Il me semble qu’il est le premier qui ait mis en vers les préceptes de la raison, en matière de goût et de littérature ; mais La Fontaine a mis en vers les préceptes de la raison universelle, comme Molière y a mis ceux qui sont relatifs à la société ; et ces deux empires sont plus étendus que ceux du goût et de la littérature. […] Avec moins de goût, un autre poète aurait fait une sortie contre les amis de notre pays. […] Cette suspension est pleine de goût….
En tirant de ces différens ouvrages, ce qui a pu blesser la Religion ou le goût, on auroit un recueil de pensées fortement exprimées, qui donneroient une idée avantageuse du génie de l’auteur. […] Le Traité du vrai Mérite, par M. le Maitre de Claville, est un recueil de trivialités de collège, rassemblées sans ordre & quelquefois sans goût. […] Il faut en excepter ceux de Fontenelle où les choses fines & recherchées ne manquent point, mais où l’on désireroit quelquefois plus de justesse & plus de goût ; & ceux de l’illustre Fénélon, faits à la hâte, à mesure que le Duc de Bourgogne en avoit besoin, & où les sujets sont par conséquent peu approfondis ; les Nouveaux Dialogues des morts, par M. […] Du Spectateur anglois sont sortis le Spectateur françois de Marivaux, écrit avec trop d’affectation ; le Misantrope de Van Effen, qui dit des vérités utiles ; la Spectatrice Danoise, par M. de la Baumelle, qui a des meilleurs titres pour plaire aux gens de goût ; le Nouveau Spectateur, par M. de Bastide qui, avec de l’esprit, n’a pas pu égaler l’ancien ; le Monde, par le même, ouvrage périodique de morale critique, où l’on trouve des morceaux intéressans.
Gérard n’était pas, de sa nature, assez fort pour avoir le goût de cette volupté amère de la solitude, le plus fier plaisir des âmes fortes. […] Il avait lès goûts de Rembrandt et de Gœthe, de Walter Scott et de Hugo ; mais il n’en avait que les goûts. […] Son érudition, ses goûts d’antiquaire, son instinct de connaisseur et d’artiste, ses souvenirs rapportés de voyage, tout était le bois sculpté, comme un autel, du lit dressé par lui à la grande Inspiration qu’il attendait, et qu’on ne vit jamais y monter ni en descendre !
Il se destinait donc et on le destinait, ainsi fait par goût et par nature, à devenir ministre. […] Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] Ce génie, il le lui refuse expressément ailleurs et par de très bonnes raisons, et il se borne à lui accorder beaucoup d’esprit : Ses mérites consistent véritablement dans beaucoup d’esprit, mais nul génie (on entend par esprit la facilité à entendre et à rendre) ; la hardiesse, le courage, la tranquillité devant les grands objets, ce qu’on prend pour force d’âme et qui ne l’est que de cœur ; un goût porté au grand et à l’élevé pour soi-même. […] Quand la passion du bien de la monarchie se joint au génie inventeur, alors le cœur se remplit de bien d’autres choses que de soi-même ; ordinairement même, le soi s’oublie et s’abandonne absolument, comme cela se voit chez ces chasseurs qui le sont par goût, chez tous les hommes à passions ardentes, à passions de goût et de curiosité, dans les amours violents comme celui de Moïse pour son peuple, et chez les savants qui ont recherché l’objet de leur étude en se détruisant visiblement17. […] [NdA] En nommant Maurepas, je nomme l’antipathique de d’Argenson et l’homme qui personnifie le mieux le vice en question et cette mauvaise influence : « Août 1738. — Mon frère est naturellement fait pour le secret, le mystère, et même la profonde dissimulation ; mais il est si esclave du bon air et du goût d’imitation, que, voyant M. de Maurepas indiscret, il se pique de l’être aujourd’hui. » 19.
