. — Il est né en 1492, — je crois, — avec l’Arétin, qui le créa et lui dut une scandaleuse fortune, restée, comme un opprobre indélébile, sur la mémoire d’un pape et de deux souverains. — Sans talent, sans savoir, sans honneur, sans patrie, l’Arétin ne fut pas autre chose qu’un grand artiste qui avait découvert, le premier, qu’on pouvait jouer, comme d’un instrument, de la fibre vaniteuse de l’homme. […] L’avilissement d’un grand artiste prosterné à ses pieds, — Michel-Ange ou Titien par exemple, — pouvait bien, jusqu’à un certain point et par comparaison, le réjouir au sein d’une abjection froidement acceptée, en lui montrant les autres hommes aussi méprisables que lui mais l’essentiel, le résultat constamment poursuivi, c’était l’accroissement merveilleux de son importance et de sa fortune. […] Si c’est une méprise de la fortune, soyez sans inquiétude : il n’est au pouvoir de qui que ce soit de la faire durer ; si ce n’est qu’une avance qu’elle lui a faite sur sa réputation à venir, eh ! […] La fortune peut prêter aux gens de lettres, sans inconvénient sérieux : l’émulation ne gagnera personne ! […] Ce sont aujourd’hui les lettrés, bafoués au temps de sa fortune et de la nouveauté de ses chefs-d’œuvre, dont l’engouement persiste lorsque la vogue a cessé.
Dante nous montre, dans son poème, la Fortune agitant sa roue et versant sur la race humaine, par répartitions mystérieuses, les biens et les maux, les succès et les revers, les prospérités et les catastrophes. […] Tacite signale, en s’en étonnant, la chance d’un personnage consulaire qui résolut l’énigme de vivre : « Memmius Régulus, dit-il, put vivre en paix, parce que l’illustration, de sa race était nouvelle et que sa fortune n’attirait pas l’envie. » Aucune lutte, aucune révolte. […] Dieu nourrit le roi et le roi me nourrit. » Louis XI, ravi, fit un page de ce gâte-sauce et assura sa fortune. […] « En résumant toute la conduite du duc de Valentinois, non seulement je n’y trouve rien à critiquer, mais il me semble qu’on peut la proposer pour modèle à tous ceux qui sont parvenus au pouvoir souverain par la faveur de la fortune et par les armes d’autrui. […] L’amour immoral que la Fortune portait à ce bandit se manifesta jusqu’au dernier jour : elle le fit mourir en soldat.
Ils ne sauraient garder de l’argent, et quelque fortune qui leur arrive, ils dépensent tout en très-peu de temps. […] Je n’étais pas moi-même bien résolu à m’en charger ; mais la fortune voulait que je le prisse, et je ne pus l’empêcher. […] Certes, jamais la fortune n’embarrassera les entreprises de celui qui, pour l’amour de Dieu, a élevé ce portail à la face du peuple. […] Le roi Abbas II étant mort en son absence, toutes ses espérances de fortune étaient mortes avec lui, la cour avait changé de goût.
* * * Émile Zola, comme tant de grands hommes, a connu cette bienheureuse fortune d’être à la fois populaire, discuté et honni. […] Les plus bas intérêts, seuls, se trouvaient en jeu : d’un côté, les émigrants revenus d’exil s’efforçaient de reconquérir leurs anciennes prérogatives ; de l’autre, une caste nouvelle, qui devait son élévation à la faveur des événements, défendait ses conquêtes, sa fortune et ses biens. […] Il faudrait suivre le long déroulement des sites, de l’action, des fresques, depuis la Fortune des Rougon, qui est comme le portail de l’édifice, jusqu’au Docteur Pascal, qui en est la clef de voûte. […] C’est dans la Fortune des Rougon qu’Émile Zola a exposé ses origines, qu’il a écrit la Genèse de son histoire héréditaire.
Ses libéralités discrètes et proportionnées contribuèrent à la fortune de quelques-uns, et furent toute la fortune de quelques autres. […] Toutefois, au temps de ce grand éclat de Bourdaloue, malgré quelques avertissements de la fortune, la gloire était encore si nouvelle et les passions si fortes, que peut-être il n’obtint pas du roi ce mécontentement de soi-même qui est le but et le triomphe du prédicateur chrétien. […] Cet évêché fut, avec quelques charges de cour dans la suite, toute la fortune que Louis XIV fit à Bossuet.
* * * — Il y a des fortunes qui crient : « Imbécile ! […] * * * — Tous les côtés forts du jeune homme, aujourd’hui tournés vers l’intrigue, la fortune, la carrière, étaient tournés autrefois vers ou contre la femme. […] Un moi énorme, un moi à l’instar de l’homme, mais débordant de bonne enfance, mais pétillant d’esprit : « Que voulez-vous, reprend-il, quand on ne fait plus d’argent au théâtre qu’avec des maillots… qui craquent… Oui, ç’a été la fortune d’Hostein… Il avait recommandé à ses danseuses de ne mettre que des maillots qui craquassent… et toujours à la même place… Alors les lorgnettes étaient heureuses… Mais la censure a fini par intervenir… et les marchands de lorgnettes sont aujourd’hui dans le marasme… Une féerie, une féerie ? […] * * * — Le manque de rapport entre le revenu et la dépense de la vie actuelle, doit amener fatalement le viager de la fortune, de la rente, de l’argent.
