudes du serpent. […] Je revois, avec une émotion attendrie, les êtres aimés et le milieu de mes habitudes de préférence : cette salle à manger et ce cabinet de travail. […] Dimanche 1er octobre Paul Alexis, de retour du Midi, me raconte qu’il a été faire une visite à Mme de Maupassant, qui, dans une conversation d’une heure à six heures, entre autres choses, au sujet de l’enterrement de son fils, lui disait : « J’aurais bien voulu pouvoir aller à Paris… mais j’ai clairement écrit, pour qu’il ne fût pas mis dans un cercueil de plomb… Guy voulait après sa mort, sa réunion au Grand Tout, à la Mère la Terre, et un cercueil de plomb retarde cette réunion… Il a été toujours très préoccupé de cette pensée, et l’a émise à Rouen, quand il a présidé à l’enterrement du pauvre Flaubert… Non, sa maladie ne tenait d’aucun de nous… son père, c’est un rhumatisme articulaire… moi, c’est une maladie de cœur… son frère qu’on a dit mort fou, c’est une insolation, à cause de l’habitude, qu’il avait de surveiller ses plantations, avec de petits chapeaux trop légers. » Alors, Mme de Maupassant entretenait Paul Alexis, des derniers mois de la vie de son fils. […] À Noël, où il avait l’habitude de faire le réveillon, en bon fils, avec sa mère, il lui écrivait qu’il ne pouvait y aller, parce qu’il réveillonnait « avec nos amies », disait-il dans sa lettre, et que du reste ces dames iraient lui faire une visite, dans quelques jours. […] Dimanche 10 décembre Ce soir, on affirmait sérieusement chez Daudet, qu’un populo assistant par hasard à la Chambre, et qui était blessé, avait cru, dans le premier moment, à un feu d’artifice, qu’on avait l’habitude de tirer, dans l’intérieur du Palais-Bourbon, après un discours remarquable.
J’ai eu un mouvement pour me sauver… » L’habitude ! […] Depuis quelques années : les alouettes auraient donc modifié leur vie et pris d’autres habitudes, récemment. […] Elle peint la France, notre goût, nos habitudes de regarder la vie, habitudes qui remontent loin et qui ont, de leurs siècles accomplis, leur valeur et leur charme. […] Elle est dévote et consacrée à ses manies et habitudes. […] Révolution des cœurs que nul ne reconnaît plus : tous sont arrachés par elle aux habitudes, aux lois, à la règle.
L’une épouse, l’autre fille d’un ministre, elles furent portées dans la vie publique, plutôt qu’elles ne s’y jetèrent ; élevées, l’une dans le recueillement des mœurs bourgeoises, et l’autre au bruit des discussions philosophiques, elles avaient contracté dès l’enfance de fortes et sérieuses habitudes d’esprit, qu’elles déployèrent dans l’occasion avec toute l’énergie de la jeunesse et de la vertu.
Dupin ne se déconcerte guère, comme on sait ; il rougit malaisément, d’habitude ; les embarras ne s’y lisent jamais : sa lèvre, en ces moments-là, est seulement un peu plus arrogante que de coutume, sa parole plus décidée, sa probité de langage plus austère.
Il n’y lit pas long feu ; les injustices le crispaient ; puis, il avait déjà la mauvaise habitude de dire sa pensée tout entière.
A une heureuse habitude de réfléchir, il joignoit le talent de donner à ses idées une tournure saisissante, & d’embellir, par la vivacité du style, le fruit de ses profondes méditations.
Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles !
L’habitude d’imiter les autres nous conduit à nous copier nous-mêmes.
Amitié d’habitude, entre hommes qui se trouvent rapprochés par les épreuves communes, par la vie quotidienne ; en tient-on suffisamment compte ?
Pourquoi, pénétrant rapidement dans la classe moyenne de la société nouvelle, n’aurait-il pas pour lot d’initier, les femmes surtout, au sentiment poétique qui doit tempérer des habitudes de plus en plus positives ? […] Chez Lamartine, chez celui que je voudrais saluer aujourd’hui comme l’Homère d’un genre domestique, d’une épopée de classe moyenne et de famille, de cette épopée dont le bon Voss a donné l’idée aux Allemands par Louise, que le grand Goethe s’est appropriée avec perfection dans Hermann et Dorothée, et dont Beattie, Gray, Collins, Goldsmith, Baggesen, parmi nous l’auteur de Marie, sont des rapsodes soigneux et charmants, d’inégale haleine ; — chez Lamartine, le plus abondant de tous, on pourrait noter quelque chose de l’habitude homérique dans la reprise fréquente des mêmes beautés, des mêmes images, et quelquefois presque des mêmes vers. […] Mais la difliculté d’une double langue en ce pays, et aussi la sévérité des habitudes catholiques, dans lesquelles l’amour humain chez le prêtre n’a point d’expression permise, n’ont pas laissé naître et grandir jusqu’à l’état de littérature ces instincts poétiques étouffés des pauvres clercs.
Paris désarmé s’insurgea ; les troupes, qui n’étaient ni réunies, ni commandées, ni même averties, restèrent fidèles au roi par la simple habitude de la loyauté et de la discipline. […] Rousseau et de Volney avait déteint sur ses pensées, mais son âme n’avait pas été altérée jusqu’au fond par ces doctrines décolorées et froides qui désenchantent l’esprit sans attendrir le cœur ; et, quand il rentra dans sa patrie, au milieu des ruines faites par l’incrédulité, et des efforts d’un gouvernement hardi et réparateur pour rattacher la France à ses anciens dogmes par des repentirs avoués et par des réconciliations politiques entre les armées et les autels, il ne lui fut pas difficile de renier le culte nouveau, qui n’était encore que doute, et de se rattacher aux douces habitudes de son imagination comme à d’anciens amis éprouvés avec lesquels on vient prier dans les mêmes temples et dans la même langue, après être rentrés sous les mêmes cieux. […] J’ai rêvé et j’ai cru, pouvait-il dire ensuite dans toutes les phases de sa vie ; conduite commode pour un homme d’imagination et de passion qui, ne cherchant que le succès dans les lettres et le repos d’esprit dans les agitations du doute, se fait une couche complaisante dans ses habitudes, et se dit : Peu m’importe que j’aie vécu avec la vérité, pourvu que je sois mort avec l’unité, cette bienséance de la vie.
Ses habitudes étaient modestes, quoiqu’il fût assez riche sur ses vieux jours pour se donner un carrosse. […] Aux yeux de tous, et par leurs allures, leurs habitudes, leurs propos, ce sont deux bourgeois qui devraient être ailleurs : ni Voiture, ni Sarrazin, ni Saint-Amant, aucun des poètes de l’âge précédent, n’eût paru aussi dépaysé, et leur présence eût semblé naturelle dans la foule des gentilshommes qui suivaient le roi. […] En dehors de quelques amis très intimes et de son rang, il n’avait guère habitude que chez le Premier Président, M. de Lamoignon.