Le goût des mathématiques pourtant survécut peu en lui à ce double effort ; celui des sciences physiques occupa plus longtemps son esprit. […] Jeune, au sein de cette société enthousiaste, il ne se départit point de la réserve ni du goût. […] Que ce soit un habit de savant, et qui même n’ait jamais été à aucun moment taillé dans le dernier goût, c’est très-vrai encore. […] La description du Bocage, dans le troisième chapitre, était toute de lui ; la préface en prévenait le lecteur, sans quoi on n’eût point songé à isoler le morceau, tant le tout se fondait avec goût et courait avec une grâce sévère. […] Nous noterons pourtant une charmante petite nouvelle de la famille d’Ourika et du Lépreux, intitulée Sœur Marguerite ; échappée à la plume de notre ambassadeur à Turin, en 1834, elle a témoigné de cette délicate variété de goût qu’on lui connaissait, et de cette jeunesse conservée de cœur.
Il renonce assez volontiers à la prétention littéraire de juger les œuvres, de caractériser le talent, et s’en tient d’ordinaire là-dessus aux conclusions que le temps et le goût ont consacrées. […] Élevé d’ailleurs au collège des jésuites, il y avait puisé une connaissance suffisante de l’antiquité ; mais les études du barreau, auquel on le destinait, et qui le menèrent jusqu’à sa vingt et unième année, en 1627, durent retarder le développement de ses goûts poétiques. […] Dans les diverses pièces qu’il composa en cet espace de cinq années, Corneille s’attacha à connaître à fond les habitudes du théâtre et à consulter le goût du public ; nous n’essaierons pas de le suivre dans ces tâtonnements. […] Vous trouverez dans les Espagnols des sujets qui, traités dans notre goût par des mains comme les vôtres, produiraient de grands effets. […] Il n’était ni adroit, ni habile aux détails, avait le jugement peu délicat, le goût peu sûr, le tact assez obtus, et se rendait mal compte de ses procédés d’artiste ; il se piquait pourtant d’y entendre finesse, et de ne pas tout dire.
Cependant Mme de Maintenonl’élève, et l’élève comme elle savait faire, c’est-à-dire avec goût, avec exactitude et en perfection. […] On comprend déjà ce que j’ai voulu dire quand j’ai parlé de cette perfection de culture et de goût chez une personne qui, à l’âge de quinze ans, vit naître Esther, qui en respira le premier parfum et en pénétra si bien l’esprit, qu’elle semblait, par l’émotion de sa voix, y ajouter quelque chose. […] Rémond, menait plus loin qu’Hélène ; elle répandait une joie si douce et si vive, un goût de volupté si noble et si élégant dans l’âme de ses convives, que tous les âges et tous les caractères paraissaient aimables et heureux. […] Que ce fût un petit mouvement du cœur ou seulement un goût vif de l’esprit, elle avait pour cette nièce-là un faible qu’elle n’avait pour aucune autre ; elle l’appelait sa vraie nièce, et, surtout depuis la mort de Louis XIV, on la voit se porter vers elle avec une solide amitié. […] L’abbé Fraguier, homme de goût, a fort célébré Rémond dans ses Poésies latines ; on assure qu’il en parlait moins bien en prose.
Après dîner, on cause de l’amour, et du goût singulier des femmes en amour. À propos de ce goût, Tourguéneff raconte ceci. […] Elles sont ces loges, de curieuses démonstrations du goût rococo et pictural du mobilier des années présentes, et ressemblent peu, j’en suis sûr, à la loge de Mlle Mars. […] C’est la loge de Croisette, en son sérieux luxe, en ses beaux meubles de toilette aux riches bronzes dorés, en ses tentures et ses portières de soie, aux tons nouveaux introduits par les grands tapissiers de goût. […] On déjeune gaiement, et l’on va après déjeuner, dans l’île, dont il possède cinquante arpents, et où il fait bâtir un chalet, auquel travaillent encore les peintres, et qui contient une grande pièce, tout en sapin, au monumental poêle de faïence, d’une belle simplicité et d’un grand goût.