Baliveau, qui boit bien, qui mange bien, qui digère bien, qui dort bien ; c’est lui qui prend son café le matin, qui fait la police au marché, qui pérore dans sa petite famille, qui arrondit sa fortune, qui prêche à ses enfans la fortune, qui vend à temps son avoine et son bled, qui garde dans son cellier ses vins, jusqu’à ce que la gelée des vignes en ait amené la cherté ; qui sait placer sûrement ses fonds, qui se vante de n’avoir jamais été envelopé dans aucune faillite, qui vit ignoré, et pour qui le bonheur inutilement envié d’Horace, le bonheur de mourir ignoré, fut fait. […] Il y a plusieurs petites observations, que j’ai presque toujours faites, c’est que les spectateurs au jeu ne manquent guère de prendre parti pour le plus fort, de se liguer avec la fortune, et de quitter des joueurs excellens qui n’intéressaient pas leur jeu, pour s’attrouper autour de pitoyables joueurs qui risquaient des masses d’or. […] Un père qui a des enfans et une fortune modique serait économe en l’acquérant ; il en jouirait toute sa vie, et dans vingt à trente ans d’ici, lorsqu’il n’y aura plus de Vernet, il aurait encore placé son argent à un très-honnête intérêt : car lorsque la mort aura brisé la palette de cet artiste, qui est-ce qui en ramassera les débris ?
Je veux donc partir et tenter encore une fois la fortune.
La forme dans laquelle il a reproduit et comme enchâssé à plaisir ces images, ces comparaisons pastorales, est sans doute ravissante de douceur et d’harmonie, et c’est là ce qui a fait la fortune des Bucoliques.
Les difficultés augmentent d’ordinaire pour lui vers quarante ou quarante-cinq ans, c’est-à-dire à l’âge où bien des gens dans d’autres professions ont déjà fait leur fortune et où tous du moins sont casés.
Dès qu’elle a eu fait sa petite fortune royale, elle a vu que cela même n’en valait pas la peine ; et elle est entrée fort sincèrement dans la voie du détachement.
Le premier pas de celui qui veut se donner à la sagesse, comme disait la respectable antiquité, est de faire deux parts dans la vie : l’une vulgaire et n’ayant rien de sacré, se résumant en des besoins et des jouissances d’un ordre inférieur (vie matérielle, plaisir, fortune, etc.) ; l’autre que l’on peut appeler idéale, céleste, divine, désintéressée, ayant pour objet les formes pures de la vérité, de la beauté, de la bonté morale, c’est-à-dire, pour prendre l’expression la plus compréhensive et la plus consacrée par les respects du passé, Dieu lui-même, touché, perçu, senti sous ses mille formes par l’intelligence de tout ce qui est vrai, et l’amour de tout ce qui est beau.
De même en entrant dans la vie, les uns aspirent à se mêler à la lutte, les autres sont ambitieux de faire fortune ; mais il est quelques âmes d’élite qui, méprisant les soins vul-gaires, tandis que la plèbe des combattants se déchire dans l’arène, s’envisagent comme spectateurs dans le vaste amphithéâtre de l’univers.
La première condition pour être disciple de Jésus était de réaliser sa fortune et d’en donner le prix aux pauvres.
Chacun se fait, sans pitié pour le pays, une petite fortune particulière dans un coin de la grande infortune publique.
Dumarsais, jeune encore, avide de se faire un nom, n’ayant à risquer ni place ni fortune, admirateur de Fontenelle & plus philosophe que lui, plus idolâtre de la liberté des sentimens, écrivit pour le justifier contre les imputations de son critique.
Je suis juste, comme vous voyez ; je ne demande pas mieux que d’avoir à louer, surtout Baudouin, bon garçon que j’aime et à qui je souhaite de la fortune et du succès.
Un des endroits du livre qui m’a plu davantage, c’est le tableau qu’il fait, à la fin du troisième volume, de la vie qu’il voudrait mener, s’il avait de la liberté et de la fortune.
En province, où elle vécut d’abord ; à Paris, où elle vint plus tard, elle n’aspira jamais qu’à être la Philaminte d’un cercle mieux composé que celui des Femmes savantes, et dont les Vadius et les Trissotin ne furent rien moins que Soumet, alors dans toute sa gloire, — Soumet, sur le corps de qui ont passé Lamartine et Victor Hugo, — Guiraud, Émile Deschamps et le marquis de Custine, un grand artiste à peu près inconnu, très grand seigneur avec la gloire qu’il n’a pas courtisée, et dont le marquis de Foudras, l’héritier de son immense fortune, a oublié de publier les œuvres complètes, quand on imprime celles de Mme Gay !