Delille, à quelques égards son successeur, n’hérita que de la partie légère et brillante de son sceptre ; il y rattacha des rubans retrouvés, rajeunis, du goût de Fontenelle et de Voiture. […] Le goût des arts, des lettres, les sentiments d’un esprit vif et honnête, s’y montrent selon les traditions reçues. […] Le poète, en costume d’abbé, tournait le dos à la Nature et dirigeait ses pas et sa lorgnette vers le Temple du mauvais Goût. […] On n’en a prétendu tirer qu’une remarque de goût.) […] Illusion du goût d’alors.
Madame, souvent crédule, regardant ailleurs, mêlant les choses, peu critique dans ses jugements, voit bien pourtant ce qu’elle voit, et elle le rend avec une force, une violence, qui, pour être peu conforme au goût français, ne se grave pas moins dans la mémoire. […] La comédie était une autre de ses passions, et qui tenait en elle à l’intelligence et au goût des choses de l’esprit. […] Un goût plus noble était celui des médailles, que Madame avait à un haut degré ; elle en recueillait de toutes parts, et c’était lui faire le plus délicatement sa cour que de lui en offrir. […] — Je ne sais si, en formant son cabinet de médailles, Madame avait une vue si haute et si sévère ; du moins, par ce plus remarquable de ses goûts, elle se montrait bien la mère du Régent, c’est-à-dire du plus brillant et du plus instruit des amateurs. […] Combien de fois, a dit un de ses panégyristes que j’aime à citer, combien de fois condamna-t-elle ces négligences hardies d’habillements qui favorisent la corruption, et que je ne sais quel goût de liberté et de caprice, le charme funeste de notre nation, a criminellement inventées !
L’inconvénient du système de La Rochefoucauld est de donner pour tous les ordres d’action une explication uniforme et jusqu’à un certain point abstraite, quand la nature, au contraire, a multiplié les instincts, les goûts, les talents divers, et qu’elle a coloré en mille sens cette poursuite entrecroisée de tous, cette course impétueuse et savante de chacun vers l’objet de son désir. […] La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur. […] Bien loin de les contredire et de les interrompre, on doit, au contraire, entrer dans leur esprit et dans leur goût, montrer qu’on les entend, louer ce qu’ils disent autant qu’il mérite d’être loué, et faire voir que c’est plutôt par choix qu’on les loue que par complaisance. […] Cousin sur les femmes du xviie siècle a eu grand succès : c’est plein de talent d’expression, de vivacité et de traits ; pourtant c’est choquant pour qui a du goût (mais si peu en ont) ; il traite ces femmes comme il ferait les élèves dans un concours de philosophie ; il les régente, il les range : Toi d’abord, toi ensuite ! […] [NdA] Je ne discute point la question de savoir si ces Réflexions diverses sont certainement de La Rochefoucauld ; il me suffit qu’elles lui soient attribuées, qu’elles soient dignes de lui, et qu’elles expriment le meilleur goût et tout l’esprit de son monde.
Ubicini, qui s’est fait connaître avec distinction dans les dernières années par des études et des travaux d’un ordre différent, avait de longue main fréquenté Voiture et noué une étroite connaissance avec lui ; il avait préparé les matériaux de l’édition qu’il vient de donner, et il l’a fait précéder d’une notice vive, spirituelle, dans laquelle il juge son auteur avec goût, sans l’exagérer et sans en être ébloui, et d’un ton tout à fait aisé. […] À la différence de tant d’hommes distingués et d’écrivains de renom qui, ayant eu une partie de leur fortune viagère, en ont une autre partie durable et immortelle, Voiture a tout mis en viager : il n’a été qu’un charme et une merveillle de société ; il a voulu plaire et il y a réussi, mais il s’y est consumé tout entier ; et aujourd’hui, lorsqu’on veut ressaisir en lui l’écrivain ou le poète, on a besoin d’un effort pour être juste, pour ne pas lui appliquer notre propre goût, nos propres idées d’agrément, et pour remettre en jeu et dans leur à-propos ces choses légères. […] Il n’essaya pas de lutter contre les abus du goût ; il n’avait rien en lui du réformateur ni du critique : ce n’était qu’un courtisan enjoué et sans fadeur. […] D’ailleurs Voiture n’avait d’Horace ni la justesse morale, ni l’élévation, ni le noble souci de l’immortalité et ce qui fait qu’on a droit à chanter son Exegi monumentum, rien de solide, ni même cette libéralité d’âme qui achève le goût, et qui fait qu’Horace, par exemple, en toute occasion, a parlé si honorablement de son père : Voiture, on le sait, était embarrassé du sien30. […] Il n’avait pas un meilleur goût, mais un goût qui, mieux entouré ou portant sur de grands sujets, aurait pu devenir meilleur, et il l’a prouvé.
Je passe à l’extrême opposé : ayant à parler de Chapelle, l’ami de Molière (18 mai 1855), il manque le caractère de l’homme et le rapporte à une famille d’esprits dont il n’était pas ; car ce Chapelle, qui avait assurément de l’esprit et du plus naturel, mais un franc ivrogne et un paresseux, lui paraît représenter une classe d’amateurs et de connaisseurs « d’un goût singulièrement fin, délicat, difficile, qui ont tout lu, qui savent toutes choses, etc. » Rien de moins exact et de moins justifiable. — C’est ainsi encore que, sur la foi d’un de ses maîtres, M. […] J’avais dit, le jour où j’eus l’honneur de succéder à Delavigne pour le fauteuil académique, que je regrettais, dans ses drames, qu’au lieu d’aller de concessions en concessions du côté du romantisme sans y atteindre jamais, le poète ne fût pas resté plus franchement ce qu’il était par nature et par goût, — classique : et quand j’exprimais publiquement ce regret ce n’était pas du tout que moi-même je fusse devenu classique, ni que je me fusse converti (comme Rigault le prétendait en me raillant agréablement) ; mais j’aime ce qui a un caractère, j’aime l’originalité et l’individualité dans la poésie et dans l’art, cette individualité ne fût-elle pas précisément la mienne ni celle de mes amis. Rigault, se méprenant ou feignant de se méprendre sur ma pensée, partait de là, au contraire, pour louer Casimir Delavigne de cette espèce de fusion équivoque en quoi consiste sa seconde manière : « Je ne puis me persuader, disait-il, qu’en portant si légèrement à ses lèvres la coupe du romantisme mitigée par son goût naturel, Casimir Delavigne se soit empoisonné. […] Comme il s’est montré fort sévère pour les fautes de goût d’un autre genre, il est permis de noter celle-ci, singulière dans son espèce. […] Sans originalité native, sans besoin d’invention pour son compte ni chez autrui, plus jaloux de maintenir le goût que de découvrir les talents nouveaux, et enclin même à railler outre mesure les essais qui ne rentraient pas dans les formes connues, il était habile et ferme sur la défensive, prompt à châtier quiconque chassait sans permission sur les terres du domaine classique.
Racine avait « cent fois plus de goût que de philosophie. » Qui a dit cela ? […] Aussi suis-je resté stupéfait, l’autre jour, d’entendre un homme de goût, qui sait pourtant toutes ces choses aussi bien et mieux que nous15, en venir à qualifier Racine de « prince de l’école réaliste. » Fuyons ces vilains mots que tout le monde se jette à la tête et qui sont sujets à malentendu et à contresens ; c’en est un ici. […] À rester distingué sans doute, mais immobile, mais borné, fermé et tout à fait étranger à la vraie activité intellectuelle toujours renaissante, — à avoir divinisé sa paresse sous le nom de goût. […] De même, au point de vue de l’esprit humain, le digne successeur de Racine, c’est Voltaire qui adorait Racine et le proclamait poète naturel et divin, une merveille de goût, en ayant, lui, bien autre chose encore que du goût. […] Après le siècle du génie et du goût, on a eu le siècle de l’esprit et de la philosophie ; après le siècle de l’Encyclopédie, aboutissant à la plus terrible des Révolutions qui a remis les fondements de la société à nu, on a le siècle de la critique historique, du passé admirablement compris sous toutes ses formes, de l’art réfléchi et intelligent : voilà les vraies successions, les vraies suites, les grandes routes et les larges voies.
Et mon unique enfant, l’héritier de ces biens Plus conformes aux goûts de son âge qu’aux miens, A quitté la maison, fuyant mon injustice ! […] » Et M. de Belloy, homme de goût, serait le premier à confesser qu’il a été dans un embarras inexprimable en présence de ces beautés simples et courantes où les liaisons surtout et les petits mots, les mille attaches du discours, sont si difficiles ou plutôt impossibles à rendre. […] Montesquieu, préoccupé du piquant, du frappant, citera jusqu’à cinq et six fois Florus dans son Essai sur le Goût ; il n’a pas songé une seule fois à citer Térence. […] Pétrone a parlé de l’heureuse curiosité, du goût choisi d’Horace, Horatii curiosca felicitas : c’est toute une définition en deux mots. […] Ne confondons pas les tons, comme on le fait perpétuellement de nos jours ; le goût est dans ces distinctions fines.
Il en convenait agréablement ; il s’en vantait même parfois, et causait volontiers de lui-même et de ses goûts avec les autres sans jamais les lasser, et en les faisant seulement sourire. […] Son goût déclaré pour le beau sexe ne rendait son commerce dangereux aux femmes que lorsqu’elles le voulaient bien. […] Aux pieds de madame de La Sablière et des autres femmes distinguées qu’il célébrait en les respectant, sa muse, parfois souillée, reprenait une sorte de pureté et de fraîcheur, que ses goûts un peu vulgaires, et de moins en moins scrupuleux avec l’âge, ne tendaient que trop à affaiblir. […] Qu’il me suffise de faire remarquer qu’il y entre une proportion assez grande de fadeurs galantes et de faux goût pastoral, que nous blâmerions dans Saint-Évremond et Voiture, mais que nous aimons ici. C’est qu’en effet ces fadeurs et ce faux goût n’en sont plus, du moment qu’ils ont passé sous cette plume enchanteresse, et qu’ils se sont rajeunis de tout le charme d’alentour.
Napoléon : son goût et son imagination. […] Un faux goût d’antiquité décore les discours de toute sorte d’ornements mythologiques, grecs, romains ; on n’entend plus retentir que les noms de Catilina, de Marius, de Lysandre, de Thémistocle. […] Réduite par le goût du temps à tendre vers la noblesse et l’élégance, elle est moins expressive que la réalité brute, qu’elle enveloppe de verbiage et délaye dans le lieu commun. […] A vrai dire, il y a dans ces grands effets, à notre goût, un peu d’emphase, un geste trop magnifique, trop de son ; c’était le goût du temps. […] En général, sans avoir changé sa forme ni renouvelé ses moules, il me semble que Napoléon est pourtant moins classique, moins asservi au goût révolutionnaire dans ses dernières années, et qu’il exprime son tempérament par des effets plus personnels.
La manière n’est qu’à lui, et ce serait manquer de goût que de prétendre lui en rien dérober. […] Même quand cela ne nuit pas à l’impartialité, ce n’est pas la marque d’un goût sévère, chez un biographe, que de faire de ces sorties fréquentes. […] Nous surprenons là chez Vicq d’Azyr ce que j’appellerai le goût ou le genre Louis XVI en littérature, et qui n’est déjà plus celui de Louis XV. […] Ce n’est jamais dans ce goût amolli que devraient être traités les éloges consacrés aux savants, et une grande sobriété en est la première élégance. […] C’est ce sentiment de réalité et de vérité qu’il s’agit d’introduire de plus en plus, bien qu’avec discrétion toujours et avec goût, dans l’éloge historique.
Son Commentaire sur les Œuvres de Moliere ne se borne point à des Remarques grammaticales ; il offre encore des observations pleines de goût, de finesse & de solidité sur les mœurs, les usages, les modes ; des anecdotes relatives à chaque Comédie, & des réflexions critiques, très-propres à ramener les esprits aux vrais principes d’un art qui se dénature tous les jours. […] On désireroit seulement que, dans le Faux Généreux, il eût un peu moins sacrifié au goût du siecle pour le sérieux & le pathétique : un Auteur qui a tant de ressources par lui-même, n’a pas besoin de se prêter aux travers du moment pour se procurer des applaudissemens.